vendredi 16 août 2013

Tartes aux pommes et fin du monde - Guillaume Siaudeau

La rentrée littéraire commence de plus en plus tôt. Quelques éditeurs ont choisi cette année de se lancer dès le 14 août. Et parmi cette première livraison, j’ai eu la chance de tomber sur une bonne pioche.


Il se souvient de Bobby, son labrador, mort d’une crise cardiaque au cours d’une balade. Puis ce fut le départ de sa mère. Avec sa sœur, il n’a pu que constater les dégâts : Papa qui tombe dans la bouteille et commence à cogner, de plus en plus. Ensuite il a eu droit à l’armée puis au premier appart et aux premiers petits boulots. Peu après il a rencontré Alice grâce à une boite de maquereaux. Une belle histoire qui se terminera mal comme celle d’Arni, un collègue devenu ami qui va sombrer après son licenciement. Quand Alice le quitte, il achète un flingue. Son nouveau et plus fidèle compagnon…      

Un premier roman dans l’air du temps. Le roman d’une génération de jeunes trentenaires un peu paumés. Roman de l’inquiétude aussi. Constater que l’on est difficilement arrivé jusque-là, avoir conscience d’être au monde mais ne pas savoir où l’on va. Rien de plombant pour autant, c’est là toute la force de ce court récit. Malgré l’adversité permanente qui semble le frapper, le narrateur garde un ton léger et non dénué d’humour où l’autodérision affleure à chaque page. Une mise à distance bienvenue et plutôt fine entre la réalité de sa situation et la façon dont il l’analyse.  

Solitude, instabilité chronique, précarité et crise existentielle… un cocktail dans l’air du temps je vous dis ! Mais le plus important reste que la petite musique de Guillaume Siaudeau est des plus agréables. Un premier roman réussi, ce n‘est pas toujours le cas. Autant en profiter…

Tartes aux pommes et fin du monde de Guillaume Siaudeau. Alma, 2013. 132 pages. 14 €.


Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Anne. Filez-vite découvrir son avis !






jeudi 15 août 2013

Le guide des voyages (3)

Déjà le troisième et avant dernier rendez-vous du Guide des voyages, modeste «périodique sporadique » regroupant des chroniques livresques rédigées par des auteurs et des passionnés de littérature. Ce numéro est sans conteste le meilleur des trois, je le dis d’autant plus facilement que je n’y ai pas contribué.

Un numéro en partie consacré à la mort, cette salope qui frappe sans crier gare et sans distinction. Déjà, l’éditorial est particulièrement touchant, pour des tas de raisons dont je ne veux pas parler ici. On trouve dans les pages suivantes et sur ce douloureux sujet des romans de Duras (La douleur), de José Giovanni (Le trou), d’Hubert Mingarelli (Un repas en hiver) ou encore de Philippe Besson (Son frère).
Mais il est aussi question dans ce numéro de Pérec (Les choses), du Che (Voyage à motocyclette),  de Pierre Bergounioux (La mort de Brune), d’Andreï Makine (La femme qui attendait) et d’Agnès Desarthe (Comment j’ai appris à lire).

Riche, varié et de qualité ce n°3 est vraiment un excellent cru.

Et comme d’habitude, si vous souhaitez recevoir directement ce numéro par mail, n'hésitez pas à me le demander, je me ferais un plaisir de vous l'envoyer.

mercredi 14 août 2013

La balade de Yaya : intégrales 1 à 6 - Jean-Marie Omont et Golo Zhao

Shangai, novembre 1937. Les japonais s’apprêtent à attaquer la chine. Poussé à l’exode, le richissime père de Yaya décide d’emmener sa famille à Hong Kong. Le matin du départ, la petite fille fugue. Elle veut absolument passer un concours de piano qui devrait lui ouvrir les portes d’une grande carrière. Mais sur le chemin de l’école de musique, les bombardements commencent et Yaya se retrouve au milieu du chaos. Secourue par un gamin des rues prénommé Tuduo, elle va tenter de rejoindre le bateau de ses parents qui est sur le point de quitter le port. Malheureusement rien ne va se passer comme prévu.
Au fil des six tomes de ces deux intégrales, Yaya et Tuduo vont multiplier les déboires. Poursuivis par un terrible bandit, exploités par des pêcheurs de perles sans pitié, trompés par ceux qu’ils pensaient être leurs amis, frappés de plein fouet par la maladie, rien ne leur est épargné. Le récit est parfois assez dur et ne donne pas dans l’angélisme. C’est trépidant, les événements s’enchaînent et chaque album se termine sur un insupportable cliffhanger. Une écriture digne d’une série télé en quelque sorte. La recette fonctionne et il faut dire que le trait de Golo Zhao y est pour beaucoup. Son découpage cinématographique à souhait dynamise le récit. C’est à la fois beau et parfaitement lisible.

La balade de Yaya est une BD jeunesse de grande qualité qui mêle avec brio action et émotion. Une vraie réussite mais je vous préviens, si vous laissez vos enfants mettre le doigt dans ce pot de confiture, isl ne vous lâcheront pas avant d’avoir découvert l’ensemble de la série (dont le 7ème tome vient d’ailleurs de sortir…).

La balade de Yaya : intégrale 1-3 de Jean-Marie Omont et Golo Zhao. Édition Fei, 2012. 144 pages. A partir de 8 ans.  

La balade de Yaya : intégrale 4-6 de Jean-Marie Omont et Golo Zhao. Édition Fei, 2013. 144 pages. A partir de 8 ans.  






mardi 13 août 2013

L’été slovène - Clément Bénech

Ils sont partis pour respirer l’air pur de la Slovénie. Leur couple bat de l’aile, c’est l’occasion de se retrouver et de prendre un nouveau départ. Des vacances simples, en immersion dans ce pays dont ils ne connaissent rien. Les péripéties s’enchaînent, la complicité semble toujours là malgré quelques moments plus tendus que d’autres. Pourtant, au fond d’eux-mêmes ils savent que le fil ténu qui les relie est sur le point de céder…   

Un premier roman agréable mais loin d’être inoubliable. De courts paragraphes, un style très descriptif qui empile de petites saynètes souvent proches de l’anecdotique, une dose de dérision et d’ironie, c’est frais et léger, rien de plus. Dans le genre « couple au bord de la rupture », le dernier roman de Stewart O’Nan (Les joueurs) a placé la barre tellement plus haut qu’il est difficile de soutenir la comparaison. Finalement si j’ai lu ce texte avec un certain plaisir c’est essentiellement parce que je me suis souvent retrouvé dans le personnage masculin, pas forcément au niveau du ton mais plus pour ce qui est de son attitude. Cette façon de tout prendre à la légère, de lancer des traits d’humour à contre temps qui agacent sa compagne, d’enfiler le costume du rabat-joie à la moindre occasion, c’est tout moi !  Bon, pour revenir au texte je dirais que c’est une lecture de vacances idéale : gouleyante mais sans prétention, un peu comme le rosé pamplemousse que l’on s’enfile à l’apéro avant d’attaquer les brochettes.

Il ne faut pas non plus oublier que Clément Bénech n’a que 21 ans. Pour une première tentative, c’est indéniable, le potentiel est là. Un écrivain à suivre donc...
 
L’été slovène de Clément Bénech. Flammarion, 2013. 126 pages. 14 €.


Un titre repéré chez Keisha et Clara et une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Noukette (il y avait longtemps !).

Les avis de Kathel, Keisha et Clara



lundi 12 août 2013

La petite cloche au son grêle - Paul Vacca

Quand Noukette parle avec sa faconde habituelle d’un livre qu’elle a beaucoup aimé, elle sait se montrer persuasive. Il faut dire aussi que je suis fan de ses billets. Fan et faible, incapable de résister à l’appel d’un bon texte, j’ai une fois de plus craqué. Elle a mis son avis en ligne vendredi, j’ai trouvé l’ouvrage à la médiathèque samedi et l’ai avalé d’une traite …   

La petite cloche au son grêle est un premier roman. Le narrateur raconte son enfance. Il avait 13 ans et vivait à Montigny, dans le nord de la France. Ses parents tenaient le café du village. Chaque soir, le rituel était immuable : en rentrant du collège, il fallait attaquer les devoirs, sur une table près du flipper. La corvée terminée, il était temps de partir vers les sous-bois et la rivière avec maman pour flâner entre les arbres et les fleurs. Des moments privilégiés et inoubliables. Un jour d’orage, un heureux concours de circonstances lui permet de mettre la main sur un livre abandonné dans l’herbe par sa propriétaire. La couverture indique sobrement : Marcel Proust, Du coté de chez Swann. Une découverte qui va bouleverser le quotidien du garçon et au final de tout le village.  

Le problème quand un récit de jeunesse se passe dans un troquet c’est qu’il me ramène sans cesse vers Annie Ernaux. Et forcément il est difficile de soutenir la comparaison avec l’auteure de La place. Mais si l’on oublie cette aïeule encombrante, il faut bien reconnaître que le premier roman de Paul Vacca est une belle réussite. Une histoire d’amour fusionnelle et tragique avec la mère, une tranche d’enfance douce-amère dont on ressort avec un petit goût sucré en bouche. Le ton est juste, la sensibilité affleurant à chaque page sans tomber dans la nostalgie tire-larme. Beaucoup de tendresse chez ces gens simples et aimants qui osent rêver et gardent chevillé au corps un optimisme à tout épreuve. Et puis il est question d’éveil à la lecture, de la découverte du pouvoir des mots et de la littérature. Difficile d’y rester insensible. 

Maintenant je ne crierais pas au chef d’œuvre et n’en ferais pas non plus un coup de cœur. Un peu trop gentillet pour moi. Il n’empêche, je serais sacrément ingrat si je ne reconnaissais pas avoir passé un excellent moment avec cette famille touchante en diable.
 

La petite cloche au son grêle de Paul Vacca. Le livre de poche, 2013. 162 pages. 6,10 €.

Les avis de : Blablamia ; Clara ; Luocine ; Keisha




samedi 10 août 2013

Un pays à l’aube de Dennis Lehane

Je dois la découverte de Dennis Lehane à Syl. Des mois qu’elle me recommande de découvrir cet auteur qu’elle adore et qui, selon elle, a tout pour me plaire. Comme je suis toujours à l’écoute des bons conseils, j’ai foncé. Bon, plutôt que ses polars, j’ai préféré me lancer dans le roman historique qu’il a consacré à sa ville natale, Boston (ça vous étonne ?). Un pavé de 850 pages, le genre de bouquin que je ne peux lire qu’en vacances. Verdict ? Une fresque monumentale et passionnante !  

A Boston, Danny Coughlin, fils d’un ponte de la police locale, est un simple flic qui aspire à grimper les échelons au plus vite. Dans l’Ohio, Luther Laurence est un ouvrier noir qui vient de perdre son boulot. Avec sa compagne enceinte depuis peu, il part pour Tulsa. En cette fin de première guerre mondiale, l’Amérique souffre économiquement et les classes populaires ont du mal à joindre les deux bouts. Les grandes luttes syndicales se développent et anarchistes et bolchéviques venus d’Europe commencent à faire parler d’eux. Pour obtenir sa promotion, Danny doit infiltrer ceux que les forces de l’ordre appellent les « séditieux ». De son coté, Luther s’acoquine de trop près avec quelques truands locaux et doit quitter au plus vite l’Oklahoma. Deux destins à priori impossibles à réunir et pourtant leurs routes vont se croiser au cours de l’année 1919, pour le meilleur et pour le pire.

Rien de plus classique que d’insérer la petite histoire dans la grande mais quand c’est fait avec une telle maestria, on se régale. La description des événements de cette année 1919 à Boston, qui culminera avec la grève de la police et les émeutes qui s’en suivront, est palpitante. Très documenté sans jamais tomber dans le didactisme, le roman vous emporte dès les premières pages. Lehanne décortique le processus politique et social qui a poussé les policiers à entamer la première grève des forces de l’ordre en Amérique. On découvre la chasse aux sorcières menée contre les « rouges », les manigances pour briser toute aspiration syndicale, l’espoir d’une vie meilleure pour ses hommes et leur famille qui se fracasse face à l’intransigeance des élus. Et puis avec Luther, on plonge au cœur des premiers mouvements de défense de la cause noire et on reste abasourdi devant le traitement réservé aux gens de couleur dans une ville de l’Est pourtant réputée pour être une des plus tolérantes du pays.  

La construction est imparable et les chapitres consacrés aux émeutes urbaines sont d’un réalisme à couper le souffle. Personnages nombreux et incarnés, art consommé du dialogue, alternance entre tension dramatique, scènes plus légères et explosion de violence, le canevas est tissé au millimètre.

Ceux qui passent souvent par ici savent que je préfère de loin les écritures minuscules, les nouvelles et les textes courts aux pavés indigestes. Pour tout vous dire je n’avais pas dévoré un roman historique aussi dense et ambitieux depuis l’excellentissime « Mémoire des vaincus » de Michel Ragon il y a près de vingt ans.  Mais pour le coup, je ne regrette pas cette première rencontre avec le sieur Lehanne. Nul doute que nous serons amenés à nous revoir, ne serait-ce qu’avec son dernier ouvrage, « Ils vivent la nuit » qui est la suite d’ « Un pays à l’aube » et que je viens de réserver à la médiathèque. 


Un pays à l’aube
de Dennis Lehane. Rivages, 2010. 857 pages. 10,65 euros. 


Ce billet signe ma 1ère participation au challenge Pavé de l'été de Brize. 
Autant vous prévenir, ce sera ma seule et unique. 
Un pavé par an, c'est mon grand maximum !

vendredi 9 août 2013

Bonolon le gardien de la forêt - Seibou Kitahara, Go Nagayama et Tetsuo Hara

Bonolon est un géant orange qui vit à Tasman, la forêt des arbres sacrés. Un gentil géant qui s’est fait la promesse de protéger les êtres humains et de soulager leur tristesse. C’est pourquoi chaque fois qu’une personne en détresse pleure entre les racines d’un grand arbre, il accourt pour lui proposer d’exaucer un vœu.
 
Chacune des cinq histoires qui composent ce recueil commence par « Il était une fois ». Le schéma narratif à cinq temps du conte est ici respecté à la lettre : situation initiale, élément perturbateur, action, résolution et situation finale. Le propos est très positif, pétri de bons sentiments. La nature, l’amitié et l’entraide sont célébrées à chaque page. La gentillesse de Bonolon plaira forcément aux enfants. Ce géant bienveillant, Kawaï à souhait, ne peut qu’attirer la sympathie. Et puis le graphisme est séduisant, tout en douceur et en rondeur.

Beaucoup d’atouts donc pour cet ouvrage à partager en famille, à déguster en petite lecture du soir avant le coucher. Idéal pour partir dans les bras de Morphée avec de belles images plein la tête.


Bonolon, le gardien de la forêt de Seibou Kitahara, Go Nagayama et Tetsuo Hara. Nobi nobi, 2013. 138 pages. 16,50 euros. A partir de 5 ans.




jeudi 8 août 2013

Le pianiste afghan - Chabname Zariâb

C’est l’histoire d’une petite fille née dans les années 80 en Afghanistan. Ses parents font partie de l’intelligentsia locale et suite à l’invasion russe, il leur faut envisager l’exil. Ce sera la France, à Montpellier, chez une tante. L’intégration est difficile, tant à l’école que dans la vie quotidienne. Apprendre la langue, comprendre les us et coutumes de cet étrange pays. La petite fille grandit, devient une lycéenne comme les autres, en oublie presque son passé afghan. Mais là-bas elle a laissé Milad, son ami et son amour d’enfance. Devenue adulte, elle ressent un irrépressible besoin de le retrouver et de renouer avec ses racines. Plus dure sera la chute…

Un texte qui a reçu le prix du festival du premier roman de Chambéry et le prix méditerranée des lycéens en 2012. Personnellement, j’avoue que n’ai pas été emballé. C’est une jolie réflexion sur l’identité et le déracinement mais je suis resté à l’écart du  destin de cette jeune femme qui se raconte à la première personne. Aucune empathie, un regard distancié et presque indifférent sur son parcours que j’ai du mal à m’expliquer. Je crois que c’est à cause de l’écriture que j’ai trouvé plate, très scolaire. Et si l’ensemble se veut touchant, c’est quand même plutôt convenu. Bref je ne vais pas m’attarder, ça a été pour moi une déception même si comprends qu’il ait pu plaire à un public de lycéens (je veux dire par là que quand j’étais au lycée, c’est tout à fait le genre de lecture « facile » qui m’aurait séduit).

Le pianiste afghan de Chabname Zariâb. L’aube, 2012. 184 pages. 7,40 €.




mercredi 7 août 2013

Le vent dans les sables T5 : Du souk dans la casbah - Michel Plessix

Après leur périple dans le désert, Rat, Taupe et Crapaud retrouvent la ville et leur ami Blaireau. Grâce à lui, le trajet de retour vers le Bois Sauvage est enfin envisageable. Mais les choses ne sont pas si simples et un saucisson va entrer dans la danse, provoquant une course poursuite aussi folle que trépidante.

Voila c’est fini. Dix-huit ans après avoir entamé l’adaptation du roman Le vent dans les saules de Kenneth Grahame, Michel Plessix met un point final à l’aventure en clôturant ce second cycle avec maestria. Dix-huit ans pour neuf albums en tout, il aura fallu se montrer patient. Mais Plessix est sans doute l’un des derniers artisans de la BD actuelle : une semaine pour tomber une planche, dix à douze mois pour dessiner un album de trente-deux pages et quatre à cinq mois supplémentaires pour la couleur. Le résultat est là, c’est juste somptueux, découpé au millimètre, bourré de détails et toujours fort drôle. L’écriture des récitatifs et les dialogues sont très travaillés et le ton reste étonnamment léger.

Ce dernier tome est beaucoup plus mouvementé que les quatre précédents et fonctionne avec les mêmes ressorts que la conclusion du premier cycle à savoir un maximum d’humour et d’action. Ce second cycle sous forme de récit de voyage et d’ode à la culture maghrébine aura vraiment été un enchantement graphique : le travail sur la lumière, la minutie des décors et des costumes, tout est parfaitement ciselé.

Je ne suis pas objectif parce que je suis un fan absolu de Plessix mais il faut reconnaître que cette ambiance exotique à souhait, cette délicatesse du trait, cet éloge permanent de l’amitié et de la franche camaraderie rendent l’ensemble irrésistible. De la BD jeunesse réellement tout public comme on en fait plus. A lire, à relire et à faire lire sans modération.


Le  vent dans les sables T5 : Du souk dans la casbah de Michel Plessix. Delcourt, 2013. 32 pages. 12,50 euros.





mardi 6 août 2013

Le premier mardi c'est permis (19) : Il faut jouir, Édith

Bon, ce mois-ci, pas de clit lit à la c.., pas d’essai à la mords-moi-le-nœud mais un petit texte tout en finesse. Un texte publié pour la première fois en 2004 aux PUF dans la collection « Perspectives critiques ». Oui, vous avez bien lu, aux Presses Universitaires de France. Un roman érotique aux PUF, ça a quand même plus de gueule qu’un Passion intense chez j’ai lu, non ?

Ça commence par un coup de téléphone. Elle prospecte pour tenter de placer des stations d’affinage censées purifier l’eau courante. Il décroche et se lance dans un plan drague plutôt convenu mais qui a l’air de fonctionner. Il lui annonce qu’il est écrivain et lui demande ses coordonnées afin de lui envoyer son livre. Ils se recontactent à plusieurs reprises par téléphone puis entament une correspondance. Elle est mariée et mère de famille mais elle se laisse petit à petit embarquer dans un jeu de séduction qui bouscule son train-train quotidien et réveille une libido en sommeil depuis trop longtemps. Leurs échanges deviennent de plus en plus torrides et ils vont se rencontrer à plusieurs reprises, dans un parc, dans une voiture et finalement à l’hôtel. Lui n’a qu’une idée en tête, la faire jouir (car elle ne s’en croit plus capable depuis longtemps). Avec obstination, imagination et persévérance, il va parvenir à ses fins.

Enfin un vrai plaisir de lecture dans le cadre du rendez-vous de Stephie, je commençais à désespérer. Un délicieux petit roman, uniquement basé sur des échanges téléphoniques et épistolaires. C’est fin, jamais vulgaire, tout en suggestion, loin des descriptions quasi gynécologiques qui fleurissent partout ailleurs. Tellement plus émoustillant en somme. Et puis les personnages ont de l’épaisseur. D’un coté l’écrivain canaille, un brin pervers, séducteur patenté qui sait parfaitement ce qu’il fait et ce qu’il veut (sans compter qu’il n’a ni passé douloureux avec une fêlure d’enfance à cicatriser et encore mois un physique de dieu grec) et de l’autre une mère de famille faussement ingénue qui cherche juste à pimenter son quotidien et reste d’une totale lucidité quant à cette relation adultère (pas une oie blanche nunuche qui tombe amoureuse de son patron en attaquant son premier jour de stage).    

Les échanges sont enlevés, il y a ce petit soupçon vachard qui empêche le récit de tomber dans la guimauve et en plus quelques passages sont plutôt drôles. Bref, je recommande chaudement si vous voulez sortir de la médiocrité ambiante.

Il faut jouir, Édith d’Alain Bonnand. La Musardine, 2013. 138 pages. 7,60 €.