lundi 30 décembre 2024

Mes flops de l'année

 Quand ça ne veut pas...

Beaucoup de lectures moyennes cette année, de trop rares vraiment excellentes (j'y reviendrai) et quelques unes dont je me serais bien passées. Voici donc mon trio de flops de l'année, transformé en quatuor par un dernier titre qui apparaît dans cette catégorie non pas à cause de sa qualité mais en raison d'un problème « technique » fort préjudiciable.


De loin ma pire lecture de l’année ! Trop de gnangnan, trop de feelgood, trop de dialogues ridicules, trop de volonté de vouloir me remonter le moral avec des personnages « positifs », bienveillants et empathiques alors que mes goûts de lecteur penchent très lourdement du côté les losers doublés de fieffés salopards. Inutile de vous dire que la conclusion de ce conte de fée où tout est bien qui finit bien m’a achevé…

Mon avis complet : https://litterature-a-blog.blogspot.com/2024/10/cur-damande-yasmina-khadra.html



Les premières pages m’ont emballé, la suite beaucoup moins. Trop onirique et pas assez réaliste, j’ai rapidement décroché et traîné pour aller jusqu’au bout du roman, surtout par respect pour un auteur que j’apprécie énormément. Bref, un long chemin de croix de 425 pages qui restera sans aucun doute comme ma BA de l’année.

Mon avis complet : https://litterature-a-blog.blogspot.com/2024/10/les-sentiers-de-neige-kevin-lambert.html


Je n’ai pas fait de billet sur ce roman parce que je n’aime pas dire du mal des auteurs que j’adore mais force est de constater qu’à chaque nouvelle publication Richard Krawiec s’enfonce un peu plus dans un pathos dégoulinant et une accumulation dramatique où la quête incessante de la compassion du lecteur pour ses personnages devient vraiment pénible. Un titre parfait pour celles et ceux qui aiment chialer face caméra en donnant leur avis sur les réseaux mais je ne suis clairement pas le bon client pour ce genre de texte où on essaie de me tirer des larmes à longueur de page.



Un flop de frustration avec ce premier tome de la série Long London signé du cultissime Alan Moore. L’histoire est prenante, l’imagination de l’auteur des Watchmen toujours aussi fertile et l’univers créé appelle des développements à l’évidence passionnants. Quel est le hic me direz-vous ? Et bien tout simplement que le livre a un « trou » de 50 pages, passant de la 240 à la 289, pile au moment où l’intrigue atteint son climax ! Autant vous dire que payer 25 euros un roman certes excellent mais qui souffre d’un manque criant (de pages), c’est plus que frustrant ! Mon libraire a évidemment repris mon exemplaire et m’en a commandé un nouveau. J’espère juste qu’il ne souffrira pas du même défaut et que je pourrais terminer ma lecture sans accroc. 





mercredi 18 décembre 2024

Somna - Becky Cloonan et Tula Lotay

On ne sait pas vraiment où l’on est. On ne sait pas non plus à quelle époque. Disons juste que, vu l’environnement et l’état d’esprit, on pourrait très bien se retrouver dans l’Angleterre du 17ème siècle ou dans l’Amérique des premiers colons à peine descendus du Mayflower. En tout état de cause, l’ambiance est lourde dans le petit village où vit Ingrid. Greta, accusée de sorcellerie, vient d’être brulée en public. Et l’inquisiteur qui l’a condamnée au bûcher n’est autre que le mari d’Ingrid. Cette dernière, se sentant délaissée par son époux, reçoit la visite chaque nuit dans son sommeil d’une figure fantomatique provoquant en elle un trouble qu’elle peine de plus en plus à cacher. Perturbée par la situation, elle oscille entre honte et tentation de se laisser submerger par le désir.

Un roman graphique étonnant, à la croisée des genres, mélangeant le récit historique au thriller, le fantastique à l’érotique. Dénonçant à la fois le puritanisme, le fanatisme religieux et le patriarcat, les autrices font de cette chasse aux hérétiques une apologie de l’émancipation féminine et du droit au fantasme. La prise de position peut parfois sembler manquer un peu de nuances tant elle enfile les clichés comme des perles, mais au final le message passe avec une indiscutable efficacité.

Graphiquement le contraste est saisissant entre les phases d’éveil d’Ingrid et celles où elle navigue dans ses rêves torrides. L’ambiance sombre et tendue, oppressante à souhait, est restituée à merveille par une colorisation où la lumière n’a pas sa place. Difficile de ne pas penser aux Sorcières de Salem (la pièce d’Arthur Miller) ou à La lettre écarlate (le roman de Nathaniel Hawthorne) en parcourant cette charge assumée contre l’obscurantisme de l’église et ses réactions excessives face à un désir féminin forcément associé à l’incarnation du Malin.

Somna de Becky Cloonan et Tula Lotay. Delcourt, 2024. 190 pages. 23,75 euros.



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mercredi 11 décembre 2024

Inoubliables T2 - Fabien Toulmé

Toulmé = humanité. Pas à dire, chacun de ses albums dégouline d’humanité. Qu’il s’intéresse au sort d’un migrant, qu’il raconte ses premiers pas de parent d’enfant trisomique, qu’il parte au Bénin, au Liban, en Corée du Sud ou aux Comores pour rencontrer des citoyens en lutte ou qu’il imagine l’histoire d’amour passionnée d’une mamie, à chaque fois il me transperce le cœur par sa capacité à la fois humble et respectueuse de recueillir et de retranscrire la parole des personnes qu’il dessine.

Ce deuxième tome de la série Inoubliables ne fait évidemment pas exception à la règle. Au menu on retrouve cinq témoignages aussi poignants que différents : une rescapée d’une avalanche, une victime de relation amoureuse toxique, un chanteur en ehpad, un homme qui a dû refouler son homosexualité pendant quarante ans par peur des conventions sociales et un civil ukrainien devenu soldat pour défendre sa patrie. Chaque histoire est authentique, chaque confession est à la fois intime et pleine de dignité. 

Niveau dessin, le découpage est toujours aussi simple, se déclinant le plus souvent en gaufrier de six cases. Et niveau émotion, l’empathie de l’auteur pour les interviewés fait le reste. Sans jamais tomber dans le mélo il raconte l’événement le plus marquant de leur vie avec un mélange d’affection, d’admiration et de bienveillance qui force le respect. Bref, une fois encore (et sans doute pas la dernière) Toulmé m’a touché !

Inoubliables T2 de Fabien Toulmé. Dupuis, 2024. 160 pages. 20,50 euros.



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vendredi 6 décembre 2024

Fabuleux Japon

Je ne sais pas si j’irai un jour au Japon mais si tel est le cas, j’aimerais que ce guide de voyage m’accompagne. Un guide au format un peu supérieur à ce que l’on trouve d’habitude (13x23 cm) qui pourra néanmoins se glisser dans un sac ou une valise sans se montrer trop encombrant. Les nombreuses photos sont accompagnées d’une vingtaine de cartes et d’une soixantaine d’encadrés venant compléter des textes plus longs qui s’attardent sur chaque lieu présenté.

En ouverture, le chapitre « portrait » permet d’en apprendre davantage sur la géographie, le climat, l’histoire, les religions et l’économie. Les dix circuits présentés ensuite offrent une traversée de l’ensemble des huit régions du pays. Celle du Kansai (Kyôto et Osaka) et l'île de Kyūshū (Fukuoka et Nagasaki) ont droit à des chapitres plus importants que le Tohoku (Fukushima) et l’île de Shikoku mais au final chaque territoire se voit accorder toute l’attention qu’il mérite. Différents itinéraires hors des sentiers battus sont également proposés, de Kyôto au Mont Fuji ou du Tohoku à Hokkaidō, entre autres. Arts, spiritualité, sites historiques, expériences typiques, urbaines et familiales, les suggestions sont classées selon les goûts afin que chacun puisse y trouver son compte. En conclusion, une dernière partie vient approfondir divers sujets tels que la faune et la flore, les sports les plus populaires, les fêtes traditionnelles, la gastronomie ou encore la langue et l’écriture.

Un guide haut de gamme, dense et exhaustif tout en restant fluide et aéré en termes de mise en page. Clairement, cette deuxième édition actualisée mérite de figurer dans les bagages de chaque voyageur en partance pour le Japon. 

Fabuleux Japon (2ème édition). Ulysse, 2024. 290 pages. 29,00 euros.




mercredi 4 décembre 2024

Soda Hors Série T1 + T2 de Tome et Dan

Perplexe. Voilà dans quel état m’a laissé ce diptyque. Un diptyque que n’aura malheureusement pas pu achever son scénariste Tome, décédé avant d’avoir pu boucler la fin de l’histoire. À la demande de ses enfants, ce sont Zidrou et Falzar qui ont accepté d’imaginer le dénouement. Clairement, ce scénario est la seule et unique raison de ma perplexité. On y déroule en effet dans le 1er tome une idéologie 100% complotiste à propos des terribles événements du 11 septembre. J’ai d’abord voulu croire que Tome allait se jouer de ces théories fumeuses pour mieux les débunker mais les notes de fin d’album laissent entendre qu’il y adhère sans beaucoup d’ambigüité. En tout cas il se permet de douter grandement des conclusions officielles. Et j’avoue que ça me pose de gros problèmes.

Pour ceux qui ne connaissent pas Soda, la série existe depuis 1987. Elle met en scène un flic new-yorkais vivant avec sa mère cardiaque. Pour ne pas révéler sa véritable activité à sa maman et risquer de lui briser le cœur (au sens propre), il sort et rentre chaque jour chez lui habillé en pasteur. L’homme de loi déguisé en homme de foi cache sous sa veste un flingue dont il se sert plus souvent que la majorité de ses confrères. Il faut dire que Soda attire les ennuis et enchaîne courses-poursuites, bagarres et échanges de tirs. Un mélange d’action et de comédie dans le décor parfaitement reconstitué de Big Apple qui offre un divertissement agréable et sans prise de tête.

Mais avec ce diptyque, le changement de ton est radical, le propos est plus sombre, la tension dramatique plus palpable. Et surtout, les sous-entendus complotistes se multiplient. Qui tirent les ficelles ? « Ils » évidemment. Qui ça ? Ben, « le réseau ». Ok, on n’en saura pas plus. Les avions ont fait tomber les tours ? N’importe quoi. Les terroristes islamistes ? Un écran de fumée déployé par le gouvernement américain pour justifier des invasions militaires en Irak et en Afghanistan. Les médias ? Manipulés. Les forces de l’ordre ? Manipulées. Le peuple de moutons qui avale tout ce qu'on lui dit sans se poser de question ? Manipulé bien sûr. Autant je peux comprendre la critique de la dérive sécuritaire et des technologies de contrôle de la population post 11 septembre (notamment le Patriot Act), autant la présentation des faits alternatifs comme seule vérité possible m’est insupportable.

Zidrou et Falzard signent les quinze dernières pages de l’album. Ils tentent de s’écarter du complotisme pour recentrer le propos vers une explication finale « plus acceptable » mais le fait est que ça ne fonctionne pas. Bref, un gros raté de bout en bout. Soda mérite mieux que ça.

Soda 1/2 : Résurrection de Tome et Dan. Dupuis, 2024. 56 pages. 13,50 euros
Soda 2/2 : Révélations de Tome et Dan. Dupuis, 2024. 56 pages. 13,50 euros


Toutes les BD de la semaine sont chez Fanny




mercredi 27 novembre 2024

À la ligne : feuillets d’usine - Julien Martinière (d'après le roman de Joseph Ponthus)

La Bretagne, Joseph Ponthus s’y est installé pour suivre sa femme. Sans emploi, il a écumé les boîtes d’intérim et enchaîné les missions dans l’agroalimentaire, entre usines de transformation des produits de la mer et abattoir. A chaque fois, un rythme infernal à tenir, une pénibilité XXL, une fatigue qui vous terrasse à la fin de la dernière heure de la journée et ne vous quitte pas jusqu’à celle de la reprise de poste le lendemain. Le monde de l’usine est un monde à part où il faut appréhender le bruit et les odeurs, où il faut tenir le rythme des horaires décalés, où le travail à la chaîne n’accepte aucun maillon faible. Une plongée brutale dans un environnement industriel dont il faut apprendre à maîtriser les codes pour s’y sentir accepté. Joseph ne connaissait rien à cet univers avant de le fréquenter. Il découvre des relations hiérarchiques compliquées, des collègues plus ou moins « fréquentables », une précarité propre au statut d’intérimaire qui ne lui offre aucune certitude sur la durée et l’oblige à travailler les jours de grève pour ne pas voir sa mission stoppée avant son terme. Il comprend que sa vie de famille va être bouleversée (il dort quand sa femme part, il n’est pas là quand elle rentre…), et que ses rares moments de respiration seront consacrés à promener son chien sur la plage, entre deux tasses de café.


Il fallait être culotté pour se lancer dans l’adaptation en BD d’un livre devenu depuis sa publication un « classique »contemporain. On y retrouve cette réflexion sans arrière-pensée sur le monde ouvrier, cette succession, par petites touches, d’impressions, de ressentis, cette affection qui se développe petit à petit pour une population de travailleurs très différente de ce que le narrateur a l’habitude de côtoyer. L’intérêt tient beaucoup dans le fait que Ponthus n’est pas un sociologue en immersion, c’est juste un gars qui a besoin de bosser pour payer les factures. Ce statut de « véritable » salarié de l’usine donne une sincérité à son témoignage qui éloigne tout jugement de classe. 

L’adaptation est hyper fidèle, le texte étant retranscrit, certes pas dans son intégralité, mais au mot près pour chaque passage sélectionné. Je ne sais pas si cela a desservi l’album mais j’ai trouvé que les premiers chapitres étaient trop sages, trop respectueux de l’œuvre d’origine. Le noir et blanc et le dessin au rotring, quasi pointilliste, ont beaucoup de charme mais n’apportent finalement aucune valeur ajoutée, du moins jusqu’à l’épisode sur l’abattoir. A partir de là, Julien Martinière lâche les chevaux, proposant une vision hallucinée et ultra expressive de ce lieu infernal. L’aspect cauchemardesque est rendu avec un souffle créatif et une maîtrise graphique justifiant à eux seuls la découverte de cet album qui sonne au final comme un bel hommage à un ouvrier/écrivain trop tôt disparu.


À la ligne : feuillets d’usine de Julien Martinière (d'après le roman de Joseph Ponthus). Sarbacane, 2024. 206 pages. 25,00 euros.




Toutes les BD de la semaine sont chez Blandine


mercredi 20 novembre 2024

Les contes de la pieuvre T4 : Fannie la renoueuse - Gess

Fannie est une renoueuse. Elle possède un don, un « talent » lui permettant d’entrer dans la tête des gens pour mieux comprendre d’où viennent leurs traumatismes, qu’ils soient psychiques ou pas. L’empathie dont elle fait preuve envers ses patients lui permet de ramener sur le chemin de la raison les esprits égarés auxquels les psychiatres ne peuvent être d’aucun secours. Son talent si particulier attire l’attention de La Bouche, un des quatre chefs d’une organisation criminelle qui fait régner la terreur sur Paris. Enlevée par cette mafia, Fannie va devoir s’occuper d’un cas aussi complexe que délicat, qui pourrait lui causer les pires ennuis.

Comme toujours dans cette série, un résumé de l’intrigue ne peut qu’être incomplet tant l’histoire est riche d’éléments et de personnages multiples. Et comme toujours, l’univers créé par Gess est fascinant, reposant sur l’assemblage parfaitement construit de ses différentes composantes (Paris, le début du 20ème siècle, la pègre, des éléments fantastiques et des protagonistes hyper attachants). Si on y ajoute un petit côté feuilletonnant digne des Mystères de Paris, on se retrouve avec un album en tout point passionnant.

Les couleurs sépia, les décors, les vêtements, l’usage de l’argot, tout nous plonge dans une atmosphère typique du Paris de la fin du 19ème. Moins gothique et moins sombre que le tome consacré au « Trouveur » (le tome 2, le seul que j’avais lu jusqu‘alors), ce quatrième opus des contes de la pieuvre est une grande fresque dramatique teintée d’un semblant d’espoir. L’avantage avec cette série c’est que chaque épisode forme une histoire complète pouvant se lire indépendamment des autres. Je vais donc m’empresser de dénicher les tomes qui me manquent pour mieux cerner la richesse foisonnante de ce monde aussi dense que cohérent.

Les contes de la pieuvre T4 : Fannie la renoueuse de Gess. Delcourt, 2019. 200 pages. 27,95 euros.



Toutes les BD de la semaine sont chez Noukette








lundi 18 novembre 2024

La montagne aux dragons - Mathieu Pirloot et François Maumont

Envoyées par leur oncle cueillir des feuilles de pifanlis, les apprenties sorcières Salicorne et Médusa viennent en aide en cours de route à Julius et son canard Brioche, attaqués par des plantes carnivores. Le garçon cache dans son sac à dos un œuf de dragon, qui va éclore sous les yeux des enfants quelques temps plus tard. Pour éviter que la maman dragon détruise la région en cherchant son petit, Salicorne, Médusa, Julius et Brioche vont devoir aller la trouver pour lui rendre. Mais pour cela, il faudra traverser le Lac du Géant et aller jusqu’au pied de la Montagne de l’Orageux. Autant dire que le périple s’annonce mouvementé !

Un court roman illustré parfait pour lancer de jeunes lectures vers les littératures de l’imaginaire. Sorciers, dragons, gobelins, forêt interdite… les créatures et lieus magiques pullulent au fil des pages. Les aventures s’enchaînent, les personnages doivent mener une quête au cours de laquelle ils vont devoir faire face à de nombreux dangers. L’aventure passionne et se vit en immersion. Et pour une fois ce sont les filles qui mènent la danse et volent au secours du garçon froussard, une inversion des rôles bienvenue dans un univers de fantasy où trop souvent les garçons restent les meneurs. 

Dos toilé, couverture au cartonnage épais, pages de garde illustrées et dépliables en triptyque, l’objet-livre est superbe. Les illustrations de François Maumont sont simples, colorées, très parlantes. Elles aèrent et complètent le texte de Mathieu Pirloot avec douceur, évitant une mise en image anxiogène malgré les situations parfois difficiles vécues par les jeunes héros.


Au vu de la conclusion, notamment les révélations sur le personnage de Julius, il semble évident que ce roman n’est que le premier d’une longue série. Et c’est tant mieux, car cette dernière est vraiment lancée sur bons rails.   

La montagne aux dragons de Mathieu Pirloot et François Maumont. Sens Dessus Dessous, 2024. 120 pages. 16,00 euros. A partir de 8 ans.






mercredi 13 novembre 2024

Cosmopirates T1 : Captif de l’oubli d’Alejandro Jodorowsky - Pete Woods

Xar-Cero est le meilleur combattant de l’univers. Engagé par les sept Magnobankiers qui exploitent et asservissent les planètes de la galaxie, le mercenaire va se rebeller après avoir mené une campagne meurtrière de grande ampleur pour le compte de ces tyrans. Pour le punir, ils vont effacer sa mémoire et l’envoyer sur une minuscule planète, où il va se réveiller dans la peau d’un médecin. Ce sera pour lui le point de départ d’une folle échappée à travers l’espace, à la recherche de ses souvenirs perdus.

Quel délire cet album ! Un Space Opera old school, hommage aux romans des années 60, rehaussé d’un environnement graphique ultra moderne. Ça va à 200 à l’heure, les événements s’enchaînent (presque) sans queue ni tête, à tel point qu’on a l’impression que seul le rythme compte, que l’action doit à tout prix prendre le pas sur l’intrigue. Héros charismatique et invincible, antagonistes caricaturaux, exploration spatiale, guerres interplanétaires, tous les ingrédients du roman de SF « classiques » sont réunis et secoués dans ce shaker survitaminé.

Alors oui, clairement, ça manque de fond, ça manque de cohérence, ça manque d’épaisseur. Mais j’ai envie de dire que ça fait partie des règles du jeu et le lecteur doit savoir à quoi s’attendre en se lançant dans une telle aventure. Niveau dessin, on est clairement dans une veine de comics à l’Américaine. Rien de plus logique dans la mesure où le dessinateur Pete Woods a œuvré auparavant sur des séries telles que Spider-man, Deadpool, Batman ou Wolverine. Quant au scénariste Alejandro Jodorowsky, il continue de baigner dans l'univers de ses séries cultes « L'incal » et « La caste des Métabarons ».

Du pur divertissement, sans autre ambition que de faire passer un bon moment aux amateurs de science-fiction « à l’ancienne ». Aucune complexité scénaristique, aucun risque de nœud au cerveau, du dépaysement et de la détente avant tout. Si c’est ce que l’on cherche, c’est le titre parfait. A priori l’histoire sera conclue en deux tomes. C’est un argument positif supplémentaire en ce qui me concerne.

Cosmopirates T1 : Captif de l’oubli d’Alejandro Jodorowsky et Pete Woods. Humanoïdes Associés, 2024. 80 pages. 16,50 euros.




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lundi 11 novembre 2024

Le gars qui allait quelque part - Michel Bezbakh

« Ça fait six mois que j’essaie de regarder la vérité en face et je crois bien y être parvenu, sinon je ne serais pas dans cette voiture ».

Difficile de trouver un titre plus explicite. Tout le long du texte, nous sommes dans la tête d’un gars qui va quelque part. Où ? On n’en sait rien. Pour quoi faire ? On n’en sait rien non plus. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il est sur la route. Au volant, il pense à ce qui va se passer lorsqu’il sera arrivé à destination et il ressasse les événements qui l’ont poussé à être dans cette situation. Petit à petit, un portrait du bonhomme prend forme, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’est pas reluisant. 

On comprend qu’il vit à Paris, qu’il est supporter du PSG, qu’il a eu un enfant avec Clara. On comprend que pour lui l’existence était simple : le PMU, les copains, le parc des princes, les parties de jambes en l’air sur le parking du cinéma. Et que les problèmes sont venus avec l’arrivée de son fils. Un gamin qui préférait Cendrillon à Mowgli. Un gamin qui ne s’intéressait pas au foot. Qui a chialé comme une gonzesse dans le tunnel des fauves à Thoiry quand une lionne a sauté sur la vitre. Bref, un gamin qui ne ressemblait pas à ce qu’il s’imaginait, un gamin qu’il ne pourrait jamais reconnaître comme son « héritier ».

L’esprit vagabonde, les pensées s’enchaînent, entre anecdotes et réflexions quasi philosophiques (toutes proportions gardées). C’est décousu et en même temps on sent qu’un fil ténu offre une colonne vertébrale à ce monologue. Dès le départ, on découvre que le gars qui va quelque part est sans filtre. Punchline, vulgarité crasse, coup de gueule, mauvaise foi évidente et quelques éclairs de lucidité en de (trop) rares moments… le narrateur est en roue libre, incapable de remettre en cause ses convictions d’un autre âge. 

Un portrait de beauf bien plus subtil qu’il en a l’air. Pour son premier roman Michel Bezbakh démontre une grande maîtrise de la langue orale. Son personnage réussit le tour de force d’être à la fois attachant et à vomir. Finalement, on n’a pas envie de le juger. Juste de l’écouter nous raconter sa vie, partager ses pensées intimes, aussi drôles que dérangeantes. 

Le gars qui allait quelque part de Michel Bezbakh. Buchet Chastel 2024. 140 pages. 17,50 euros.