vendredi 1 juin 2012

Les années n°10 : spécial fête des mères

Au sommaire de ce numéro 10, un portrait de Michèle Desbordes , des chroniques présentant des romans consacrés aux mamans, une nouvelle de Dominique Cornet et un texte rédigé en atelier d'écriture par une lycéenne nimoise dont les mères sont les personnages principaux, un portrait de la résisatnte Raymonde Carbon et, comme toujours, la chronique du professeur Hernandez. De mon coté, je ne vous parle pas de ma manman mais d'une BD consacrée aux soldats fous de la Grande Guerre.

Petite nouveauté, tous les numéros sont consultables en ligne (et gratuitement bien sûr !) : http://lesannees.blogspot.fr/

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Rendez-vous le 15 juin  pour le n°11.

jeudi 31 mai 2012

Puella Magi Madoka Magica 1

Hanokage © Doki Doki 2012
Madoka, élève de 4ème tout à fait banale, rencontre un jour une mystérieuse créature prénommée Kyubey. Cette dernière propose à la jeune fille de lui accorder un vœu. En contrepartie, Madoka deviendra une magicienne et devra lutter contre de terribles sorcières qui tourmentent le quotidien des humains. Ne sachant comment réagir, Madoka tarde à accepter le pacte. D’une part, elle ne sait pas quel vœux formuler et d’autre part, la mise en garde d’une de ses nouvelles camarades de classe l’interpelle au plus haut point : « Ne cherche surtout pas à devenir quelqu’un d’autre sinon tu perdras tout ce qui t’est cher. » Comprenant que la décision qu’elle s’apprête à prendre risque de bouleverser sa vie, elle hésite longuement…

Adapté d’une série animée en 12 épisodes ayant connu un énorme succès lors de sa diffusion à la télévision début 2011, ce manga en 3 volumes s’est payé le luxe de devancer des poids lourds tels que Bleatch ou Naruto lors de sa publication au Japon.

Pour moi, un manga estampillé « Magical Girl » est un titre dans lequel des jeunes filles aux costumes improbables se voient dotées de pouvoirs magiques et luttent avec malice contre les forces du mal. Sailor Moon, en gros (en même temps, c’est la seule série de ce type que je connaisse vraiment). Loin de l’univers acidulé et kawaï des classiques du genre, Puella Magi Madoka Magica apparaît au final bien plus sombre et torturé. Les enjeux sont pour les héroïnes plus complexes que le simple fait de devenir une « magical Girl ». Leur nouveau statut met réellement leur vie en danger et surtout le pacte passé avec le gentil Kyubei (qui ne l’est d’ailleurs peut-être pas tant que ça) implique des sacrifices et des contraintes dont elles sont loin d’imaginer la réelle portée. Quelque part, ce type de récit très balisé semble, grâce à cette série, passer à l’âge adulte. Fini les bluettes et la frivolité, place à la noirceur et à une lutte sans merci contre des sorcières qui répandent le désespoir et poussent les gens au suicide. Du lourd, quoi, même si le début de l’intrigue peut laisser croire que l'on reste dans de l’ultra classique.

Le dessin, sans être révolutionnaire, reste fin et précis. Autre point non négligeable, les différents protagonistes se reconnaissent au premier coup d’œil, ce qui est loin d’être toujours le cas avec des mangas de ce type.

Bref, pour moi qui ne suis pas, mais alors pas du tout, le public cible, ce premier volume a constitué une très agréable surprise. Sachant qu’il n’y aura en tout que trois tomes, je pense que je vais avec plaisir suivre les aventures de Madoka et de ses consœurs jusqu’à leur terme.


Puella Magi Madoka Magica T1 de Hanokage. Doki Doki, 2012. 144 pages. 7,50 euros.


Hanokage © Doki Doki 2012

mercredi 30 mai 2012

Koma : l'intégrale

Wazem et Peeters
© Humanoïdes associés 2010 
Addidas est la fille d’un ramoneur. Elle aide souvent son père lorsqu’il ne peut accéder aux conduits les plus étroits. Frappée par un mal étrange, il lui arrive régulièrement de perdre conscience sans raison pendant quelques minutes. Personne ne semble capable d’expliquer ces « absences » qui deviennent de plus en plus régulières. Un jour, alors qu’elle se trouve au fond d’une énorme cheminée, la petite fille tombe nez à nez avec une drôle de créature, sorte de géant aux bras simiesques. Attendrie par ce monstre implorant son aide, Addidas décide de rester à ses cotés. Cette rencontre va être le point de départ d’une aventure hors du commun…

Koma est une série inclassable dont il est très difficile de parler. Une fois de plus je me suis laissé influencer par les avis lu ici et là sur la toile et une fois de plus, j’ai bien fait. Wazem et Peeters ont créé un univers aussi improbable qu’envoutant. Le lecteur est pris par la main dès la première planche et il embarque pour une virée onirique finalement assez avare de dialogues. Le rythme est lent, l’histoire semble tenir en équilibre sur un fil prêt à rompre et à l’entraîner dans les méandres d’un récit devenant totalement incompréhensible. Pourtant, tout se tient, la cohérence finit par s’imposer. Il y a dans Koma une forme de poésie assez sombre, digne des plus beaux contes victoriens.

Les six tomes de la série ont été publiés à l’origine en couleur mais cette intégrale est entièrement en noir et blanc. J’avoue que je ne m’en plains pas, bien au contraire. Le trait de Peeters est pour moi définitivement fait pour le noir et blanc. Son encrage épais, tout en souplesse et en élégance, colle à merveille à l’ambiance dans laquelle évoluent les protagonistes. L’autre avantage de cette intégrale c’est qu’elle permet de constater à quel point l’histoire tient en un seul bloc. Il n’y a aucune séparation lorsque l’on passe d’un tome à l’autre et on a vraiment l’impression de lire un épais roman graphique qui ne peut en aucun cas être « découpé » en tranches.

Koma est un petit bijou dont la lecture (en intégrale et en noir et blanc !) devrait à l’évidence ravir une majorité de lecteurs, qu’ils soient petits ou grands.


Koma : l’inétgrale de Pierre Wazem et Frederik Peeters. Les Humanoïdes associés, 2010. 280 pages. 25 euros.

Les avis de Mo', Choco, Yvan, David, Champi
 

Wazem et Peeters © Humanoïdes associés 2010 
 

lundi 28 mai 2012

La famille Passiflore revient en BD !

Jouannigot © Dargaud 2012
La famille passiflore est une série de livres pour enfants créée par Geneviève Huriet et Loïc Jouannigot en 1987. Racontant l’histoire d’une fratrie de lapins entourés de leur père et de leur tante Zinia, cette série a connu un énorme succès et a été adapté en dessin animé pour la télévision en 2001. Alors que leur dernière aventure datait de 2006, les Passiflore reviennent aujourd’hui par l’intermédiaire de la bande dessinée. Loïc Jouannigot signe ici les textes et les dessins.


Afin de préparer en secret la fête d’anniversaire de Dentdelion (le petit dernier de la famille), tante Zinia l’expédie au jardin avec son grand frère Mistouflet. Mais pendant que les préparatifs battent leur plein à la maison, un drame se noue au milieu des légumes : la vilaine tortue Atalante vole le doudou de Dentdelion et refuse de lui rendre. Une véritable tragédie pour le petit lapinot...

Quel bonheur de retrouver la Famille Passiflore ! J’ai lu les albums à mes filles un nombre incalculable de fois et ma femme est totalement fan du dessin animé. Le fait de voir la série revenir sous forme de bande dessinée est une énorme satisfaction. L’univers doucereux est respecté à la lettre : gentillesse, altruisme, solidarité familiale, ambiance champêtre et bucolique, tout y est. Surtout, Loïc Jouannigot peut enfin laisser libre cours à son incroyable talent. Cet artisan du dessin, méticuleux en diable, ne transige pas sur la qualité. Les cases sont grandes et fourmillent de détails et les mimiques des animaux qu’il met en scène sont tout simplement impayables. Du grand art !

Digne héritier de Michel Plessix (Le vent dans les saules), Jouannigot propose aux plus jeunes lecteurs une entrée en douceur dans le monde de la bande dessinée. Un magnifique album à ranger dans la bibliothèque des enfants au coté de la non moins superbe série de Brigitte Luciani et Eve Tharlet, Monsieur Blaireau et Madame Renarde.

La famille Passiflore T1 : L’anniversaire de Dentdelion de Loïc Jouannigot. Dargaud, 2012. 32 pages. 9,99 euros. A partir de 5 ans.


Jouannigot © Dargaud 2012

samedi 26 mai 2012

Bubu de Montparnasse

Philippe © Grasset 2005
Bubu de Montparnasse, c’est un peu un ménage à trois. Il y a d’abord Berthe Méténier, 20 ans, fleuriste devenue fille publique après s’être mis à la colle avec Maurice Bélu, dit Bubu. Maurice « la choisit belle et vierge, puis il en fait son plaisir, puis il en fait son métier ». Maurice le souteneur, celui qui « prend les femmes dans sa main et les façonne ». Le dernier personnage du trio, c’est Pierre Hardy, jeune provincial monté à Paris. Un micheton qui s’amourache de Berthe, cette « trotteuse » rencontré sur le boulevard Sébastopol.


Quand Berthe attrape la vérole, elle finit à l’hôpital. Avec sa protégée sur la touche, les temps sont durs pour Maurice. Il monte un braquage mais les choses tournent mal et il est arrêté. Après l’hôpital, Berthe repart sur le trottoir, à son compte. Dans les moments difficiles, elle se tourne vers Pierre, ce bon ami toujours prêt à l’aider. Avec lui, elle peut envisager un semblant d’avenir. Mais la mise en liberté conditionnelle de Bubu va mettre à bas ses derniers espoirs. Son « homme », bien décidé à la reprendre, va se rendre chez Pierre et elle n’aura pas d’autre choix que de le suivre.

Charles-Louis Philippe fait partie de ces grands écrivains français tombés dans l’oubli. Très modeste employé à la ville de Paris, de faible constitution, il mourra de la typhoïde à 35 ans. Admiré durant sa courte carrière par les plus grands noms de son époque, il fonda avec son ami André Gide la NRF en 1908. Bubu de Montparnasse date de 1901. Le style est très naïf et les répétitions nombreuses. Charles-Louis Philippe est un enfant du peuple. Il décrit comme personne la gueuserie des faubourgs, ces petites gens que le grand monde exècre. Il montre un respect absolu pour ses personnages. Beaucoup de tendresse aussi, sans pour autant chercher à les idéaliser. Bubu est vaniteux et grande gueule. Berthe, dont le double jeu permanent est avant tout une question de survie, a tout de la figure tragique. Et pierre, lui, « n’a pas assez de courage pour mériter le bonheur ».

Le Paris du début du XXème siècle est restitué sans fard. La violence, la pauvreté, les ravages de la syphilis, la condition des femmes publiques, rien n’est occulté. Berthe est un personnage féminin qui vous poursuivra longtemps. Cette oie blanche devenue prostituée par amour pour Maurice, va très vite comprendre que plus jamais elle ne pourra échapper à sa condition. Son homme la bat ? Elle l’accepte car « un homme est un gouvernement qui nous bat pour nous montrer qu’il est le maître, mais qui saurait nous défendre au moment du danger. » Et quand Maurice vient la rechercher en sortant de prison, c’est une sorte de lucidité qui prend le pas sur l’amertume : « Elle partait dans un monde ou la bienfaisance individuelle est sans force parce qu’il y a l’amour et l’argent, parce que ceux qui font mal sont implacables et parce que les filles publiques en sont marquées dès l’origine comme des bêtes passives que l’on mène au pré communal ».

Ni populaire ni populiste, Bubu de Montparnasse est un roman du peuple, tout simplement. Et c’est déjà beaucoup.

Bubu de Montparnasse, de Charles-Louis Philippe, Grasset, 2005. 125 pages. 7,20 euros.

jeudi 24 mai 2012

Mortelle Adèle

Tan et Miss Prickly © Tourbillon 2012 
Adèle, c’est un prénom qui rime avec « cruelle ». En gros, le prénom idéal pour le personnage imaginé par Tan et Miss Prickly. Parce que leur gamine, niveau cruauté, elle s’y connait. Opérer des poupées à cœur ouvert, enterrer le chat vivant ou le jeter par la fenêtre pour voir s’il retombe sur ses pattes, ça ne lui fait pas peur. Sa devise ? J’aime : personne / J’aime pas : tout le reste. Ses têtes de turcs préférées sont ses camarades de classes et surtout ses parents. Ne comptez pas sur elle pour obtenir le moindre compliment. Attendez-vous plutôt à entendre à tout moment une réflexion vacharde et bien sentie qui appuie là où ça fait mal.

Voila donc une nouvelle BD jeunesse qui dépote. Humour noir, cynisme et répartie mordante, Adèle est une petite terreur qui ne donne pas dans la tiédeur. Les gags, ultracourts, s’enchaînent de façon très nerveuses et les quelques strip verticaux de deux cases sont des modèles d’efficacité (voir exemples ci-dessous). Après, je dois bien reconnaître que je ne suis pas fan du dessin très passe-partout et des couleurs d’une grande fadeur. Mais bon, l’essentiel est ailleurs.   

J’aime bien les productions jeunesse politiquement incorrectes, surtout quand elle sont intelligemment troussées, comme c’est le cas ici. Et les enfants aussi sont preneurs, beaucoup plus qu’on ne le croit. Encore faut-il qu’ils aient la maturité suffisante pour comprendre l’ironie et l’acidité du propos. Dans le cas contraire, en prenant tout au premier degré, ils vont à l’évidence ne pas accrocher du tout !

Adèle, c’est en quelque sorte la petite sœur de Félicien Moutarde. Lui aussi s’y connaît en humour noir et en cynisme, je vous en avais parlé il y a quelque temps. Vous voila prévenus. Si vous cherchez des lectures « poil à gratter » pour surprendre vos enfants, ces deux références sont incontournables !  

Mortelle Adèle T1 : Tout ça finira mal de Tan et Miss Prickly. Tourbillon, 2012. 94 pages. 6,15 euros. Dès 9 ans.
Mortelle Adèle T2 : L’enfer, c’est les autres de Tan et Miss Prickly. Tourbillon, 2012. 94 pages. 6,15 euros. Dès 9 ans. 

Tan et Miss Prickly © Tourbillon 2012

Tan et Miss Prickly © Tourbillon 2012

Tan et Miss Prickly © Tourbillon 2012

mercredi 23 mai 2012

Fables scientifiques

Cunningham © çà et là 2012
Vous y croyez, vous, à l’homéopathie ? Et la chiropraxie, ça vous dit quelque chose ? Et le ROR (vaccin Rougeole, Oreillon, Rubéole) qui serait source d’autisme chez de nombreux enfants, fantasme ou réalité ? Dans d’autres domaines, nombreux sont ceux qui n’hésitent pas à remettre en cause la réalité du réchauffement climatique ou l’évolution des espèces.

Darryl Cunningham déconstruit un à un les arguments pseudo-scientifiques avancés par les tenants du sensationnalisme, les corporatistes et autres conspirationnistes. Défendre la science contre les mensonges, les mythes et autres théories fumeuses avancées sans aucune rationalité, tel est le combat de cet artiste anglais inclassable.
    
Le journalisme d’investigation en bande dessinée, ce n’est certes pas une nouveauté. Mais Darryl Cunningham a choisi un angle d’attaque original. Ce recueil d’articles tient peut-être davantage de la BD documentaire. Au cœur de son argumentation, l’esprit critique érigé en processus de réflexion incontournable et une évidence indiscutable : la science avance en fonction des preuves. Pour chaque chapitre, l’auteur étaye son propos de  témoignages, de recherches approfondies et de nombreuses sources puisées dans des publications scientifiques renommées. Pour autant, l’ensemble reste très digeste et compréhensible par tous, même les moins férus de science (j’en suis la meilleure preuve !).

Sans rentrer dans des querelles de chapelle, Cunningham s’appuie uniquement sur le processus scientifique, cette méthode permettant d’organiser le savoir sous forme d’explications fiables, vérifiables et surtout résistant à l’épreuve du temps. Refusant de se poser en donneur de leçon omniscient, il concède dans la postface : « J’ai pris des positions assez tranchées dans les chapitres de ce livre, mais j’aime à penser  que je serais assez fort pour changer d’avis sur chacun de ces sujets si des preuves se présentaient. C’est une porte qui doit rester ouverte en permanence. » C’est ce qui pour moi crédibilise l’ensemble de sa démarche.

N’en déplaise aux sceptiques, aux tenants des médecines parallèles et autres créationnistes, la lecture de ce plaidoyer pro-science apparaît comme un brillant exercice de vulgarisation où se conjuguent rigueur, humour et une indéniable inventivité graphique.   

Un grand merci aux éditions ça et là et à Libfly pour la découverte.


Fables scientifiques de Darryl Cunningham. Éditions Çà et là, 2012. 158 pages. 18 euros.

Cunningham © çà et là 2012




lundi 21 mai 2012

L’inquiétude d’être au monde

de Toledo © Verdier 2012
Avec ce court recueil, Camille de Toledo oscille entre la poésie et l’aphorisme. Certains préfèreront sans doute parler de pensées. Une succession de petits textes de quelques lignes, avec pour fil conducteur l’inquiétude engendrée par le mouvement perpétuel de ce siècle neuf : « plus rien ne demeure. Tout bouge et flue. Paysages ! Villes ! Enfants ! ». L’inquiétude d’être au monde tient donc dans le vacillement général des choses. Doit-on pour autant se raccrocher aux souvenirs, aux racines ? Certes pas. L’auteur a dressé contre ces mots un barrage éternel. Racines, origine, terre, pays, nation, autant de fictions qui ne servent qu’à nous donner l’illusion d’être quelque part.

Camille de Toledo appelle à résister contre ceux qu’ils nomment les « promettants », ceux qui nous vendent des solutions provisoires censées nous délivrer du risque, du mal, de la peur et de la mort. La révolution est là. Mettre à bas l’orgueil, « accepter de n’être qu’une espèce parmi les espèces, c’est-à-dire accepter son décentrement. » Les figures tutélaires convoquées pour légitimer le discours me parlent particulièrement. D’un coté Césaire et son Cahier d’un retour au pays natal et de l’autre Stieg Dagerman et son besoin de consolation impossible à rassasier. D’un coté l’universalité, l’exil perpétuel de Césaire et de l’autre « les chants trompeurs de la consolation contre lesquels Stig Dagerman nous mettait en garde. »

Naviguant sans cesse entre l’abattement, la colère et l’exhortation, l’écrivain n’endosse jamais le rôle du donneur de leçon. L’exercice, un brin désuet, est le signe d’une longue fréquentation de la littérature. Toujours brefs et fulgurants, souvent brillants, d’une extrême lucidité, ces paragraphes au lyrisme contenu sont à lire à voix haute pour mettre en valeur la musicalité de l’écriture. Une belle réussite.

Un grand merci à Olivia Michel et aux éditions Verdier pour la découverte.

L’avis de Mango.

L’inquiétude d’être au monde, de Camille de Toledo, Verdier, 2012. 60 pages. 6,30 euros.

samedi 19 mai 2012

L’armoire des robes oubliées

Pulkkinen © Albin Michel 2012
Elsa se meurt. Entourée de sa famille, elle veut profiter de quelques derniers instants heureux, dire adieu dignement aux jolies choses qui furent le sel son existence. Lorsque sa petite fille Anna sort d’un placard une vieille robe ayant appartenu à une certaine Eeva, c’est un secret de famille enfoui depuis des décennies qui refait surface.

En enfilant la robe, Anna raconte l’histoire de sa propriétaire… En 1964, Elsa est une pédopsychiatre renommée qui voyage beaucoup. Son mari Martii est peintre et n’a pas le temps de s’occuper de leur fille. Eeva est donc engagée comme nurse. Au fil des semaines, elle va nouer une tendre complicité avec Martii. Leur relation va peu à peu devenir plus intime et tourmentée. Une liaison clandestine et passionnée qui se terminera de manière dramatique…

Mêlant habilement le présent et le passé, Riikka Pulkkinen dresse le portrait de trois générations de femmes. Symbole du secret d’un amour perdu, la robe est une sorte de trait d’union entre les protagonistes. Le propos se focalise souvent sur les rapports familiaux et aborde des questions existentielles que l’on se pose lorsque la mort s’annonce et que l’on se retourne sur le passé. Pour Elsa, une certitude : « L’enfant naît, sa mère apprend à le connaître, petit à petit, année après année. Et puis viennent d’autres gens sous l’influence desquels il devient un étranger. » En voyant Anna grandir, Martii constate qu’à « chaque époque il y a des gens, jeunes, qui se convainquent que ce qu’ils vivent n’est jamais arrivé à personne d’autres avant eux. Ils croient que leurs vies, leurs joies et leurs chagrins mêmes sont exceptionnels. Que leurs amours à eux sont plus forts que ceux des autres. Ils croient que jamais ne leur échoira de sentir le poids des jours. Et peut-être est-ce le cas. Les jeunes possèdent le monde entier et le dilapident sans tristesse, parce qu’ils sont impatients de gagner d’autres mondes, toujours nouveaux. » Et quand Eleonoora, la fille d’Elsa, pense à la disparition prochaine de sa mère, elle sent sous ses pieds un grande vide se creuser : « Je ne sais pas si je saurais exister sans mère, je ne sais pas si j’aurais le temps d’apprendre pendant ces quelques semaines qui nous restent, j’ai l’impression que ça me prendra le restant de mes jours. »

L’amour interdit, la maladie, la famille et la transmission, tels sont les thèmes abordés tout en finesse par l’auteur. L’écueil de la mièvrerie est écarté avec brio au profit de la sensibilité. La fin est très forte émotionnellement et l’on quitte à regret ses personnages campés avec une rare justesse.

Publié en janvier à 16 000 exemplaires, ce roman connaît, en grande partie grâce au soutien des libraires, un énorme succès puisque son tirage a atteint fin avril les 55 000 exemplaires. L’engouement est d’ailleurs international puisque le texte a été traduit dans douze pays, adapté au théâtre et qu’un film est aujourd’hui en tournage. De mon coté, ce n’est pas à proprement parler un coup de cœur. Il y a quelques longueurs et les dialogues, certes poétiques, sonnent parfois creux. Pour autant, je reconnais la qualité indéniable de l’écriture et j’ai passé un agréable moment de lecture. Sans doute pas un chef d’œuvre mais un roman très abouti.

L’armoire des robes oubliées, de Riikka Pulkkinen, Albin Michel, 2012. 398 pages. 20,90 euros.

vendredi 18 mai 2012

Les années n°9

Au sommaire de ce numéro 9, une nouvelle de Michel Debray, un nouveau type de balade littéraire inauguré par Eléonore Lelong, des portraits de Claude Lecerf et d’Hubert Mingarelli, une critique mitigée de l’ouvrage Histoires vraies en Picardie, une production poétique indignée d’Axodom Guillerm et une intervention érudite du professeur Hernandez autour du chiffre 9. De mon coté, je vous parle du polar de Manchette adapté par Tardi, Ô dingos, Ô châteaux.


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