1918. Albert et Edouard ont échappé à la grande boucherie. Miraculeusement. Mais non sans dommages. Albert a failli mourir enseveli dans un trou d’obus et Edouard a eu le visage à moitié arraché en lui portant secours. Sortis du conflit sans un sou et sans la moindre reconnaissance de la nation, ils vivotent, ensemble, dans un boui-boui parisien minable en tirant le diable par la queue. Condamnés à l’exclusion, les « héros » devenus parias vont se venger en imaginant une arnaque aussi cynique qu’immorale.
Après Confiteor l’an dernier, Au revoir là-haut est mon pavé de l’été. On m’avait prévenu que ce pavé n’avait pas la complexité et la profondeur de son illustre prédécesseur et je dois bien reconnaître que l’on ne m’avait pas menti. Pour autant, je n’ai pas boudé mon plaisir. Pierre Lemaitre offre un roman historique documenté, ambitieux et plein de souffle. Il prend le temps de déployer son intrigue, de creuser la psychologie de ses personnages et de tisser avec minutie les fils reliant chacun d’entre eux.
Un roman à l’ancienne, digne héritier des romans-feuilletons du 19ème siècle. Un roman engagé, antimilitariste, anticapitaliste, antipatriotique même (du moins dénonçant une certaine forme de patriotisme), avec ses bourgeois caricaturaux, ses chefs d’entreprise uniquement guidés par l’appât du gain, ses poilus revanchards et son salaud de service, lui aussi caricatural, mais tellement haïssable qu’on se délecte de son inévitable chute.
De la littérature populaire dans le meilleur sens du terme, comme on en voit de moins en moins à l’heure de l’autofiction, du feelgood ou de la pseudo romance-érotico-sadomaso. Une lecture rare et précieuse en somme, et un parfait pavé de l’été.
Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre. Le livre de poche, 2015. 665 pages. 11,50 euros.