lundi 13 octobre 2014

Les zombies n’existent pas - Sylvain Escallon

L’homme laisse les cadavres à la pelle sur son chemin. A st Brieuc, à Brest, à Agen, à Paris. A chaque victime, il coupe un doigt de la main gauche. Pas de sa faute, c’est la voix qui lui ordonne de passer à l’acte. L’inspecteur Kowalski, chargé de l’enquête, a du mal à comprendre le mode de fonctionnement et les motivations du tueur. Un tueur vite identifié d’ailleurs, un certain Picquier. Le problème, c’est que Picquier est mort et enterré. Depuis un an. Suicide par pendaison, le légiste qui a pratiqué l’autopsie l’a confirmé avec certitude. Or, les zombies n’existent pas, on a donc affaire à un sosie, pas possible autrement. Mais pour être sûr, il vaut mieux exhumer le corps du « vrai » Picquier. Seulement, en dessellant le caveau, on ne trouve à l’intérieur aucun cercueil…

Les Zombies n’existent pas est une adaptation du thriller « Lazarus » d’Emanuel Dadoun. Une histoire de Serial Killer glaçante, mystérieuse, chamanique. Le premier album d’un auteur de 23 ans que je qualifierais avec plaisir de « couillu ». Parce qu’il fallait oser se lancer dans un roman graphique aussi dense et ambitieux. La narration est aussi torturée que l’esprit du meurtrier et il faut parfois s’accrocher pour suivre mais tout se tient. On alterne entre le point de vue du tueur et celui de l’enquêteur, on saute en une page d’un lieu à l’autre, du présent au passé, de la France au Mexique. Et tout se tient. Ça mériterait parfois d’être un poil plus fluide, plus limpide, mais rien de bien méchant.

Et puis au niveau du dessin, c‘est énorme je trouve. Du noir et blanc très travaillé, un gros jeu sur les ombres et le cadrage, un trait qui n’est pas sans rappeler celui de l’excellentissime argentin Eduardo Risso, bref, j’adore.

Une bien belle surprise, donc. Un auteur débutant qui prend autant de risques et parvient à créer une ambiance pesante à souhait avec une telle maîtrise graphique, chapeau bas. Et vivement votre prochain album, monsieur Escallon !  


Les zombies n’existent pas de Sylvain Escallon. Sarbacane, 2013. 132 pages. 22,00 euros. 






vendredi 10 octobre 2014

Los boys - Junot Diaz

Quel plaisir de retrouver Yunior. Un Yunior avant Yunior si j’ose dire. Un Yunior enfant et ado qui n’est pas encore tout à fait le salopard macho et imbuvable découvert l’an dernier dans le Guide du loser amoureux. Yunior et les siens, émigrés de Saint-Domingue débarqués dans le New Jersey par un froid matin d’hiver, vont prendre le rêve américain de plein fouet. A l’époque, son grand frère Rafa n’a pas encore été emporté par le cancer et son "Papi" ne s’est pas encore tiré avec une jeunette. A dix ans, Yunior est malade à chaque fois qu’il monte en voiture. Plus tard, il dealera de l’herbe comme tout le monde, sera livreur de billards et tentera de vivoter comme il peut.

Les nouvelles de ce recueil alternent entre les années d’enfance passées sur l’île dominicaine avec sa mère et Rafa (loin du père, parti des années auparavant chercher fortune chez l’oncle Sam) et la période où la famille est réunie aux Etats-Unis pour le meilleur et pour le pire. J’ai retrouvé avec plaisir la langue si particulière de Junot Diaz, mélange d’anglais (traduit, pour le coup) et d’argot hispano-dominicain. Une forme d’oralité bien plus travaillée qu’il n’y paraît, pleine de force et de vitalité. Bien sûr, c’est parfois cru, un poil vulgaire mais c’est aussi drôle et touchant, anecdotique et profond, comme la vie quoi.

Diaz décrit une communauté touchée par la misère, une famille en souffrance et un gamin qui ne sait que trop bien d'où il vient. Mais il le fait sans pathos, avec une tendresse et une énergie qui vous donne le sourire. Publié en 1996, ce recueil sera suivi onze ans plus tard de "La Brève et Merveilleuse Vie d'Oscar Wao", un premier roman qui remportera le National Book Critics Circle Award et le Prix Pulitzer de la Fiction. Rien que ça. Un roman qui est bien au chaud dans ma pal et que je vais me faire un plaisir de déguster d'ici peu.
    

Los boys de Junot Diaz. 10/18, 2000. 172 pages. 6,10 euros.

Une lecture commune que je partage avec Marilyne, en souvenir de nos pérégrinations dans les allées du festival America. Il y avait longtemps que l'on n'avait pas lu quelque chose ensemble et ça fait du bien ;)






jeudi 9 octobre 2014

Surtout rester éveillé - Dan Chaon

Ces dernières semaines, j’ai lu Paul Harding et son père sombrant dans la folie après la perte de sa fille. J’ai lu Burnside et ses noyés du fin fond de la Norvège, Denis Michelis et son apprenti serveur devenu le souffre-douleur de ses collègues, Leïla Slimani et sa nymphomane dépressive, Stéphane Guibourgé et son skinhead ultraviolent, Antoine Dole et sa femme battue, Radhika Jha et son accro du shopping poussée à la prostitution ou encore Marcus Malte et sa borgne cinglée qui enferme les hommes dans son coffre après les avoir assommés. Autant dire que je nage dans un océan de bonheur et de béatitude. Pour compléter le tableau, et avant d’entamer une inévitable cure de Prozac, je me suis lancé dans le recueil de nouvelles de Dan Chaon, un auteur qui avait fait sensation il y a quelques années avec son premier roman, « Le livre de Jonas ».

Pourquoi je dis « compléter le tableau » ? Parce que l’univers de Chaon est, en termes de noirceur, au diapason de mes récentes lectures. Jugez plutôt : dans ce recueil, on trouvera l’histoire d'un bébé à deux têtes qu'il va falloir opérer juste au moment où son père a un accident de voiture qui lui sectionne la moelle épinière, celle d’un fils arrivant dans la maison de ses parents et trouvant une lettre de sa mère le suppliant de ne pas grimper à l'étage et d’appeler la police (je vous laisse imaginer la suite…), d’un ancien alcoolique ayant refait sa vie après avoir abandonné femme et enfant qui va subir une terrible vengeance, de Dave Deagle, quarante ans, déjà veuf et déjà victime d’une crise cardiaque ou encore d’un lycéen dont la petite amie va donner naissance à un nourrisson non viable et qui, le jour de l’enterrement, ne trouvera rien de mieux à faire que de disparaître au moment où cinquante personnes viennent lui présenter leurs condoléances. Vous en voulez encore ou je m’arrête là ? C’est léger, joyeux, guilleret et on en sort revigoré, je ne vous dis que ça.

Blague à part, j’ai beaucoup aimé. Ça dégouline de tristesse, de douleur et de solitude, il y a parfois un soupçon d’étrangeté qui n’est pas sans rappeler l’univers de Chris Adrian. Après, le problème, c’est que depuis peu, en matière de nouvelles américaines, mon mètre-étalon est Bruce Machart. Et avec lui, la barre est placée tellement haut que les autres souffrent forcément de la comparaison. Donc, non, Dan Chaon n’a pas la grâce et la puissance d’écriture de Machart. Mais ses histoires tiennent quand même sacrément la route et ce recueil ravira sans problème les amateurs du genre. Du moins si on aime les atmosphères un peu (beaucoup) plombantes…

Surtout rester éveillé de Dan Chaon. Albin Michel, 2014. 300 pages. 22,00 euros.

Extrait :

Ton avenir se modifie et se déforme au moindre de tes pas, au moindre de tes coups de tête merdiques. L’homme que tu deviendras est à ta merci. 
Un des hommes que tu aurais pu être est déjà mort et tu devrais prendre le temps de t’ôter de la tête ses ossements couverts de toile d’araignée. Sa maison, son jardin, son travail ennuyeux de loser. Son bébé. Et Meg – ton ex-future femme – tu devrais aussi te l’ôter de la tête avant de lui parler, tu devrais te débarrasser de l’épouse que tu projetais déjà d’embrasser au réveil, de baiser et d’aimer pendant d’hypothétiques décennies. Dis adieu à cette dimension alternative, à cette autre vie. Chasse-là et puis appelle Meg et mets un terme à tout ça – tu seras comme une jeune feuille d’arbre qui s’ouvre.






mercredi 8 octobre 2014

L’aliéniste - Fabio Moon et Gabriel Bá

A Itagaï, petit village brésilien, le docteur Simon Bacamarte parvient à convaincre les édiles de construire un bâtiment pour accueillir et soigner les fous. L’asile, baptisé « La maison verte », est inauguré en grande pompe et reçoit ses premiers « déshérités de l’esprit ». Mais Bacamarte voit plus loin, il voudrait « étendre le territoire de la folie », déplacer les limites entre la raison et la démence. Pour mener à bien sa tâche, il va peu à peu interner la majorité des habitants du village, trouvant en chacun d’eux une pathologie cérébrale à traiter…

L’aliéniste est l’adaptation d’un classique de la littérature brésilienne publié en 1882. Joaquim Maria Machado de Assis y dresse une imparable chronique de l’absurdité humaine. Partant du principe que la raison est le parfait équilibre de toutes les facultés mentales et constatant que personne ne parvient à être raisonnable, Bacamarte multiplie à l’infini les enfermements dans la maison verte et soulève l’ire de la population. Pour lui, la lucidité, la clairvoyance, la loyauté, la franchise, la sagesse ou la sincérité sont autant de symptômes de la folie. Se retranchant derrière le dogmatisme scientifique pour légitimer ses décisions, le médecin semble être le seul à posséder les caractéristiques du parfait équilibre mental et moral. Sauf que tout est relatif…

Le propos est d’une grande finesse et la démonstration, pleine d’ironie, prouve au final qu’il est impossible de répondre à la question centrale soulevée par le texte, à savoir, qu’est-ce que la normalité ?

L’adaptation est fidèle, l’ensemble peut paraître un poil trop bavard mais difficile de faire autrement. J’ai retrouvé avec plaisir le trait souple et élégant des frères Moon et Bá qui m’avait tant séduit dans Daytripper. Le travail au lavis et les tons cuivrés donnent au dessin une patine digne des gravures d’antan. Un album qui pousse à la réflexion et interroge sur les méandres de la nature humaine. A mettre entre toutes les mains !


L’aliéniste de Fabio Moon et Gabriel Bá. Urban Comics, 2014. 70 pages. 14,00 euros.


Une lecture commune que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette.








mardi 7 octobre 2014

Le premier mardi c'est permis (30) : Les chambres - Tran Arnault

« La chambre ici est chambre de passage. Passage de celui ou celle qui fait halte en échange d’un dû acquitté. Le lieu est sans repère, que seul désigne un numéro. […] Ce lieu est sans témoins et sans lois, sans passé ni avenir. Dans la clôture et le secret toute demande y est recevable. Je suis pour l’autre qui m’accueille apparition avant la disparition. Dans l’effacement sitôt sortie d’un champ de vision. Mon corps ne prend forme qu’invité à en rejoindre un autre. Je n’existe que convoquée. »

La narratrice franchit le seuil de chambres d’hôtel anonymes  pour rejoindre celles qui ont fait appel à elle. Elle loue ses services pour « vivre des seuls plaisirs à dispenser » et ne traite qu’avec des femmes. Après chaque rencontre, elle envoie au mystérieux D. le rapport détaillé de ses ébats. Elle n’agit pas sous la contrainte, n’entre jamais à reculons dans les alcôves où on l’accueille. Elle aime le renouvellement permanent des demandes, des corps, des situations, des caresses. Elle aime plaire, être désirée. Elle aime jouir et faire jouir…

Je pourrais jouer le blasé, le gars détaché, revenu de tout, que plus rien ne surprend. Mais avec ce genre de plans entre filles, racontés de cette façon-là, j'avoue, je ne peux pas rester de marbre. Souvent je m’ennuie ferme avec la littérature érotique mais pour le coup je dois reconnaître que ce bouquin est diablement émoustillant. L’écriture est très belle, les scènes sont variées, les descriptions ont une rare force d’évocation et m’ont réellement fait de l’effet. A chaque chambre sa nouveauté, sa mise en scène originale, sa « cliente » aux attentes particulières. Même la description de la toilette coquine d’une obèse m’a mis dans tous mes états alors que normalement j’aurais dû en avoir des hauts le cœur, c’est dire ! Un livre dont je n’attendais strictement rien et qui s’avère être au final une divine surprise, c'est rare mais ça arrive encore de temps en temps.

PS : Ne cherchez pas ce titre en librairie, il n’est malheureusement plus disponible. Vraiment dommage tant il est d’une qualité bien supérieure aux médiocrités publiées ces derniers temps dans le même genre.

Les chambres de Tran Arnault. Hors Collection, 2010. 142 pages. 12,90 euros.










lundi 6 octobre 2014

A l'origine notre père obscur - Kaoutar Harchi

« Envie brutale de fuir cette maison singulière, aux frontières de l’irréel, cette maison dont les femmes disent qu’elle est le vestige d’un temps ancien, archaïque, une maison de pierres aux chambres carrées, à peine meublées, une maison sans la moindre trace de couleur où règne le silence des cimetières, l’obscurité des forêts, une maison entourée d’un terrain vague, construite à l’écart de la ville par des hommes aidés de femmes dans le but d’isoler d’autres femmes, la maison des délits du corps où l’on ne châtie ni ne violente, où on rééduque, jour après jour, au risque d’y passer des années, par la seule force de l’enfermement. Il faudrait dire de l’emmurement. Aucun gardien, ici, ne surveille les femmes. Elles vivent sous le poids des règles familiales inculquées depuis l’enfance et sont devenues leurs propres sentinelles. »

La maison des femmes est un lieu où sont parquées les recluses, celles convaincues d’avoir fauté, celles qui ont bafoué l’honneur de leur mari et de leur famille, celles qui ont parfois simplement voulu être elles-mêmes. La narratrice y vit avec sa mère. Elle y est née. Devenue adolescente, elle se heurte au silence maternel et ne supporte plus la passivité de cette communauté courbant l’échine sous le joug des traditions. Les circonstances vont lui donner la force de pousser la lourde porte en bois de la bâtisse et d’aller chercher des réponses auprès de ce père qu’elle n’a jamais connu.

Au-delà de la quête des origines, ce texte d’une beauté élégiaque est avant tout un cri de révolte. Contre la complaisance, la résignation de ces femmes acceptant leur sort, ces femmes devenues dépendantes au mal qu’infligent les hommes. C’est une voix qui s’élève pour dire « je viens de vous mais je ne suis pas à vous et je refuse de me sacrifier comme les femmes, depuis des millénaires, se sacrifient ». Sacrifiées « par fidélité, par honneur, par devoir, n’osant pas se lever et se rebeller. On les avait, ces femmes, dressées pour et quand est venu mon tour de choisir quel chemin prendre, il y eut, d’abord, ce besoin viscéral de me dresser contre. Contre elles et leur docilité de petites chiennes effrayées par l’ombre du maître quand moi, moi ma vie, moi mon destin, c’était, ce maître, l’approcher, le sentir, le toucher, et, yeux dans yeux, malgré le souffle court et le soulèvement vif du cœur dans la poitrine, lui murmurer à l’oreille : vois comme je n’ai pas peur de toi. Vois comme je te comprends. Vois comme je t’aime. »

Je suis sorti de ce roman abasourdi par la puissance de l’écriture, sensuelle, heurtée, poétique. L’absence d’ancrage géographique et temporel donne au propos un coté universel. Et mon regard masculin ne peut que constater l’évidence : oui, en se réfugiant derrière le poids des traditions et la force brute, les hommes ne font que signifier leur lâcheté. Incontestablement ma lecture la plus marquante de la rentrée littéraire.

A l'origine notre père obscur de Kaoutar Harhci. Actes Sud, 2014. 164 pages. 17,80 euros.

Les avis de Jostein, Leiloona, Marilyne, Nadael, Noukette, Stephie










dimanche 5 octobre 2014

Le festin de Raccoon - Marianne Ratier

Comme chaque année, les Smith vont donner une grande fête. La veille, alors que la maisonnée est endormie et le festin préparé, Racoon se glisse dans le garde manger, affamé. Au menu pour lui, brunch à l’anglaise, salade Caesar, gnocchis au fromage, limonade, saumon sauce chien, tartare de bœuf, cheese burger, fondant au chocolat, punch et cheesecake. De quoi se régaler à priori. Sauf que…

Un excellent « cherche et trouve » grand format fourmillant de détails. Pour passer inaperçu, Raccoon se fond dans le décor. Plus fort encore, on découvre parfois sa présence en voyant uniquement les dégâts qu’il a causés. Il faut alors chercher parmi les aliments celui qu’il a dévoré. Les illustrations sont magnifiques, couvrant des doubles pages dans un style « papier peint »très coloré du plus bel effet.



En plus, l’album raconte une véritable histoire, ce n’est pas un simple exercice d’observation, et à la fin sont listés les ingrédients de chaque plat qu’il faut retrouver parmi différents dessins. Beau et ludique, une alternative au classique mais ronronnant  « Où est Charlie »dont l’esthétique particulièrement léchée séduira petits et grands.

Le festin de Raccoon de Marianne Ratier. Marmaille & compagnie, 2014. 44 pages. 16,00 euros. A partir de 3-4 ans.

L'avis de MyaRosa


samedi 4 octobre 2014

Tag défi positif



Tiens, un tag. Il y avait longtemps. Philisine a pensé à moi, c’est gentil de sa part et elle sait que je ne peux rien lui refuser. Le principe est simple, citer trois choses positives de ma journée, et ce trois jours de suite. Par chose positive, j’entends surtout moments agréables, et j’avoue qu’ils se font plutôt rares ces derniers temps. Mais en cherchant bien, j’ai trouvé quelques bricoles.

Jeudi 2 octobre

1) Prendre un café en bonne compagnie pour attaquer la journée sur de bons rails.


2) Aller parler de livres dans un collège. Soixante élèves en face de moi, 45 minutes pour leur donner envie de lire et me sentir bien, à ma place.

3) Trouver dans la boîte aux lettres le cadeau d’anniversaire de ma femme. Elle est déjà au courant mais rien ne pouvait lui faire plus plaisir.



Vendredi 3 octobre

1) Déposer comme chaque matin la petite dernière à la crèche et la sentir heureuse d’y aller. Jamais un pleur, jamais un au revoir. Elle m’ignore totalement dès la porte franchie pour aller rejoindre sa grande copine Emma qui lui tombe dans les bras. C’est trop mimi et je me réjouis de la voir couper le cordon aussi facilement (bon, entendons-nous, elle est quand même très contente de nous retrouver chaque soir, et c’est rien de le dire !).



2) Avoir comme chaque vendredi après-midi un « rendez-vous » que je ne raterais pour rien au monde tant il me fait du bien.

3) Apprendre un nouveau mot : sérendipité. J’aime bien enrichir mon vocabulaire, j’ai l’impression de me coucher moins bête le soir venu. Si vous ne savez pas ce que ça veut dire, vous ferez comme moi, vous chercherez. Et si vous êtes joueur, vous pourrez essayer de le placer dans une conversation. Pas simple…

Samedi 4 octobre

1) Aller à la banque pour finaliser le rachat de notre crédit immobilier et se dire que l’on va faire de sacrées économies.

2) Aller pour la 4ème fois de l’année chez le coiffeur, un record ! Avant c’était plutôt une fois tous les deux ans… Bon, là, je triche un peu, ce n’est pas vraiment un bon moment parce que j’ai horreur de ça mais on va dire que la chose positive c’est de sortir de chez le coiffeur en se disant que la corvée est terminée !

3) Un samedi soir entre amis, de l'excellent champagne... ou comment finir la semaine sur une note des plus agréables.


Comme d'habitude je ne tague personne, j'ai une réputation de "briseur de tag" à préserver.





vendredi 3 octobre 2014

Fannie et Freddie - Marcus Malte

Deux longues nouvelles dans ce recueil. La première se déroule à New York. On y croise Fannie et son œil de verre, en route pour un parking de Wall Street. Elle s’y gare et attend. Un homme lui demande de bouger sa voiture mais elle voudrait d’abord qu’il l’aide à sortir sa roue de secours du coffre. Le gars se penche vers la roue et elle lui balance une décharge de 900 000 volts avec un poing électrique avant de lui enfoncer une aiguille dans le cou et de l’embarquer jusque chez elle…

Dans la seconde, un flic de la Seyne-sur-Mer revient sur la plage où, des années plus tôt, on a trouvé le cadavre de son meilleur ami. « Il lui manquait une partie du visage. Le quart supérieur droit. Il lui manquait les cils, les sourcils et une oreille. Il lui manquait cette lueur de malice au fond des yeux qui souvent lui tenait lieu de passe-droit. […] Il lui manquait cette incroyable énergie, cette époustouflante santé des jeunes plants poussés à l’air libre. Il lui manquait le souffle et la vie. Paul avait quatorze ans. » Si la thèse du suicide a toujours été privilégiée, il n’y a jamais cru. Depuis, il s’est juré de retrouver le coupable…

Bienvenue chez Marcus Malte. Son univers glaçant, sa prose au scalpel et ses personnages un rien flippants. Dans la première nouvelle, je me suis cru revenu chez D. Ray Pollock avec une routarde du crime qui trouve ses victimes par hasard et cherche à leur en faire baver. Sauf que ce n’est pas si simple. La seconde est plus classique, pleine de tristesse et de mélancolie. Les deux sont parfaitement ciselées. On y trouve en toile de fond les dégâts de la mondialisation, la solitude, la violence, le poids des souvenirs, le temps qui passe et ravage les espoirs. Le propos se veut aussi politique, engagé. L’écriture est tendue, froide comme le marbre. Du Malte pur jus, oserais-je dire.

Fannie et Freddie de Marcus Malte. Zulma, 2014. 160 pages. 15,50 euros.

Et une nouvelle lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Noukette.










jeudi 2 octobre 2014

La beauté du diable - Radhika Jha

Si vous passez ici régulièrement, vous savez que je suis un adepte du grand écart. Au niveau des lectures du moins. J’aime varier les plaisirs, sortir de ma zone de confort, m’aventurer sur des chemins totalement inconnus. C’est pour cela que je me suis laissé tenter par ce roman de prime abord digne du diable s’habille en Prada ou des confessions d’une accro du shopping. Je dis de prime abord parce qu’au final, on en est loin.

A Tokyo, Kayo, la narratrice, s’adresse à un mystérieux destinataire. Elle lui explique son parcours : mariée trop vite à un salaryman accaparé par son métier de banquier, elle devient mère trop jeune et végète dans un rôle de femme au foyer sans avenir ni perspectives. Son désœuvrement la ronge. L’ennui insondable qu’elle vit au quotidien la pousse inexorablement vers la dépression.  En retrouvant Tomoko, une ancienne camarade de lycée, elle découvre le monde de la mode, le shopping compulsif, les vêtements, chaussures et accessoires de marque. Elle enchaîne les ventes privées, fait sienne la devise de son mentor (« Les vêtements représentent le seul vrai pouvoir que nous autres femmes détenons sur le monde ») et finit par se brûler les ailes.

Ayant ouvert un compte sans en parler à son mari grâce à un don de sa mère, elle dépense sans compter jusqu’au jour où la source se tarît. Croulant sous les dettes, elle s’adresse à des usuriers mafieux pour obtenir un crédit. Les yakuzas vont lui faire comprendre qu’il y a un moyen très simple d’obtenir tout l’argent qu’elle désire en toute discrétion : la prostitution…

J’ai vraiment beaucoup, beaucoup aimé ce roman. Radhika Jha est indienne mais j’ai retrouvé dans son texte le sombre désespoir que j’apprécie tant dans la littérature japonaise contemporaine, notamment chez Murakami Ryu. Aucune superficialité malgré les apparences. Le mal être de Kayo est profond, elle achète pour exister, pour ne pas devenir invisible. Elle achète pour combler un vide qui a désespérément besoin d’être rempli. Sa confession agace, touche, inquiète. Elle fascine aussi. Sous les abords légers la cruauté affleure, le glamour devient glauque, l’ivresse du shopping tourne à l’aigre. Percutant et fort bien mené.


La beauté du diable de Radhika Jha. Picquier, 2014. 274 pages. 19,50 euros.