vendredi 21 septembre 2018

La générosité de la sirène - Denis Johnson

Denis Johnson cultive à merveille l'art de la chute. Pas la chute de ses nouvelles mais plutôt celle de ses personnages. Dans ce recueil sont présentées des histoires d'hommes simples, fragiles, perdus, loin des classiques portraits de mâles aux prises avec leur identité virile. Ainsi ce publicitaire constatant que son existence s'est écoulée trop vite et que le poids des ans commence à se faire sortir. Ou encore ce drogué en cure de désintoxication qui a « une douzaine d'hameçons dans le coeur », ce taulard imbibé de LSD, et ce poète obsédé par Elvis.

Ils sont là, en suspens, comme prêts à se dissoudre. Des âmes seules entourées de souvenirs, de fantômes. Et le lecteur de les accompagner avec une forme de retenue proche de la pudeur. Les découvrir sans les juger, sans chercher à les comprendre, avec l'impression de les observer de loin tout en partageant des confidences qui ne lui étaient pas forcément destinées.

Décédé en 2017, Denis Johnson était admiré par ses pairs (Jonathan Franzen et Don DeLillo en tête) et considéré par les critiques comme un des auteurs les plus importants de sa génération. Dans ses nouvelles la filiation avec Carver saute aux yeux : même limpidité dans l'écriture, même minimalisme saisissant d'émotion. Mais Johnson y rajoute une touche de poésie, un soupçon de lyrisme, un trait d'humour. Surtout il porte sur le monde un regard désabusé d'une lucidité qui touche en plein coeur.



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