jeudi 3 novembre 2011

Dors et fais pas chier

Le marchand de sable est passé pour tous tes amis.
La grenouille dans la mare a cessé de sauter.
Quoi ? Non, tu ne peux pas aller faire pipi.
Tu peux, en revanche, t’endormir sans me faire chier.

Dors et fais pas chier, c’est la complainte du parent désespéré dont l’enfant ne veut pas dormir. A chaque double page un quatrain se terminant par la même supplique : « endors-toi ». Et si au début le père conclut sa demande par « je t’en prie » ou « couche-toi, mon chéri », très vite, le ton change. De « c’est quoi ce bordel » à « fous-moi la paix », la grossièreté va crescendo après un délicieux moment de renoncement : « Un bibi de lait ? OK, je m’en fous, j’en ai marre. De toute façon tu dors pas. Tu fais chier. » Évidemment, à la fin, c’est l’enfant qui gagne et les parents qui ne pourront pas, ce soir encore, « faire péter le DVD ».

Drôle d’album qui n’a pas fini de faire parler de lui. C’est sans doute l’une de ses seules qualités. Il est très facile d’être irrévérencieux, ce qui l’est beaucoup moins c’est de l’être avec un minimum de talent. J’avoue que certains passages m’ont fait rire tandis que d’autres m’ont paru affligeants (comme par exemple : « Ton doudou tu peux te le mettre où je pense. Fais pas chier ferme les yeux »). Et puis il faut bien reconnaître que ce « fais pas chier » affiché sur toutes les pages comme un slogan devient vite lassant.

Et les illustrations me direz-vous. Et bien elles ne relèvent pas le niveau. C’est franchement moche et les couleurs souvent très agressives et forts mal assorties font ressembler l’ensemble au délire psychédélique d’un junkie sous acide.

Un ouvrage à ne pas lire aux enfants et typique d’une certaine nouvelle génération de parents qui considèrent que l’on a plus à être esclaves de ses gosses. C’est une sorte de tabou qui saute enfin avec la mise en scène de cette rage parentale éclatant au grand jour. Le coté outrancier est évidemment à prendre au second degré, mais l’ensemble n’est pas suffisamment drôle pour être convaincant. Sur le même thème, Bénabar à fait beaucoup mieux avec son titre « La berceuse ». Cet avis fort mitigé n’engage évidemment que moi et je ne doute pas que d’autres lecteurs trouveront ce livre formidable, mais quand je lis sur la 4ème de couverture une citation de l’écrivain Jonathan Lethem qui le qualifie de « pur génie », je me dis qu’il ne faut pas non plus pousser le bouchon trop loin.

Bon, et puis faites-pas chier, lisez-le, c’est encore le meilleur moyen de se faire sa propre opinion !


Dors et fais pas chier, d’Adam Mansbach (illustrations Ricardo Cortés), édition Grasset, 2011. 32 pages. 10,00 euros. A ne pas lire aux enfants !

14 commentaires:

  1. "La berceuse" de Benabar me semble bien plus fine et poétique que cet album ^^
    Intriguant ouvrage que tu présentes-là. Si je n'avais pas eu à me démener pendant 1 an 1/2 avec Monsieur Lutin sur la question du sommeil, j'aurais eu envie d'y jeter un œil... mais le problème étant réglé, je ne sais pas si j'ai de nouveau envie de m'y frotter ;)

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  2. @ Mo' : personnellement, je n'ai jamais eu ce genre de souci avec mes filles. Mais après tout, là n'est pas le problème. Sur le fond, l'album est trop gratuitement outrancier à mon goût.
    Je crois que c'est le genre de bouquin qu'une copine peut t'offrir en te disant : "tiens, ça te rappellera le bon vieux temps !".

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  3. oui, cela me donne plus l'impression que c'est plus une lecture-défouloir qu'autre chose

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  4. Je crois aussi que c'est un titre qui se veut dans l'air du temps. Pour faire le buzz et se distinguer, il faut taper fort. Sorti en juin 2011 aux USA, ce livre a déclenché un raz de marée de réactions hostiles des ligues de vertu, ce qui a constitué une formidable publicité.
    En France, il y a déjà eu des articles dans Libé et une chronique sur France Inter (enthousiastes, évidemment !) alors qu'il est sorti seulement hier.
    Bref, la médiatisation est en route.

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  5. Fais-pas chier... déjà je n'aime pas cette expression mais alors dans un livre pour/sur les enfants... euh... non merci... Beurk.

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  6. @ Cajou : le titre donne malheureusement le ton de cet album qui, je le répète, n'est surtout pas pour les enfants.

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  7. Je crois que je vais plutôt réécouter la chanson de Bénabar...
    Pourtant il y a moyen de parler aux parents et aux enfants. Je me souviens par exemple de Au lit petit monstre de Mario Ramos qui passe en revue tous les prétextes des gamins pour ne pas aller au lit qui nous avait bien amusés et dont le petit nous récitait des répliques chaque soir en bondissant sur son lit.

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  8. @ Marie : bien sûr, il y a beaucoup de moyens de dédramatiser cette situation. Là, on est plutôt dans un défouloir un peu gratuit.

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  9. Le titre est à chier, le propos inadéquat c'est sur !

    "Tu fermes les yeux, tu es si sage, c’est merveilleux, tu dors comme un ange, tu as de la chance moi aussi j’ai sommeil, mais c’est le matin, faut qu’je m’habille. Je me suis énervé mon amour, je le regrette, pour me faire pardonner j’vais te jouer un peu de trompette !" Bénabar

    En effet tellement plus doux à l'oreille.

    Par contre je trouve assez jolies les illustrations ...

    Bonne et douce nuit !

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  10. @ Didi : tu as raison "tellement plus doux à l'oreille" et sutout tellement plus fin !

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  11. C'est bon arrétez de jouer les hypocrites. Bien sur que ce ne sont pas des choses à dire à un enfant. C'est à prendre au second degré. Tant mieux si certains d'entre vous n'ont jamais eu de problèmes pour faire dormir leur enfant, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Chaque enfant est différent et ce n'est pas parce-que votre enfant à du mal à dormir le soir que vous vous y prennez mal. Qui dans ces cas là, alors que vous étes exténué et que votre déliciex bambin que vous adorez a décidé de ne pas dormir et que ça fait deux heures que vous déployez des trésors de patience pour qu'enfin il veuille bien se laisser aller dans les bras de morphé, qui dans ces cas là n'a pas pensé, et non pas dit, à ce genre de phrase? Ce n'est pas pour autant qu'on est des mauvais parents, on est simplement humain avec ses forces et ses faiblesses. Aucun parent aucun ne peut dire qu'il ne s'est jamais énervé après son enfant. Celui qui me dit ça est un menteur. Je ne dis pas que c'est bien je dis simplement qu'il faut arréter de réagir comme des pucelles devant les écrits du Marquis de Sade

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  12. Tout à fait d'accord, c'est du second degré. Perso, je trouve un peu abusé de faire payer ce prix pour des vers de qualité médiocre. Mais je l'ai tout de même acheté, pour une raison simple: je suis pédiatre, et je commence à désespérer de voir des parents céder au chantage et aux caprices des enfants-rois, à qui il manque parfois une bonne rodomontade, assortie d'un coup de pied aux fesses si elle n'est pas suivie d'effets. Les gamins qui sèment la pagaille parce que leurs parents n'ont pas su les cadrer quand il en était encore temps, ça commence à faire. Si ce genre de trucs peut faire comprendre aux parents qu'entre le serrage de vis et le laxisme inconditionnel, il y a peut-être un juste milieu à trouver, et bien ce sera toujours ça de pris.

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    1. Wilbur Watheley2 avril 2013 à 23:19

      "...assortie d'un coup de pied aux fesses". La violence du plus fort résoud tous les problèmes et peut tenir lieu d'éducation c'est bien connu. Pfff ce qu'il ne faut pas lire...
      Je partage tout-à-fait la chronique sur cet ouvrage, qui se révèle d'une provocation très putassière en somme. Vulgaire comme son époque et le language de certains parents. Faire vendre envers et contre tout, hélas...

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