Dillies © Paquet 2003 |
Rice le canard est un trompettiste de talent qui écume chaque soir les bars du Westwood. Fou de jazz, il est aussi fou amoureux de sa petite amie, la jolie Betty. Alors le jour où cette dernière le quitte pour un gros chat roi de la finance, Rice noie son bourdon dans l’alcool, jette sa trompette du haut d’un pont et décide de prendre le premier train. Atterrissant dans une scierie où il rencontre un hibou terroriste qui lui redonne foi en la musique, Rice pense s’être remis sur les rails. Betty quant à elle, comprendra trop tard que l’argent ne fait pas le bonheur...
Suite à une infâme conspiration de talentueux blogueurs dont je tairais les noms (Mo', Oliv, Joelle, Chtimie, Mango), je me suis retrouvé dans l’obligation de lire cet album. Ben, oui, à force de parcourir leurs avis tous plus positifs les uns que les autres, je ne pouvais pas faire autrement que de plonger la tête la première dans ce récit animalier sortant des sentiers battus. Huit ans avant l’excellent Abélard, Renaud Dilliès imaginait déjà une histoire mettant en scène un canard. Les points communs entre les deux œuvres existent. Le canard et son chapeau, bien sûr, mais aussi, la cruauté de certains fieffés salopards, la fin, tragique, qui attend les deux personnages principaux, ainsi que la rencontre d’un ami qui représente un véritable soutien dans les moments les plus difficiles. Mais à mon avis les différences sont plus marquées. D’abord, Rice n’a pas la naïveté d’Abélard. Ce n’est pas un perdreau de l’année ! Ensuite, et c’est là le plus important à mes yeux, Betty Blues est une vraie histoire d’amour, contrairement à Abélard qui tient davantage du récit d’initiation. Une histoire d’amour qui, comme une évidence, va mal finir. La place tenue par Betty est d’ailleurs très importante. Son personnage de papillon de nuit attirée par les lumières de l’argent et les vapeurs de champagne se révèle touchant et très humain.
Niveau dessin, le trait de Dilliès est ici plus tortueux, peut-être un peu moins abouti, ce qui n’est pas pour me déplaire. L’utilisation systématique du gaufrier de six cases par planches est ultra répétitive et souligne quelques faiblesses en terme de découpage et de mise en scène mais cela ne nuit aucunement à la lisibilité. Un mot sur les couleurs d’Anne-Claire Jouvray, souvent en clair-obscur, qui collent parfaitement à l’ambiance mélancolique qui traverse l’album.
Un roman graphique tout en finesse sur un sujet qui, s'il n’a rien d’original et se décline depuis la nuit des temps, garde ici un charme et une petite musique inimitables. Une incontestable réussite !
Betty Blues de Renaud Dillies. Paquet, 2003. 78 pages. 15 euros.
Dillies © Paquet 2003 |
(Fauve) Alph-Art du meilleur premier album 2004 |