Ne sommes nous pas finalement tous, à différents degrés, otages de quelqu’un ou de quelque chose ? Etienne l’a bien sûr été au sens le plus « extrême » du terme, mais sa mère et ses amis le sont à leur façon et pour diverses raisons. Etienne cherche le silence et la solitude. Il cherche un horizon « pour que les images s’éloignent lentement, pour les suivre des yeux jusqu’à perdre la vue ». « On ne peut pas se remettre de ça. […] Pour vivre, il faut inventer une nouvelle façon. On ne peut pas juste reprendre la vie d’avant. […] Inventer le visage neuf des jours neufs ».
Comment vous dire… c’est un bonheur de retrouver la petite musique de Jeanne Benameur, ses phrases courtes qu’elle semble vous chuchoter à l’oreille, ses personnages travaillés à l’extrême qu’elle porte à bout de bras et auxquels elle accorde une tendresse si particulière, cette humanité débordant à chaque page. Une humanité qui, malgré les obstacles et les blessures, pousse chacun à aller vers l'apaisement. Ici, elle interroge sur le rapport aux autres, aux siens, à soi-même, à l’Histoire. Elle touche à l’intime avec une pudeur et une simplicité bouleversantes, avec une économie de moyens et d’effets qui donne à chaque mot une résonance unique. C’est beau, sans la moindre ostentation, sans chercher à en faire des tonnes sur un sujet qui pourrait pourtant facilement tirer vers le pathos et le larmoyant. Superbe et intense.
Otages intimes de Jeanne Benameur. Actes sud, 2015. 195 pages. 18,80 euros.
Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec trois drôles de dames de choc, Framboise, Leiloona et Noukette.