lundi 20 décembre 2010

Babylone Vegas

Mike Demon vend des assurances agricoles depuis plus de dix ans. Son territoire s’étend de la Californie à l’Arizona en passant par le désert du Nevada. Le jour où sa voiture le lâche à quelques kilomètres de Las Vegas, il ne peut que maudire le sort. Sa femme et son fils l’attendent à Los Angeles et il risque de perdre un gros client si les réparations ne sont pas faites rapidement. En plus il déteste Vegas. Cette ville totalement artificielle est pour lui le comble de l’horreur. Cloué sur place pour plusieurs jours, Mike erre dans les rues écrasées par la chaleur ou dans les salles de casino réfrigérées par des climatisations trop puissantes. Peu à peu, l’ambiance folle de la ville l’irradie. Les lumières, les couleurs, le bruit obsédant des pièces que l’on glisse dans les machines à sous… Perdant toute notion du temps dans cette cité qui ne dort jamais, Mike commence à jouer. L’engrenage se referme alors et la décadence absolue d’un homme à priori bien sous tous rapports se met en branle…

Le mécanisme de basculement vers la folie et l’enfer du jeu est décrit avec une implacable précision. José Luis Munoz prend son temps car il sait qu’il va conduire son personnage vers une chute inéluctable. Mike Demon est condamné. Il ne peut échapper à l’appât du gain et à la luxure. Le lecteur est lui aussi pris au piège. Devant ses yeux se déroule un drame difficilement supportable. Un mince espoir subsiste pourtant et l’on se dit par moment que Mike va s’en sortir, qu’il va arrêter les frais à temps, fuir cette ville et rentrer bien sagement chez lui. Mais l’évidence nous rattrape. Las Vegas a définitivement refermé ses griffes sur sa proie, le poussant à commettre l’irréparable.

La ville. Voila l’autre personnage principal du roman. L’auteur décrit magnifiquement sa grandeur, sa futilité, la faune qui arpente ses hôtels et ses casinos. Une vision très très sombre de cette Babylone moderne dans laquelle il n’existe aucune échappatoire. Je n’avais rien lu de tel au sujet de cette ville depuis l’éblouissant Leaving Las Vegas de John O’Brien.

Un excellent roman, hypnotisant et fort, qui décrit à la perfection la facilité avec laquelle on peut sombrer lorsque l’on perd ses repères. Seule la fin est quelque peu décevante. Les trente-cinq dernières pages ne s’imposaient pas, le texte pouvant très bien se terminer au bas de la page 246. Ceux qui ont lu le roman savent de quoi je veux parler mais je ne peux pas en dire plus au risque d’en dire trop. En tout cas, voila une nouvelle jolie pépite dans la collection actes noirs des éditions Actes Sud. Et puis ça change de Millenium.

L’info en plus : Babylone Vegas est le second roman de José Luis Munoz traduit en français. Les éditions Actes Sud ont publié il y a deux ans La dernière enquête de l'inspecteur Rodriguez Pachon, l’histoire, à La Havane, d’un inspecteur véreux qui, avec son collègue Vladimir, est chargé d'enquêter sur le meurtre d'une prostituée décapitée. On retrouve déjà dans ce roman la décadence d'un individu sur fond de ville ambivalente, une thématique qui semble passionner l’auteur.

Babylone Vegas, de José Luis Munoz, Actes Sud, 2010. 280 pages. 19 euros.

samedi 18 décembre 2010

La Légende du Sapin

Noël approche à grand pas. Le froid et la neige ont envahi nos régions. C’est l’occasion rêvée de vous raconter la très jolie Légende du Sapin.

Jadis, à une époque où tous les arbres gardaient leurs feuilles en hiver, un petit oiseau à l’aile brisée ne put suivre ses congénères vers les pays chauds. Transi par le gel, il chercha à s’abriter sous le feuillage d’un chêne. Mais ce dernier, craignant qu’il s’attaque à ses glands, le rejeta. L’oiseau chercha alors refuge dans les branches d’un hêtre qui, pour protéger ses faînes, lui ordonna de déguerpir. Fuyant le courroux de l’arbre, l’oiseau arriva dans un bouleau qui, ne supportant pas que l’on salisse ses branches, le chassa vigoureusement. Sans espoir, l’oiseau se coucha dans la neige, prêt à mourir. C’est alors qu’un sapin lui fit signe et l’accueillit pour le protéger. Grâce à ce nouveau logis, le petit oiseau, lentement, guérit. Et c’est depuis ce jour que le sapin est devenu l’arbre de Noël par excellence, celui autour duquel nous nous réunissons.

Thierry Chapeau propose cette légende alsacienne dans un très joli petit album aux magnifiques illustrations. Ces dernières s’étalent sur des doubles pages ne laissant qu’un mince bandeau blanc pour le texte. Visuellement, on pense aux Drôles de petites bêtes d’Antoon Krings. C’est beau, tout simplement.

En tout cas les enfants adorent, j’ai testé pour vous. Imaginez votre bout de chou sur vos genoux, tenant dans ses petites mains l’ouvrage grand ouvert, les yeux brillants. En écoutant cette histoire, il sera peut-être successivement triste, révolté, au bord des larmes et finalement tellement soulagé de voir le petit oiseau guéri. Et l’adulte que vous êtes verra peut-être en filigrane dans la Légende du Sapin le sort réservé aux exclus de tous poils que l’on rejette et que l’on retrouve parfois couchés dans la neige sans personne pour leur tendre la main.

Tout ça pour dire que cet album plaira à coup sûr aux enfants qui aiment qu’on leur raconte des histoires mais aussi aux parents qui apprécient de partager pendant quelques minutes un moment de lecture et d’échange avec leurs bambins. Une belle petite idée de cadeau.

La Légende du Sapin, de Thierry Chapeau, éditions Callicéphale, 2010. 30 pages. 9,50 euros. A partir de 4 ans.




L’info en plus : Publiée la première fois en 1996 aux éditions du Bastberg La Légende du Sapin a été rééditée en 2006 et en 2008 sous la forme d’un kamishibaï (théâtre d’images japonais).

vendredi 17 décembre 2010

Concours Seuls de Gazzotti et Vehlmann : les résultats



Le concours Seuls s’est terminé hier soir et les 3 gagnants sont connus.

Loin des 600 participants du concours Tardi/Manchette, il n’y avait cette fois-ci que 12 candidats en lice. C’est plutôt une bonne nouvelle, d’abord parce qu’il y avait beaucoup plus de chance de gagner et ensuite parce que je n’ai pas eu besoin de plusieurs heures pour préparer le tirage au sort.

Afin de réaliser le tirage au sort le plus neutre et le plus équitable possible, j’ai de nouveau utilisé le logiciel The Hat. Ci-dessous la liste des participants (je précise que le Jérôme de la liste, ce n'est évidemment pas moi !



Avant de donner le verdict, voici d’abord les bonnes réponses aux 3 questions :

Gazzotti et Vehlmann ont publié en 2001 un album aux éditions du Lombard. Quel est le titre de cet album  ?

a) Au-delà des nuages
b) L'escadrille des nuages
c) Des lendemains sans nuage

Dans quelle ville se déroule la majeure partie de l'action de Seuls ?

a) Knoxville
b) Fableville
c) Fortville

La prépublicaction du 6ème album de la série commencera en 2011 dans le journal de Spirou. A quelle date précise se fera le retour de Seuls dans Spirou (info donnée il y a mois dans le courrier des lecteurs du magazine) ?

a)  le 9 mars 2011
b)  le 16 mars 2011
c)  le 23 mars 2011


Et maintenant, roulement de tambour… Les trois gagnants sont :

Number One : Mo' le fée


Number Two : Lyra


Number Three : Christelle



Voili Voilou, bravo à toutes les trois. Pourriez-vous me confirmer vos adresses par mèl avant lundi pour que je poste les BD avant de partir en vacances. Avec un peu de chance et si la Poste se dépêche, ça fera un petit livre de plus à mettre au pied du sapin.


mercredi 15 décembre 2010

Les nombrils, intégrale T1 à 4

Jenny et Vicky sont des pestes. Des vraies. Leur souffre-douleur attitré se prénomme Karine, une grande gigue dégingandée d’une infinie gentillesse mais qui manque sérieusement de confiance en elle. Chez nos cousins québécois (la série et ses auteurs viennent de là-bas), Jenny et Vicky sont des poupounes : des adolescentes qui passent leur temps à se pomponner et qui ne jurent que par l’apparence. Entre maquillage à outrance, mini jupe, talons haut, petit top hyper moulant et élastique du string qui dépasse sur la hanche, rien n’est laissé au hasard pour faire baver tous les garçons du lycée. Etre populaire, faire de son look sexy sa seule raison d’être et multiplier les crasses envers ceux qui se dressent sur leur chemin, voilà le programme quotidien de ces fashion victims décérébrées. Même leur amitié, de prime abord indéfectible, se fissure dès qu’un « bogosse » apparaît. Leur but premier est de ne jamais descendre du piédestal sur lequel les garçons les ont installées. Et si pour cela il faut allier cynisme et cruauté, ça ne pose aucun problème.

Les nombrils, c’est une série qui détonne dans le panorama des BD d’humour avec gag en une planche. C’est drôle, mais pas seulement. La méchanceté de Jenny et Vicky est directe, comme celle de beaucoup de gamines de leur âge. Lorsqu’on lit cette intégrale d’une traite, on se rend compte à quel point les situations sont dures et réalistes. Mais où les auteurs vont plus loin, c’est qu’ils apportent des explications quasi sociologiques à l’attitude des reines du lycée. Vicky se comporte ainsi car chez elle sa grande sœur ne cesse de la rabaisser et de lui rappeler son passé de « bouboule » tandis que Jenny vit dans un taudis avec une mère alcoolique qu’elle retrouve chaque soir affalée sous la table de la cuisine. Autre élément important, les gags ne sont pas déconnectés les uns des autres mais s’inscrivent dans une histoire qui avance et où les personnalités s’affinent et s’affirment. D’ailleurs la toute dernière planche du 4ème tome propose un incroyable retournement de situation doublé d’un insoutenable cliffhanger…

Graphiquement, Delaf propose un trait simple, efficace, expressif et très souple, limite cartoonesque. On sent que le monsieur à travailler longtemps dans des studios d’animation. Seul détail qui me gène, les (trop) longs bras de Karine lui donnent un coté simiesque qui ne s’imposait peut-être pas.

Les auteurs avouent que lors des dédicaces les parents leur reproche d’aller trop loin alors que les ados trouvent que leurs gags sonnent très justes. Le seul véritable tollé s’est produit sur une page montrant Jenny attachant son chien à une moto qui démarre au quart de tour. Par contre, aucune réflexion lorsque les poupounes ont essayé de noyer une rivale. Tout ça pour dire que les auteurs ont créé une série féroce, drôle, moderne. Les lecteurs, toujours plus nombreux à chaque nouvel album, ont en tout cas adhérer avec enthousiasme aux frasques de ces ados dans l’air du temps.

Les Nombrils, intégrale de Delaf et Dubuc, Dupuis, 2010. 194 pages. 24 euros.

L’info en plus : Les Nombrils sont le dernier grand succès commercial des éditions Dupuis. Le premier tome s’est vendu lors de se sortie à 26 000 exemplaires. Dès le second, les ventes ont atteint 82 000 exemplaires pour dépasser les 120 000 à la sortie du tome 3. D’ailleurs, cette intégrale arrivée en librairie le 5 novembre est déjà épuisée chez l’éditeur. Une vraie success story à la sauce canadienne dont le cinquième volume devrait paraître courant 2011.



Le challenge Pal sèche de Mo'

La BD du mercredi, c'est chez Mango

lundi 13 décembre 2010

Peter et Max

Blanche Neige, la Belle et la Bête, le Prince Charmant, le Grand Méchant Loup, la sorcière d’Hansel et Gretel et bien d’autres personnages de contes vivent parmi nous depuis des siècles ! Chassés de leurs royaumes respectifs par les hordes de l’Adversaire, ces fables (nom donné à tous ceux qui ont choisi l’exil) ont trouvé refuge dans un quartier de New York qu’ils ont baptisé Fableville. Ceux qui n’ont pas forme humaine (les trois petits cochons, le Chat Botté, les ours de Boucle d’Or…) sont cantonnés à la ferme, un lieu en pleine campagne protégé des curieux par de puissants sortilèges. C’est là, dans une petite maison à la lisière des bois que vivent Peter et Bo. Eux aussi sont des fables ayant fui les royaumes depuis longtemps. Lorsque démarre notre histoire, Rose Rouge, l’intendante de la ferme, vient trouver Peter pour lui annoncer que son frère Max est de retour dans le royaume des communs (terme utilisé par les fables pour désigner les humains). Elle demande à Peter de retrouver et de neutraliser son frère car ce dernier est un terrible danger pour toute la communauté…

Dérivé de la série de comics Fables qu’il a créée en 2003, ce roman de Bill Willingham se lit avec un réel plaisir, surtout si, comme moi, on est fan des comics. Dès le premier chapitre, on reconnaît les personnages et l’environnement ainsi que les codes de conduite propres aux fables. Mais même pour ceux n’ayant jamais entendu parler de la série, la mécanique fonctionne. La construction alterne entre les chapitres se déroulant aujourd’hui et ceux racontant les aventures de Peter et Max au cours des siècles précédents. Le mélange entre conte et fantasy fonctionne à merveille. L’inspiration première est évidemment Le joueur de flute de Hamelin. Mais l’invasion du royaume par les gobelins et la carrière de Peter chez les voleurs de la ville sont par bien des aspects typiques d’un récit de Fantasy. Dans le même ordre d’idée, les descriptions de la ville de Hamelin moyenâgeuse m’ont parfois rappelé la Wielstadt de Pierre Pevel. C’est ce mélange des genres et des époques qui donne son charme au roman.

Après, ne cherchez pas ici de la grande littérature ou des réflexions philosophiques saupoudrées au fil du texte de manière subliminale, vous n’en trouverez pas. Peter et Max, c’est un pur divertissement fort bien construit qui vous fera passer un moment de lecture des plus agréables. Si l’on devait noter quelques bémols, peut-être pourrait-on arguer que la victoire finale de Peter sur son frère est trop facile, mais elle rappelle bien des histoires dans lesquelles le plus faible bat son adversaire grâce à sa malice et sa ruse (Le vaillant petit tailleur par exemple). Bref, si vous aimez les contes et la Fantasy, vous ne risquez pas grand-chose en vous lançant dans ce roman. Il se pourrait même que vous n’en fassiez qu’une bouchée.

Peter & Max de Bill Willingham, Bragelonne, 2010. 356 pages. 20 euros.

L’info en plus : Le 11ème volume du comics Fables vient de paraître en France aux éditions Panini. Un volume, il faut bien le reconnaître, en dessous des épisodes précédents. Il n’en reste pas moins que l’ensemble de la série forme une œuvre d’une rare qualité que je ne peux que recommander à tous ceux qui ont apprécié le roman.

Un grand merci à Livraddict et aux éditions Bragelonne pour ce partenariat.

jeudi 9 décembre 2010

Concours Seuls de Gazzotti et Vehlmann : 3 BD à gagner

Pour fêter la sortie de l'intégrale du 1er cycle de la série Seuls de Gazzotti et Vehlmann (j'en parle ici), je vous propose un petit concours vous permettant de gagner un exemplaire du premier tome de la série.





Le concours est simplissime : 3 questions, 3 bonnes réponses et le tour est joué. Les gagnants seront départagés par tirage au sort. Il y a trois exemplaires en tout à gagner (deux exemplaires grand format cartonné et un exemplaire petit format broché).

Allez hop, voici les questions :

Gazzotti et Vehlmann ont publié en 2001 un album aux éditions du Lombard. Quel est le titre de cet album  ?

a) Au-delà des nuages

b) L'escadrille des nuages

c) Des lendemains sans nuage

Dans quelle ville se déroule la majeure partie de l'action de Seuls ?

a) Knoxville
b) Fableville

c) Fortville

La prépublicaction du 6ème album de la série commencera en 2011 dans le journal de Spirou. A quelle date précise se fera le retour de Seuls dans Spirou (info donnée il y a mois dans le courrier des lecteurs du magazine) ?

a) le 9 mars 2011

b) le 16 mars 2011

c) le 23 mars 2011

Vous avez jusqu'au jeudi 16 décembre 2010 à minuit pour participer. Les réponses sont à envoyer à l'adresse suivante : dunebergealautre@gmail.com



Les belges, les suisses, les québecois et tous les membres de l'union europénne peuvent participer.

mercredi 8 décembre 2010

Seuls : intégrale du cycle 1

Dodji, Camille, Yvan, Terry et Leïla sont seuls, désespérément seuls. Ils se sont réveillés un matin et tout le monde avait disparu : plus de parents, plus aucun adulte, plus de télé, de téléphone ou d’internet. Ces cinq là se sont rencontrés par hasard (vraiment ???) et ont dû, par la force des choses, faire cause commune. Ensemble, ils ont affronté des tigres, des rhinocéros et des singes, un serial killer adepte des couteaux et un nazillon qui a voulu devenir leur chef. Ils ont exploré la zone rouge, cet endroit où, semble-t-il, se trouve la clé du mystère. A la fin de ce premier cycle, bien des questions restent en suspens, même si un large coin du voile a été levé…

Vehlmann l’avoue, inspiré par le roman Sa majesté des mouches de William Golding, il a au départ simplement imaginé des gamins se retrouvant un jour dans un monde de liberté absolue. Tout est permis : on pille les magasins de jouets, on joue avec des armes à feu, on conduit des voitures dans des rues désertes… La ville entière devient un terrain de jeu que les enfants s’approprient avec facilité. Deuxième élément important, les rapports humains. Comment chacun, avec sa propre personnalité, parvient à trouver sa place. Des moments de complicité succèdent à ceux plein de tension, voire de violence. Il faut dire que le casting est très étudié : Dodji, le gamin malmené par la vie, Leïla le garçon manqué, Yvan le premier de la classe, Terry, le « bébé » du groupe et Camille, la gentille petite fille bien sage qui adore les animaux. Au fil des épisodes, les caractères s’affirment et les situations sont de plus en plus noires... La violence est présente mais jamais gratuite, le sang coule et certains personnages meurent. Vehlmann est coutumier du fait, il n’hésite jamais à malmener ses lecteurs (pour vous en convaincre, lisez-donc Jolies ténèbres paru l’année dernière. La BD la plus « dérangeante » que j’ai lu depuis des lustres).

Reste la question de la fin. A mes yeux, elle ne pouvait être que décevante et c’est le cas. De toute façon, il ne pouvait pas y avoir trente-six manières d’expliquer la disparition des adultes (ne comptez pas sur moi pour les énumérer !). D’ailleurs le scénariste reconnaît qu’en créant cette histoire, il ne s’est pas demandé comment tout le monde s’était volatilisé…

Au final,  ce pemier cycle forme quand même une œuvre cohérente et d’une rare densité pour une BD destinée à la jeunesse. Et puis graphiquement, Gazzotti assure. Du très classique franco-belge plein de rondeur et en même temps des aspects réalistes qui rendent l’intrigue crédible. Un découpage où la caméra est toujours parfaitement placée pour offrir le meilleur rendu possible et des scènes actions d’un dynamisme incroyable.

Seuls est à l’évidence devenue en l’espace de cinq albums une série majeure. Mais la tournure prise par l’intrigue à la fin de ce cycle laisse présager une suite qui risque d’être un ton en dessous. A moins que la talentueux Vehlmann ne parvienne à sortir de son chapeau un inattendu coup de théâtre dont il a le secret.

Seuls, l’intégrale du cycle 1, de Gazzotti et Vehlmann, Dupuis, 2010. 265 pages. 30 euros.



L’info en plus : Seuls est une série qui a connu un succès critique et commercial exceptionnel (Prix Jeunesse à Angoulême, Prix des lecteurs du Journal de Mickey, plus de 100 000 exemplaires du tome 1 vendus). D’ailleurs, cette intégrale sortie il y a 15 jours est déjà épuisée chez l’éditeur. Il y en a peut-être des piles entières dans les grandes librairies mais si votre librairie n’en n’a plus en stock, il ne pourra pas vous le procurer avant les fêtes.


Le challenge Pal Sèche de Mo


La BD du mercredi, chez Mango

lundi 6 décembre 2010

Le tag des 15 auteurs

J'ai été tagué par Véro sur son excellent blog 1000-et-1. Le principe de ce tag : citer 15 auteurs qui m'ont influencé et que je garderai toujours dans mon cœur. Consigne supplémentaire : ne pas prendre trop de temps et lister les 15 premiers dont on se souvient en moins de 15 minutes puis taguer 15 personnes !


Comme j’adore ne pas respecter les règles mais aussi parce que je ne peux pas choisir les 15 auteurs qui m’ont le plus marqué sans prendre le temps d’y réfléchir, j’ai passé en revue ma bibliothèque afin de faire remonter à la surface ses membres les plus éminents (à mes yeux bien entendu). Je fais un classement alphabétique pour qu’il n’y ait pas de jaloux.


Sherman Alexie. Parce que ce monsieur est tout simplement l’un des plus grands auteurs américains vivants et que Le premier qui pleure a perdu est le meilleur roman pour ados que j’ai lu ces dernières années.


Bukowski. Parce que c’est le plus grand, celui par qui tout a commencé un soir de mai 1994. Il a ouvert la porte à tous les auteurs de ma bibliothèque.


Louis Calaferte. Parce que je n’oublierai jamais ce libraire crasseux qui m'a sorti un jour Septentrion de l’incroyable capharnaüm qui lui servait de boutique.


Raymond Carver. Parce qu’il est le plus fabuleux nouvelliste du 20ème siècle.


Georges Darien. Parce que quand j'avais 17 ans et que je voulais devenir objecteur de conscience, j'ai lu Biribi, le plus incroyable roman antimilitariste de la littérature française.


John Fante. Parce que je l’ai découvert grâce à Bukowski. Une claque dont je ne me suis jamais remis.


Chester Himes. Parce que Cercueil et Fossoyeur sont les policiers les plus barrés du polar américain.


André Laude. Parce que sa poésie me file la chair de poule.


Ed Mc Bain. Parce qu’il est le maître du polar urbain. Il sait décrire la ville comme personne.


Pelecanos. Parce que j’adore déambuler dans les rues de Washington avec ses héros oubliés de l’Amérique.


Michel Ragon. Pour le nom de ce blog et aussi parce que La mémoire des vaincus est le plus magnifique roman qui ait été écrit sur l’histoire de l’anarchisme au 20ème siècle.


Hubert Selby Junior. Parce que je me souviendrais toute ma vie de la lecture de Last Exit to Brooklyn, l’été 1996, sur les bords du lac d’Annecy.


John Kennedy Toole. Parce que La conjuration des imbéciles est un roman majeur de la littérature américaine.

Roger Wallet. Parce que j’ai eu la chance de travailler plusieurs années avec ce grand monsieur. Comment oublier ces ateliers d’écriture où des gamins paumés ont découvert la force des mots couchés sur le papier. Tant d’heures passées dans des classes de SEGPA, d’EREA ou d’IME. Et nos grandes discussions politiques, nos gueuletons, ces projets un peu fous auxquels personne ne croyait…


Zola. Parce que c’est le seul auteur lu au lycée dont je garde un souvenir ébloui. L'assomoir m’a frappé comme un uppercut à l’estomac.


Merci Véro pour m’avoir permis de me pencher sur ceux qui ont marqué à jamais ma vie de lecteur. Et plutôt que de taguer à mon tour 15 personnes, je passe ce tag à qui le souhaite.

vendredi 3 décembre 2010

Angelot du Lac, l'intégrale

Dans une France ravagée par la guerre de cent ans, un nourrisson est trouvé près d’un lac par une bande d’orphelins. Élevé par ces derniers, l’enfant est baptisé Angelot et découvre la rude vie des laissés pour compte du Moyen Age. Armé de sa fronde, devenant successivement écuyer d’un chevalier errant et acteur de théâtre ambulant, Angelot affronte mille dangers dans un monde au bord du chaos.

Yvan Pommaux a choisi d’allier l’aventure au didactisme. En faisant traverser à son héros une période pour le moins troublée de l’histoire de France, il aborde de nombreuses thématiques propres à cette époque : les chevaliers et les châteaux forts, les coupe-jarrets et les malandrins, les moines soldats, les bateleurs et les caravanes de marchands…

Publié dans le magazine Astrapi des très catholiques éditions Bayard, Angelot du Lac, c’est un peu la BD à papa, celle que proposait l’hebdomadaire Spirou de Charles Dupuis au début des années 50. L’épervier bleu, La vie de Don Bosco, Timour… des séries historiques où le sens moral des héros se doit d’être irréprochable. Pour Angelot, cette influence est palpable mais pas non plus trop prégnante. Disons seulement que c’est le genre de titre idéal pour les parents (ou grands-parents) qui ne connaissent rien à la BD et qui voudraient faire plaisir à leur progéniture sans avoir à acheter un de ces satanés mangas que l’on accuse de tous les maux.

Pour le dessin, la ligne claire d’Yvan Pommaux est ultra classique et efficace, même si les personnages apparaissent souvent un peu trop statiques et manquent de souplesse Rien de très novateur au niveau du découpage et des différents types de plan proposés, ne cherchez pas ici la modernité ou l’avant-gardisme. Certaines planches sont surchargées de texte alors que d’autres sont quasiment muettes, ce qui perturbe parfois la fluidité du récit. Mais la copie rendue est au final très propre et cette intégrale proposant les trois albums de la série se lit avec un réel plaisir. Sans compter qu’avec le magnifique dos toilé rouge vif et l’épais cartonnage, voila un bel objet livre qui trouvera sans problème sa place dans une bibliothèque d’enfant.

Angelot du Lac, l’intégrale, d’Yvan Pommaux, Bayard jeunesse, 2010. 180 pages. 21,90 euros.


L’info en plus : Parallèlement à ses productions de BD chez Bayard, Yvan Pommaux continue de publier des albums pour L’école des Loisirs. Il s’est notamment lancé dans une série présentant aux enfants les grandes figures de la mythologie grecque. Après Thésée et Orphée, un troisième titre est sorti cet automne, Œdipe. Là encore des albums grand format au dos toilé du plus bel effet.




Le challenge PAL sèche de Mo'

mercredi 1 décembre 2010

Aya de Yopougon T6

Depuis qu’elle fréquente le juge Didier, Aya espère pouvoir se venger du prof de fac qui a tenté de la violer. De son coté, après avoir dilapidé les millions de son père dans des projets caritatifs, Moussa se retrouve en prison. Il y rencontre Grégoire, détenu pour avoir détourné l’argent de ses fidèles en se faisant passer pour un prêcheur. Albert, lui, ne parvient toujours pas à assumer son homosexualité et il s’apprête à épouser une mégère pour ne pas froisser ses parents. A Paris, Innocent découvre la difficile condition des sans papiers mais peut toujours compter sur l’amitié de Sébastien. On retrouve aussi dans ce sixième tome Bintou, Adjoua, Gervais, Fanta, Hervé, Mamadou et tous ceux qui animent depuis cinq ans cette incomparable saga.

Récit choral, feuilleton digne des meilleures séries télé, Aya de Yopougon se déroule en Côte d’Ivoire dans les années 70 et raconte la vie de quelques habitants de Yopougon, un quartier populaire d’Abidjan. Aya en est l’héroïne principale autour de laquelle gravitent de nombreux personnages, tous de tempéraments très différents. Chaque tome est un enchaînement de scènes indépendantes qui parfois se croisent où se chevauchent. Il faut s’accrocher au début pour reconnaître et suivre tous les protagonistes, mais une fois que la mécanique est en place et que l’on a assimilé les différentes intrigues, c’est un vrai régal.

Graphiquement, la construction est depuis le début aussi simple qu’efficace. Le système du gaufrier avec six cases par planche peut paraître monotone mais il permet de maintenir un bon rythme de narration. Par ailleurs, la plupart des scènes se distinguent l’une de l’autre par un code couleur différent. Le Yopougon de Clément Oubrerie est coloré et très fidèle à la réalité. Il faut dire que le dessinateur s’est rendu sur place et est revenu avec plus de 5000 photos. De quoi varier les décors en respectant au maximum l’ambiance typique du quartier. Mettre en images un tel récit est une gageure. Aya, ce n’est que du dialogue, quasiment sans action. D’où une vraie difficulté pour être inventif dans la mise en scène. Mais la fluidité qui découle des six volumes est la preuve que Clément Oubrerie a su relever le défi haut la main.

Autre point qui donne à la série un charme incomparable, la richesse de la langue utilisée par les ivoiriens, un mélange de français et de dialectes africains. Le nouchi (nom de ce langage de la rue inventé par les jeunes) est tout simplement savoureux et très facilement compréhensible grâce au lexique se trouvant en fin d’ouvrage. Et que dire des joutes verbales présentes tout au long de chaque album. Marguerite Abouet le reconnaît, « c’est un sport national là-bas, notamment dans la gestion des conflits de tous les jours. On n’en vient jamais aux mains comme en France, mais les piques volent très haut et très fort. Les habitants ont énormément de sens de la répartie. »

Il faut le reconnaître, l’Afrique d’Aya fait plaisir à voir. Loin des guerres, des famines et du Sida (n’oublions pas que l’action se déroule dans les années 70), les auteurs montrent le coté vivant, les réalités quotidiennes de ce magnifique continent. Et Dieu sait que ce parti pris positif leur a été reproché. Un journaliste a notamment écrit que Marguerite Abouet jouait à l’autruche en niant les problèmes de l’Afrique. Mais Aya est finalement une histoire universelle qui pourrait se passer n’importe où, et c’est très bien ainsi.

Avec se sixième tome, on quitte Yopougon et tous ces personnages haut en couleur pour la dernière fois avec un pincement au cœur. Un feuilleton qui s’est étalé sur plus de 700 pages en gardant le même niveau de qualité, voila qui est rare. Finalement, Aya, c’est un peu comme ce pot de confiture dans lequel on trempe un doigt juste pour goûter et que l’on finit par boulotter en entier parce qu’il n’y a rien à faire, c’est trop bon et on ne peut plus s’arrêter ! Alors attention à vous si vous jetez un œil à cette série, vous risquez de vous engager dans une délicieuse aventure au long cours.

Aya de Yopougon T6, de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, Gallimard, 2010. 112 pages. 17 euros.


L’info en plus : Au départ, Aya devait être une série pour la jeunesse racontant l’enfance de Marguerite Abouet à Yopougon. Mais devant le refus des éditeurs, les deux auteurs ont revu leur copie pour proposer un projet plus adulte. Le succès de la série a depuis permis a Marguerite de mener à bien sa première idée en publiant au mois de juin 2010 un album pour les plus jeunes intitulé Akissi, l’histoire d’une petite fille effrontée et dégourdie qui se mêle de tout dans son quartier et fait tout comme les garçons.




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