Je ne vais pas vous raconter ma vie mais j’ai eu la chance, il y a une quinzaine d’années, d’encadrer des ateliers d’écriture avec un écrivain. Je l’accompagnais dans les classes, j’aidais les différents groupes à formaliser leurs textes, je participais aux restitutions et aux corrections. Nous avions volontairement choisi des publics compliqués, des élèves de collège en grande difficulté, des classes relais, des SEGPA, des EREA, des handicapés mentaux et des déficients intellectuels qui n'étaient pas en mesure d’écrire et avec lesquels nous utilisions le procédé de la dictée à l’adulte. Pour être honnête, il ne se passait parfois pas grand-chose, tout dépendait du groupe qui était face à nous, de la bonne volonté de chacun, de notre capacité à proposer des exercices « motivants ». Mais l’écrivain qui menait les débats maîtrisait l’exercice à la perfection, sa gentillesse, sa bienveillance, son autorité naturelle, sa légitimé indiscutable et son implication totale et sans faille dans chaque atelier ont toujours permis d’aboutir à un résultat au pire satisfaisant, au mieux totalement bluffant. J’ai vu des moments de grâce, des grands gaillards rebelles pleurant en lisant leur texte à voix haute devant leurs camarades, prêts à casser la figure au premier qui se fouterait d’eux. J’ai vu des profs sceptiques au départ retournés comme des gants au bout de quelques semaines. Ça reste les meilleurs moments de ma vie professionnelle et j’ai pris un réel plaisir à la lecture de ce roman de Jean-Philippe Blondel qui sent le vécu à plein nez et m’a rappelé bien des souvenirs.
Ils sont touchants ces lycéens. Et loin de toute caricature. L’atelier d’écriture va engendrer une émotion non feinte, une plongée dans leur intimité, dans le tumulte d’une adolescence où l’on ne cesse de se poser des questions, tant sur le présent que sur l’avenir. Ils sont si différents les uns des autres et en même temps tellement à l’écoute les uns des autres. L’acte d’écrire devient un lien solide qui les unis, il sonne comme une révélation permettant de livrer des secrets, de confier des sentiments jamais partagés, sans retenu mais avec dignité.
Un roman jeunesse qui dit le pouvoir de l’écriture, la force de cette mise à nu qui pousse à se dévoiler sans tricher. L’ensemble est maîtrisé de bout en bout, j’ai aimé cette conclusion abrupte, limite frustrante, qui correspond parfaitement à ce que peut être la fin d’une telle aventure. Une fois encore, Jean-Philippe Blondel sonne juste, terriblement juste. Un de ses meilleurs textes, dans une bibliographie qui, de toute façon, ne souffrait déjà d’aucune fausse note. C’est suffisamment rare pour être souligné.
Le groupe de Jean-Philippe Blondel. Actes sud junior, 2017. 128 pages. 13,00 euros. A partir de 13-14 ans.
Une pépite jeunesse que je partage comme chaque mardi ou presque avec ma chère Noukette.