mercredi 15 janvier 2025

Il était une fois la gastronomie : Une histoire de l’art culinaire

Se nourrir est longtemps resté un besoin primaire. Les habitudes des chasseurs cueilleurs dans ce domaine ont changé avec l’apparition du feu puis de l’agriculture mais il faudra attendre la naissance des civilisations pour que la diversité alimentaire s’intensifie. Dans l’Antiquité les épices dominent, au Moyen-Age, les nobles se gavent de plats lourds et bien trop caloriques pendant que les paysans se contentent de légumes et de céréales. 

C’est grâce à Catherine de Médicis que la gastronomie et les arts de la table vont gagner en raffinement. Louis XIV prend son dîner en public alors qu’après la révolution, les cuisiniers des aristocrates quittent leurs patrons pour ouvrir des restaurants. Paris devient une référence en la matière en Europe, une position qui se renforcera sous Napoléon. C’est à cette époque que naît une autre révolution, celle des conserves, bientôt suivie par le début des chambres froides. Le 19ème siècle voit aussi apparaître les critiques culinaires dans les journaux et le début du 20ème la première édition du guide Michelin. 

Après les privations de la seconde guerre mondiale, les outils de cuisine et la façon de consommer font un saut dans la modernité. Plus tard, les nutritionnistes entrent en guerre contre la malbouffe, la demande de bio et de végétal s’accroît aussi vite que la construction de fastfood. Finalement, chacun choisit son alimentation selon ses goûts et ses moyens. Manger est toujours vital, mais la cuisine est aussi un marqueur culturel pour tous les peuples du monde. Et une source de revenus pour les influenceurs qui en ont fait leur fonds de commerce.

Pas simple de balayer des millénaires d’histoire de la gastronomie. C’est à la fois trop rapide, trop bavard et incomplet. Les auteurs proposent une présentation chronologique, parsemée de portraits des grands noms de la cuisine française. On a malheureusement souvent l’impression de crouler sous des informations dont on peine à faire le tri entre l’essentiel et l’anecdotique. Heureusement, de petites touches d’humour offrent des respirations bienvenues dans la densité du texte. 

Le projet était ambitieux, sa réalisation souffre d’une trop grande volonté d’exhaustivité. Le résultat final en impose mais il aurait sans doute été préférable de scinder cette histoire de la gastronomie en deux tomes pour la rendre plus digeste.

Il était une fois la gastronomie : Une histoire de l’art culinaire. Delcourt, 2024. 160 pages. 25,95 euros.



Toutes les BD de la semaine sont chez Fanny





mercredi 8 janvier 2025

Au chant des grenouilles T2 : Le concours - Barbara Canepa, Anaïs Halard et Jérémie Almanza

Dans l'épisode précédent, on avait laissé les membres du club du samedi chercher LA recette parfaite pour remporter le grand concours de pâtisserie organisé par le village. On retrouve dans ce deuxième tome nos amis animaux déterminés à créer le gâteau qui leur permettra de rafler la mise en respectant les trois contraintes imposées par le règlement : utiliser un légume, trouver un ingrédient provenant d'un arbre qui ne soit pas un fruit classique et ne rien acheter en magasin. Basil le grillon, Fog le corbeau et Vanille la chouette sont fiers de leur réalisation et ne doutent pas un instant que le jury va succomber à leur douceur. Ils ne vont malheureusement pas se tromper, pour leur plus grand malheur !

Particularité de cette série, chaque tome est réalisé par un dessinateur différent. Dans ce deuxième volume, le trait de Jérémie Almanza est moins rond que celui de Florent Sacré mais l’ambiance chaleureuse qui se dégage de l’environnement sylvestre reste présente. Les décors intérieurs sont particulièrement soignés et donnent envie de s’installer au coin de la cheminée sous un plaid pour papoter avec nos héros. L’histoire est simple, linéaire, et les illustrations pleine page permettant de mieux comprendre les mystères de la nature et les secrets de la forêt continuent d’offrir des respirations bienvenues dans le récit. 

Une lecture apaisante. L'intrigue apporte un semblant de mystère qui n'a rien d'anxiogène, ce n'est clairement pas le but. On évolue plutôt ici dans un environnement "doudou" où il fait bons vivre des aventures simples, sans enjeux démesurés. Franchement, ça fait du bien !

Au chant des grenouilles T2 : Le concours de Barbara Canepa, Anaïs Halard et Jérémie Almanza. Oxymore, 2024. 48 pages. 14,95 euros.

Mon avis sur le tome 1 : https://litterature-a-blog.blogspot.com/2024/05/au-chant-des-grenouilles-t1-urania-la.html


Les BD de la semaine sont à retrouver chez Blandine








mercredi 1 janvier 2025

Le top de l'année : les romans


De trop rares excellentes lectures cette années mais les trois qui suivent ont vraiment été de magnifiques surprises.  Des vrais coups de cœur, quoi !




De très loin ma meilleure lecture de l’année. Le propos est dense, profond, poétique et engagé. La réflexion d’une incroyable maturité, intime et pudique, sensible et sans faux-semblants. Un petit bijou d’une grande qualité littéraire ! 

Mon avis complet : https://litterature-a-blog.blogspot.com/2024/10/dire-babylone-safiya-sinclair.html




Un texte magnifique, une lecture poignante, où le drame ne sombre à aucun moment dans le mélo. Des personnages qui ne s’oublient pas, dans une langue magnifiée par une traduction incroyable. La littérature irlandaise est décidément pleine de ressources.

Mon avis complet : https://litterature-a-blog.blogspot.com/2024/08/parfois-le-silence-est-une-priere-billy.html




Encore un roman sur la guerre d’Algérie. Certes, mais celui-ci est au-dessus du lot, proposant un texte choral, épuré à l’extrême, dans une versification libre qui, loin d’être bancale, est d’une grande puissance. A peine 120 pages et une grosse claque !

Mon avis complet : https://litterature-a-blog.blogspot.com/2024/09/lappele-guillaume-viry.html





lundi 30 décembre 2024

Mes flops de l'année

 Quand ça ne veut pas...

Beaucoup de lectures moyennes cette année, de trop rares vraiment excellentes (j'y reviendrai) et quelques unes dont je me serais bien passées. Voici donc mon trio de flops de l'année, transformé en quatuor par un dernier titre qui apparaît dans cette catégorie non pas à cause de sa qualité mais en raison d'un problème « technique » fort préjudiciable.


De loin ma pire lecture de l’année ! Trop de gnangnan, trop de feelgood, trop de dialogues ridicules, trop de volonté de vouloir me remonter le moral avec des personnages « positifs », bienveillants et empathiques alors que mes goûts de lecteur penchent très lourdement du côté les losers doublés de fieffés salopards. Inutile de vous dire que la conclusion de ce conte de fée où tout est bien qui finit bien m’a achevé…

Mon avis complet : https://litterature-a-blog.blogspot.com/2024/10/cur-damande-yasmina-khadra.html



Les premières pages m’ont emballé, la suite beaucoup moins. Trop onirique et pas assez réaliste, j’ai rapidement décroché et traîné pour aller jusqu’au bout du roman, surtout par respect pour un auteur que j’apprécie énormément. Bref, un long chemin de croix de 425 pages qui restera sans aucun doute comme ma BA de l’année.

Mon avis complet : https://litterature-a-blog.blogspot.com/2024/10/les-sentiers-de-neige-kevin-lambert.html


Je n’ai pas fait de billet sur ce roman parce que je n’aime pas dire du mal des auteurs que j’adore mais force est de constater qu’à chaque nouvelle publication Richard Krawiec s’enfonce un peu plus dans un pathos dégoulinant et une accumulation dramatique où la quête incessante de la compassion du lecteur pour ses personnages devient vraiment pénible. Un titre parfait pour celles et ceux qui aiment chialer face caméra en donnant leur avis sur les réseaux mais je ne suis clairement pas le bon client pour ce genre de texte où on essaie de me tirer des larmes à longueur de page.



Un flop de frustration avec ce premier tome de la série Long London signé du cultissime Alan Moore. L’histoire est prenante, l’imagination de l’auteur des Watchmen toujours aussi fertile et l’univers créé appelle des développements à l’évidence passionnants. Quel est le hic me direz-vous ? Et bien tout simplement que le livre a un « trou » de 50 pages, passant de la 240 à la 289, pile au moment où l’intrigue atteint son climax ! Autant vous dire que payer 25 euros un roman certes excellent mais qui souffre d’un manque criant (de pages), c’est plus que frustrant ! Mon libraire a évidemment repris mon exemplaire et m’en a commandé un nouveau. J’espère juste qu’il ne souffrira pas du même défaut et que je pourrais terminer ma lecture sans accroc. 





mercredi 18 décembre 2024

Somna - Becky Cloonan et Tula Lotay

On ne sait pas vraiment où l’on est. On ne sait pas non plus à quelle époque. Disons juste que, vu l’environnement et l’état d’esprit, on pourrait très bien se retrouver dans l’Angleterre du 17ème siècle ou dans l’Amérique des premiers colons à peine descendus du Mayflower. En tout état de cause, l’ambiance est lourde dans le petit village où vit Ingrid. Greta, accusée de sorcellerie, vient d’être brulée en public. Et l’inquisiteur qui l’a condamnée au bûcher n’est autre que le mari d’Ingrid. Cette dernière, se sentant délaissée par son époux, reçoit la visite chaque nuit dans son sommeil d’une figure fantomatique provoquant en elle un trouble qu’elle peine de plus en plus à cacher. Perturbée par la situation, elle oscille entre honte et tentation de se laisser submerger par le désir.

Un roman graphique étonnant, à la croisée des genres, mélangeant le récit historique au thriller, le fantastique à l’érotique. Dénonçant à la fois le puritanisme, le fanatisme religieux et le patriarcat, les autrices font de cette chasse aux hérétiques une apologie de l’émancipation féminine et du droit au fantasme. La prise de position peut parfois sembler manquer un peu de nuances tant elle enfile les clichés comme des perles, mais au final le message passe avec une indiscutable efficacité.

Graphiquement le contraste est saisissant entre les phases d’éveil d’Ingrid et celles où elle navigue dans ses rêves torrides. L’ambiance sombre et tendue, oppressante à souhait, est restituée à merveille par une colorisation où la lumière n’a pas sa place. Difficile de ne pas penser aux Sorcières de Salem (la pièce d’Arthur Miller) ou à La lettre écarlate (le roman de Nathaniel Hawthorne) en parcourant cette charge assumée contre l’obscurantisme de l’église et ses réactions excessives face à un désir féminin forcément associé à l’incarnation du Malin.

Somna de Becky Cloonan et Tula Lotay. Delcourt, 2024. 190 pages. 23,75 euros.



Toutes les BD de la semaine sont chez Noukette







mercredi 11 décembre 2024

Inoubliables T2 - Fabien Toulmé

Toulmé = humanité. Pas à dire, chacun de ses albums dégouline d’humanité. Qu’il s’intéresse au sort d’un migrant, qu’il raconte ses premiers pas de parent d’enfant trisomique, qu’il parte au Bénin, au Liban, en Corée du Sud ou aux Comores pour rencontrer des citoyens en lutte ou qu’il imagine l’histoire d’amour passionnée d’une mamie, à chaque fois il me transperce le cœur par sa capacité à la fois humble et respectueuse de recueillir et de retranscrire la parole des personnes qu’il dessine.

Ce deuxième tome de la série Inoubliables ne fait évidemment pas exception à la règle. Au menu on retrouve cinq témoignages aussi poignants que différents : une rescapée d’une avalanche, une victime de relation amoureuse toxique, un chanteur en ehpad, un homme qui a dû refouler son homosexualité pendant quarante ans par peur des conventions sociales et un civil ukrainien devenu soldat pour défendre sa patrie. Chaque histoire est authentique, chaque confession est à la fois intime et pleine de dignité. 

Niveau dessin, le découpage est toujours aussi simple, se déclinant le plus souvent en gaufrier de six cases. Et niveau émotion, l’empathie de l’auteur pour les interviewés fait le reste. Sans jamais tomber dans le mélo il raconte l’événement le plus marquant de leur vie avec un mélange d’affection, d’admiration et de bienveillance qui force le respect. Bref, une fois encore (et sans doute pas la dernière) Toulmé m’a touché !

Inoubliables T2 de Fabien Toulmé. Dupuis, 2024. 160 pages. 20,50 euros.



Toutes les BD de la semaine sont chez Moka








vendredi 6 décembre 2024

Fabuleux Japon

Je ne sais pas si j’irai un jour au Japon mais si tel est le cas, j’aimerais que ce guide de voyage m’accompagne. Un guide au format un peu supérieur à ce que l’on trouve d’habitude (13x23 cm) qui pourra néanmoins se glisser dans un sac ou une valise sans se montrer trop encombrant. Les nombreuses photos sont accompagnées d’une vingtaine de cartes et d’une soixantaine d’encadrés venant compléter des textes plus longs qui s’attardent sur chaque lieu présenté.

En ouverture, le chapitre « portrait » permet d’en apprendre davantage sur la géographie, le climat, l’histoire, les religions et l’économie. Les dix circuits présentés ensuite offrent une traversée de l’ensemble des huit régions du pays. Celle du Kansai (Kyôto et Osaka) et l'île de Kyūshū (Fukuoka et Nagasaki) ont droit à des chapitres plus importants que le Tohoku (Fukushima) et l’île de Shikoku mais au final chaque territoire se voit accorder toute l’attention qu’il mérite. Différents itinéraires hors des sentiers battus sont également proposés, de Kyôto au Mont Fuji ou du Tohoku à Hokkaidō, entre autres. Arts, spiritualité, sites historiques, expériences typiques, urbaines et familiales, les suggestions sont classées selon les goûts afin que chacun puisse y trouver son compte. En conclusion, une dernière partie vient approfondir divers sujets tels que la faune et la flore, les sports les plus populaires, les fêtes traditionnelles, la gastronomie ou encore la langue et l’écriture.

Un guide haut de gamme, dense et exhaustif tout en restant fluide et aéré en termes de mise en page. Clairement, cette deuxième édition actualisée mérite de figurer dans les bagages de chaque voyageur en partance pour le Japon. 

Fabuleux Japon (2ème édition). Ulysse, 2024. 290 pages. 29,00 euros.




mercredi 4 décembre 2024

Soda Hors Série T1 + T2 de Tome et Dan

Perplexe. Voilà dans quel état m’a laissé ce diptyque. Un diptyque que n’aura malheureusement pas pu achever son scénariste Tome, décédé avant d’avoir pu boucler la fin de l’histoire. À la demande de ses enfants, ce sont Zidrou et Falzar qui ont accepté d’imaginer le dénouement. Clairement, ce scénario est la seule et unique raison de ma perplexité. On y déroule en effet dans le 1er tome une idéologie 100% complotiste à propos des terribles événements du 11 septembre. J’ai d’abord voulu croire que Tome allait se jouer de ces théories fumeuses pour mieux les débunker mais les notes de fin d’album laissent entendre qu’il y adhère sans beaucoup d’ambigüité. En tout cas il se permet de douter grandement des conclusions officielles. Et j’avoue que ça me pose de gros problèmes.

Pour ceux qui ne connaissent pas Soda, la série existe depuis 1987. Elle met en scène un flic new-yorkais vivant avec sa mère cardiaque. Pour ne pas révéler sa véritable activité à sa maman et risquer de lui briser le cœur (au sens propre), il sort et rentre chaque jour chez lui habillé en pasteur. L’homme de loi déguisé en homme de foi cache sous sa veste un flingue dont il se sert plus souvent que la majorité de ses confrères. Il faut dire que Soda attire les ennuis et enchaîne courses-poursuites, bagarres et échanges de tirs. Un mélange d’action et de comédie dans le décor parfaitement reconstitué de Big Apple qui offre un divertissement agréable et sans prise de tête.

Mais avec ce diptyque, le changement de ton est radical, le propos est plus sombre, la tension dramatique plus palpable. Et surtout, les sous-entendus complotistes se multiplient. Qui tirent les ficelles ? « Ils » évidemment. Qui ça ? Ben, « le réseau ». Ok, on n’en saura pas plus. Les avions ont fait tomber les tours ? N’importe quoi. Les terroristes islamistes ? Un écran de fumée déployé par le gouvernement américain pour justifier des invasions militaires en Irak et en Afghanistan. Les médias ? Manipulés. Les forces de l’ordre ? Manipulées. Le peuple de moutons qui avale tout ce qu'on lui dit sans se poser de question ? Manipulé bien sûr. Autant je peux comprendre la critique de la dérive sécuritaire et des technologies de contrôle de la population post 11 septembre (notamment le Patriot Act), autant la présentation des faits alternatifs comme seule vérité possible m’est insupportable.

Zidrou et Falzard signent les quinze dernières pages de l’album. Ils tentent de s’écarter du complotisme pour recentrer le propos vers une explication finale « plus acceptable » mais le fait est que ça ne fonctionne pas. Bref, un gros raté de bout en bout. Soda mérite mieux que ça.

Soda 1/2 : Résurrection de Tome et Dan. Dupuis, 2024. 56 pages. 13,50 euros
Soda 2/2 : Révélations de Tome et Dan. Dupuis, 2024. 56 pages. 13,50 euros


Toutes les BD de la semaine sont chez Fanny




mercredi 27 novembre 2024

À la ligne : feuillets d’usine - Julien Martinière (d'après le roman de Joseph Ponthus)

La Bretagne, Joseph Ponthus s’y est installé pour suivre sa femme. Sans emploi, il a écumé les boîtes d’intérim et enchaîné les missions dans l’agroalimentaire, entre usines de transformation des produits de la mer et abattoir. A chaque fois, un rythme infernal à tenir, une pénibilité XXL, une fatigue qui vous terrasse à la fin de la dernière heure de la journée et ne vous quitte pas jusqu’à celle de la reprise de poste le lendemain. Le monde de l’usine est un monde à part où il faut appréhender le bruit et les odeurs, où il faut tenir le rythme des horaires décalés, où le travail à la chaîne n’accepte aucun maillon faible. Une plongée brutale dans un environnement industriel dont il faut apprendre à maîtriser les codes pour s’y sentir accepté. Joseph ne connaissait rien à cet univers avant de le fréquenter. Il découvre des relations hiérarchiques compliquées, des collègues plus ou moins « fréquentables », une précarité propre au statut d’intérimaire qui ne lui offre aucune certitude sur la durée et l’oblige à travailler les jours de grève pour ne pas voir sa mission stoppée avant son terme. Il comprend que sa vie de famille va être bouleversée (il dort quand sa femme part, il n’est pas là quand elle rentre…), et que ses rares moments de respiration seront consacrés à promener son chien sur la plage, entre deux tasses de café.


Il fallait être culotté pour se lancer dans l’adaptation en BD d’un livre devenu depuis sa publication un « classique »contemporain. On y retrouve cette réflexion sans arrière-pensée sur le monde ouvrier, cette succession, par petites touches, d’impressions, de ressentis, cette affection qui se développe petit à petit pour une population de travailleurs très différente de ce que le narrateur a l’habitude de côtoyer. L’intérêt tient beaucoup dans le fait que Ponthus n’est pas un sociologue en immersion, c’est juste un gars qui a besoin de bosser pour payer les factures. Ce statut de « véritable » salarié de l’usine donne une sincérité à son témoignage qui éloigne tout jugement de classe. 

L’adaptation est hyper fidèle, le texte étant retranscrit, certes pas dans son intégralité, mais au mot près pour chaque passage sélectionné. Je ne sais pas si cela a desservi l’album mais j’ai trouvé que les premiers chapitres étaient trop sages, trop respectueux de l’œuvre d’origine. Le noir et blanc et le dessin au rotring, quasi pointilliste, ont beaucoup de charme mais n’apportent finalement aucune valeur ajoutée, du moins jusqu’à l’épisode sur l’abattoir. A partir de là, Julien Martinière lâche les chevaux, proposant une vision hallucinée et ultra expressive de ce lieu infernal. L’aspect cauchemardesque est rendu avec un souffle créatif et une maîtrise graphique justifiant à eux seuls la découverte de cet album qui sonne au final comme un bel hommage à un ouvrier/écrivain trop tôt disparu.


À la ligne : feuillets d’usine de Julien Martinière (d'après le roman de Joseph Ponthus). Sarbacane, 2024. 206 pages. 25,00 euros.




Toutes les BD de la semaine sont chez Blandine


mercredi 20 novembre 2024

Les contes de la pieuvre T4 : Fannie la renoueuse - Gess

Fannie est une renoueuse. Elle possède un don, un « talent » lui permettant d’entrer dans la tête des gens pour mieux comprendre d’où viennent leurs traumatismes, qu’ils soient psychiques ou pas. L’empathie dont elle fait preuve envers ses patients lui permet de ramener sur le chemin de la raison les esprits égarés auxquels les psychiatres ne peuvent être d’aucun secours. Son talent si particulier attire l’attention de La Bouche, un des quatre chefs d’une organisation criminelle qui fait régner la terreur sur Paris. Enlevée par cette mafia, Fannie va devoir s’occuper d’un cas aussi complexe que délicat, qui pourrait lui causer les pires ennuis.

Comme toujours dans cette série, un résumé de l’intrigue ne peut qu’être incomplet tant l’histoire est riche d’éléments et de personnages multiples. Et comme toujours, l’univers créé par Gess est fascinant, reposant sur l’assemblage parfaitement construit de ses différentes composantes (Paris, le début du 20ème siècle, la pègre, des éléments fantastiques et des protagonistes hyper attachants). Si on y ajoute un petit côté feuilletonnant digne des Mystères de Paris, on se retrouve avec un album en tout point passionnant.

Les couleurs sépia, les décors, les vêtements, l’usage de l’argot, tout nous plonge dans une atmosphère typique du Paris de la fin du 19ème. Moins gothique et moins sombre que le tome consacré au « Trouveur » (le tome 2, le seul que j’avais lu jusqu‘alors), ce quatrième opus des contes de la pieuvre est une grande fresque dramatique teintée d’un semblant d’espoir. L’avantage avec cette série c’est que chaque épisode forme une histoire complète pouvant se lire indépendamment des autres. Je vais donc m’empresser de dénicher les tomes qui me manquent pour mieux cerner la richesse foisonnante de ce monde aussi dense que cohérent.

Les contes de la pieuvre T4 : Fannie la renoueuse de Gess. Delcourt, 2019. 200 pages. 27,95 euros.



Toutes les BD de la semaine sont chez Noukette