Il y Asa qui s’est enfoncée dans la vase jusqu’à la poitrine et qui attend que sa sœur vienne la sortir de là.
Il y a ce père absent qui est venu offrir un lingot d’or à sa fille.
Il y a Eleonora qui se transforme en ours.
Il y a cette fête d’anniversaire où Sandra va offrir à son petit camarade de classe un crapaud vivant.
Il y a celui qui devient l’amant de celle qui a 20 ans de moins que lui.
Il y a le papa et la maman de sa copine Fresia qui vont bientôt déménager et qu’elle aimerait tant avoir comme parents.
Il y a celui qui descend au fond du puits pour grignoter la terre à pleines dents.
Il y a ce jour d’enterrement, dans l’église. C’est papi que l’on vient saluer une dernière fois. Pour l’occasion la grand-mère a été sortie de l’hospice, la tante de l’asile, le gendre et le petit fils ont enfilé des vêtements trop grands et des chaussures trop petites. Au fond sur un banc se trouve la « dulcinée », la maîtresse de papi. C’est dans son lit qu’on a trouvé le corps. Mort d’épuisement. Ou d’excitation.
Il y a celle qui n’est pas d’ici, « pièce rapportée » qu’un homme a choisi par défaut après le décès de l’amour de sa vie.
Il y a dans ces neuf nouvelles des maisons isolées, des vieilles bagnoles rouillées, des enfants paumés, des pères dépassés, des familles dysfonctionnelles, de l’alcool, de la crasse et de la misère. Il y a un environnement rude, une nature belle et dangereuse, des rapports humains distants, un monde sans pitié.
Il y a finalement dans ces neuf nouvelles des thématiques proches du quotidien de Stina Stoor, un météore qui a traversé le ciel littéraire suédois en 2015. Née en 1982 dans un minuscule village du nord du pays situé dans une immense réserve naturelle, elle a grandi dans une ambiance familiale déplorable. Après une scolarité calamiteuse, des fugues à répétition et l’apparition de troubles psychiatriques, elle s’est retrouvée à 25 ans avec une pension d’invalidité comme seule source de revenus.
Avec un tel passé, deux enfants en bas âge, un mari dépressif et un père frappé de démence, on se demande comment elle est parvenue à produire un recueil aussi solidement charpenté, acclamé dans son pays au point d’être sélectionné pour l’équivalent du Goncourt suédois. Une forme de miracle qu’elle ne souhaite pas renouveler puisqu’elle a annoncé peu après la publication de son livre qu’elle arrêtait d’écrire. Espérons qu’elle change d’avis un jour.
Sois sage, bordel ! de Stina Stoor (traduit du suédois sous la direction d’Elena Balzamo). Marie Barbier éditions, 2021. 150 pages. 12,00 euros.
Un billet qui signe ma première participation au challenge
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