vendredi 19 août 2011

Tif et Tondu

Tif et Tondu sont nés avec le magazine Spirou. Ces personnages créés par Fernand Dineur figuraient en effet au sommaire du premier numéro du 21 avril 1938. Dineur, ancien commissaire de police au Congo belge, s’est lancé dans la BD en rentrant au pays. Problème, si son dessin proche de l’amateurisme et ses scénarios indigents pouvaient passer dans les débuts du journal, au fil des ans et avec la montée en puissance de Franquin, Morris ou Charlier, la médiocrité de son travail est apparue trop criante. Mais l’éditeur Charles Dupuis, tenant coute que coute à maintenir au sommaire cette série historique, propose au jeune Willy Maltaite d’en reprendre le graphisme. Dans un premier temps, Dineur continue d’assurer le scénario mais après cinq tomes il est définitivement débarqué en 1952.

Le vrai décollage de la série se fera avec l’arrivée de Maurice Rosy. Celui-ci, dès son premier album, Tif et Tondu contre la Main Blanche (1955), imagine la figure du méchant qui deviendra l’éternel ennemi des deux héros : Monsieur Choc. Jusqu’alors, la série se contentait de narrer les aventures rocambolesques de Tif (le chauve) et Tondu (le barbu) à travers le monde. Des intrigues décousues dont le seul but était d’offrir au lecteur son lot de péripéties, de facéties et de rebondissements. Avec Monsieur Choc, Rosy crée un personnage fascinant. S’inspirant du Fantomas de Pierre Souvestre et Marcel Allain qui a marqué sa jeunesse, il fait de Choc la vraie vedette de la série qui éclipsera les deux héros. Choc est un génie du mal. Impeccable dans son habit de soirée, coiffé du heaume médiéval qui dissimule son visage, il fait preuve d’une intelligence brillante et parvient toujours à s’échapper avant d’être démasqué. Loin des truands à la petite semaine, ce malfaiteur œuvrant pour diverses organisations criminelles aime mettre en scène ses forfaits de façon spectaculaire et multiplier les apparitions théâtrales. Les lecteurs adorent ce personnage insaisissable et mystérieux qui contribuera grandement au succès de Tif et Tondu.

En 1958, débauché par le journal de Tintin, grand rival de Spirou, Will abandonne la série. Marcel Denis assure l’intérim sans convaincre le temps de deux aventures avant que Will, revenu chez l’éditeur de ses débuts, renoue avec ses personnages fétiches. Nous sommes en 1964 et la série repart sur les chapeaux de roue avec des titres comme Choc au Louvre ou la matière Verte. 1968 voit l’arrivée de Maurice Tillieux au scénario. Le papa de Gil Jourdan réoriente les intrigues vers le récit policier et donne un nouveau souffle à Tif et Tondu. Excellant dans les dialogues à la Audiard, Tillieux signera en tout dix albums somptueux, parmi lesquels Le Roc Maudit (1970) ou Le retour de la bête (1976). A la mort de Tillieux dans un accident de la route en 1978, c’est son assistant Stephen Desberg qui reprend le flambeau. Il imaginera en tout onze nouvelles aventures jusqu’au début des années 90. De 1990 à 1997, c’est le duo Lapière (scénario) / Sikorski (dessin) qui prend en main le destin des personnages créé par Fernand Dineur. Après la parution du « Mystère de la chambre 43 », et devant la baisse constante des ventes, Dupuis décide de mettre définitivement un terme à l’une des séries majeures de la BD franco-belge.

Tif et Tondu, ont connu une longévité historique (1938-1997). Ces deux héros inséparables auront, en près de 60 ans, élucidé de nombreux mystères au cours d’innombrables aventures à mi-chemin entre enquêtes policières et récits fantastiques. Une série incontournable à redécouvrir dans de somptueuses intégrales publiées depuis 2007 aux éditions Dupuis (16 volumes sont prévus en tout, 10 sont déjà disponibles).


Plus grandes forces de cette série :


  • Le dessin de Will. On ne pense pas forcément à lui lorsque l’on parle de l’âge d’or de la BD franco-belge et pour tant son nom mériterait d’être cité au coté du quatuor magique Peyo-Roba-Franquin-Morris.
  • Le personnage de Choc : ce génie du mal, mélange de Fantomas, Arsène Lupin et Moriarty était d’une folle modernité à une époque où la plupart des méchants en BD restaient toujours très lisses. Nombre de lecteurs de Spirou l’ayant découvert dans les pages du journal se souviennent encore de la fascination et de la peur que ce personnage leur a inspiré.
  • Les albums scénarisés par Tillieux. Avec sa gouaille, il a redonné un nouveau souffle à Tif et Tondu en modernisant sacrément ces héros qui avait dangereusement tendance à se ringardiser avant qu’il ne reprenne leur destin en main.
  • Les derniers tomes de la série pilotés par le duo Sikorski / Lapière. C’est assez rare pour être souligné mais la reprise de Tif et Tondu par ces deux auteurs, purement orientée vers des intrigues policières, tenait franchement bien la route. En général, lorsque des grandes séries sont reprises, cela tourne 9 fois sur 10 au fiasco. Pour Tif et Tondu ce n’a pas été le cas. Une exception qui confirme la règle.
Ce qui m’a le plus agacé :

  • Les deux aventures réalisées par Marcel Denis. Très très moyennes, elles font tâches par rapport au reste de la série. Dupuis ne les a jamais édités en album mais j’ai pu les découvrir grâce à la Vache qui médite, une structure de micro édition qui les a publiés il y a quelques années.
  • La fin de la série : la rentabilité étant aujourd’hui devenue le maître mot chez les grands éditeurs, Dupuis a supprimé cette série historique non pas à cause d’une baisse de qualité mais tout simplement parce que les ventes ne suivaient plus. Compréhensible mais toujours difficile à accepter pour les amoureux de cette série mythique.



Carte d’identité de la série :

Auteurs : Dineur, Will, Rosy, Denis, Tillieux, Desberg, Lapière, Sikorski
Date de création : 1938
Nombre d'albums : 45 (série terminée)
Éditeur : Dupuis

mercredi 17 août 2011

Zarla 3 : L’enfant piège

Zarla est une petite fille élevée par son grand-père Lotfrig et sa nourrice Garda. Son père et sa mère, chasseurs de dragons, ont disparu quand qu’elle était toute petite. Zarla persuadée d’avoir la force et le courage de ses parents, se lance dans toutes sortes de défis, ignorant que les combats qu'elle croit mener sont en réalité remportés par son chien Hydromel. Le brave toutou, qui la suit partout, peut en effet se transformer en un terrible bul-guerrier lorsque le danger se fait sentir. Se croyant aveuglée par la colère à chaque fois qu’un combat s’annonce, la petite fille ne se doute pas que c’est Hydromel qui vient à bout des ennemis et la protège à son insu.

Au début de ce troisième tome Zarla, ayant compris que ses parents sont toujours vivants et que son grand-père lui a menti pendant des années, décide de quitter la maison. Elle veut absolument retrouver sa mère Warda, ex-membre de la caste des Valras (les gardiennes du pouvoir) entrée en dissidence pour changer le fonctionnement du royaume et rétablir la justice. En chemin, elle croisera de dangereux brigands et d’étranges créatures…

Une série de fantasy adaptée aux jeunes lecteurs (8-11 ans), ce n’est pas si courant. Avec Zarla, l’équilibre est bien trouvé entre humour et action. Ajoutons-y une petite touche d’émotion avec la quête d’une petite fille à la recherche de sa maman et l’on obtient un cocktail des plus agréables. Zarla est une gamine dégourdie et déterminée. Le ressort comique repose sur le décalage entre sa naïveté confondante et les risques qu’elle prend pour affronter des ennemis toujours bien plus forts qu’elle. Les scènes d’action ou le bul-guerrier rosse les adversaires de Zarla ne sont pas sans rappeler les passages à tabac de romains dans Astérix.

D’ailleurs, niveau dessin, Guilhem donne dans le franco-belge classique, très loin de la mode actuelle privilégiant la fusion entre le manga et le style européen. A noter également un joli travail sur les couleurs qui donne beaucoup de relief à l’univers créé par les auteurs.

Une série très bien pensée qui, sans révolutionner le genre, offrira un agréable moment de lecture aux petits et aux grands enfants aimant l’aventure, l’humour et les dragons !

Un grand merci à Babelio et aux éditions Dupuis qui m’ont permis de découvrir ce tome 3 dans le cadre de l’opération Masse critique.


Zarla T3 : L’enfant piège de Guilhem et Janssens, Dupuis, 2011. 48 pages. 10,45 euros. A partir de 8 ans.








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dimanche 31 juillet 2011

Lennox

Après avoir servi dans l’armée canadienne en Italie et en Allemagne, Lennox s’est installé à Glasgow. En ce début d’année 1953, sa carrière de privé prend un dangereux virage. Lorsque Frankie Mc Gahern, un truand en plein ascension, vient lui demander d’enquêter sur l’assassinat de son frère jumeau, Lennox se doute qu’il y a anguille sous roche. Le soir même, on retrouve Frankie le crâne en bouillie. Le privé fait un suspect en or aux yeux de la police. Pour prouver son innocence, il va devoir faire allégeance aux « trois rois » qui dirigent la pègre de la ville et mettre le doigt dans un engrenage dont il ne sortira pas indemne…

Avec ce polar sombre et old school, Craig Russel propose une plongée dans les bas fonds du Glasgow des années 50. Une ville rude, triste à mourir, aux rues violentes et à la police corrompue. Un dicton local résume mieux que quiconque l’ambiance glauque de la plus grande cité écossaise : « Un jour de plus, toujours la même merde

Un privé bourru, des flics véreux, des femmes fatales et des méchants très méchants. Toutes les grosses ficelles du polar à la Chandler ou Dashiell Hammett sont ici réunies. Mais dépassant le cadre du simple hommage aux grands maîtres du genre, l’auteur parvient à créer un héros singulier. Lennox n’est pas un buveur de scotch bagarreur à l’imper froissé et au chapeau mou. Très marqué par son passé militaire, cet écorché vif, à la fois amère et cynique, fait preuve de finesse et d’intelligence.

Une certitude, ce roman à l’intrigue assez complexe ravira les amateurs de polar. Le nombre très important de personnages implique une lecture attentive afin ne pas perdre le fil mais au final, c’est un vrai plaisir de déambuler dans les rues de Glasgow avec cet atypique privé canadien.

Lennox, de Craig Russel. Calmann-lévy, 2011. 325 pages. 20,50 euros.

vendredi 29 juillet 2011

Jerry Spring

Le premier cowboy du journal de Spirou se nommait Red Ryder. Un héros aux cheveux roux accompagné de son ami indien Petit Castor qui aura vécu des aventures tumultueuses dans les pages du magazine de 1939 à 1952. Cette BD créée en 1938 aux États-Unis par Fred Harman faisait partie des quelques séries américaines (Superman, Dick Tracy, Luc Bradefer…) qui ont longtemps partagé le sommaire de Spirou avec les créations locales. En 1952, constatant que la qualité de Red Ryder est devenue très faiblarde, l’éditeur Paul Dupuis arrête sa publication et demande à Jijé (Joseph Gillain) de lui réaliser un western « made in Belgique ». Une proposition qui ne pouvait pas mieux tomber puisque depuis son voyage de plusieurs mois effectué au Mexique et aux États-Unis avec ses amis Morris et Franquin en 1948, le dessinateur rêve de mettre en scène les grands espaces sauvages et légendaires du Far West.

Jerry Spring apparaît pour la première fois dans le n° 829 du 4 mars 1954. C’est Spirou et Fantasio eux-mêmes qui l’annoncent sur la couverture du journal : « Sensationnel ! Jijé commence aujourd’hui la publication d’une série cow-boy du tonnerre ! Voyez vite Jerry Spring. » La série met en scène le cow-boy Jerry et son inséparable compagnon mexicain Pancho ainsi que leurs montures respectives, Ruby et Chiquito. Au menu, du grand classique : Shérifs, bandits, notables véreux, attaques de peaux rouges, mine d’or abandonnée… Au fil des épisodes, Jerry le bon samaritain va affronter le Ku Klux kan, défendre les nations indiennes ou encore prendre parti pour la liberté des esclaves noirs. Un héros humaniste, redresseur de tort au cœur pur qui n’aura de cesse d’apporter son aide aux opprimés.

Pour ce qui est des scénarios, Jijé part souvent à l’aveuglette : il a bien une trame narrative générale, mais il se laisse souvent porter par ses impulsions et modifie sans cesse le cours de son récit, parfois en improvisant totalement. Les quelques scénaristes ayant collaboré avec lui sur cette série ont vite déchanté. Maurice Rosy par exemple : « J’ai reconnu mon scénario jusqu’à la huitième planche. J’avais fait un découpage mais Jijé est parti ailleurs. Puis il m’a téléphoné pour me dire qu’il avait changé telle et telle chose. […] J’ai fini par laisser tomber ». Même Goscinny, sollicité par le dessinateur pour scénarisé l’épisode intitulé L’or du Vieux Lender, ne reconnaîtra pas son histoire une fois l’album terminé tellement Jijé aura pris de libertés pour le modifier comme bon lui semblait. Finalement, Jijé travaille un peu à la manière des feuilletonistes du 19ème siècle. Face aux délais de bouclage du journal revenant chaque semaine, il brode son histoire comme bon lui semble au gré des impulsions qui le traversent au moment où il réalise ses planches.

Graphiquement par contre, rien n’est laissé au hasard. Avec Jerry Spring Jijé est proche du génie. Fortement influencé par l’auteur américain Milton Caniff, il se lance dans des découpages audacieux, jouant notamment de l’opposition entre d’abondantes masses d’encre noire et la blancheur éclatante du papier pour créer un langage graphique d’une grande qualité. Il alterne également les très gros plans de visages avec des cases représentant les silhouettes en ombres chinoises. Cette succession de plans larges et de plans rapprochés allie efficacité et dynamisme. Et que dire de la beauté des décors qui transporte littéralement le lecteur au cœur des grands espaces de l’Ouest américain…

Avec Jerry Spring, Jijé offre un western réaliste et percutant à l’exceptionnelle force d’évocation. Cette série incontournable aura suscité un nombre incroyable de vocations et marqué au fer rouge une génération de dessinateurs. Jean-Claude Mézières (Valérian) : « J’avais quinze ans et je suis tombé en extase devant les deux premières planches de Jerry Spring ». Jean Giraud (Blueberry) : « Quand sont arrivés Yucca Ranch et Trafic d’armes (les 2ème et 4ème tomes de la série), alors là, je me suis retrouvé aplati contre le mur, scotché, je ne pouvais plus respirer ». Derib (Buddy Longway) : « Quand j’ai découvert Jerry Spring, je n’ai pas analysé, c’était hyper instinctif, un choc ! ».

Plus grandes forces de cette série :

  • Le dessin, forcément. Une vraie claque avec ce noir et blanc qui vous hypnotise !
  • Les décors : les intrigues se déroulant de part et d’autre de la frontière entre le Mexique et les USA, elles offrent des paysages certes réalistes mais qui invitent également le lecteur à la contemplation tellement ils sont magnifiques. Un must !
  • La variété des thèmes abordés. Bien sûr, il n’y a rien de neuf sous le soleil : des bandits, des trafiquants d’armes, des chercheurs d’or, des indiens… mais Jijé est parvenu à se renouveler à chaque nouvel album, ce qui n’était as forcément évident au départ.
  • La réédition actuelle de la série en intégrale par les éditions Dupuis. Un travail remarquable avec un riche appareil critique et la publication des planches dans leur noir et blanc d’origine. Indispensable !

Ce qui m’a le plus agacé :

  • Les premiers albums où l’on perçoit qu’au niveau du scénario, Jijé navigue parfois à vue. Un manque de cohérence et d’épaisseur criant avec des retournements de situation qui tombent comme un cheveu sur la soupe.
  • Le coté humaniste du héros qui est en fait très « politiquement correct ». Depuis la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, les éditeurs de BD vivaient avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Au moindre petit écart, la censure frappait, impitoyable. D’où une demande faite aux auteurs d’aseptiser au maximum leur production pour éviter d’indisposer les membres de la commission de surveillance. Au final, pour Jerry Spring, on qualifie les valeurs du héros d’humanistes pour faire plus noble. Pour moi, c’est avant tout un coté boy scout avec un héros trop lisse qui aurait mérité d’être un plus « torturé ». Mais pour l’époque, c’était tout bonnement impensable !
  • Les albums en couleur : une hérésie ! Jijé a toujours affirmé qu’il préférait le noir et blanc mais les impératifs commerciaux en ont décidé autrement (le grand public préfère la couleur, soit disant). Résultat Jijé, qui ne s’est jamais intéressé à la couleur, laisse l’éditeur s’en charger et le résultat est affligeant tant il dénature le travail initial de l’auteur. Heureusement que la réédition actuelle de la série en noir et blanc redonne à Jerry Spring ses lettres de noblesse !



Carte d’identité de la série :

Auteurs : Jijé
Date de création : 1954
Nombre d'albums : 21 (série terminée)
Éditeur : Dupuis

mercredi 27 juillet 2011

Les enquêtes de Margot 1 : Le mystère de la traction 22

Paris, 1959. Margot est depuis deux mois stagiaire au magazine Auto revue, chargée de rédiger les petites annonces. Son patron lui demande, dans le cadre d’un numéro spécial célébrant les 25 ans de la traction, de réaliser un article sur la 22 chevaux. Pour cette débutante ne connaissant rien aux voitures, c’est une belle opportunité. Problème, la traction 22 est un mythe, une voiture fantôme que seuls quelques spécialistes affirment avoir vu au salon de l’auto de 1934. Ne se doutant pas que ses collègues lui ont fait une blague de mauvais goût en lui cachant que cette voiture n’a jamais existé, elle se lance avec naïveté dans une enquête qui va la mener de surprise en surprise…

Un album qui fleure bon la France des années 60. Le scénariste Olivier Marin s’amuse à mettre en scène une femme dans un monde de l’automobile à l’époque 100% masculin. Margot est une jeune femme élégante, qui porte des tailleurs à la Jacky Kennedy. Si dans les premières planches elle apparaît un peu nunuche, limite caricaturale, elle prend vite le dessus sur les hommes qui l’entoure et montre une intelligence et une abnégation sans faille. Ingénue, n’hésitant pas à user de son charme et des ses formes généreuses, elle incarne une figure moderne dans un monde très conservateur. Aux pinceaux, Emilo Van der Zuiden propose une ligne claire ultra classique. Les costumes et les décors sont particulièrement réussis, sans parler des différents véhicules, reproduits avec la plus grande fidélité.

Un album old school très sympa qui n’a d’autre ambition que de divertir et qui ravira les amateurs de vieilles voitures. Typiquement le genre de lecture que l’on apprécie en vacances, légère et rafraîchissante.


Les enquêtes de Margot T1 : Le mystère de la traction 22 d’Olivier Marin et Emilio Van der Zuiden, Éditions Paquet, 2009. 44 pages. 13,00 euros.




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lundi 25 juillet 2011

L’homme des ses rêves

John Cheever (1912-1982) est considéré comme l’un des plus grands nouvellistes américains. Cet écrivain encensé, entre autres, par Carver, Nabokov ou Philip Roth est surtout connu pour ses textes rédigés après la seconde guerre mondiale. Mais il a aussi publié de nombreuses nouvelles dans des revues au cours des années 30 et 40. Douze d’entre elles sont ici réunies dans un recueil qui plonge le lecteur au cœur de l’Amérique dépressionnaire. Des portraits d’hommes et de femmes mélancoliques et solitaires.

Plusieurs nouvelles se déroulent dans le monde des courses avec des parieurs jonglant sans cesse entre les gains, les pertes et les dettes. Dans « Autobiographie d’un commis voyageur », c’est un vendeur de chaussures de luxe dont le métier est frappé de plein fouet par la crise qui voit ses revenus se réduire comme peau de chagrin et perd définitivement son emploi à 62 ans. Sans aucune police d’assurance ni retraite, son avenir ressemble à un gouffre vertigineux. « De passage » raconte l’histoire d’un homme exalté venu dans une ville du nord créer une cellule du parti communiste. Après d’autres vaines tentatives à Boston ou Philadelphie, il finira seul, haranguant quelques badauds sur le bord des trottoirs, désespérément accroché à ses illusions perdues. Dans les dix autres nouvelles, ce sont les femmes qui tiennent le premier rôle. Des femmes opiniâtres et pleines de tempérament. Orgueilleuses aussi et difficilement manipulables : une stripteaseuse cinquantenaire que l’on veut mettre au placard et qui prendra une éclatante revanche, une serveuse fière de sa popularité qui n’accepte pas d’être secondée par une nouvelle plus séduisante ou encore cette jeune fille rêvant de devenir comédienne et qui, par le plus grand des hasards, se voit proposer un premier rôle à Broadway. Elle le refusera, persuadée que la pièce est exécrable.

Bien sûr, il faut aimer le genre. Mais quel plaisir de découvrir ces nouvelles ciselées où Cheever montre déjà la virtuosité d’un grand portraitiste en mettant en scène des personnages naviguant sans cesse entre optimisme béat et espoirs déçus. Au final, ces textes aigres-doux m’ont fait passer un délicieux moment de lecture.


L’homme des ses rêves de John Cheever, Éditions Joëlle Losfeld, 2011. 156 pages. 17,50 euros.

vendredi 22 juillet 2011

Iznogoud

1961. René Goscinny, rédacteur en chef de Pilote, est contacté par les éditions La bonne Presse pour créer une nouvelle série à paraître dans le magazine Record devant être lancé en janvier 1962. Le scénariste se tourne naturellement vers Jean Tabary, dessinateur avec lequel il réalise les aventures de Valentin le vagabond, pour mettre en route cette nouvelle série. Les deux auteurs s’accordent pour imaginer les exploits d’un détective privé à New York et Tabary réunit toute la documentation nécessaire. C’est donc entouré de photos d’automobiles, d’armes et d’hélicoptères qu’il reçoit les premières pages d’une histoire commençant par la phrase suivante : « Il y avait une fois à Bagdad un bon calife du nom d’Haroun-El Poussah... » Et quand le dessinateur contacte Goscinny pour lui demander ce que cela veut dire, il s’entend répondre : « Ah, j’ai oublié de te dire : j’ai changé d’idée, on va raconter une histoire du genre des Mille et une nuits, en plus drôle… Tu es d’accord ? » En fait, l’idée lui est venue en rédigeant un chapitre du Petit Nicolas dans lequel un moniteur de colonie de vacances raconte l’histoire d’un calife qui était très bon mais qui avait un très méchant vizir…

Finalement, il ne faut pas grand-chose pour résumer la mécanique de la série : Iznogoud le méchant Vizir tente par tous les moyens de prendre la place du calife. Au fil des histoires, le lecteur comprend très vite que le but n’est pas de savoir si le grand vizir va réussir son coup mais comment il va s’y prendre pour échouer et, le plus souvent, tomber dans ses propres pièges. Le calife déjoue quant à lui systématiquement et sans s’en rendre compte les stratagèmes mis en place par Iznogoud avec une bonhomie et une naïveté confondantes.

Pour varier les situations et ne pas donner l’impression de raconter toujours la même histoire, Goscinny s’appuie sur la richesse de l’univers dans lequel se déroule la série. Bagdad l’enchanteresse, la mystérieuse, regorge de Djinns, de magiciens et de marchands d’objets magiques qui permettent de renouveler à l’infini les vaines tentatives d’Iznogoud.

Avec son trait nerveux Tabary se régale à mettre en scène les improbables situations imaginées par son scénariste. Il compose à chaque nouvelle histoire des personnages secondaires aux trognes impayables qui participent grandement au ton humoristique de la série. D’ailleurs, pour ce qui est de l’humour, le scénariste n’est pas en reste. Il multiplie jeux de mots et calembours lamentables et il entoure son cher vizir d’une incroyable galerie d’imbéciles encore jamais vue en bande dessinée.

C'est en débarquant dans l'hebdomadaire Pilote en 1972 que la série, intitulée depuis ses débuts « Les aventures du calife Haroun El Poussah », change de nom pour devenir « Les aventures du grand vizir Iznogoud », faisant définitivement du vizir le personnage principal.

A la mort de Goscinny en 1977, Tabary reprend seul le flambeau. Aujourd’hui, ce sont ses trois enfants qui assurent la relève d’une série mythique où la méchanceté et les échecs perpétuels de l’infâme Iznogoud font sourire les lecteurs depuis 50 ans.

Plus grandes forces de cette série :

  • C’est sans doute la première fois depuis les Pieds Nickelés qu’un héros de série n’est pas animé de louables intentions. On ne peut qu’être admiratif devant la volonté inusable de ce vizir qui restera sans doute un des plus grands « méchants » de l’histoire de la BD.
  • Les calembours et autres jeux de mots, parfois très tirés par les cheveux mais qui sont la marque de la série.
  • La richesse des personnages secondaires. Il y a bien sûr Dilat Larath, l’homme de main d’Iznogoud qui accomplit les basses besognes et ne cesse de prévenir son patron de l’échec à venir de ses manœuvres, mais il y a aussi tous les marchands, magiciens et autres colporteurs qui illuminent les histoires de leur vanité, de leur cupidité et le plus souvent de leur incommensurable stupidité.
  • Le trait de Tabary qui se reconnaît au premier coup d'oeil et donne un charme indéfinissable à la série.
Ce qui m’a le plus agacé :

  • L’inconscience béate du calife. Un personnage flegmatique qui ne brille pas par son intelligence et se révèle au final assez peu intéressant car il n’évolue pas du tout au fil des albums.
  • Les histoires où Goscinny n’est pas au scénario sont souvent très faiblardes. Un constat qui s’impose avec les deux autres grandes séries de ce génie qui lui ont survécu (Astérix et Lucky Luke).

Extrait du tome 7 : une carotte pour Iznogoud


Carte d’identité de la série :

Auteurs : Jean Tabary et René Goscinny
Date de création : 1962
Nombre d'albums : 28 (série en cours)
Éditeur : Dargaud et Éditions Tabary

mercredi 20 juillet 2011

Les schtroumpfs 9 : Schtroumpf vert et vert schtroumpf

« Schtroumpfs du Nord et Schtroumpfs du Sud ne s’entendent pas sur le plan linguistique. Vont-ils se séparer ? » Voila comment était résumé l’album schtroumpf vert et vert schtroumpf au moment de sa prépublication dans le journal Spirou au début de l’année 1973. Huit ans après le fabuleux Schtroumpfissime, Peyo et Yvan Delporte remettent le couvert et proposent une nouvelle fable politique pertinente dans ce neuvième épisode de la série. Le point de départ de l’intrigue est fort simple et concerne un objet courant, le tire-bouchon. Alors que les schtroumpfs du sud du village parlent de « schtroumpf-bouchon », ceux du nord emploient le terme de « tire-bouschtroumpf ». En fait, au nord, on met toujours le mot schtroumpf derrière alors qu’au sud on le met devant. Et personne ne parvient à se mettre d’accord : une schtroumpf de terre ou une pomme de schtroumpf ? Appelé à trancher, le grand schtroumpf prend la question à la légère en concluant que pour lui tout ça « c’est schtroumpf vert et vert schtroumpf ! ». Oui mais voila, cette querelle linguistique, aiguisant les susceptibilités, prend des proportions terribles et met en péril la paix du village.

Pour imaginer ce scénario, les deux compères se sont inspirés de l’histoire récente de leur pays. En 1970, une révision de la constitution a scindé la Belgique en trois régions : La Flandre, La Wallonie et Bruxelles. Cette dernière, habitée par une majorité francophone, est convoitée par le pouvoir flamand, devenant un enjeu politique et linguistique majeur. Peyo a sans doute beaucoup souffert en voyant ses compatriotes se déchirer, d’où l’idée de reproduire la situation belge dans un album des schtroumpfs pour mieux en dénoncer la stupidité. Mais bien conscients que ces problèmes sont insolubles, les auteurs vont pour la première fois ne pas clôturer une histoire des petits lutins bleus par une happy end. Certes, le calme revient au sein de la communauté, mais les divergences linguistiques ne sont pas pour autant réglées, chacun prenant juste soin de ne pas raviver les flammes de la discorde.

Malheureusement, cet album reste plus que jamais d’actualité puisque cela fait maintenant près de 400 jours que la Belgique vit sans gouvernement depuis que les hommes politiques francophones et flamands ne sont pas parvenus à s’entendre pour diriger le pays après les élections de juin 2010.

Au final, ce neuvième tome des schtroumpfs est à classer parmi les grands millésimes de la série, sa portée intemporelle se conjuguant à l’art de la mise en scène et au charme infini du dessin de Peyo.


Les schtroumpfs T9 : Schtroumpf vert et vert schtroumpf, de Peyo et Yvan Delport, Dupuis, 1973. 46 pages. 10.45 euros.




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lundi 18 juillet 2011

Ikebukuro West Gate Park III

A Tokyo, une fin d’été caniculaire écrase la ville sous une chaleur étouffante. Cette fournaise n’empêche pas les gosses de la mégalopole de s’éclater lors de raves infernales où la musique prend littéralement possession des corps. Et pour ces teufeurs, le paradis a un nouveau nom : Snake Bite. Un petit comprimé vert que l’on ingère pour « pouvoir danser toute la nuit en synchronie parfaite avec une musique dont le rythme dépasse les 100 bpm ». Problème, cette nouvelle drogue a des effets secondaires dévastateurs et fait des ravages dans la jeunesse tokyoïte.

Makoto, le démêleur d’embrouilles du quartier d’Ikebukuro, est engagé par la plus grande société organisatrice de raves pour découvrir qui se cache derrière le Snake Bite. Commence alors pour lui une traque qui le mènera sur la trace de dangereux dealers...

Ce troisième volume des aventures de Makoto ne comporte qu’une seule longue histoire, contrairement aux précédents qui regroupaient plusieurs nouvelles. La mécanique du récit reste toutefois la même : un texte à la première personne où Makoto raconte les événements de son point de vue. Une plongée au cœur de la jeunesse japonaise et de ses turpitudes dans un pays en pleine évolution. L’intérêt majeur de cette série est qu’elle garde une vision positive des choses, même si les sujets abordés sont parfois très lourds. Ira Ishida ne met pas en scène des personnages torturés comme ceux de Murakami Ryu. Il ne fait pas sombrer la société nippone dans des abimes de noirceur. Son héros est une sorte de bon samaritain toujours prêt à rendre service dans l’intérêt de la communauté. Il est agréable de découvrir le Japon d’aujourd’hui à travers des histoires où l’état d’esprit positif d’une partie de la population prend le pas sur les aspects déprimants et anxiogènes qu’aiment mettre en avant certains auteurs de l’archipel.

Petit bémol cependant, ce nouveau titre de la série n’apporte pas grand-chose de nouveau par rapport aux deux précédents. Le scénario se déroule toujours selon le même schéma et le personnage de Makoto n’évolue pas du tout psychologiquement parlant. D’où l’impression de déjà vue qui se révèle au final assez désagréable. J’avais fait la même remarque il y a peu au sujet du troisième tome des enquêtes de Kaeso le prétorien. Comme si, au bout d’un moment, après avoir trouvé une recette qui fonctionne, les auteurs s’installaient dans une routine sans vraiment chercher à faire évoluer leurs personnages et l’environnement qui les entoure. Un constat à vérifier (ou pas) si les éditions Picquier se décident un jour à publier la suite des aventures de Makoto, la série comptant en tout six titres dans son pays d’origine.

Ikebukuro West Gate Park III, d’Ira Ishida, éditions Philippe Picquier, 2010. 152 pages. 15,50 euros.

vendredi 15 juillet 2011

Sylvain et Sylvette

Sylvain et Sylvette sont nés dans les pages de l’hebdomadaire Cœurs vaillants-Âmes vaillantes en pleine seconde guerre mondiale. Leur première apparition date en effet du 31 août 1941, dans le neuvième numéro de ce journal catholique. Au tout début, le frère et la sœur vivent avec leur mère mais lors d’une cueillette de champignons ils se perdent dans la forêt profonde et trouvent refuge dans une chaumière abandonnée. Grâce à leur courage et à une bonne dose d’astuce, les enfants parviennent sans trop de problèmes à survivre. Amis de la nature et des animaux, ils s’entourent rapidement d’une joyeuse ménagerie. Au fil de leurs aventures, ils se lient d’amitié et accueillent chez eux le chien Alfred, la biquette Barbichette, le canard Coin-Coin, l’oiseau Cui-Cui, l’âne Gris-Gris, le hibou Hurluberlu, l’agneau Mignonnet, le matou Moustachu, la corneille Olga, le lapin Panpan, la poule Poulette, le rat Raton ou encore l’oie Sidonie. Mais si Sylvain et Sylvette sont appréciés par leurs amis à plumes et à poils, ils sont aussi confrontés aux agissements coupables des « compères », un quatuor composé d’un renard, d’un ours, d’un loup et d’un sanglier qui n’auront de cesse de vouloir capturer les animaux vivant avec les héros pour les transformer en casse-croute. Mais ces compères plus bêtes que méchants voient chacune de leur tentative échouer lamentablement.

Créé par Maurice Cuvillier, cet univers bon enfant se déclinera uniquement dans la presse jusqu’au début des années 50 (en 1945, Sylvain et Sylvette rejoignent le magazine Fripounet et Marisette). C’est en 1953 que sont publiés les premiers albums. Tout le monde se rappelle de ces publications brochées au format à l’italienne composées d’une vingtaine de pages et éditées par Fleurus.

En 1957, à la mort de Cuvillier, Jean-Louis Pesch poursuit et développe la série à un rythme effréné. En plus de cinquante ans, il réalise près de 140 aventures de Sylvain et Sylvette ! Parallèlement, Pierre Chéry en signe cinq entre 1957 et 1961 tandis que Claude Dubois réalise 93 histoires entre 1960 et 1986. C’est aujourd’hui Bérik (pseudonyme de Frédéric Bergèse) qui s’est vu confier les rênes de cette incroyable série qui enchante les enfants depuis maintenant 70 ans.

Cet incontournable de la BD franco-belge propose des récits tendres et innocents. Les intrigues sont toujours légères et pleines d’humour. Le cadre bucolique, l’harmonie existant entre les enfants, les animaux et leur environnement ainsi que la vie au rythme des saisons sont autant d’arguments qui ont su séduire plusieurs générations de très jeunes lecteurs. D’ailleurs beaucoup de parents gardent de doux souvenirs des aventures de Sylvain et Sylvette et s’attachent à transmettre ce patrimoine à leurs enfants.

Plus grandes forces de cette série :

  • Le fait que chaque aventures reste « légère », que l’on sache dès le départ que rien de bien grave ne pourra arriver aux animaux et aux enfants. Un coté rassurant qui fait du bien à l’heure où les publications pour la jeunesse sont de plus en plus anxiogènes.
  • L’aspect « robinsonnade » qui plaît beaucoup aux tout jeunes lecteurs : un frère et une sœur vivant seuls loin du monde des adultes et qui arrivent toujours à se débrouiller avec l’aide de leurs amis, ça fait rêver.
  • L’état d’esprit très altruiste qui traverse la série. L’entraide est omniprésente. Chacun est prêt à tout pour sortir ses camarades d’une mauvaise passe de manière désintéressée. C’est peut-être très naïf mais ça fait du bien !
  • Le décor bucolique parfaitement rendu par Jean-Louis Pesch. Cet excellent dessinateur animalier a su reprendre le flambeau de Maurice Cuvillier en l’enrichissant grandement au niveau visuel.
Ce qui m’a le plus agacé :

  • L’aspect répétitif des situations : les compères à moitié morts de faim cherchent à investir la chaumière des enfants pour leur voler des victuailles ou kidnapper des animaux et n’y parviennent jamais. Sur la longueur, on a parfois l’impression de toujours lire le même album.
  • Le coté naïf (qui a dit niais ?) des intrigues. De gentils enfants, dans une gentille forêt, entourés de gentils animaux qui vivent de gentilles aventures. Ce point négatif n’est valable que pour les vieux lecteurs aigris ayant perdu l’insouciance de leur jeunesse.
  • Les derniers albums, d’une qualité indigne de la série. Les albums de gags en une planche qui paraissent alternativement avec les aventures longues depuis 2001 sont d’une affligeante nullité. Mais bon, ce constat s’impose avec toutes les grandes séries classiques dont on continue à exploiter la notoriété avec de nouveaux albums chaque année.

Un extrait du tome 39 : Vas-y, Basile ! 


Carte d’identité de la série :

Auteurs : Maurice Cuvillier, Jean-Louis Pesch, Claude Dubois, Pierre Chery, Bérik
Date de création : 1941
Nombre d'albums : 55 dans la série en cours
Éditeur : Fleurus, Le Lombard, Dargaud