mercredi 27 octobre 2010

Bambou T1

Le petit cerf Bambou vient de naître et tous les animaux de la forêt sont réunis pour l’accueillir. Son père Abrahaaam s’est fait la malle quand il a su qu’il allait être papa. Elevé par sa mère, Bambou intrigue ses congénères : son regard inquiétant fait froid dans le dos. La vraie nature du jeune faon est révélée le jour où lui pousse sa première dent. Attiré par la chair fraîche, Bambou devient un terrible carnivore ! Il commence par boulotter sa mère avant de s’attaquer à d’autres proies : quelques lapins, un écureuil, un oiseau… Lorsque Pafpaf, son seul ami, découvre la terrible vérité, il décide de convertir le petit cerf sanguinaire au végétarisme…

Franchement, il fallait oser : faire de l’icône Bambi un serial killer qui s’attaque aux animaux de la forêt ! Et Panpan qui devient Pafpaf, une sorte de lapin crétin affublé d’un toc ridicule. Sans oublier un bestiaire qui regorge d’animaux plus stupides et naïfs les uns que les autres. La parodie est ici sans équivoque. Elle s’adresse essentiellement aux adultes qui n’en peuvent plus de la mièvrerie « Dysnéenne ». Alors attention, ne laisser pas tomber ce brûlot dans les mains de votre jeune progéniture, elle en ressortirait fortement secouée.

Au niveau graphique, lorsque l’on ouvre la BD pour la première fois, on a l’impression d’être tombé sur le travail collectif de fin d’année d’une école primaire. Vous savez, quand les enfants ont mené un atelier d’écriture et de dessin et que l’enseignant a finalisé le projet en imprimant un exemplaire pour les parents. Des dessins au crayola, sans aucun encrage. Pas vraiment de cases, un lettrage que ne renierait pas ma fille de 8 ans… Bref, un vrai choc visuel quand on découvre cet album dans le rayonnage d’une librairie. Mais à y regarder de plus près, on constate que Gaëlle Alméras possède une réelle maîtrise de ses crayons de couleur. Les proportions sont bonnes, l’expressivité des visages et notamment des yeux est très travaillée et les décors, bien que simplissimes, fleurent bon la campagne.

Bambou est donc une œuvre underground assez typique de ce que peut proposer la BD indépendante. C’est le genre de titre qui n’aurait jamais pu voir le jour chez Dargaud, Delcourt ou Dupuis ! Quoi qu’il en soit, au-delà de l’originalité et de la parodie, je n’ai pas été spécialement embarqué. L’histoire, trop linéaire, n’est pas d’un grand intérêt. Mais le gros défaut, pour moi, est l’absence d’humour. Difficile de trouver des passages vraiment drôles. Peut-être que l’humour n’était pas le but premier, mais quitte à parodier, il aurait fallu pousser le bouchon encore plus loin et faire dans le trash gras et sans équivoque. Un second tome est prévu l’année prochaine. J’y jetterai un œil pour voir comment vont évoluer Bambou et Pafpaf, en espérant que la suite de leurs aventures gagnera en épaisseur et en rebondissements.

Bambou T1, de Gaëlle Alméras, éditions Diantre, 2010. 56 pages. 15 euros.



L’info en plus : Gaëlle Alméras est diplômée de l’école de l’image d’Epinal. Elle a publié un premier ouvrage, La Gouniche, aux éditions Diantre en janvier 2010.





La BD du mercedi, chez Mango

Challenge Pal sèche

lundi 25 octobre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 8) : Dernier train pour Buenos Aires

Quatre époques, quatre personnages, quatre points de vue pour une seule et même histoire. Dans ce bled paumé du fin fond de l’Argentine, un fait divers terrible s’est produit au cours de l’hiver 1959. Le premier à s’exprimer est le coiffeur Vicente Vardemann. Nous sommes en 1973. Vicente le taciturne décrit les non-événements qu’il observe derrière la vitre du salon de coiffure. Le second à prendre la parole se nomme Bicho Souza. Il sort du cinéma et s’installe à la terrasse d’un bistrot, en 1984. Viendront ensuite Miguelito Barrios (1966) et Folcada qui, lui, raconte cette fameuse journée de décembre 1959. Les quatre parties du roman semblent n’avoir aucun point commun. Pourtant, toutes ressassent à un moment donné les souvenirs d’hommes qui, de près ou de loin, ont vu leur vie bouleversée par le drame qui s’est noué autour d’une femme, la Negra Miranda et ses jambes sublimes. Ce n’est que dans les toutes dernières pages que l’on comprend le fin mot de l’histoire et le sens de ces témoignages.

Voila un très court roman dont la construction semble de prime abord très éclatée mais qui au final relève d’une implacable mécanique de précision. Totalement déstabilisé au départ par une narration hachée en très courts paragraphes sans ligne directrice claire, le lecteur doit dépasser cet apparent manque d’intérêt pour découvrir en filigrane les relations qui unissent les différents protagonistes. Pour ne pas perdre le fil et tirer la quintessence du récit, il me paraît essentiel de lire les 90 pages d’une traite.

Hernan Ronsino adapte le discours de chaque personnage en fonction de sa nature. Pour Vicente le taiseux, les phrases sont courtes et essentiellement descriptives. Bicho Souza est plus volubile, c’est un tchatcheur comme on en croise souvent dans les cafés. Et si le témoignage de Miguelitto Barrios est tout en pudeur et en retenu, celui de Folcada est empli de colère et de véhémence avec de nombreuses répétitions qui traduisent une colère à fleur de peau.

Au final, on ne peut que rester admiratif devant la finesse et l’originalité de la construction du roman. Mais il manque à mes yeux un petit supplément d’âme, ce soupçon d’épaisseur qui aurait permis de densifier le texte et de lui donner davantage de volume.

Dernier train pour Buenos Aires, d’Hernan Ronsino, éditions Liana Levi, 2010. 94 pages. 12 euros.

L’info en plus : Hernán Ronsino est né en 1975 à Chivilcoy, quelques mois avant le coup d'État. Sociologue, il enseigne aujourd'hui à l'Université de Buenos Aires. Il est l'auteur de nouvelles et d'un premier roman remarqué : La Descomposición (pas encore publié en France).

vendredi 22 octobre 2010

Mamé

Mme Cahen vit à la maison de retraite « Les beaux jours ». Elle passe ses journées dans son fauteuil roulant, voyant les visiteurs défiler, mais jamais pour elle. Ne supportant plus cette situation, elle s’échappe et file rejoindre son petit fils Loulou à l’école.
30 pages, 6 euros, 10 minutes de lecture. Voila pour les chiffres bruts. Pas emballant, à priori. Et pourtant ! Tour à tour histoire d’amour, de tendresse et de complicité, ce court récit met du baume au cœur. Il dénonce aussi : la façon dont nous traitons nos aînés, enfermés dans des mouroirs avec comme seule perspective quotidienne l’heure des repas. Que la maison de retraite de Mme Cahen s’appelle « Les beaux jours » n’est pas anodins. Belle ironie ! Finalement, Loulou et Mamé n’aspirent qu’à une chose : partager, ensemble, un dernier moment de liberté. Et le lecteur apprécie de passer ces quelques instants avec eux.
Deborah Pinto réalise ici son premier album. Son trait a quelques ressemblances avec celui d’Hisaichi Ishii (Mes voisins les Yamada). Le dessin manque parfois de fluidité et n’est pas encore tout à fait maîtrisé, mais il colle bien à la simplicité de l’histoire. Loïc Dauvillier est pour sa part avare en dialogues mais peu importe, car les silences qu’il impose valent tous les discours. Le recueil, en noir et blanc, joue beaucoup sur les différents tons de gris ce qui apporte au final une belle variété de contrastes.
De prime abord, cette BD semble être une sorte d’OVNI inclassable. Mais au bout du compte, on ressort de ce petit livre ému, touché par ces deux personnages, par la justesse d’un récit tout en finesse.

Mamé, Loïc Dauvillier et Deborah Pinto, éditions 6 pieds sous terre, 2008. 32 pages. 6 euros. 


L'info en plus : Depuis cette premiere publication, Deborah Pinto a illustré plusieurs ouvrages pour les éditions Milan Jeunesse. Le tout nouveau paraît cette semaine et s'intitule Mon livre animé de Noël. C'est un livre interactif pour comprendre et préparer Noël, avec des animations : volets, roues, peignes, tirettes...




Une BD lue dans le cadre du challenge Pal Sèche.


mercredi 20 octobre 2010

Jojo T18 : Mamy Blues

Mamy est patraque. Un petit coup de déprime. Mais quand elle s’écroule dans la cuisine victime d’un malaise, son fils l’envoie à la clinique pour faire un check up complet. Dans la salle d’attente, pendant que Mamy subit des examens, Jojo tombe sur un concours dans un magazine. Le premier prix est une croisière en méditerranée. Ni une ni deux, il remplit le bulletin de participation et l’expédie par la poste. Le verdict tombe quelques jours plus tard, Mamy, Jojo et Gros Louis sont les grands vainqueurs du concours ! Les voila donc partis pour un voyage de quatre jours avec des escales en corse et en Italie. Mamy n’est toujours pas dans son assiette, Gros Louis doit faire face à un terrible mal de mer et Jojo est frappé de plein fouet par une étrange maladie qui lui fait papillonner l’estomac à chaque fois qu’il croise une ravissante petite peste prénommée Mado. Cette croisière pour le moins mouvementée se terminera évidemment bien pour tout le monde malgré une terrible tempête finale.

J’ai encore du mal à croire que cette 18ème aventure de Jojo est la toute dernière. Depuis son apparition dans le magazine Spirou en 1983 (j’avais 8 ans), le petit bonhomme à la casquette ne m’a jamais quitté. Tous les albums trônent avec fierté dans ma bibliothèque. Et lorsque j’ai appris le décès de son papa, André Geerts, le 27 juillet dernier, ça m’a vraiment fait un choc. Une partie de mon enfance de lecteur qui s’est écroulée, tout simplement. Jojo, c’est la tendresse et la poésie. Des personnages attachants au possible : Mamy bien sûr, Gros Louis, le meilleur copain, sans oublier papa. La série dégage une atmosphère particulière : on a l’impression de sentir les odeurs d’encre et de craie lorsqu’André Geerts dessine une salle de classe. Ses décors ruraux sont aussi exceptionnels. La campagne où vit Jojo m’a fait rêver et m’a donné envie d’y être, moi l’indécrottable citadin. Parmi tous les albums, Un été du Tonnerre est mon préféré. Jojo y passe des grandes vacances à la ferme, et il se dégage de cette escapade estivale un charme incomparable.

Le trait d’André Geerts rappelle parfois celui de Sempé (Le petit Nicolas). Les détails fourmillent, les couleurs sont douces, le découpage simple et efficace. On n’est pas ici dans la démonstration technique. Le but n’est pas d’en mettre plein les yeux au lecteur. Chaque histoire a juste sa propre petite musique, inimitable.

Moins vulgaire que Titeuf, moins gnangnan que Boule et Bill, plus fin que Cédric, Jojo occupe une place à part dans le panorama de la BD jeunesse. En ce qui me concerne, ce gamin malicieux restera à jamais dans mon panthéon personnel. Merci pour tous ces bons moments de lecture, Monsieur Geerts.

Jojo T18 : Mamy Blues, d’André Geerts et Sergio Salma, Éditions Dupuis, 2010. 56 pages. 9,95 euros.



L’info en plus : Sergio Salma et André Geerts ont créé une autre série pour les jeunes lecteurs au début des années 90. Mademoiselle Louise raconte le quotidien d’une petite fille dont le papa multimilliardaire lui offre toujours plus de cadeaux. Mais, c’est bien connu, l’argent ne fait pas le bonheur et la petite rêve seulement d’une existence normale où son papa serait là tous les jours et où elle pourrait jouer avec les autres enfants de son âge. Une très jolie série qui compte en tout quatre volumes, toujours chez Dupuis.



Lu dans le cadre du Challenge Pal sèche 


La BD du mercredi, c'est chez Mango


lundi 18 octobre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 7) : Frères de sang

Bronx, années 70. A bientôt 18 ans, Stony va devoir faire le bon choix. A sa sortie du lycée, seule une fac du fin fond de la Louisiane est prête à l’acceuillir pour qu’il poursuive ses études. L’armée ? Pas question. Seule solution restante : suivre les traces de son père et devenir électricien sur les chantiers. Sa rencontre avec un médecin va bouleverser sa vision de l’avenir et l’engager sur une voie professionnelle bien différente de la volonté paternelle. Mais peut-on échapper à sa destinée ?

Second roman de Richard Price publié aux Etats-Unis en 1976, cette œuvre de jeunesse sonne comme un uppercut à la pointe du menton. Une chronique familiale dressant le portrait d’une « tribu » italo-américaine dont chaque membre est un cas à part entière. Entre le petit frère anorexique, la mère psychopathe, le père et l’oncle infidèles, Stony à fort à faire. L’amour filial est le thème central du roman. Stony est pris au piège. Il le sait mais tente de se convaincre du contraire. C’est une sorte de héros tragique : dès le départ on se doute que quoi qu’il fasse, il ne pourra en aucun cas changer le cours de son destin.

Un texte cru, violent, sans concession. Les dialogues sont magistralement ciselés et l’atmosphère si typique du Bronx parfaitement rendue. Richard Price est sans conteste à classer parmi les très grands écrivains américains de la seconde moitié du 20ème siècle. On pense évidemment au Selby de Last Exit to Brooklyn. Pour les dialogues, la comparaison est à chercher du coté d’Ed Mc Bain ou de Chester Himes. Loin, très loin des écrivains du Montana et du Nature Writing, Price distille une prose urbaine qui fait mouche. Voila la littérature américaine comme je l’aime : moderne, sauvage et totalement décomplexée !

Frères de sang, de Richard Price, Presses de la cité, 2010. 392 pages. 21 euros.

L’info en plus : Richard Price n’est pas seulement romancier, c’est également un scénariste de talent. Il a notemment signé le scénario de La couleur de l’argent, un film de Martin Scorcese.

Un très grand merci à Babelio et aux Presses de la cité de m’avoir fait découvrir ce superbe roman !


Challenge du 1% littéraire


vendredi 15 octobre 2010

Pandala T1

Sur l’île de Pandala, le village des Pandawas est dévasté et tous les habitants tués par une mystérieuse horde d’assaillants. Pandhravan, un jeune panda absent au moment des faits est le seul rescapé. Devenu orphelin, il part avec pour seul souvenir un morceau de pendentif récupéré dans la main de son père. Recueilli par un maître en arts martiaux, il commence un dur apprentissage dans le but de venger les siens…

Pandala est une œuvre pour le moins surprenante. Inspiré du jeu en ligne Dofus, ce spin-off se caractérise essentiellement par son absence de texte. 96 pages sans aucun dialogue ! Un tel parti-pris est risqué, car vouloir faire reposer la compréhension de l’intrigue uniquement sur la lecture de l’image demande une maîtrise parfaite de la narration propre à la BD. Mais force est de reconnaître que le pari est ici réussi. Le découpage est d’une fluidité rarement vue. L’alternance des types de plan (du plan d’ensemble au très gros plan) permet notamment de donner beaucoup de dynamisme aux différents événements qui se succèdent. Les combats sont eux-aussi très réussis : tout semble chorégraphié comme dans les meilleurs films d’arts martiaux.

Au niveau du dessin, le travail en couleurs directes sur les décors est un pur régal : les grands espaces, les lumières magnifiques... J’ai un peu plus de mal avec les personnages. On a parfois l’impression d’avoir sous les yeux les celluloïds utilisés par les studios d’animation. Attention néanmoins : Pandala est tout sauf un anime comics !

Du coté du scénario, ça sent le déjà vu à plein nez. L’intérêt majeur réside dans le nombre de clins d’œil et de références dont ce premier volume est truffé. Le début de l’histoire avec le village détruit fait penser à Conan le Barbare. Puis l’apprentissage avec le maître dans la montagne au pied de la cascade m’a rappelé quelques scènes des Chevaliers du zodiaque (notamment l’entraînement de Shiryu, le chevalier du dragon). Le maître panda à des faux airs du Tortue Géniale de Dragon Ball tandis que la transformation du renard en super combattant évoque les Super Sayians de cette même série. On pourrait aussi citer Gon, ce petit dinosaure héros du manga du même nom qui, lui aussi, évolue dans un décor naturel et dont les histoires ne comportent aucun texte ni dialogue. Mais l’influence principale, d’un point de vue graphique, est sans conteste à chercher chez Miazaki. L’hommage est évident et Bertrand Hottin n’a jamais caché son admiration pour le maître des studios Ghibli.

En conclusion, Pandala est une œuvre à la fois originale et magnifique au niveau esthétique. Et même si le scénario reste assez léger et très convenu, les aventures de ce petit Panda méritent assurément le coup d’œil.


Pandala T1, de Tot et Bertrand Hottin, éditions Ankama, 2007. 96 pages. 12,90 euros.

L’info en plus : Le cycle de Pandala s’est conclu avec la parution du 3ème tome de la série en juin 2009. Depuis un peu plus d’un an, Bertrand Hottin s’est lancé dans une nouvelle aventure avec Les chroniques d’Ecaron. Pour l’instant, cette nouvelle BD n’est visible que dans le mensuel Dofus Mag. Il n’y a pas de date de sortie prévue pour un éventuel album.

Les deux premières planches



lu dans le cadrde du challenge Pal sèche

mercredi 13 octobre 2010

Les enquêtes d'Andrew Barrymore T1 : Old Creek Town

Bienvenue à Old Creek Town, village de l’Ouest sauvage où règnent luxe, calme et volupté. Lorsqu’Andrew Barrymore débarque de San Francisco dans cette paisible bourgade, il ne se doute pas qu’il va devoir résoudre un meurtre. Grâce à l’étude attentive de la scène de crime et des mœurs des habitants du coin, le jeune détective promu shérif adjoint va élucider l’affaire en un clin d’œil. Andrew Barrymore, c’est en quelque sorte Sherlock Holmes au Far West.

Au niveau purement technique, l’album est fort bien réalisé : narration fluide et maîtrisée, utilisation efficace des ellipses et dessin vraiment agréable. Certes, les dialogues sont parfois un peu trop « bavards » et « ampoulés », mais l’humour vient contrebalancer les quelques lourdeurs.

Le vrai souci vient de l’histoire. Aucune originalité. Andrew Barrymore est à classer parmi les détectives « à l’anglaise » chers à Conan Doyle ou Agatha Christie : un enquêteur plus malin que la moyenne qui fait passer les policiers (en l’occurrence ici le shérif) pour des neuneus incapables de découvrir le moindre indice ou dont les capacités de déduction sont proches du zéro absolu. De plus, l’intrigue n’est pas franchement passionnante et le dénouement tiré par les cheveux est sans intérêt. Sans compter que les personnages sont beaucoup trop lisses. Tous ça manque sérieusement d’aspérités. Le Far West d’Old Creek Town ressemble à un décor en carton pâte. On est par exemple à des années lumières de la série télé Deadwood.

Mais soyons indulgents. Le premier tome d’une nouvelle série doit permettre aux auteurs de trouver leurs marques. Créer un univers et le rendre crédible demande du temps. J’espère seulement que les éditions Dargaud laisseront au duo Valambois & Delestret une seconde chance d’animer les aventures de leur détective aux cheveux roux.



Les enquêtes d’Andrew Barrymore T1 : Old Creek Town, de Nicolas Delestret et Rod Valambois. Éditions Dargaud, 2010. 48 pages. 11,50 euros.

L’info en plus : Nicolas Delestret est également le dessinateur de la série L’homme qui rit scénarisée par Jean-David Morvan. C’est une adaptation très libre du roman de Victor Hugo publié en 1869. Morvan transpose l’intrigue dans une Angleterre futuriste à l’ambiance très steampunk. La série devrait compter 4 albums en tout. A l’heure actuelle, seuls les trois premiers sont parus aux éditions Delcourt.



BD lue dans le cadre du challenge Pal Sèche.

La BD du mercredi, c'est chez Mango !


lundi 11 octobre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 6) : Mangue amère - Bulbul Sharma

Les femmes de la famille de Bhanurai Jog se réunissent pour préparer un festin le jour de l’anniversaire de sa mort. Installées en rond autour d’un énorme tas de légumes, elles s’attèlent à la préparation du repas. La conversation s’engage et Malarani, une des nièces du défunt, prend la parole pour raconter la première histoire de la journée.


Huis récits s’enchaîneront en tout. Au menu, la résistance d’une bru face à sa belle-mère acariâtre, un fils expatrié qui revient passer un court séjour chez ses parents, ou encore cette maîtresse perfide cherchant à éloigner l’épouse légitime de son amant. Point commun à toutes ces histoires : la femme y tient une place centrale. Des portraits doux amers, parfois drôles, parfois plus graves qui plongent le lecteur au cœur de la famille indienne.

Bulbul Sharma montre à quel point il devient difficile pour la femme indienne de trouver sa place dans un pays en pleine mutation. Tiraillées entre le respect des traditions et de légitimes désirs d’émancipation, ses héroïnes ont surtout du caractère et n’hésitent pas à faire entendre leur voix. Jalouses, vénales, intrigantes, amoureuses, les femmes ne sont pas ici serviles et corvéables à merci. Au passage, les expatriés en prennent pour leur grade (cf. l’épisode du fils revenu d’Amérique qui est effrayé à l’idée de prendre du poids à cause des plats frits que lui prépare sa mère ou bien ce repas de famille au cours duquel on prépare un curry très peu épicé pour ne pas froisser l’estomac des expatriés ayant perdu l’habitude de la vraie cuisine indienne).

La nourriture tient une place important dans les différents récits, mais pas suffisamment à mon goût. L’odeur des épices n’est que trop peu présente et les recettes pas assez détaillées. Pour ce qui est des romans gastronomiques, on n’a rien fait de mieux pour l’instant (et à mon avis !) que Vie et passion d’un gastronome chinois de Lu Wenfu, ou encore, dans un autre registre, que le manga Le gourmet solitaire, de Jirô Taniguchi. Mais après tout peu importe, j’ai passé un excellent moment avec ces raconteuses d’histoires indiennes et c’est bien là l’essentiel.

Mangue amère, de Bulbul Sharma, éditions Ph ; Picquier, 2010. 168 pages. 16,50 euros.

L’info en plus : Bulbul Sharma est une adepte des « récits gastronomiques ». Son premier ouvrage publié en France, intitulé La colère des aubergines est en effet, dixit la quatrième de couverture, un recueil « d’histoires pleines d'odeurs de cuisine, puissamment évocatrices des rapports et des conflits entre les membres d'une maisonnée indienne ». Sorti en 1999, il est disponible depuis 2002 au format poche, toujours chez Philippe Picquier.

vendredi 8 octobre 2010

Mes plus belles histoires de Noël, par Carl Barks

Enfin ! Après 20 ans d’attente, il est de nouveau possible de trouver un recueil d’histoires signées Carl Barks en librairie. Depuis la publication de deux volumes par les éditions Zenda en 1989 et 1990, l’œuvre du plus grand dessinateur estampillé Disney n’était plus visible qu’en kiosque dans les pages de Picsou Magazine. Suite à un accord annoncé début juin entre Disney-Hachette et Jacques Glénat, ce dernier entame cet automne la réédition des plus fameux dessinateurs du catalogue Disney : Carl Barks, Don Rosa, Floyd Gottfredson, Claude Marin ou encore Giorgio Cavazzano

Carl Barks est tout simplement une des plus grandes figures de la BD du 20ème siècle. De 1942 à 1966, il réalise plus de 500 histoires mettant en scène Donald et tous les personnages gravitant autour du plus célèbre canard de la bande dessinée. C’est notamment lui qui inventera Picsou, les Rapetou, Géo Trouvetou, le cousin Gontran, Miss Tick ou encore les Castors juniors. Son trait se remarque souvent au premier coup d’œil. Une ligne claire assez classique avec beaucoup de souplesse dans les attitudes et une grande expressivité des visages. Ses scénarios mêlent la grande aventure (chasse au trésor, ruée vers l’or dans la jeunesse de Picsou) et beaucoup d’humour avec une pointe d’ironie. Il donne notamment à Donald ses traits de caractère les plus connus : soupe au lait, fainéant, couard… Il en fait une sorte de loser poissard et fauché qui enchaîne les petits boulots sans véritable ambition.

Lorsqu’il s’éteint en l’an 2000 à 99 ans, Carl Barks laisse derrière lui un héritage d’une incroyable richesse.

Mais revenons au recueil sorti ces jours-ci. C’est un volume thématique regroupant neuf histoires mettant en scène Donald et ses neveux au moment de Noël. Les grincheux diront qu’il est un peu tôt pour parler de Noël au début du mois d’octobre. Je leur répondrais qu’ils n’ont pas tort mais que ce n’est pas le sujet. Et je rajouterais même avec un soupçon de vulgarité : on s’en f… du moment que c’est Carl Barks.

Toutes ces histoires ont été publiées entre 1945 et 1950. La qualité des scénarios est assez inégale mais le plaisir des yeux est lui bien présent. La finition de l’ouvrage est de qualité avec un grand format au cartonnage épais et à la couverture dorée. Deux gros bémols toutefois : le fait que les histoires ne soient pas publiées dans l’ordre chronologique est un non sens et surtout il manque un minimum d’appareil critique pour présenter Carl Barks et donner quelques précisions sur les conditions de publication des histoires. Il est par exemple très dommageable de ne pas préciser aux lecteurs non spécialistes que la septième histoire, intitulée Noël sur le Mont Ours (1947) est la première dans laquelle apparaît le personnage de l’Oncle Picsou. C’est donc un événement majeur dans l’œuvre de Barks et même historiquement parlant pour Disney, mais encore faut-il le savoir.

Reste que ces belles histoires de Noël publiées par Glénat constituent sans doute un très bon moyen de découvrir une œuvre majeure du 9ème art. Alors n’hésitez pas, c’est typiquement le genre d’ouvrage qui peut passer dans les mains de toute la famille sans distinction d’âge.

Mes plus belles histoires de Noël, de Carl Barks, éditions Glénat, 2010. 144 pages. 12,50 euros.

L’info en plus : La première véritable intégrale Carl Barks est prévue chez Glénat le 3 novembre. A 29 euros le volume, on peut s’attendre à du très costaud en terme de contenu et de qualité d’édition avec, il faut le souhaiter, la présence d’un véritable appareil critique permettant de mieux restituer l’œuvre, son auteur et son contexte.

La première apparition de l'Oncle Picsou dans l'univers Disney.
Un événement historique !


Ouvrage lu dans le cadre du challenge PAL sèche.


mercredi 6 octobre 2010

Mon singe et moi

Une petite fille et son doudou-singe s’en vont voir des animaux : manchots, kangourous, chauves-souris, éléphants...

La structure de l’album est simplissime et ultra répétitive : une double page où la petite fille et son singe miment le comportement de l’animal qu’ils vont rencontrer suivie d’une double page où l’on découvre le dit animal. Aucun décor, des illustrations crayonnées, sans encrage, des couleurs plutôt ternes… Ne cherchez pas ici à en prendre plein les yeux. Ce parti pris de proposer un album très épuré fonctionne parfaitement car le mécanisme principal réside dans la lecture de l’image. L’enfant peut deviner l’animal qui va être représenté en regardant l’attitude de la petite fille. Le trait est souple et souligne parfaitement les mouvements.

Bien souvent, dès la seconde lecture, la surprise n’est plus de mise. C’est plutôt la satisfaction pour l’enfant de savoir ce qui va arriver avant même que l’on tourne la page. S’instaure alors un jeu entre le lecteur et son auditoire : il suffit de laisser trainer les derniers mots, de prendre un temps fou pour tourner la page, de créer en quelque sorte un faux suspense. Et l’enfant de devancer l’adulte en hurlant le nom de l’animal à venir.

Attention, Mon singe et moi est le genre d’album que l’on lit chaque soir pendant des jours et des jours. Et si la lassitude vous gagne, dites-vous bien que pour votre bout de chou, ce jeu peut durer quasi indéfiniment. C’est en tout cas le livre idéal pour faire naître une relation privilégiée et intime autour de la lecture. Des moments de bonheur à partager dont on se souvient pendant longtemps.

Mon singe et moi, d’Emily Gravett, Kaléidoscope, 2007. 26 pages. 12,50 euros. A partir de 2 ans.



L’info en plus : Le dernier né d’Emily Gravett se prénomme Bébé des cavernes. C’est l’histoire d’un nourrisson qui s’ennuie entre sa mère très douée pour la peinture et son père très courageux. Dans un coin de la grotte, il trouve cependant un pinceau dans un pot. Il s'en sert alors pour décorer à sa façon la hyène, le lièvre, le tigre, l'ours et le mammouth. Comme d’habitude, un titre à partager avec ses petits bouts…


Album lu dans le cadre des mercredis de l’album.

lundi 4 octobre 2010

La vie extraordinaire des gens ordinaires

Il était une fois un écrivain décidé à faire quelque chose pour son prochain. Grâce à une association d’aide aux malades, il rencontra un personnage singulier qu’il surnomma "le poète". En lui rendant visite régulièrement à l’hôpital, l’écrivain apprit à écouter et à apprécier le poète. Ce dernier, après avoir enseigné, avait tout plaqué pour entamer un tour du monde. Devenu très malade, il ne lui restait plus que des souvenirs. Quelques temps avant sa mort, le poète confia à l’écrivain un manuscrit au titre étrange : La vie extraordinaire des gens ordinaires. Et le poète de rajouter comme seule recommandation : « Lisez. Lisez, de la première à la dernière page. Si ça vous plaît, débrouillez-vous pour en faire un livre. »

Pendant son tour du monde, le poète n’a cherché qu’une chose : des histoires plus authentiques, passionnantes et irréelles les unes que les autres. Son but ultime : montrer aux gens que la vie mérite d’être vécue. Il a réuni dans son manuscrit 21 histoires en tout. De l’Australie au Brésil, du Népal au Canada, de la France à la Chine en passant par la Suède ou l’Allemagne, il a rencontré à chaque fois des personnes ordinaires vivant ou ayant vécue des situations extraordinaires. Au final, il propose au lecteur un formidable voyage où l’originalité rivalise avec l’optimisme et la joie de vivre.

Soyons honnête, mon avis concernant ce livre est forcément biaisé. J’adore Fabrice Colin. Je le connais pourtant à peine, mais j’ai eu la chance de le rencontrer et de l’interviewer il y a quelques mois (la vidéo de l’interview se trouve ici). J’ai découvert un personnage d’une simplicité et d’une gentillesse rares. Qui plus est, son discours plein d’humour et assez éloigné de la langue bois actuelle est d’une grande fraîcheur. Bref, une très belle rencontre. Mais de toute façon, je n’ai pas à me forcer pour dire du bien des nouvelles contenues dans ce recueil. Originales, très variées, surprenantes… Lorsqu’on achève la lecture d’une histoire, on se demande avec la même impatience qu’un gamin devant ses cadeaux de Noël ce que va nous réserver la suivante.

Evidemment avec une telle variété, toutes ces nouvelles ne suscitent pas le même enthousiasme. Parmi les excellentes : Dans la gloire du matin, Claire Comme de l’eau de roche ou La dernière vague. Parmi les "anecdotiques" : Pas l’ombre d’un doute ou Écarter les murs. Les autres sont toutes très bonnes. Et puis haut dessus du lot il y a Inspirer/expirer. La plus aboutie, la plus bouleversante sans tomber dans un pathos malvenu. Peut-être aussi m’a-t-elle beaucoup touchée parce que je suis le papa d’une petite fille de 8 ans. En tout cas, c’est clairement pour moi le morceau de choix du recueil. Un texte qui m’a fait penser à Sherman Alexie et à Brady Udall. Pour faire le malin, je rajouterais que dans mon top dix des chansons capables de me briser le cœur (seuls ceux qui ont lu cette nouvelle pourront comprendre), il y aurait forcément, aux cotés d’Eliott Smith, un titre de Ben Harper (Walk away par exemple), le Roy’s Bluz de Roy Buchanan (Live Stock, 1975) ou encore une ballade de l'album O de Damien Rice.

Mais revenons au sujet. La vie extraordinaire des gens ordinaires est une très belle œuvre. Un sacré bon moment de lecture assuré. Et pas seulement réservé aux adeptes de la littérature de jeunesse. C’est clairement un titre s’adressant aussi bien aux ados qu’aux adultes, sans distinction d’âge. Merci encore Monsieur Colin et à très bientôt j’espère.

La vie extraordinaire des gens ordinaires, de Fabrice Colin, Flammarion, 2010. 328 pages. 13 euros.

L’info en plus : La vie extraordinaire des gens ordinaires ne paraîtra que le 20 octobre. Le livre devait sortir initialement le 15 septembre mais ce premier tirage contenait de nombreuses coquilles (fautes de frappe et d’orthographe, mots manquant…) et tout le stock a été rappelé pour partir au pilon. Ma libraire m’a gentiment prêté un de ces exemplaires défaillants et je vais d’ailleurs me dépêcher de lui ramener pour qu’elle puisse le renvoyer à l’éditeur. Je précise aussi (le fayot !) que je m’empresserais d’acheter un exemplaire sans défauts dès qu’ils seront disponibles.

PS : allez donc jeter un oeil sur le très bon blog de Fabrice Colin, The Golden Path.

vendredi 1 octobre 2010

L'enfant d'éléphant

La curiosité est un vilain défaut dit le proverbe. Et pourtant… A une époque où les éléphants n’avaient pas de trompe, juste un tout petit nez courtaud, vivait un enfant d’éléphant qui ne pouvait s’empêcher de poser des questions. A sa grande tante l’autruche, à son gros oncle l’hippopotame, à sa maigre tante la girafe où encore à son oncle poilu le babouin. "Il posait des questions à propos de tout ce qu’il voyait, entendait, éprouvait, sentait, touchait…" Et en réponse, tous ses oncles et tantes le cognaient. Las de subir un tel traitement, l’enfant d’éléphant décida un jour de partir pour trouver la réponse à une question essentielle à ses yeux : savoir ce que le crocodile mange pour diner. Après un long voyage et une rencontre mouvementée avec le saurien sur les rives du grand fleuve Limporo, l’enfant d’éléphant va voir son physique se transformer à tout jamais et va surtout gagner l’estime de tous ceux qui auparavant s’amusaient à châtier son insatiable curiosité.

Tirée du célèbre recueil Histoires comme ça de Rudyard Kipling, L’enfant d’éléphant constitue à l’évidence une parfaite entrée en matière pour les bambins qui découvrent la bande dessinée. Concernant le texte, l’adaptation de Yann Dégruel est parfaitement fidèle aux traductions que l’on trouve en livre de poche (notamment chez Gallimard dans la collection Folio Cadet). C’est au niveau graphique que le dessinateur impose sa patte. Loin du classique album de littérature de jeunesse, il propose une véritable BD avec bulles, cases et découpage contenant tous les types de plan possibles (du plan large au très gros plan). Il utilise une technique très particulière en faisant des crayonnés à la craie grasse qu’il scanne et retouche avec un logiciel pour un rendu assez unique. Son trait est à la fois plein de douceur (son petit éléphant est mignon à croquer) et de dynamisme. L’influence de son expérience en studio d’animation se fait d’ailleurs parfois fortement ressentir. Le seul petit bémol concerne peut-être le lettrage et l’encrage des bulles et des récitatifs. Trop épais et trop gros, ces derniers deviennent par endroit intrusifs et gâchent quelque peu l’harmonie des cases.

Mais soyons honnête, l’impression générale reste plus que positive. Sans compter que l’éditeur à soigné la finition de l’album (cartonnage épais et format carré idéal pour les petites mains) pour en faire un très joli objet à ranger dans les bibliothèques de nos garnements.

Faire découvrir l’œuvre de Rudyard Kipling aux plus jeunes par le biais de la bande dessinée. Voila une ambition légitime et parfaitement accomplie avec cet ouvrage qui fera à n’en pas douter bien des heureux.

L’enfant d’éléphant, de Yann Dégruel, éditions Delcourt, 2010. 46 pages. 10,50 euros. A partir de 6 ans.

L’info en plus : Yann Dégruel va adapter dans le même format Le chat qui s’en va tout seul une seconde histoire du recueil de Rudyard Kipling. Rendez-vous en 2011 !




BD lue dans le cadre du challenge Pal Sèche proposé par Le bar à BD.


mercredi 29 septembre 2010

Je t'écris

Ah, Rascal ! Sans doute un de mes auteurs jeunesse préférés. Original, d’une grande sensibilité. Et surtout un écrivain au style remarquable. Si vous en doutez, jetez-vous sur Le phare des sirènes, l’écriture y est juste sublime. En ce début d’automne, Rascal nous offre sa dernière livraison, un petit album plein de lettres adressées au Père Noël, à Papa, Pépé, Tonton, Pierre et bien d’autres. Point commun entre toutes ces missives : elles sont écrites par des enfants. Au niveau du contenu, elles sont toutes très différentes. Certaines sont pleines d’humour, d’autres débordent de tendresse alors qu’une ou deux pourraient vous tirer des larmes.

La mise en page de l’album est simplissime : sur la page de gauche, le texte de la lettre. Sur celle de droite, le dessin d’une boîte aux lettres. Pas de chichi, rien qui en jette. Les mots et les illustrations très sobres se suffisent à eux-mêmes.

A l’heure où les échanges numériques ont définitivement pris le dessus sur le courrier papier, où l’écriture SMS va bientôt remplacer la grammaire française, ces lettres d’enfants rédigées on ne peut plus classiquement dégagent un charme irrésistible. Deux regrets toutefois, mais vraiment minimes :
1) peut-être qu’une police de caractère moins classique (genre manuscrite) aurait-été plus appropriée. 
2) pourquoi n’y-a-t-il que 12 lettres ? Il en aurait fallu 24, 48 voire 96 ! L’album se lit en dix minutes à peine et on en redemande.

Quoi qu’il en soit, cet album est une superbe réussite qui ravira petits et grands. Depuis le succès du Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, l’épistolaire revient à la mode. Je t’écris est une bonne occasion de faire découvrir aux plus jeunes ce genre si particulier qui ne ressemble à aucun autre.

Je t’écris, de Rascal, éditions Des ronds dans l’O, 2010. 36 pages. 16,50 euros. A partir de 7 ans.

L’info en plus : Pour les plus grands (9-12 ans), Elisabeth Brami a publié un superbe roman épistolaire en 2008. Chère Mme ma grand-mère raconte l’histoire d’Olivia, douze ans et demi, qui vit seule avec sa mère et cherche à en savoir plus sur son père. Elle décide d’écrire à Mme Barrois, sa grand-mère, dont elle a retrouvé le nom dans les affaires de sa mère. Commence alors une émouvante correspondance entre une jeune fille persévérante et une vieille femme que le chagrin a rendue amère.

lundi 27 septembre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 5) : Requiem pour Lola rouge

Le quotidien de P. est terne, sans véritables perspectives. Le jeune homme vivote grâce à de petites magouilles. Il passe son temps à déambuler dans les rues de Paris. L’oisiveté semble être sa seule occupation, jusqu’au jour où son chemin croise celui de Lola. Une femme ensorcelante qui l’emmènera pour de longs voyages en Asie, au Portugal où à Amsterdam. Entre rêve et réalité, P. a trouvé, grâce à Lola, une échappatoire à sa triste existence.

Très poétique, ce premier roman est ambitieux dans sa construction. Le thème général est classique : le mal être d’un jeune homme préférant se réfugier dans la fantasmagorie plutôt que dans la triste matérialité du présent et de l’avenir qui s’offre à lui. Mais Pierre Ducrozet n’hésite à bousculer le lecteur avec une narration très éclatée, passant d’une situation à l’autre, d’un lieu à l’autre sans transition. Il faut parfois s’accrocher pour trouver le fil conducteur. C’est clairement une volonté délibérée de l’auteur. Quelque part, il est dans la provocation : « qui m’aime me suive ! ». Les autres, tant pis pour eux, ils resteront sur le bord de la route. Le risque majeur est là. Avec un tel onirisme, le coté déstructuré du texte embarque le lecteur ou pas. J’avoue que certains passages, trop évanescents, trop vaporeux, m’ont laissés de marbre. Il ne m’étonnerait pas que les avis soient très tranchés : en gros, on adore ou on abandonne la lecture !

L’écriture de Pierre Ducrozet, sous ses airs nonchalants, est à l’évidence très travaillée. Jamais il ne se laisse aller à un lyrisme exacerbé. Lorsque les élans lyriques surgissent, ils sont très vite contenus, et c’est tant mieux.

Au final me reste une impression mitigée. Il n’empêche, ce premier roman contient de belles promesses pour l’avenir. Et je serais sans doute partant si ce jeune auteur à la chance de publier un jour un second roman.

Requiem pour Lola rouge, de Pierre Ducrozet, Grasset, 2010. 174 pages. 17 euros.

L’info en plus : Pierre Ducrozet a publié en 2009 un album pour enfants intitulé : Les clefs du zoo. L’histoire d’une petite fille qui se voit confier la garde d’un zoo par son grand-père. L’ouvrage est accompagné d’un CD-audio reprenant le texte lu par Romane Bohringer.


samedi 25 septembre 2010

Challenge 1% rentrée littéraire 2010



Un challenge bien sympa que j'ai découvert totalement par hasard. Le principe : lire au moins 1% des 701 nouveaux romans de cette rentrée littéraire 2010. Il y a donc au moins 7 titres à lire pour réussir le challenge.

Pour l'instant, j'en suis à 5 lus, 4 billets publiés et 7 autres romans sous le coude. Petite revue d'effectifs :

Les romans lus avec billet publié :

4ème de couverture : A La Nouvelle-Orléans, alors qu'une terrible tempête est annoncée, la plupart des habitants fuient la ville. Ceux qui n'ont pu partir devront subir la fureur du ciel. Rendue à sa violence primordiale, la nature se déchaîne et confronte chacun à sa vérité intime : que reste-t-il en effet d'un homme au milieu du chaos, quand tout repère social ou moral s'est dissous dans la peur ?
Seul dans sa voiture, Keanu fonce vers les quartiers dévastés, au coeur de la tourmente, en quête de Rose, qu'il a laissée derrière lui six ans plus tôt et qu'il doit retrouver pour, peut-être, donner un sens à son existence...



       4 ème de couverture : Chez Plomeur, à Quimper, on est boucher de père en fils. En pleine Première Guerre mondiale, le tout jeune André se découvre un don pour faire « chanter la chair » - et pas n'importe laquelle : celle des femmes, dont la file s'allonge devant la boucherie... Leurs hommes partis au front, celles-ci comptent sur André pour goûter au plaisir suprême. Hélas, le conflit touche à sa fin et les maris reviennent. Un matin, le boucher trouve sur le pas de sa porte un bébé gazouillant dans un panier en osier, puis un deuxième, un troisième... Du jour au lendemain, le voilà père de sept enfants, et poursuivi par un époux jaloux décidé à lui faire la peau. Avec la chair de sa chair, André s'enfuit à Concarneau et affrète un bateau. Direction l'Amérique !




4 ème de couverture : À la retraite, le narrateur décide d'adopter Léo, 99 ans, que rien ne prédestinait à venir s'installer chez lui. C'est le début d'une grande aventure, faite de tout petits riens. De silences qui veulent dire beaucoup, de tendresse, de rires pour conjurer le déclin...
Mon vieux et moi, est-ce que ça peut durer toujours, comme dans les romans d'amour ?

 
 
 
 
 
4ème de couverture : Tout commence par des disparitions, des déplacements d'objets.
Shimura-san vit seul dans une maison silencieuse qui fait face aux chantiers navals de Nagasaki. Cet homme ordinaire rejoint chaque matin la station météorologique de la ville en maudissant le chant des cigales, déjeune seul et rentre tôt dans une retraite qui n'a pas d'odeur, sauf celle de l'ordre et de la mesure. Depuis quelque temps déjà, il répertorie scrupuleusement les niveaux et les quantités de nourriture stockée dans chaque placard de sa cuisine. Car dans ce monde contre lequel l'imprévu ne pouvait rien, un bouleversement s'est produit.



Le roman lu avec billet à venir très prochainement :

4ème de couverture : «J'en étais alors à me regarder pousser les cheveux. Le soleil commençait à m'emmerder sérieusement, et la pluie aussi.»
Telle est l'existence du jeune P., qui vit d'expédients et de petites magouilles à Montmartre. Jusqu'au moment où apparaît Lola. Lola brune, Lola aux cheveux courts, Lola à l'oeil malicieux. Et Lola paranoïaque. Elle entraîne P. dans une série de voyages fantasmagoriques, de Lisbonne au Viêtnam.



 
 
 
Les 7 romans à lire :
 
4ème de couverture : Voici un savoureux festin d'histoires où la nourriture et celles qui la préparent jouent le premier rôle. Des femmes y marient arômes et épices pour nous livrer tour à tour des recettes de vie où s'épanche la brûlante violence des currys, s'attarde le parfum entêtant d'une rivale ou se distillent les ingrédients doux-amers de la vengeance. Autant de secrets, de souvenirs qui nous plongent au coeur de la famille indienne, d'un monde opulent et magique où les vivants parlementent avec les morts qui viennent habiter leurs rêves, en des anecdotes tour à tour poignantes, drôles, macabres, inoubliables.
 
 
 
 
 

4ème de couverture : Le Bronx, dans les années 1970. Stony de Coco va avoir 18 ans, il est temps pour lui d'entrer dans le monde des adultes. Mais la seule perspective pour ce garçon issu d'une famille modeste d'origine italienne, c'est le bâtiment, comme son père, et ça ne l'enchante guère. Et Stony doit aussi protéger son petit frère Albert de la violence névrotique de leur mère...



 
 
 
 
 
4ème de couverture : Cela se passe entre 1941 et 1943, dans les Abruzzes. Non loin du Gran Sasso, cette écrasante montagne qui impose sa force tellurique comme une ombre portée sur le temps. Par une de ces décisions absurdes et nocives dont le fascisme est friand, les Chinois de la péninsule ont tous été internés ici et constituent une étrange communauté, dont le mutisme est peut-être la meilleure protection. Ils sont à un moment cent seize, parfois moins, parfois plus. La vie s'écoule, sans but et sans substance. Un jour, les autorités organisent une grande cérémonie, drolatique et insensée, de conversion au catholicisme. Puis le labeur reprend, aux champs ou ailleurs, dans un mélange d'ennui, de désarroi et de fausse résignation, jusqu'au jour où tout bouge et où le groupe se disperse.



4ème de couverture : Lundi 6 décembre 1954, l'Académie Goncourt s'apprête à décerner son prix à Simone de Beauvoir. Comme chaque semaine, Gérard Cohen, garçon de courses chez Gallimard, se rend chez Louis-Ferdinand Céline qui vit à Meudon comme au purgatoire : le débutant se confronte alors au génie, l'adolescent au vieil homme et le juif à l'antisémite. Celui qui ne fut pas vraiment un martyr doit faire face à celui qui ne fut même pas un bourreau. La « visite au grand écrivain » devient alors une remontée du fleuve, dans les méandres de la mémoire et les profondeurs de la jungle. Peinture du milieu littéraire des années cinquante, errance dans un Paris disparu, Le réprouvé est un grand roman initiatique.




4ème de couverture : Antoine Aimé est lecteur au sein de la prestigieuse maison d'édition parisienne Empire. Son job consiste à examiner - et refuser systématiquement - les manuscrits.
Lorsque les éditions Empire sont soupçonnées d'avoir poussé un jeune auteur au suicide, la machine s'enraie. Antoine Aimé, interprétant les nouveaux ordres de la direction, décide d'accepter désormais tous les manuscrits envoyés spontanément à la maison d'édition...



 
 
4ème de couverture : 1957. A Alger, le capitaine André Degorce retrouve le lieutenant Horace Andreani, avec lequel il a affronté l'horreur des combats puis de la détention en Indochine. Désormais les prisonniers passent des mains de Degorce à celles d'Andreani, d'un tortionnaire à l'autre : les victimes sont devenues bourreaux. Si Andreani assume pleinement ce nouveau statut, Degorce, dépossédé de lui-même, ne trouve l'apaisement qu'auprès de Tahar, commandant de l'ALN, retenu dans une cellule qui prend des allures de confessionnal où le geôlier se livre à son prisonnier...




 
 
4ème de couverture : «Toute ma vie, il y a eu un décalage horaire entre papa et nous. Mon père était "primeurs".»
Entre dérision et nostalgie, cette chronique sociale et familiale est avant tout la radiographie d'une époque. Celle des années 70, période d'insouciance qu'Anthony Palou évoque à travers l'essor et le déclin d'une «dynastie fruitière» qui a fui l'Espagne franquiste pour faire fortune en France avec sa soupe catalane.



 
 
 
Je me suis fixé comme propre challenge de lire tout ça avant Noël. Franchement, ça me paraît difficile, mais on verra bien !

mercredi 22 septembre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 4) : Nagasaki d'Éric Faye

Shimura Kobo est un météorologue vivant à Nagasaki. Ce vieux garçon de 56 ans à l’existence réglée comme du papier à musique constate depuis quelques temps que son stock de nourriture baisse de façon incompréhensible sans qu’il y touche : quelques centilitres en moins dans une brique de fruits, une part de poisson qui disparaît… Sachant pertinemment que son frigo n’est pas hanté, Shimura se demande s’il n’est pas en train de perdre la boule. Pour en avoir le cœur net, il installe une webcam dans sa cuisine afin de surveiller son logis depuis son lieu de travail. C’est ainsi qu’il découvre à l’écran la silhouette d’une femme évoluant tranquillement dans le champ de la caméra. Il avertit immédiatement la police et les forces de l’ordre interpellent la « cambrioleuse » qui s’était réfugiée au fin fond d’un placard.

L’enquête révèlera que cette femme vivait depuis près d’un an dans la maison sans que son propriétaire ne se soit jamais aperçu de sa présence. Cachée dans le placard quand le météorologue rentrait du travail, cette SDF profitait dans la journée du confort de l’habitation laissée vide par son occupant.

Inspiré d’un fait divers rapporté par plusieurs journaux japonais en 2008, ce court roman est une réflexion sur la solitude et la déshumanisation de la société. La femme qui investit la maison de Shimura de manière clandestine est une des nombreuses victimes de la crise économique qui touche de plus en plus de japonais. Le météorologue est quand à lui un homme seul, très seul, menant une existence terne et monotone.

L’approche proposée par Eric Faye de ce fait divers original est passionnante dans la mesure où il exprime le point de vue des deux parties. Le célibataire endurci se révèle très perturbé par cette intrusion dans sa vie privée. Il avoue plusieurs fois après l’arrestation qu’il ne se sent plus chez lui. Il réagit finalement comme la plupart des victimes de cambriolages. Mais en donnant la parole au « coupable », l’auteur éclaire l’affaire d’un jour nouveau. Les raisons qui ont poussée cette femme à agir de la sorte sont au demeurant on ne peu plus humaines et ne relèvent en aucun cas d’une quelconque intention criminelle.

L’auteur relate au final le carambolage malencontreux de petites vies. Un carambolage qui va laisser des traces des deux cotés et qui pousse le lecteur à s’interroger sur l’évolution de notre monde où individualisme, solitude et injustice sociale sont devenus la norme.

Nagasaki, d’Eric Faye, Stock, 2010. 108 pages. 13 euros.

L’info en plus : Nagasaki fait partie des douze romans sélectionnés pour le prix Wepler-Fondation La Poste. Ce prix vise à faire émerger, parmi les nouveautés de la rentrée littéraire, des auteurs et des titres peu médiatisés. Le prix sera remis le 22 novembre à la brasserie Wepler, dans le 18ème arrondissement.