« S’aimer, ça commence par dépasser ses peurs. » Il faut trouver la façon d’ouvrir la page, de tisser ce lien qui va nous unir. Un premier rendez-vous pour confirmer la complicité, pour imposer l’évidence. D’abord de l’amitié, ensuite un sentiment plus fort, le bonheur de s’être trouvés, la certitude que la route est tracée. Ne pas trembler, ne pas être intimidé par l’aventure à venir. Succomber. « S’aimer enfin. Ne faire qu’un pour être pleinement soi ».
Laisser le temps filer, devenir parents, se noyer dans le quotidien. Dériver. « Un mur aurait pu nous séparer, celui des non-dits, le désir émoussé, l’amertume des jours qui passent et parcheminent les peaux ». Des envies d’ailleurs, de nuits dans d’autres bras. De quoi se perdre. Mais la volonté commune de dépasser les moments difficiles, de se retrouver malgré tout et de s’aimer, « dans les jours bleus, dans la nuit profonde, dans les rires et dans l’angoisse, dans les mélodies des matins soleil et dans la souffrance des enfants perdus, celle des femmes et des hommes humiliés, dans la colère face aux océans souillés et aux avenirs saccagés ».
S’aimer, quelle idée ! Un concept dépassé depuis longtemps. Parler d’amour dans un livre, c’est forcément tomber dans le neuneu, dans le cliché, dans le cucul la praline. C’est forcément tartiner chaque page de guimauve sucrée jusqu’à l’écœurement. Mais quand Cécile Roumiguière vous parle d’amour, on ne prend pas l’affaire de haut. On se sent tout petit même. Surtout quand elle associe sa plume à tente-neuf illustrateurs aussi talentueux que Csil, Kris Di Giacomo, Gwen Le Gac, Carole Chaix, Barroux ou Rascal.
L’objet-livre est splendide, couverture cartonnée, format à l’italienne et papier épais. Les mots sont posés sur la page de gauche, rares et précieux, comme chuchotés au creux de l’oreille. Les illustrations les accompagnent sur la page de droite, aussi expressives que variées. Certaines m’ont évidemment plus touché que d’autres, à commencer par celle de Nathalie Novi que je trouve sublime. Mention spéciale également à la sirène de Régis Lejonc qui m’a rappelé tant d’inoubliables souvenirs de lecture.
C’est beau, simple, épuré. C’est l’amour dans son universalité et sa complexité, c’est une réflexion sensible et pleine de finesse sur un thème pourtant rabâché mille fois. Une totale réussite.
S’aimer de Cécile Roumiguière et 39 illustrateurs. Éditions A pas de loups, 2016. 96 pages. 20,00 euros.
Une pépite jeunesse véritablement tout public et parfaite pour la Saint Valentin que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.