Melbourne, aujourd’hui. Un barbecue comme on en fait tous les week-end. Il y a là quelques collègues, les cousins, les parents, les amis. Des enfants aussi, qui s’amusent et se chamaillent. Parmi eux, Hugo, quatre ans, est du genre capricieux. Lors d’une partie de cricket improvisée, le gamin ne supporte pas de se faire éliminer et il entre dans une colère noire. Il s’apprête à frapper un des joueurs avec sa batte lorsqu’Harry l’empoigne et lui colle une gifle magistrale. Problème, Harry n’est pas le père d’Hugo. Il est intervenu parce qu’il a senti son propre fils en danger face à un mioche incontrôlable. Son geste va provoquer une secousse sismique chez tous les participants du barbecue...
Les chapitres ont pour titre le prénom d’une personne ayant assisté à la scène. Le narrateur s’attarde sur ces caractères très différents les uns des autres et est totalement omniscient. Il révèle l’intimité, les fêlures, les points de vue, les petits secrets...
La gifle est un roman très cru, dérangeant. La personnalité des principaux acteurs de ce barbecue qui a mal tourné est grattée jusqu’à l’os. Et chacun, sous la surface lisse qu’il expose en société, cache en réalité une nature complexe et plus ou moins torturée. Les faux semblants tombent les uns après les autres et ce n’est pas beau à voir. Le lecteur, quelque part, devient voyeur. Il s’immisce avec horreur ou délectation (selon les goûts) dans ses existences régies par l’argent, l’ambition, la religion, l’alcool, le sexe, le racisme ordinaire... Entre malaise et fascination, impossible de décrocher, même si je comprends sans problème que l’on puisse ne pas aller au bout d’un tel texte.
L’écriture est simple et directe. Pas de chichi, pas d’envolées lyriques. C’est âpre, rugueux et sans langue de bois. Là encore, on aime ou pas mais difficile de rester indifférent.
Ceux qui passent ici régulièrement savent que j’apprécie ce genre de littérature qui vous saute à la gorge. Quelque part, je peux comparer La gifle au Démon ou à Last Exit to Brooklyn de Selby. Des textes qui, à leur époque, ont choqués ou emballés les lecteurs.
Trop facile de dire que La gifle est une claque alors je me contenterais de préciser que ce roman est mon premier gros coup de cœur de l’année. Pour autant, je ne le recommanderais à personne. Trouvez-le à la bibliothèque où faites-le vous prêter si vous n’êtes pas sûr que ça vous plaise parce que franchement, vous risquez d’être secoués, et pas forcément dans le bon sens du terme.
La gifle, de Christos Tsiolkas, Belfond, 2011. 468 pages. 22 euros.
L’info en plus : Relayé par un accueil critique très favorable dans de nombreux médias (voir ci-dessous), La gifle connaît un succès public plutôt inespéré (27ème meilleure vente de romans en France dans la semaine 21 au 27 février). Souhaitons lui de suivre le même chemin que Sukkwan Island (un roman de l’américain David Vann sorti en janvier 2010, devenu contre toute attente un best seller et récompensé par le Prix Médicis du roman étranger).
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