dimanche 7 juin 2015

Myrmidon T4 : Myrmidon sur l'île des pirates - Dauvillier et Martin

Dans ce nouvel album, Myrmidon trouve son déguisement au fond de l'eau. Un costume de pirate avec sabre, veste et chapeau. Mais en le remontant avec sa canne à pêche, le petit garçon va aussi faire surgir d'affreux squelettes. Pour leur échapper, il décide prendre la mer. Pas forcément une bonne idée...

Après les cow-boys, les extraterrestres et les dragons, voilà donc Myrmidon aux prises avec des pirates. Aucune lassitude malgré le schéma narratif se répétant à chaque fois : entrer dans un costume, se projeter dans un univers imaginaire et vivre de nombreuses péripéties, l'impression de déjà-vu possède au contraire un aspect rassurant. Parce que l'on sait d'avance que malgré les événements et des éléments perturbateurs parfois anxiogènes (surtout ici des squelettes!), tout va bien se terminer. D'ailleurs Myrmidon affronte les épreuves que lui offre son imaginaire avec le sourire. Lui aussi sait que l'aventure n'est qu'une parenthèse avant le retour à la situation initiale et au réel.

Ce coté « structurant » offre un cadre dans lequel le petit lecteur va se sentir à l'aise. Il va apprécier retrouver un personnage « mascotte » auquel il est facile de s'identifier, retrouver les décors minimalistes lui permettant de se focaliser sur l'action et retrouver les codes graphiques utilisés depuis le début de la série pour différencier les éléments du rêve et ceux de la réalité. Bref, dans cet univers muet et pourtant très parlant, il va être chez lui, prêt à passer un bon moment avec un bon copain. Aussi efficace qu'imparable !

Myrmidon T4 : Myrmidon sur l'île des pirates de Dauvillier et Martin. Éd de la Gouttière, 2015. 32 pages. 9,70 euros. A partir de 3-4 ans.

L'avis de Mo'



vendredi 5 juin 2015

Le principe - Jérôme Ferrari

Un roman retraçant le parcours de l’allemand Werner Heisenberg, prix Nobel de Physique 1932 et fondateur de la mécanique quantique, il aurait normalement fallu se lever tôt pour que je m’y colle. Moi pour qui les sciences en général et les maths en particulier sont un mystère totalement incompréhensible (oui, j’ai eu 2/20 au bac, même pas honte !), je n’allais pas me laisser embarquer dans une lecture pareille. Sauf que l’auteur se nomme Jérôme Ferrari. Et parce que je considère ce monsieur comme l’un des plus grands écrivains français actuels, je suis prêt à le suivre sur tous les terrains, même les plus improbables. Si son prochain roman aborde la reproduction de l’escargot d’aquarium, je foncerais les yeux fermés, comme j’ai foncé ici pour découvrir ce qui se cachait derrière « Le principe ».

Et le pire c’est que j’ai presque tout compris (enfin, en gros, il ne faut pas pousser non plus). En gros, donc, Heisenberg découvrit en 1927 le principe d’incertitude selon lequel on ne peut connaître en même temps la vitesse et la position d’une particule élémentaire. Une découverte qui changea la face du monde, conduisant quelques années plus tard à la fission nucléaire et à Hiroshima. Je vous la fait courte mais je ne suis pas, intellectuellement parlant, dans la capacité de développer davantage (il ne faut pas pousser non plus – bis). Sachez juste qu’à travers Heisenberg, Ferrari dresse le portrait de ces scientifiques auxquels il « fut donné pour la première fois de regarder par-dessus l’épaule de Dieu ».

Quand l'auteur d'Où j'ai laissé mon âme s’empare d’un tel sujet, il ne donne pas dans le documentaire pédagogique. Il bouscule la chronologie et offre à son récit la prose majestueuse et exigeante qui le caractérise. Des phrases à la beauté foudroyante, s’étalant sur une demi-page ou ramassées sur elles-mêmes, sèches comme un coup de trique. J’ai adoré le vouvoiement du narrateur à l’adresse d’Heisenberg, cette proximité s’installant, presque intime, entre un petit personnage d’aujourd’hui interpellant un grand personnage d’hier pour mieux comprendre un monde où « rien ne peut sauver de la solitude l’homme qui ne rencontre que lui-même. C’est ainsi. Ce monde qui nous prolonge et nous reflète est plus terrifiant, plus étranger, plus hostile que ne le fut jamais la nature sauvage ».

Oui, Heisenberg a mis sa science au service des nazis. Mais conscient du danger potentiel que pourraient engendrer ses travaux, il a fait traîner les choses, incapable de répondre à une question fondamentale, bien plus philosophique que scientifique : un savant doit-il renoncer au progrès à partir du moment où il prend conscience que sa découverte peut détruire le monde ? De toute façon, il n’y a aucun jugement, aucune condamnation dans cet ouvrage. Comme si le principe d’incertitude s’appliquait aussi à celui qui l’a découvert.

Je n’ai pas envie de rentrer dans les détails. Ce texte, il faut s'en délecter, se laisser porter par son rythme harmonieux, par son ampleur, sa mélodie d’une grâce sidérante. Le ton est altier, ne s’embarrassant ni de dialogues ni de descriptions, dans une forme d’épure qui va à l’essentiel. Le dernier chapitre offre un ultime et sublime trait d’union entre deux époques (l’actuelle et celle de la bombe) où la folie des hommes, même si les temps ont changé, reste toujours aussi incontrôlable. Vertigineux !

Le principe de Jérôme Ferrari. Actes Sud, 2015. 160 pages. 16,50 euros.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Hélène, Philisine et Une Comète.















jeudi 4 juin 2015

Le premier Dieu - Emanuel Carnevali

Une mère morphinomane, un père et un frère violents, les pensions sordides où il fut très tôt placé… Emanuel Carnevali, né à Florence en 1897, eut une triste enfance avant son départ pour l’Amérique à l’âge de 16 ans. Il débarqua seul à New-York et vécut dans un dénuement extrême, enchaînant des petits boulots de serveurs qu’il était incapable de conserver et naviguant de meublés crasseux en logis insalubres, sans jamais rien posséder d’autre que ses quelques vêtements. C’est à Chicago qu’il trouva un certain équilibre, se maria et commença à être reconnu en tant que poète. Mais frappé d’encéphalite en 1920, il retourna en Italie pour enchainer les séjours en maisons de santé jusqu’à sa mort, le 11 janvier 1942.

Comme presque toujours lorsque j’attends beaucoup d’un ouvrage, c’est la déception qui prédomine au final. Il avait pourtant tout pour me plaire Carnevali avec sa vie chaotique comme c’est pas permis : la misère, l’exil, la rage au ventre, la poésie chevillée au corps, la mort à 45 ans des suites d’une longue maladie dans la solitude d’un sanatorium, que d’arguments pour me faire grimper aux rideaux ! Sauf que j’ai d’autres références en la matière. L’italien qui bouffe de la vache enragée aux États-Unis dans la première moitié du 20ème siècle, c’est pour moi John Fante qui l’incarne le mieux. D’ailleurs entre les deux, il n’y a pas photo tant Fante est intouchable. Et l’éditeur qui annonce que « Carnevali allie la puissance évocatrice de la poésie de Bukowski avec le sens du familier que l'on trouve par exemple chez Philip Larkin ». Euh… je ne connais pas Larkin mais pour le reste, on est à des années lumière de Bukowski. Où sont l’humour, l’autodérision, l’écriture qui marche droit au but, sans la moindre fioriture, comme si elle suivait une voie ferrée traversant l’enfer ? Pas chez Carnevali en tout cas. Il est bien trop geignard, il se prend trop au sérieux, il disserte trop sur des petits rien sans intérêt.

J’ai dû lutter pour voir le bout de ce recueil regroupant l’ensemble des ses écrits en prose, la plupart totalement autobiographiques. Tellement de longueurs et de précisions inutiles. C’est dommage car certains passages sont d’une grande beauté et portés par un souffle littéraire remarquable (par exemple lorsqu’il décrit les charmes de Venise), mais noyés dans la masse, ils ne parviennent pas à sortir véritablement du lot. Une déception donc. Je suis néanmoins ravi d’avoir découvert une figure importante de la poésie italienne que je ne connaissais pas du tout.

Le premier Dieu d’Emanuel Carnevali. La Baconnière, 2015. 320 pages. 18,00 euros.

Les avis de Nahe et Syl










mardi 2 juin 2015

Le premier mardi c'est permis (37) : Mademoiselle S. : Lettres d’amour, 1928-1930

« Il n’y a pas de phrases, si éloquentes soient-elles, qui puissent exprimer toute la passion, toute la fougue, toute la folie que contiennent ces deux mots, « notre amour ». […] Oui, je t’aime d’un amour absolu, je t’aime avec mon cœur, mais aussi et surtout avec mes sens, avec ma chair, et je te veux tout entier, entends-tu, cher amour. Je veux qu’aucun repli de ta chair n’échappe à mes caresses, à mes baisers. »

En vidant l'appartement d'une amie, le diplomate Jean-Yves Berthaud a découvert dans la cave une lourde sacoche en cuir contenant 185 lettres, toutes signées d’une certaine Simone. Des lettres oubliés depuis des décennies, écrites entre 1928 et 1930, adressées à un homme prénommé Charles et racontant une relation torride dont la montée en puissance permanente atteignit des sommets de luxure difficilement imaginables. La grande majorité de ces lettres n’étant pas datées, Mr Berthaud  passa près d’un an à en reconstituer la chronologie. Pour écarter tout canular, il les fit authentifier par un cabinet parisien spécialisé dans les autographes et documents historiques (le certificat de l’expert est reproduit au début du recueil). Un tiers environ des lettres sont présentes dans l’ouvrage et soulignent le caractère incroyablement moderne d’une femme de l’entre-deux-guerres libérée et qui s’assume pleinement.

Mais qui était Simone ? A l’évidence une jeune femme de bonne famille, lettrée, dont la prose élégante se pare sans crier gare d’une folle obscénité, faisant voler en éclat toute forme de bienséance. Charles, son amant, semble moins âgé qu’elle. Adepte de la brutalité et des jeux pervers, il n’est apparemment pas célibataire, n’habite pas Paris et leurs rencontres, aussi incandescentes que clandestines, sont tout sauf régulières. Pour le reste, difficile d’être plus précis faute d'informations supplémentaires.

Quoi qu’il en soit, au-delà des passages sauvagement pornographiques et d’une totale transgression, ces lettres de l’aimée à « son adoré » soulignent les doutes, les craintes et la douleur ressentis par Simone. Peur de la lassitude, de ne plus être à la hauteur, de voir le désir de Charles « s’éteindre comme une flamme sous le souffle brusque du vent ». C’est ici que la confession prend une autre dimension. Car au fil du temps, on sent poindre la tragédie à venir, on voit affleurer quelques fêlures, on passe de l’extase au désespoir et l'on découvre une dernière lettre absolument bouleversante (« j’attends ta décision et je l’accepterai sans faiblir si ton cœur a cessé de battre à l’unisson du mien »). Fabuleux portrait d’une amante à la fragilité touchante et à l’audace sans équivalent. Témoignage inédit d’une femme prête aux sacrifices et aux abandons les plus extrêmes par amour, et pas seulement l’amour de la chair. Impossible d’oublier les lettres de mademoiselle S., elles m’ont marqué au fer rouge. Un recueil unique, à mettre entre les mains de tout amateur de littérature érotique. Franchement, c'est du très, très grand art !

Extrait très, très soft…

« J’ai joui de toutes mes forces, sous tes coups, sous ta brutalité. J’ai joui surtout par ta possession savante. Je veux revivre cette jouissance que jamais je n’avais connue dans l’étreinte ordinaire qui me laisse froide et insensible. Jamais, entends-tu, je ne veux la connaître avec toi. Parce que je sais que nous serions déçus l’un et l’autre. Et puis nous descendrions au niveau des amants ordinaires alors que nous planons dans les sphères défendues, que nous sommes des « hors-la-loi », des vicieux, des passionnés, tout ce qui fait notre amour. »

Mademoiselle S. : Lettres d’amour, 1928-1930. Gallimard, 2015. 250 pages. 19 euros.

PS : pour être tout à fait honnête, j’ai quand même de gros doutes sur l’authenticité de certains passages. Je me demande s’il n’y pas eu par moments quelques rajouts, ou des scènes réécrites pour être davantage dans l’air du temps. Mais le sérieux de l’auguste maison Gallimard me laisse aussi à penser que je me goure totalement et que tout est absolument véridique dans ces lettres. J’en serais encore plus baba…



Tous chez Stephie pour fêter aujourd'hui le
4ème anniversaire de son incontournable rendez-vous !








lundi 1 juin 2015

La grammairienne et la petite sorcière - Alain Bonnand

« Je tiens à être léger jusque dans le sac à main de mes lectrices ! » (p.62)

Toute l’ambition littéraire d'Alain Bonnand tient dans cette phrase il me semble, et n’y voyez aucune moquerie de ma part, bien au contraire. Il m’avait enchanté avec le délicieux « Il faut jouir Edith » et c’est un vrai plaisir de le retrouver ici dans le même registre épistolaire, certes moins explicitement érotique mais tout aussi agréable à lire.

Une universitaire contacte un écrivain auquel elle voudrait consacrer une étude. Ne souhaitant pas répondre favorablement à sa demande, il n’engage pas moins avec elle une correspondance espiègle, tout en suggestion et qui, à l’évidence, ne laisse pas la jeune femme indifférente…

J’ai adoré retrouver l’esprit d’approche tout en nuance de ce narrateur/charmeur un brin cabot et un brin canaille. Alain Bonnand lance ses filets sans lourdeur, sans gros sabots. Il ramène sa prise (et non pas sa proie, ce n’est pas chasseur) en douceur, en dragueur à l’ancienne, certain de parvenir à ses fins sans jamais avoir l’air d’y toucher.

Une belle écriture, une belle déclaration d’amour aux femmes empreinte d’un soupçon de nostalgie, et une belle leçon de séduction. Comment aurais-je pu ne pas succomber ?

La grammairienne et la petite sorcière d’Alain Bonnand. Serge Safran, 2015. 134 pages. 15.90 euros.

Une lecture commune que j’ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette.








samedi 30 mai 2015

Portrait de lecteur


Vu hier chez Moka, qui m'a donné envie de me prêter à mon tour au jeu des questions/réponses.


1. Plutôt corne ou marque-page ?
Je corne à mort. Même les livres empruntés à bibli (je suis un rebelle). Vous êtes prévenus si vous me prêtez un bouquin un jour !

2. As-tu déjà reçu un livre en cadeau ?
Voui, ça m’arrive très souvent. Toujours le même bonheur. Je ne jardine pas, je ne bricole pas, je ne suis pas sportif pour deux ronds, je n’ai aucun DVD à moi, je ne suis pas fan de sucreries… bref, offrez-moi un livre et vous serez certain de me faire plaisir.

3. Lis-tu dans ton bain ?
Toujours. Impensable d’aller dans le bain sans un livre, je m’occuperais comment sinon ? En regardant le plafond ? La seule exception possible, c’est quand je ne suis pas seul dans le bain…

4. As-tu déjà pensé à écrire un livre ?
Jamais. Ça ne m’intéresse pas une seconde.

5. Que penses-tu des séries de plusieurs tomes ?
En BD ça ne me pose aucun souci. En littérature j’ai tendance à fuir les séries. J’ai lu quelques trilogies de Fantasy dans le temps, je ne le ferais plus aujourd’hui.

6. As-tu un livre culte ?
Plusieurs même. Le voyage de Céline, les nouvelles de Bukowski, le Septentrion de Calaferte, Selby et son « Last Exit », « Demande à la poussière » de Fante…

7. Aimes-tu relire ?
Oui, j’aime bien, notamment pour voir si mon ressenti a changé ou si le bouquin a mal vieilli.

8. Rencontrer ou ne pas rencontrer les auteurs de livres qu’on a aimés ?
La plupart sont morts et étaient de toute façon d’affreux salopards qu’il ne valait mieux pas fréquenter. Et parmi les vivants, je ne conçois pas une rencontre comme quelque chose d'indispensable. Du tout même.

9. Aimes-tu parler de tes lectures ?
Ça se voit non ? J’aime essayer de donner envie de lire et pour cela, rien à faire, il faut parler de ses lectures. J’adore me rendre dans les classes et tenter de convaincre les élèves d’aller vers un livre. J’en fais des caisses, je survends le truc parfois, au risque qu’ils soient déçus après au moment de la lecture mais tant pis, ce sera trop tard. J’aime créer un horizon d’attente autour des livres.

10. Comment choisis-tu tes livres ?
Les conseils des copines en premier, la presse écrite, les sites des éditeurs et bien sûrs les nouveautés des auteurs que j'apprécie. J’aurais aimer rajouter mon libraire mais malheureusement il n’y en a aucun de compétent par chez moi.

11. Une lecture inavouable ?
Non. J’assume toutes mes lectures. Et pourtant parfois il ne vaudrait mieux pas…

12. Des endroits préférés pour lire ?
Le canapé, le lit, la voiture, les transports en commun, la plage, une salle d’attente chez le médecin, n’importe où en fait. Si la salle n’était pas plongée dans le noir, je pourrais même lire au cinéma.

13. Un livre idéal pour toi serait…
Un livre pas encore écrit et dont la découverte me mettrait les poils au garde à vous à chaque page.

14. Lire par-dessus l’épaule ?
J’adore ! Dès que je vois quelqu’un lire j’essaie de regarder le titre sur la couverture. Pas toujours évident, pas toujours très discret, mais je ne peux pas m’en empêcher.

15. Télé, jeux vidéo ou livre ?
Juste livre.

16. Lire et manger ?
Pas mon truc, trop difficile de se concentrer sur ces deux activités en même temps.

17. Lecture en musique, en silence, peu importe
Peu importe, je peux lire dans tous les environnements.

18. Que deviendrais-tu sans livres ?
Une coquille vide.

19. Tu achètes un livre sur le Net et tu le reçois un peu abîmé. Que fais-tu ?
Ben je le lis et après je le range sur mes étagères. Pour moi le livre n’est pas un objet sacré à manipuler avec les plus grandes précautions (Vous êtes prévenus si vous me prêtez un bouquin un jour - bis)

20. Quel est l’élément qui t’a donné le goût de la lecture ?
L’ennui. La recherche d’une occupation sans trop d’efforts physiques. Et une libraire qui a su me guider au départ.

21. Que penses-tu de toutes ces adaptations cinématographiques ?
Je n’en pense strictement rien, je ne regarde jamais de films. Je constate juste que la littérature est un filon inépuisable pour le cinéma alors que l’inverse ne fonctionne pas du tout, ce qui est finalement une très bonne chose.

22. Si tu ne devais retenir qu’un seul personnage rencontré dans tes lectures, ce serait lequel ?
Sans réfléchir, le premier qui me vient à l’esprit est Ignatius Reilly, l’antihéros de « La conjuration des imbéciles ».

23. Quels sont les cinq livres de ta PAL qui te font le plus envie ?

– Maus d’A. Spiegelman (promis, promis, promis je m’y lance bientôt !).
– Confiteor de J. Cabre
– La préface du nègre de K. Daoud
– Annabel de K. Winter
– Incandescences de R . Rash

24. Si tu ne pouvais plus lire qu’un seul type de livre, lequel ce serait ?
Impossible de répondre à cette question, je ne vois pas pourquoi ça m’arriverait d’ailleurs !!!!!

25. Comment classes-tu tes livres dans ta bibliothèque ?
Par ordre alphabétique pour tout ce qui est littérature. Les BD, je les mets un peu partout où je trouve de la place, même dans les chambres de mes filles.

26. Livres papier ou ebook?
Papier, définitivement. Je lis en numérique de temps en temps mais j’ai l’impression de ne pas avoir la même attention, de survoler les choses.

27. Que fais-tu de tes livres une fois lus ?
J’en garde (la plupart), j’en offre, j’en donne. Je fais une brocante par an pour faire un peu de place. Dans ma ville certaines boulangeries proposent des paniers dans lesquels on peut laisser des livres, j’utilise beaucoup ce procédé pour faire voyager mes livres vers d’autres cieux.

28. Connais-tu la règle de la page 99 ? Et si oui, est ce que tu l’appliques parfois à tes lectures ?
Jamais entendu parler.

29. Quel est, parmi toutes tes lectures, ton « méchant » préféré ?
Préféré, ce n’est pas le mot mais le père Thénardier des misérables m’a traumatisé pendant très longtemps.

30. Que penses-tu des challenges littéraires ?
Je n’en fais plus. Je préfère de loin les lectures communes et les rendez-vous récurrents avec certaines personnes que je ne raterais pour rien au monde.

31. Quel est le livre que tu as le plus détesté ?
Zones Humides de l’allemande Charlotte Roche. Une nana sur le point de se faire opérer des hémorroïdes et qui dissertent sur sa vie. Nul, nul, nul ! Je me suis fais berner par le titre, que je voyais comme une invitation au stupre et à la luxure, ça m’apprendra à être si faible !

32. Tes derniers coups de cœur littéraires ?
Mes derniers énormes coups de cœur sont « Je refuse » de P. Peterson et la BD « Ce n’est pas toi que j’attendais » de F. Toulmé. En littérature jeunesse j’ai été récemment très secoué par « Trop tôt » de J. Witek.

33- Quel livre lis-tu en ce moment ?
J’en lis plusieurs, je lis toujours plein de livres en même temps en fait. En ce moment c’est « Un été 63 » de T. Guzeman, « Finir la guerre » de M. Serfati, « Saphira, sa fille et l’esclave » de W. Cather et « Le principe » de J. Ferrari.

Voila, voila, je passe le flambeau si le cœur vous en dit...




vendredi 29 mai 2015

Le panier à pique-nique - Gabriele Rebagliati et Susumu Fujimoto

J’aime passer d’un extrême à l’autre. Hier, une lecture coquine pour adultes, aujourd’hui un album pour enfants. Varier les plaisirs, il n’y a rien de mieux pour éviter de s’ennuyer, non ?

Première chose à propos de cet album : il en impose ! Du grand format que l’on a envie de porter à bout de bras pour profiter, avec le recul nécessaire, des somptueuses illustrations aux couleurs pétaradantes. Un trait vintage plein de charme, des personnages et des décors dessinés sans encrage pour un rendu particulièrement chaleureux. Absolument magnifique !

Mais de quoi il parle cet album au fait ? D’une petite fille qui découvre par hasard un pré à l’abandon. Chaque jour elle y retourne et chaque jour elle le voit se métamorphoser : des fleurs s’y installent, puis des légumes. La petite fille se doute alors que ce pré n’est pas si abandonné que ça et qu’un jardinier s’en occupe. Ce jardinier, au panier à pique-nique si appétissant, elle va commencer à l’espionner, l’admirer. Puis elle va peu à peu nouer le contact, d’une façon pour le moins étrange…

Un très beau texte prônant des valeurs aussi simples qu’essentielles : le partage, le bonheur d’une rencontre, l’amour de la terre. Il se dégage de cet album une atmosphère doucereuse, hors du temps. Un petit quelque chose de désuet, une parenthèse enchantée où l’on se plait à déambuler dans un jardin extraordinaire. Un album qui fait du bien.




Le panier à pique-nique de Gabriele Rebagliati et Susumu Fujimoto. Grasset jeunesse, 2015. 40 pages. 15,90 euros.




jeudi 28 mai 2015

Les provocations d’Ava - Ava Castel

Les provocations d’Ava, c’est une longue lettre de rupture. Sans cris ni larmes. Au contraire, c’est une lettre de libération, du corps et de l’esprit. Ava écrit à William, son amour, son mentor, celui qui lui a tout appris. Elle n’était qu’une oie blanche, il en a fait une experte en matière de sexe, l’a initiée à des jeux coquins et à des pratiques jusque-là inimaginables pour elle. Entre eux, une fidélité absolue, William, jaloux à l’excès, n’aurait de toute façon pardonné aucun écart. Mais si Ava n’a jamais dérogé au contrat moral qui les liait, lui a fauté. Et il s’est fait prendre en flagrant délit. Aujourd’hui, il est temps de solder les comptes, son ex-chère et tendre prend la plume pour lui raconter ses frasques depuis leur séparation. Et le pauvre homme va boire le calice jusqu’à la lie.

Vous voulez une confidence ? Je connais Ava, je l’ai déjà rencontrée. Pas le personnage de cette histoire bien sûr, mais l’auteure qui se cache derrière ce pseudo. Je peux même vous dire qu’il lui arrive de me demander conseil. Pas en matière d’écriture, cela va de soi, je suis totalement incompétent dans ce domaine (et surtout, elle n’a pas besoin de moi), mais en matière de lectures. De lectures érotiques pour être plus précis. Il m’est déjà arrivé de lui recommander quelques titres et elle m’a toujours fait confiance, une confiance qui m’honore sincèrement. Alors forcément, au moment de me lancer dans ce texte, il serait facile d’imaginer que mon regard critique n’allait plus vraiment l’être. Sauf que je ne vois rien de constructif dans la complaisance. Et que je n’aime pas faire semblant, je déteste quand on simule. Donc je ne vais pas faire semblant et vous dire le plus sincèrement du monde pourquoi j’ai apprécié cette longue nouvelle.

C’est frais et léger. Le sexe est joyeux, décomplexé, assumé, sans entrave mais dans le respect de l’autre. Une question d’envie, de désir partagé. Rien de douloureux là-dedans, rien de glauque, rien de maladif. Ava n'est pas une nympho, elle choisit ses proies, elle ne saute pas sur le premier venu. Et elle ne se lance jamais sans préservatif, ce n’est pas un détail, loin de là. Elle est joueuse, gourmande, se soumet en gardant toujours le contrôle, affichant une forme d’égoïsme pleine d’assurance. Une femme d’aujourd’hui, moderne et bien dans sa peau, quoi.

Aucune vulgarité ni surenchère, le texte est émoustillant, explicitement coquin. On varie les plaisirs, les lieux, les positions, les partenaires, les situations. Seule la scène des photos m’a laissé de marbre, question de sensibilité personnelle.

Au final, j’ai beaucoup aimé le ton de cette lettre un poil ironique, un poil cynique, un poil méchante. La lettre non dénuée d’humour d’une femme trahie, d’une femme trompée devenue garce sublime éprise de liberté. La lettre que j’espère ne jamais recevoir un jour, même si, pour le coup, je sais que (théoriquement) je ne risque rien…

Les provocations d’Ava d’Ava Castel. Collection Paulette, 2015 (livre numérique). 40 pages. 2,99 euros.

Disponible sur le site de l’éditeur









mercredi 27 mai 2015

Un amour exemplaire - Florence Cestac et Daniel Pennac

Pennac et Cestac se retrouvent dans une brasserie. Daniel veut proposer à Florence d’illustrer une histoire d’amour, le genre de truc qu’elle déteste. Mais attention, pas n’importe quelle histoire, l’histoire de Jean et Germaine, un couple hors du commun auquel il s’était lié, enfant, lorsqu’il passait ses vacances chez sa grand-mère dans l’arrière pays niçois. Une histoire d’amour selon lui exemplaire, celle d’un couple excentrique qui faisait jaser le voisinage.

Comment Germaine a pu tomber amoureuse de ce gaillard moche comme un pou ? Pourquoi personne n’a jamais vu Jean travailler ? Que faisaient tous ces bouquins dans leur minuscule maison, envahissant chaque pièce, de la cave à la cuisine ?  Pourquoi Jean et Germaine n’ont jamais eu d’enfants ? Le petit Pennac, à force de stratagèmes plus ou moins finauds, parvint à tirer ces mystères au clair et à entrer de plain-pied dans l’intimité de ces inclassables énergumènes.

Quel plaisir de plonger dans cet album franchouillard et un poil foutraque. On sent tout l’attachement que porte Pennac à ce couple qui aura marqué son enfance et durablement influencé sa vision de l’amour. Cestac l’écoute et retranscrit ses propos, mais elle s’autorise aussi quelques digressions dont elle a le secret. C’est enjoué, bourré d’argot, plein de bonne humeur et de joie de vivre, hors des modes et du temps… tout simplement délicieux.

Graphiquement, pour la première fois l’auteure des « Déblok » abandonne sa marque de fabrique, « les tarbouifs en pomme au four » (autrement dit les gros nez ronds) pour affubler l’un de ses personnages (jean en l’occurrence) d’un pif en quart de brie. Aucune autre concession pour le reste, on retrouve ce trait reconnaissable au premier coup d’œil et ce découpage quasi systématique en gaufrier qui est son autre marque de fabrique.

Une ambiance doucereuse qui fleure bon les années 70, loin de toute mélancolie ou d’un pénible « c’était mieux avant ». Un amour idéal parce que tout sauf banal. Un amour sincère et durable, sans intermédiaire (entendez sans être pollué par les enfants ou le travail), comme l’explique Jean au petit Daniel. Un amour scandaleux pour l’époque et difficile à imaginer aujourd’hui. Exemplaire, quoi.

Un amour exemplaire de Florence Cestac et Daniel Pennac. Dargaud, 2015. 58 pages. 15,00 euros.


Les avis de L'irrégulière, Mo' et Violette.








mardi 26 mai 2015

La pyramide des besoins humains - Caroline Solé

Selon la théorie de Maslow, les besoins humains se classent en cinq catégories : besoins physiologiques, de sécurité, d’amour, de reconnaissance et de réalisation. Cette théorie est le principe d'un nouveau jeu de télé-réalité, "La pyramide des besoins humains", auquel s’est inscrit Christopher. Christopher a 15 ans, il vit sur un morceau de carton, à Londres, après avoir fui le domicile familial et les coups de son père. Passant les cinq niveaux pour se retrouver en finale, cet ado SDF que personne ne parvient à identifier fascine un public en mal de sensations fortes. Une gloire soudaine synonyme de raz de marée incontrôlable et dévastateur.

Caroline Solé porte un regard plein d’acuité sur les dérives de nos sociétés modernes : la célébrité qui crépite comme un flash et s’éteint aussitôt ; une télé-réalité, machine à broyer les candidats, prête à tout pour entretenir le buzz permanent ; des réseaux sociaux où l’on étale sa vie devant de pseudos amis que l’on ne rencontrera jamais « en vrai ». Et autour de nous la misère, la faim, le froid, la violence, ces hommes et femmes sans toit ni ressources à coté desquels on passe sans même se retourner.

J’ai beaucoup aimé entendre la voix de Christopher, lucide et sans misérabilisme, offrant de nombreux retour vers une enfance certes difficile, mais aussi pleine de jolis moments passés avec son frère. La vie dans la rue, malgré son réalisme et sa rudesse, révèle une belle dose d’humanité et d’entraide. Un premier roman très maîtrisé qui se dévore d’une traite. Un vrai plaisir de découvrir une jeune auteure avec autant de culot et de maturité.

La pyramide des besoins humains de Caroline Solé. L’école des loisirs, 2015. 125 pages. 12,80 euros. A partir de 13 ans.

Et une nouvelle lecture jeunesse que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.

Les avis d'Hélène et Leiloona