Manchette et Tardi - © Futuropolis 2011 |
Michel Hartog est un philanthrope. Suite à la mort de son frère et de sa belle sœur dans un accident d’avion, il a été désigné tuteur de son neveu devenu orphelin et a dû gérer la florissante entreprise familiale en attendant que le gamin soit en âge de prendre les rennes. Hartog a créé une fondation et cherche à faire le bien autour de lui. Il emploie des infirmes dans ses usines et ne s’entoure que de personnes en souffrance ou dans le besoin. Sa cuisinière est épileptique, son jardinier n’a qu’un bras, sa secrétaire est aveugle et son chauffeur est un ancien para qui a sauté sur une mine. Lorsque la nurse du petit Peter rend son tablier, Hartog va en chercher une nouvelle à l’hôpital psychiatrique. Pour Julie Ballanger, l’heureuse élue, la première rencontre avec Peter n’est pas de tout repos. L’enfant, capricieux et colérique, pique une crise et elle doit le gifler violemment pour le calmer. Le lendemain, alors qu’elle l’emmène au parc, tous deux sont enlevés de force, jetés sur la banquette arrière d’une voiture et séquestrés dans une cabane perdue au fond des bois.
Troisième adaptation d’un polar de Manchette par Tardi, Ô dingos, ô châteaux réunit des thèmes chers à l’écrivain : personnages rugueux sans états d’âme, humour noir, violence un peu gratuite… Le récit progresse par paliers, chacun devenant plus tendu et intense que le précédent. Il y a quelques scènes d’anthologie au cours de la course-poursuite sanglante entre la nounou protectrice et ses ravisseurs. Dans cette histoire, tous les protagonistes sont sacrément cintrés et aucun n’attire l’empathie. Le texte d’origine, respecté à la lettre, possède une sorte de réalisme glacial où affleure le désir de choquer.
Une fois de plus, Tardi prouve qu’il a parfaitement digéré le style du romancier. Comment ne pourrait-il pas se sentir à l’aise pour mettre en scène des personnages aussi barrés et une telle violence surjouée ? A l’évidence il s’est régalé des séquences chocs qui traversent le récit (la mémorable tuerie dans le supermarché est un must en la matière) et s’est appliqué comme jamais pour offrir à chaque personnage une trogne digne de son tempérament.
La truculence cynique de Manchette et le dessin au cordeau de Tardi sont pour la première fois réellement en symbiose dans ce road-trip déjanté. J’en viens presque à espérer que cette nouvelle adaptation sera la dernière tant il me semble difficile de faire mieux.
Ô dingos, ô chateaux ! de Manchette et Tardi, Futuropolis, 2011. 96 pages. 19 euros.
L'avis de Wens.
Mon avis sur La position du tireur couché.
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