samedi 15 décembre 2012

Le chanteur de gospel d’Harry Crews

Crews © Folio 2009
A Enigma, au fin fond de la Géorgie, on attend avec une impatience non dissimulée le retour de l’enfant prodigue. Né dans la bourgade, le chanteur de Gospel est devenu une star adulée dans tout le pays. A chacune de ses apparitions sur scène, le public est transporté par sa voix d’ange. Une idole qui retourne chez elle le temps d’un revival en plein champ, sous un chapiteau géant. Une idole qui va chanter pour Mary Bell, la plus jolie fille du coin,  violée et poignardée plus de soixante fois avec un pic à glace. Une idole qui, si elle savait ce qui l’attend, aurait pris ses jambes à son cou…
      
Premier ouvrage d’Harry Crews publié en 1968, Le chanteur de Gospel est un roman aux incontestables accents faulknériens. Reconnu comme l’un des chefs de file du Southern gothic (un mouvement littéraire combinant une atmosphère gothique avec des éléments culturels propres au sud profond), Crews, né en 1935 (et décédé le 28 mars 2012), a été élevé à la dure et s'est engagé à dix-sept ans dans les Marines. Il fera de la prison, sera tabassé par un Indien unijambiste et ne cessera de croiser des destins hors du commun, notamment en partageant pendant un long moment la vie d’une de ces foires aux monstres qui ont longtemps sillonné les États-Unis jusqu’au milieu du 20e siècle. Abandonnant femme et enfant pour se retirer dans une cabane au bord d’un lac, c’est dans ce décor d’ascète, stimulé par la drogue et l’alcool, qu’il débutera sa carrière d’écrivain. Un écrivain totalement atypique, souvent féroce avec les gens normaux et tendre avec les « freaks » qui peuplent chacun de ses textes.

Ce que j’en ai pensé ? Un vrai régal. Tout ce que j’aime, cette ambiance totalement barrée, ces personnages mal dégrossis, ces dialogues saupoudrés d’argot local et cette tension qui monte crescendo jusqu’au final cataclysmique. Une Amérique de bleds paumés peuplés de rednecks, hantée par la misère, la déchéance et des croyances populaires aussi saugrenues qu’indéracinables. Une Amérique perpétuellement en quête de rédemption, prompte à sombrer en quelques instants dans la plus abominable des sauvageries. Il y a peut-être quelques longueurs et un certain déséquilibre entre une mise en route assez laborieuse et une fin que l’on dévore avec le plus grand plaisir, mais ce n’est après tout qu’un premier roman.
     
J’ai du mal à comprendre pourquoi ce texte se retrouve en Folio policier. Il n’a strictement rien d’un polar. Le chanteur de Gospel est un roman inclassable qui a à l’évidence influencé nombre d’auteurs contemporains tels que Joe R. Lansdale ou William Gay. Quoi qu’il en soit, Harry Crews fait une entrée fracassante dans ma bibliothèque. J’ai déjà prévu de continuer ma découverte de cet auteur avec La foire aux serpents. Tout un programme !


Le chanteur de gospel d’Harry Crews. Folio, 2009. 306 pages. 6,50 euros. 




28 commentaires:

  1. Oups, pas accroché à ce livre, trop glauque.
    J'avais pourtant insisté, et abandonné peu avant la fin... ravie de me sentir enfin délivrée d'un tel poids.
    Il y a des livres dits 'polars, thrillers' (comme ici) qui te plairaient bcp, pas + 'starsky et hurch' que ça, très fins. Va falloir qu'on te fasse une liste ! ;-)

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    1. Glauque ? je ne sais pas. Il y a une atmosphère très étrange et des personnages vraiment particuliers (je pense au nain qui a un pied démesuré) mais je n'ai pas senti le coté étouffant. Tu dois voir bien pire dans tes thrillers, non ?

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  2. ça va me plaire !!
    ( peut-être en policier parce que considéré comme " roman noir " ? )

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    1. C'est sûr que c'est noir, mais plutôt en terme d'ambiance. J'espère que tu vas aimer.

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  3. je ne connais pas du tout...
    la couverture est originale...

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    1. La couverture est originale mais n'a rien à voir avec l'histoire (je ne vois pas le rapport avec l'accordéon et encore moins avec le squelette^^).

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  4. J'aime beaucoup la couverture mais je ne sais pas si ce récit me plairait. Comme dit l'autre il faut tenter ;) s'il me tombe sous la main j'essaierai

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    1. C'est très particulier, j'aurais du mal à le conseiller. Il faut quand même savoir où on met les pieds ;)

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  5. ? Bon tu as peut être eu un début de commentaire, j'étais en train d'écrire et zou, plus rien... Je disais donc que je découvre tout un monde avec ton billet, cet auteur déjà mais aussi le Souther gothic... j'adore la façon qu'ont les anglais de nommer les mouvements littéraire :)

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    1. Je t'avouerais que je n'avais jamais entendu parler du Southern Gothic avant de découvrir cet auteur. C'est un mouvement qui a l'air d'englober pas mal de choses différentes mais j'ai déjà retenu quelques autres noms propres à ce genre qui devrait bien me plaire.

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  6. Heureusement que ton article est là parce que, tu vois, rien qu'à mirer la première de couverture, je n'achète même pas le bouquin (pire, je ne jette même pas un oeil dessus). Bises

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    1. Je comprends, ça ne donne pas spécialement envie. On se dit que l'on va tomber sur un livre horrifique et forcément ça refroidit.

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  7. Tiens, Herisson, nous avons le même problème d'éjection en cours de route, seulement ici pour moi, pas sur les autres blogspot !
    En fait, on a le curseur, ça marche pour taper le msg, mais ça mouline encore (je le vois en haut sur mon onglet), et pof, qd il arrête de ramer, il vire tout, et c'est seulement là qu'on peut écrire ! :-)

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    1. Promis je regarde ça de plus près avec un informaticien dès demain. Pas sûr qu'il existe une solution miracle mais au moins j'aurais cherché.

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  8. Ca ressemble à un policier non ?? héhéhé... En tous cas si les personnages sont barrés -comme chez Hiaasen- -tiens oui, hiaasen ?_ je note merci du conseil...

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    1. "Ca ressemble à un policier non ??" Même pas !

      Hiaasen tu dis ? Connais pas ;)

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  9. La couverture me donne instantanément un à priori négatif :(
    Ton billet confirme cette impression ; il faudrait peut-être que je le parcours pour pouvoir revenir sur ce sentiment de malaise...

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    1. Tu ne te trompes pas forcément. Il y a une atmosphère assez oppressante et malsaine qui se dégage du texte. C'est pour moi ce qui fait tout son charme mais ça peut aussi refroidir plus d'un lecteur.

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  10. Pas sûre que cela me plairait non plus, en tout cas il est noté dans les premiers romans !

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    1. C'est spécial, pas certain que tu y trouves ton compte.

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  11. Voilà bien de l'enthousiasme, ça en est contagieux ...
    Je ne connaissais pas et m'attendais avec la pochette à ce que l'on parle de polar ou de terreur

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    1. Pas de polar mais une ambiance opressante et moite comme sait l'être le sud profond.

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  12. Chouette, c'est barré! J'ai repéré des titres à la bibli (mais pas celui ci, tant pis).
    Sinon, jouez hautbois résonnez musettes, je vais lire deux Lansdale de plus! Je prépare les pansements...

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    1. Deux Lansdale, lLa chance ! Moi il ne m'en reste qu'un dans ma PAL. Je le garde précieusement, comme une bonne bouteille à sortir en cas de coup dur pour se mettre du baume au coeur.

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  13. J'adore aussi ce genre d'ambiance ! L'amérique profonde, les freaks ! Je note !!!

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  14. Bonjour, vous trouverez de nombreux auteurs de romans policiers/thrillers sur le nouveau site polar/noir bibliometrique.com que je vous invite à visiter. A bientôt

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    1. Merci pour l'info. Je ne suis pas fan de romans policiers/thrillers mais j'irais jeter un oeil à l'occasion.

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