Décoiffant portrait d’un salopard en puissance. Ne cherchez aucune morale à cette fable cynique, la seule chose à en retenir est que la probité ne paie pas et qu’il vaut mieux avoir l’alcool mauvais qu’être un modèle de vertu. J’aime cette prise de parti totalement amorale. Guy est délicieusement détestable, divinement médiocre. Un enfoiré de première qui se fout de tout, n’a pas de limites et est aussi méchant que dangereux, j’adore !
Graphiquement, c’est totalement dingue. Le duo Ruppert et Mulot est connu pour son audace depuis des albums tels que Soirée d’un faune mais l'association avec le belge Olivier Schrauwen, réputé pour son avant-gardisme décapant, donne un résultat incroyable. Au-delà des mésaventures de notre affreux jojo, ce portrait de buveur offre une expérience de lecture unique. Découpage surprenant passant de l’ultra classique gaufrier de six cases à des compositions dignes du surréalisme, jeu de couleurs désarçonnant, rupture brutale du rythme de la narration, les trouvailles se multiplient mais restent au service du récit sans jamais tomber dans de la pure expérimentation. Certes, il faut un peu s’accrocher au début pour trouver ses marques mais une fois le projet des auteurs bien cerné, on s’embarque pour un voyage au long cours qui revisite avec virtuosité les codes de la bande dessinée.
Portrait d’un buveur de Florent Ruppert, Jérôme Mulot et Olivier Schrauwen. Dupuis, 2019. 184 pages. 28,95 euros.