«
Mon année avec Ines se résume à cette complicité immédiate, jamais envahissante, à des plats cuisinés ensemble ou à ces portes ouvertes sur un miracle offert dans une assiette, à nos confidences et à nos fous rires […]. J'ai pris sept kilos, cette année-là, et je n’ai jamais su dire non quand surgissait l’énième plat, ni comment j’ai pu survivre à certains repas parce que refuser de manger aurait été une offense. »
C’est plus fort que moi, dès qu’un livre parle de bouffe, je suis partant. Bon, pas pour les bouquins pratiques avec les belles photos, non, ce que j’aime ce sont les fictions ou les témoignages dans lesquels on nous raconte ce plaisir infini que peut provoquer la nourriture à travers le choix du produit, sa préparation et tout le lien social que cela peut induire. Autant vous dire qu’avec ce petit recueil joliment illustré par Albertine, j’ai été servi.
Philippe Fusaro raconte son départ de Strasbourg et son exil volontaire d’un an à Lecce en 2005. Un retour dans les Pouilles, la région natale de son père, après la fin de son histoire avec une femme qu’il avait aimée pendant douze ans et qui «
ne voulait plus de lui ». Arrivé «
dans la pointe du talon de la botte italienne », Philippe s’installe dans un modeste trois pièces avec balcon et terrasse sur le toit, bien décidé à se consacrer pleinement à l’écriture de son second roman.
Ines est sa voisine de palier. Une mama de 89 ans qui frappe à sa porte chaque jour et lui tend une assiette en lui disant «
Mangia, beddhru mio » (mange, mon beau). Parce que pour Ines, un homme seul est incapable de se préparer à manger. Philippe va lui expliquer et lui montrer ce qu’il cuisine, et même si elle ne voudra jamais goûter ses plats, elle finira par accepter son « statut » de cuisinier. Surtout, une amitié solide va naître entre l’écrivain et la vieille femme chez qui il finira par passer le plus clair de son temps. Derrière les fourneaux.
Le récit de cette année, tout en pudeur, tient en à peine cinquante pages. Le reste du recueil se compose des recettes apprises auprès d’Ines et, loin d’une écriture purement fonctionnelle, la description de la conception des plats est aussi savoureuse que la dégustation, assaisonnée de conseils élémentaires de bon sens qu’il vaut mieux ne pas oublier de respecter, comme le service de la pasta, à faire impérativement dans des assiettes creuses, sous peine de s’attirer les foudres de Dieu et l’anathème du pape Francesco. Un délicieux petit livre, parfait pour les amoureux des mots, de la cuisine et de l’Italie.
Rien que pour le plaisir, je vous donne quelques intitulés de recettes qui, même si je ne parle pas un mot d’italien, me font saliver :
Cicorie al pignatto /
Orechiette con le cime di rapa /
Ciceri e tria /
Pasta coi peperoni /
Spaghetti alle cozze /
Carciofi e patate /
Parmigiana di melanzane. Alors, on mange ?
La cucina d’Ines de Philippe Fusaro. La fosse aux ours, 2017.
88 pages. 15,00 euros.