lundi 18 février 2013

Sans même nous dire au revoir - Kentarô Ueno (Kana)

Ueno © Kana 2011
« A tous mes lecteurs français. En réalité, j’aurais préféré que l’on fasse connaissance avec un manga plus joyeux, mais malheureusement, celui que vous tenez entre les mains est empreint d’une grande tristesse. Certaines personnes pourront trouver son propos trop « cru » et, de ce fait, ressentir pour lui de l’aversion. Cependant, au-delà des questions de goût pour ce manga, la mort est inévitable pour tout le monde. J’ai donc dessiné ce manga, persuadé qu’il trouvait là sa raison d’être. »

Un préambule de l’auteur pas si anodin tant le sujet qu’il aborde est sensible. Kentarô Ueno raconte dans ce manga le décès de sa femme et le deuil qui s’ensuivit. Le 10 décembre 2004, à minuit, le mangaka trouve sa chère Kiho allongée dans la cuisine, face contre terre. Une crise cardiaque foudroyante. Malgré l’arrivée des secours, elle ne pourra être réanimée.

Ueno décrit avec minutie les heures, les jours, les semaines et les mois qui ont suivi. La préparation de la crémation, la venue de la famille, le dernier adieu. Le retour à la maison avec l’urne contenant les cendres. L’homme est brisé par cette tragique disparition. Il se replonge dans les souvenirs, effrayé à l’idée d’oublier son grand amour, la mère de son enfant, âgée de 10 ans à l’époque des faits. Beaucoup de dignité dans ces pages pas racoleuses pour deux sous. A aucun moment Ueno ne cherche à tirer des larmes au lecteur. Il veut juste  revenir sur le long cheminement lui ayant permis, peu à peu, de se reconstruire. Kiho était une femme fragile, sujette à de terribles crises d’asthme et souffrant d’une profonde dépression. Pourtant il n’avait de cesse de la supporter et de l’aider : « Pouvoir être ensemble nous rendait heureux. Dans les moments difficiles, c’est merveilleux d’avoir un nom à murmurer, m’avait dit Kiho. Autrefois, ce nom me servait de lumière dans l’obscurité. C’est si dur, il n’y rien à faire. »    
   
L’honnêteté et la simplicité du propos rendent ce récit autobiographique bouleversant. Une justesse de ton à priori impossible à trouver. Il aurait été si facile de donner dans le mélo pur et dur pour faire pleurer dans les chaumières. Ueno ne cède jamais à cette tentation. Sans doute parce que ce manga n’a pas été réalisé à chaud mais avec quelques années de recul. Il sonne à la fois comme un dernier hommage et une thérapie cathartique nécessaire pour, enfin, pouvoir avancer. Sans doute le manga le plus mature qu'il m'ait été donné de lire jusqu'à présent.

« Merci d’avoir été » est-il écrit au début du recueil. Une épitaphe que j’aimerais voir figurer sur ma tombe.        
Je dois la découverte de ce one shot à Tristan, nouveau chroniqueur manga de la revue Les années. Il a présenté deux titres pour l’instant (le 1er était La plaine du Kantô de Kazuo Kamimura) et à chaque fois il a tapé dans le mille en ce qui me concerne. Vivement le prochain numéro !

PS : son billet est tellement mieux que le mien que je vous le mets ci-dessous.     

Sans même nous dire au revoir  de Kentarô Ueno. Kana, 2001. 272 pages. 12,70 euros. 

Ueno © Kana 2011






16 commentaires:

  1. Oh que çà va me plaire çà...je note ...dispo à la bibli...réservation à faire...merci...bonne semaine...

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    1. Super ! J'espère que cette lecture te plaira autant qu'à moi.

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  2. Plus je vieillis, et moins je me sens capable de lire ce genre de chose...

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    1. Je comprends. On peut être totalement rebuté par une lecture pareille.

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  3. Le sujet me fait un peu peur mais ton billet donne tout de même envie de le découvrir....

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    1. C'est vraiment une question d'envie, il ne faut pas se forcer sur un sujet aussi difficile.

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  4. Rien que le titre me donne terriblement envie de découvrir cette jolie suggestion de début de semaine !

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  5. Un sujet grave mais qui semble très bien traité.
    Je vais avoir un problème, chaque fois que je passe sur ton blog, j'ai envie de lire ce que tu présentes.
    Je ne te remercie pas !!! ^^

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    1. C'est gentil (et bon signe) de ne pas me remercier. Au moins j'ai parfois l'impression d'endosser les habits du vil tentateur, ce n'est pas pour me déplaire.

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  6. Moi qui voulais une liste de mangas, entre toi et Mo me voilà comblée !

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    1. Oui tu auras au moins deux one shot de qualité à découvrir.

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  7. J'avais aussi beaucoup aimé ce manga, très émouvant, même si comme tu le soulignes l'auteur ne cherche pas à faire pleurer dans les chaumières. Je me demande comment il a pu trouver la force de dessiner sa souffrance. C'est un bel hommage en tout cas.

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    1. Une sacrée découverte pour moi en tout cas. Un très beau manga.

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