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Franquin © Le Lombard 2006 |
Rebelote. Après vous avoir présenté
l’année dernière quelques incontournables de ma bibliothèque BD, je renouvelle l’opération avec d’autres grands classiques de la bande dessinée franco-belge d’après-guerre. Pour ce qui est de la présentation, je conserve le modèle des billets précédents, toujours inspiré par ce que propose l’excellent
PG Luneau sur son blog. Allez, on attaque cette saison 2012 avec Modeste et Pompon, une série trop méconnue du génialissime André Franquin.
1955. En conflit avec Dupuis pour une sombre histoire de gros sous, Franquin claque la porte de l’éditeur de Spirou et trouve refuge chez Raymond Leblanc, responsable du journal de Tintin. Pour Leblanc, l’arrivée de Franquin est une aubaine, l’occasion rêvée d’instaurer un peu d’humour dans une publication jusqu’alors exclusivement dédiée aux séries d’aventure. En guise de préambule, le dessinateur ne reçoit que de vagues recommandations : pas de vulgarité et pas de gamins des rues, ce créneau étant déjà occupé par les
Quick et Flupke d’Hergé. Après quelques jours de réflexion, Franquin apporte ses premières planches. Elles mettent en scène un couple non marié dont les relations sont uniquement basées sur l’amitié. Une petite révolution pour l’époque, de telles représentations sociales n’ayant jamais été mises en scène dans la bande dessinée européenne. Modeste et Pompon voient donc le jour dans les pages de Tintin le 19 octobre 1955.
Avec cette série, Franquin se lance dans le gag en une planche, une nouveauté pour lui. Pour seconder Modeste et Pompon, il créé Félix, un cousin représentant de commerce aussi volontaire que maladroit et un trio de neveux toujours prompts à faire des blagues. Plus tard, lorsque Goscinny et Greg signeront les scénarios, ils mettront en scène deux insupportables voisins Dubruit et Ducrin. A partir de cette galerie de personnages bien campée, Franquin va jouer sur le registre plutôt classique de l’humour domestique et s’appliquer à installer sa série au cœur des années 50. Visuellement, il s’attache à retranscrire le modernisme propre à l’après-guerre, notamment en matière de design. Tables, chaises, fauteuils et vases sont fortement inspirés des créateurs italiens de l’époque. Ne souhaitant pas trop s’appuyer sur la documentation, il va rapidement laisser libre cours à son imagination et inventer son propre mobilier. Le résultat est tellement bluffant que des responsables du musée d’art moderne de la ville de Paris vont le solliciter pour commercialiser une série de vases ressemblant à ceux présents dans la maison de Modeste. Le projet restera au stade de l’étude mais il montre à quel point Franquin a révélé à travers cette série d’insoupçonnées qualités de designer.
En 1957, le dessinateur enterre la hache de guerre avec Dupuis et créé pour le magazine Spirou le personnage de
Gaston Lagaffe. Problème, son contrat avec Tintin s’étalant sur 5 ans, Franquin doit pendant plusieurs mois mener de front les deux séries. A l’issue de longues négociations, il cède les droits de Modeste et Pompon à Maurice Leblanc en échange de sa liberté. La série, d’abord reprise par Attanasio, passa ensuite entre les mains de nombreux autres dessinateurs (Walli, Loup, Mitteï). Franquin, de son coté, aura réalisé 183 planches entre 1955 et 1959.
Œuvre trop méconnue d’un génial créateur,
Modeste et Pompon offre la vision synthétique d’une époque. Rien que pour cela, elle mérite que tout amateur de BD digne de ce nom se penche avec attention sur son cas.
Plus grandes forces de cette série :
• La représentation fidèle et bon enfant d’une époque éprise de légèreté après les années noires de la seconde guerre mondiale.
• La richesse des personnages secondaires qui font tout le sel de la série.
• Les gags signés Goscinny et surtout Greg (on les reconnaît car leur nom apparaît au bas des planches) se révèlent bien meilleurs que ceux imaginés par le seul Franquin. Greg aura réalisé sur cette série près de la moitié des scénarios.
• Le trait de Franquin qui préfigure ce que sera Gaston Lagaffe. A noter par exemple que l’irascible voisin Mr Durcin ressemble trait pour trait à Mr Boulier, le comptable des éditions Dupuis qui n’aura de cesse de réprimander le pauvre Gaston.
Ce qui m’a le plus agacé :
• Le premier album de la série est dans l’ensemble assez moyen. Franquin découvre la mécanique du gag en une planche et le résultat n’est pas toujours à la hauteur. Difficile d’imaginer à la lecture de ces premiers gags qu’il va devenir quelques années plus tard un maître en la matière.
• La reprise de la série par de nombreux autres dessinateurs n’a fait que l’affadir. A tel point qu’aucun des albums « post-Franquin » ne présente à mes yeux un quelconque intérêt.
• Le fait que les albums de Modeste et Pompon signés Franquin ne soient plus commercialisés aujourd’hui. Depuis une intégrale de 120 pages publiée par Le Lombard en 2006 et aujourd’hui épuisée, aucune réédition n’a vu le jour. Scandaleux !
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Franquin © Le Lombard 2006 |
Carte d’identité de la série :
Auteurs : André Franquin
Date de création : 1955
Nombre d'albums : 4 (série terminée)
Éditeur : Le Lombard |