jeudi 28 février 2013

Sur les nerfs - Larry Fondation

Fondation ©
Le Livre de Poche 2013
Il y a quand même de drôles de loulous dans la littérature américaine actuelle. Des gars sortis de nulle part qui ont été ouvriers, soldats, camionneurs, bûcherons ou que sais-je encore. Des autodidactes qui racontent leur Amérique cauchemardesque et c’est pas joli à voir. Je pense à Donald Ray Pollock, à l’indien emprisonné pour meurtre Joël Williams, à Benjamin Whitmer, à Eric Miles Williamson ou encore à Frank Bill (je vous en parle tout bientôt). Larry Fondation est de la même trempe. Médiateur de rue depuis plus de 20 ans, il connaît les pires endroits de Los Angeles comme sa poche. C’est à l’évidence dans son quotidien qu’il puise son inspiration.    

Fondation, c’est un peu comme si Carver oubliait pour un temps les petites gens et allait traîner ses guêtres du coté des damnés de la terre. Dans son Los Angeles, on est loin d’Hollywood. On y trouve des crétins qui font boire de la vodka pure à un gamin de quatre ans hyperactif pour l’assommer un bon coup. Des gangs qui sortent les flingues à la moindre broutille. Dans les quartiers sinistrés, on s’occupe en tirant sur les rats au fond des caves désaffectées ou alors on se bourre la gueule en fumant du crack sur des parkings à l’abandon. 

L’écriture est minuscule, fragmentaire. Certains textes font à peine quelques lignes. De la microfiction qui vous saute à la gorge. Une juxtaposition de petites séquences formant un tout désordonné ou la violence et le désenchantement prédominent. Une peinture froide, glaciale même de ces populations misérables qui ont perdu toute humanité. Pas de jugement, aucune empathie, juste un coup de projecteur furtif sur une forme de déchéance absolue.

A bien des égards, la construction de ce recueil m’a fait penser à la dernière partie du cultissime Last Exit to Brooklyn de Selby qui s’intitule Coda : on saute de personnage en personnage, de lieux en lieux dans un périmètre très restreint. C’est électrique, sans fioriture, nerveux à souhait. Tout ce que j’aime.

Est-ce que pour autant je vous conseillerais une telle lecture ? Surement pas. Trop peur de me faire enguirlander si au final vous en concluez  que c'est trop barré ou sans queue ni tête. Moi en tout cas j’y ai trouvé mon compte.

Allez, un petit extrait pour vous mettre dans le bain. C’est une nouvelle qui a pour titre Tu veux bien ? Je la reproduis en entier (je vous ai prévenu, c'est de la microfiction):

"Il n’a pas vraiment aimé frapper le vendeur avec la crosse de son pistolet, mais il aimait le fric. Il s’était toujours dit que les magasins d’alcool devaient avoir pas mal de cash.
Il a pris le bus pour rentrer à la maison.
Elle avait les pieds sur le canapé en simili-cuir.
- J’ai braqué le magasin, il lui a dit. Tu veux bien baiser avec moi, maintenant ?
"

Sur les nerfs de Larry Fondation. Le livre de poche, 2013. 120 pages. 5,10 euros. 


30 commentaires:

  1. Tu as deviné: moi je passe en tout cas. Pas envie de ce genre-là pour le moment!

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  2. Comme d'habitude, il faut bien attacher sa ceinture avec cette white trash américaine... je la consomme avec modération (et donc avec plaisir le moment venu).

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    1. En ce moment j'accumule ce type de textes. Et j'en ai encore deux sous le coude !

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  3. Tu me fais peur là pour le coup...

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  4. Alors là, c'est à mon tour de passer ! ;-)

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  5. La dernière partie de Last Exit to Brooklyn est celle que j'ai le moins aimée car je n'ai pas eu le temps de m'attacher aux personnages (enfin, si on peut s'attacher aux autres personnages. Donc, je passe.

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    1. Pas pour toi en effet si tu n'as pas aimé la fin de Last Exit.

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  6. "Est-ce que pour autant je vous conseillerais une telle lecture ? Surement pas. Trop peur de me faire enguirlander si au final vous en concluez que c'est trop barré ou sans queue ni tête. Moi en tout cas j’y ai trouvé mon compte."

    J'adore.
    Cela suffit à vrai dire à me convaincre de le lire à plus ou moins long terme.

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  7. S'il n'y a pas un peu d'humour pour atténuer la violence, je risque de faire la grimace...

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    1. Non, malheureusement, pas la moindre dose d'humour.

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  8. Si c'est dans la même veine que Pollock je ne vais résister ! Et hop un de plus !

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    1. Oui, c'est un peu dans la même veine que Pollock mais en beaucoup plus épuré.

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  9. Moi, ça me tente... Ce doit être mon côté décadent... ^^

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  10. Pas pour moi quand c'est trop barré ( mais, tu ne vas pas me croire, j'ai lu dernièrement un roman anglo-saxon ;-)

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  11. Je passe, pourtant je pense que la société va de plus en plus aller dans ce sens. Mais je reste traumatisée par Selby Jr ;-)

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    1. Selby restera à jamais un de mes plus grands moments de lecture.

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  12. C'est vrai qu'au travers de l'extrait que tu donnes, c'est plutôt cru. A lire à petites doses, alors.

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  13. Ouh laaaa... C'est space non...? Pas pour moi je pense !

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  14. Déjà que je trouve les nouvelles trp courtes alors là, je crois que ce n'est pas du tout pour moi !

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    1. C'est certain, ce livre n'est pas du tout pour toi !

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