mercredi 27 octobre 2010

Bambou T1

Le petit cerf Bambou vient de naître et tous les animaux de la forêt sont réunis pour l’accueillir. Son père Abrahaaam s’est fait la malle quand il a su qu’il allait être papa. Elevé par sa mère, Bambou intrigue ses congénères : son regard inquiétant fait froid dans le dos. La vraie nature du jeune faon est révélée le jour où lui pousse sa première dent. Attiré par la chair fraîche, Bambou devient un terrible carnivore ! Il commence par boulotter sa mère avant de s’attaquer à d’autres proies : quelques lapins, un écureuil, un oiseau… Lorsque Pafpaf, son seul ami, découvre la terrible vérité, il décide de convertir le petit cerf sanguinaire au végétarisme…

Franchement, il fallait oser : faire de l’icône Bambi un serial killer qui s’attaque aux animaux de la forêt ! Et Panpan qui devient Pafpaf, une sorte de lapin crétin affublé d’un toc ridicule. Sans oublier un bestiaire qui regorge d’animaux plus stupides et naïfs les uns que les autres. La parodie est ici sans équivoque. Elle s’adresse essentiellement aux adultes qui n’en peuvent plus de la mièvrerie « Dysnéenne ». Alors attention, ne laisser pas tomber ce brûlot dans les mains de votre jeune progéniture, elle en ressortirait fortement secouée.

Au niveau graphique, lorsque l’on ouvre la BD pour la première fois, on a l’impression d’être tombé sur le travail collectif de fin d’année d’une école primaire. Vous savez, quand les enfants ont mené un atelier d’écriture et de dessin et que l’enseignant a finalisé le projet en imprimant un exemplaire pour les parents. Des dessins au crayola, sans aucun encrage. Pas vraiment de cases, un lettrage que ne renierait pas ma fille de 8 ans… Bref, un vrai choc visuel quand on découvre cet album dans le rayonnage d’une librairie. Mais à y regarder de plus près, on constate que Gaëlle Alméras possède une réelle maîtrise de ses crayons de couleur. Les proportions sont bonnes, l’expressivité des visages et notamment des yeux est très travaillée et les décors, bien que simplissimes, fleurent bon la campagne.

Bambou est donc une œuvre underground assez typique de ce que peut proposer la BD indépendante. C’est le genre de titre qui n’aurait jamais pu voir le jour chez Dargaud, Delcourt ou Dupuis ! Quoi qu’il en soit, au-delà de l’originalité et de la parodie, je n’ai pas été spécialement embarqué. L’histoire, trop linéaire, n’est pas d’un grand intérêt. Mais le gros défaut, pour moi, est l’absence d’humour. Difficile de trouver des passages vraiment drôles. Peut-être que l’humour n’était pas le but premier, mais quitte à parodier, il aurait fallu pousser le bouchon encore plus loin et faire dans le trash gras et sans équivoque. Un second tome est prévu l’année prochaine. J’y jetterai un œil pour voir comment vont évoluer Bambou et Pafpaf, en espérant que la suite de leurs aventures gagnera en épaisseur et en rebondissements.

Bambou T1, de Gaëlle Alméras, éditions Diantre, 2010. 56 pages. 15 euros.



L’info en plus : Gaëlle Alméras est diplômée de l’école de l’image d’Epinal. Elle a publié un premier ouvrage, La Gouniche, aux éditions Diantre en janvier 2010.





La BD du mercedi, chez Mango

Challenge Pal sèche

lundi 25 octobre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 8) : Dernier train pour Buenos Aires

Quatre époques, quatre personnages, quatre points de vue pour une seule et même histoire. Dans ce bled paumé du fin fond de l’Argentine, un fait divers terrible s’est produit au cours de l’hiver 1959. Le premier à s’exprimer est le coiffeur Vicente Vardemann. Nous sommes en 1973. Vicente le taciturne décrit les non-événements qu’il observe derrière la vitre du salon de coiffure. Le second à prendre la parole se nomme Bicho Souza. Il sort du cinéma et s’installe à la terrasse d’un bistrot, en 1984. Viendront ensuite Miguelito Barrios (1966) et Folcada qui, lui, raconte cette fameuse journée de décembre 1959. Les quatre parties du roman semblent n’avoir aucun point commun. Pourtant, toutes ressassent à un moment donné les souvenirs d’hommes qui, de près ou de loin, ont vu leur vie bouleversée par le drame qui s’est noué autour d’une femme, la Negra Miranda et ses jambes sublimes. Ce n’est que dans les toutes dernières pages que l’on comprend le fin mot de l’histoire et le sens de ces témoignages.

Voila un très court roman dont la construction semble de prime abord très éclatée mais qui au final relève d’une implacable mécanique de précision. Totalement déstabilisé au départ par une narration hachée en très courts paragraphes sans ligne directrice claire, le lecteur doit dépasser cet apparent manque d’intérêt pour découvrir en filigrane les relations qui unissent les différents protagonistes. Pour ne pas perdre le fil et tirer la quintessence du récit, il me paraît essentiel de lire les 90 pages d’une traite.

Hernan Ronsino adapte le discours de chaque personnage en fonction de sa nature. Pour Vicente le taiseux, les phrases sont courtes et essentiellement descriptives. Bicho Souza est plus volubile, c’est un tchatcheur comme on en croise souvent dans les cafés. Et si le témoignage de Miguelitto Barrios est tout en pudeur et en retenu, celui de Folcada est empli de colère et de véhémence avec de nombreuses répétitions qui traduisent une colère à fleur de peau.

Au final, on ne peut que rester admiratif devant la finesse et l’originalité de la construction du roman. Mais il manque à mes yeux un petit supplément d’âme, ce soupçon d’épaisseur qui aurait permis de densifier le texte et de lui donner davantage de volume.

Dernier train pour Buenos Aires, d’Hernan Ronsino, éditions Liana Levi, 2010. 94 pages. 12 euros.

L’info en plus : Hernán Ronsino est né en 1975 à Chivilcoy, quelques mois avant le coup d'État. Sociologue, il enseigne aujourd'hui à l'Université de Buenos Aires. Il est l'auteur de nouvelles et d'un premier roman remarqué : La Descomposición (pas encore publié en France).

vendredi 22 octobre 2010

Mamé

Mme Cahen vit à la maison de retraite « Les beaux jours ». Elle passe ses journées dans son fauteuil roulant, voyant les visiteurs défiler, mais jamais pour elle. Ne supportant plus cette situation, elle s’échappe et file rejoindre son petit fils Loulou à l’école.
30 pages, 6 euros, 10 minutes de lecture. Voila pour les chiffres bruts. Pas emballant, à priori. Et pourtant ! Tour à tour histoire d’amour, de tendresse et de complicité, ce court récit met du baume au cœur. Il dénonce aussi : la façon dont nous traitons nos aînés, enfermés dans des mouroirs avec comme seule perspective quotidienne l’heure des repas. Que la maison de retraite de Mme Cahen s’appelle « Les beaux jours » n’est pas anodins. Belle ironie ! Finalement, Loulou et Mamé n’aspirent qu’à une chose : partager, ensemble, un dernier moment de liberté. Et le lecteur apprécie de passer ces quelques instants avec eux.
Deborah Pinto réalise ici son premier album. Son trait a quelques ressemblances avec celui d’Hisaichi Ishii (Mes voisins les Yamada). Le dessin manque parfois de fluidité et n’est pas encore tout à fait maîtrisé, mais il colle bien à la simplicité de l’histoire. Loïc Dauvillier est pour sa part avare en dialogues mais peu importe, car les silences qu’il impose valent tous les discours. Le recueil, en noir et blanc, joue beaucoup sur les différents tons de gris ce qui apporte au final une belle variété de contrastes.
De prime abord, cette BD semble être une sorte d’OVNI inclassable. Mais au bout du compte, on ressort de ce petit livre ému, touché par ces deux personnages, par la justesse d’un récit tout en finesse.

Mamé, Loïc Dauvillier et Deborah Pinto, éditions 6 pieds sous terre, 2008. 32 pages. 6 euros. 


L'info en plus : Depuis cette premiere publication, Deborah Pinto a illustré plusieurs ouvrages pour les éditions Milan Jeunesse. Le tout nouveau paraît cette semaine et s'intitule Mon livre animé de Noël. C'est un livre interactif pour comprendre et préparer Noël, avec des animations : volets, roues, peignes, tirettes...




Une BD lue dans le cadre du challenge Pal Sèche.


mercredi 20 octobre 2010

Jojo T18 : Mamy Blues

Mamy est patraque. Un petit coup de déprime. Mais quand elle s’écroule dans la cuisine victime d’un malaise, son fils l’envoie à la clinique pour faire un check up complet. Dans la salle d’attente, pendant que Mamy subit des examens, Jojo tombe sur un concours dans un magazine. Le premier prix est une croisière en méditerranée. Ni une ni deux, il remplit le bulletin de participation et l’expédie par la poste. Le verdict tombe quelques jours plus tard, Mamy, Jojo et Gros Louis sont les grands vainqueurs du concours ! Les voila donc partis pour un voyage de quatre jours avec des escales en corse et en Italie. Mamy n’est toujours pas dans son assiette, Gros Louis doit faire face à un terrible mal de mer et Jojo est frappé de plein fouet par une étrange maladie qui lui fait papillonner l’estomac à chaque fois qu’il croise une ravissante petite peste prénommée Mado. Cette croisière pour le moins mouvementée se terminera évidemment bien pour tout le monde malgré une terrible tempête finale.

J’ai encore du mal à croire que cette 18ème aventure de Jojo est la toute dernière. Depuis son apparition dans le magazine Spirou en 1983 (j’avais 8 ans), le petit bonhomme à la casquette ne m’a jamais quitté. Tous les albums trônent avec fierté dans ma bibliothèque. Et lorsque j’ai appris le décès de son papa, André Geerts, le 27 juillet dernier, ça m’a vraiment fait un choc. Une partie de mon enfance de lecteur qui s’est écroulée, tout simplement. Jojo, c’est la tendresse et la poésie. Des personnages attachants au possible : Mamy bien sûr, Gros Louis, le meilleur copain, sans oublier papa. La série dégage une atmosphère particulière : on a l’impression de sentir les odeurs d’encre et de craie lorsqu’André Geerts dessine une salle de classe. Ses décors ruraux sont aussi exceptionnels. La campagne où vit Jojo m’a fait rêver et m’a donné envie d’y être, moi l’indécrottable citadin. Parmi tous les albums, Un été du Tonnerre est mon préféré. Jojo y passe des grandes vacances à la ferme, et il se dégage de cette escapade estivale un charme incomparable.

Le trait d’André Geerts rappelle parfois celui de Sempé (Le petit Nicolas). Les détails fourmillent, les couleurs sont douces, le découpage simple et efficace. On n’est pas ici dans la démonstration technique. Le but n’est pas d’en mettre plein les yeux au lecteur. Chaque histoire a juste sa propre petite musique, inimitable.

Moins vulgaire que Titeuf, moins gnangnan que Boule et Bill, plus fin que Cédric, Jojo occupe une place à part dans le panorama de la BD jeunesse. En ce qui me concerne, ce gamin malicieux restera à jamais dans mon panthéon personnel. Merci pour tous ces bons moments de lecture, Monsieur Geerts.

Jojo T18 : Mamy Blues, d’André Geerts et Sergio Salma, Éditions Dupuis, 2010. 56 pages. 9,95 euros.



L’info en plus : Sergio Salma et André Geerts ont créé une autre série pour les jeunes lecteurs au début des années 90. Mademoiselle Louise raconte le quotidien d’une petite fille dont le papa multimilliardaire lui offre toujours plus de cadeaux. Mais, c’est bien connu, l’argent ne fait pas le bonheur et la petite rêve seulement d’une existence normale où son papa serait là tous les jours et où elle pourrait jouer avec les autres enfants de son âge. Une très jolie série qui compte en tout quatre volumes, toujours chez Dupuis.



Lu dans le cadre du Challenge Pal sèche 


La BD du mercredi, c'est chez Mango


lundi 18 octobre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 7) : Frères de sang

Bronx, années 70. A bientôt 18 ans, Stony va devoir faire le bon choix. A sa sortie du lycée, seule une fac du fin fond de la Louisiane est prête à l’acceuillir pour qu’il poursuive ses études. L’armée ? Pas question. Seule solution restante : suivre les traces de son père et devenir électricien sur les chantiers. Sa rencontre avec un médecin va bouleverser sa vision de l’avenir et l’engager sur une voie professionnelle bien différente de la volonté paternelle. Mais peut-on échapper à sa destinée ?

Second roman de Richard Price publié aux Etats-Unis en 1976, cette œuvre de jeunesse sonne comme un uppercut à la pointe du menton. Une chronique familiale dressant le portrait d’une « tribu » italo-américaine dont chaque membre est un cas à part entière. Entre le petit frère anorexique, la mère psychopathe, le père et l’oncle infidèles, Stony à fort à faire. L’amour filial est le thème central du roman. Stony est pris au piège. Il le sait mais tente de se convaincre du contraire. C’est une sorte de héros tragique : dès le départ on se doute que quoi qu’il fasse, il ne pourra en aucun cas changer le cours de son destin.

Un texte cru, violent, sans concession. Les dialogues sont magistralement ciselés et l’atmosphère si typique du Bronx parfaitement rendue. Richard Price est sans conteste à classer parmi les très grands écrivains américains de la seconde moitié du 20ème siècle. On pense évidemment au Selby de Last Exit to Brooklyn. Pour les dialogues, la comparaison est à chercher du coté d’Ed Mc Bain ou de Chester Himes. Loin, très loin des écrivains du Montana et du Nature Writing, Price distille une prose urbaine qui fait mouche. Voila la littérature américaine comme je l’aime : moderne, sauvage et totalement décomplexée !

Frères de sang, de Richard Price, Presses de la cité, 2010. 392 pages. 21 euros.

L’info en plus : Richard Price n’est pas seulement romancier, c’est également un scénariste de talent. Il a notemment signé le scénario de La couleur de l’argent, un film de Martin Scorcese.

Un très grand merci à Babelio et aux Presses de la cité de m’avoir fait découvrir ce superbe roman !


Challenge du 1% littéraire


vendredi 15 octobre 2010

Pandala T1

Sur l’île de Pandala, le village des Pandawas est dévasté et tous les habitants tués par une mystérieuse horde d’assaillants. Pandhravan, un jeune panda absent au moment des faits est le seul rescapé. Devenu orphelin, il part avec pour seul souvenir un morceau de pendentif récupéré dans la main de son père. Recueilli par un maître en arts martiaux, il commence un dur apprentissage dans le but de venger les siens…

Pandala est une œuvre pour le moins surprenante. Inspiré du jeu en ligne Dofus, ce spin-off se caractérise essentiellement par son absence de texte. 96 pages sans aucun dialogue ! Un tel parti-pris est risqué, car vouloir faire reposer la compréhension de l’intrigue uniquement sur la lecture de l’image demande une maîtrise parfaite de la narration propre à la BD. Mais force est de reconnaître que le pari est ici réussi. Le découpage est d’une fluidité rarement vue. L’alternance des types de plan (du plan d’ensemble au très gros plan) permet notamment de donner beaucoup de dynamisme aux différents événements qui se succèdent. Les combats sont eux-aussi très réussis : tout semble chorégraphié comme dans les meilleurs films d’arts martiaux.

Au niveau du dessin, le travail en couleurs directes sur les décors est un pur régal : les grands espaces, les lumières magnifiques... J’ai un peu plus de mal avec les personnages. On a parfois l’impression d’avoir sous les yeux les celluloïds utilisés par les studios d’animation. Attention néanmoins : Pandala est tout sauf un anime comics !

Du coté du scénario, ça sent le déjà vu à plein nez. L’intérêt majeur réside dans le nombre de clins d’œil et de références dont ce premier volume est truffé. Le début de l’histoire avec le village détruit fait penser à Conan le Barbare. Puis l’apprentissage avec le maître dans la montagne au pied de la cascade m’a rappelé quelques scènes des Chevaliers du zodiaque (notamment l’entraînement de Shiryu, le chevalier du dragon). Le maître panda à des faux airs du Tortue Géniale de Dragon Ball tandis que la transformation du renard en super combattant évoque les Super Sayians de cette même série. On pourrait aussi citer Gon, ce petit dinosaure héros du manga du même nom qui, lui aussi, évolue dans un décor naturel et dont les histoires ne comportent aucun texte ni dialogue. Mais l’influence principale, d’un point de vue graphique, est sans conteste à chercher chez Miazaki. L’hommage est évident et Bertrand Hottin n’a jamais caché son admiration pour le maître des studios Ghibli.

En conclusion, Pandala est une œuvre à la fois originale et magnifique au niveau esthétique. Et même si le scénario reste assez léger et très convenu, les aventures de ce petit Panda méritent assurément le coup d’œil.


Pandala T1, de Tot et Bertrand Hottin, éditions Ankama, 2007. 96 pages. 12,90 euros.

L’info en plus : Le cycle de Pandala s’est conclu avec la parution du 3ème tome de la série en juin 2009. Depuis un peu plus d’un an, Bertrand Hottin s’est lancé dans une nouvelle aventure avec Les chroniques d’Ecaron. Pour l’instant, cette nouvelle BD n’est visible que dans le mensuel Dofus Mag. Il n’y a pas de date de sortie prévue pour un éventuel album.

Les deux premières planches



lu dans le cadrde du challenge Pal sèche

mercredi 13 octobre 2010

Les enquêtes d'Andrew Barrymore T1 : Old Creek Town

Bienvenue à Old Creek Town, village de l’Ouest sauvage où règnent luxe, calme et volupté. Lorsqu’Andrew Barrymore débarque de San Francisco dans cette paisible bourgade, il ne se doute pas qu’il va devoir résoudre un meurtre. Grâce à l’étude attentive de la scène de crime et des mœurs des habitants du coin, le jeune détective promu shérif adjoint va élucider l’affaire en un clin d’œil. Andrew Barrymore, c’est en quelque sorte Sherlock Holmes au Far West.

Au niveau purement technique, l’album est fort bien réalisé : narration fluide et maîtrisée, utilisation efficace des ellipses et dessin vraiment agréable. Certes, les dialogues sont parfois un peu trop « bavards » et « ampoulés », mais l’humour vient contrebalancer les quelques lourdeurs.

Le vrai souci vient de l’histoire. Aucune originalité. Andrew Barrymore est à classer parmi les détectives « à l’anglaise » chers à Conan Doyle ou Agatha Christie : un enquêteur plus malin que la moyenne qui fait passer les policiers (en l’occurrence ici le shérif) pour des neuneus incapables de découvrir le moindre indice ou dont les capacités de déduction sont proches du zéro absolu. De plus, l’intrigue n’est pas franchement passionnante et le dénouement tiré par les cheveux est sans intérêt. Sans compter que les personnages sont beaucoup trop lisses. Tous ça manque sérieusement d’aspérités. Le Far West d’Old Creek Town ressemble à un décor en carton pâte. On est par exemple à des années lumières de la série télé Deadwood.

Mais soyons indulgents. Le premier tome d’une nouvelle série doit permettre aux auteurs de trouver leurs marques. Créer un univers et le rendre crédible demande du temps. J’espère seulement que les éditions Dargaud laisseront au duo Valambois & Delestret une seconde chance d’animer les aventures de leur détective aux cheveux roux.



Les enquêtes d’Andrew Barrymore T1 : Old Creek Town, de Nicolas Delestret et Rod Valambois. Éditions Dargaud, 2010. 48 pages. 11,50 euros.

L’info en plus : Nicolas Delestret est également le dessinateur de la série L’homme qui rit scénarisée par Jean-David Morvan. C’est une adaptation très libre du roman de Victor Hugo publié en 1869. Morvan transpose l’intrigue dans une Angleterre futuriste à l’ambiance très steampunk. La série devrait compter 4 albums en tout. A l’heure actuelle, seuls les trois premiers sont parus aux éditions Delcourt.



BD lue dans le cadre du challenge Pal Sèche.

La BD du mercredi, c'est chez Mango !


lundi 11 octobre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 6) : Mangue amère - Bulbul Sharma

Les femmes de la famille de Bhanurai Jog se réunissent pour préparer un festin le jour de l’anniversaire de sa mort. Installées en rond autour d’un énorme tas de légumes, elles s’attèlent à la préparation du repas. La conversation s’engage et Malarani, une des nièces du défunt, prend la parole pour raconter la première histoire de la journée.


Huis récits s’enchaîneront en tout. Au menu, la résistance d’une bru face à sa belle-mère acariâtre, un fils expatrié qui revient passer un court séjour chez ses parents, ou encore cette maîtresse perfide cherchant à éloigner l’épouse légitime de son amant. Point commun à toutes ces histoires : la femme y tient une place centrale. Des portraits doux amers, parfois drôles, parfois plus graves qui plongent le lecteur au cœur de la famille indienne.

Bulbul Sharma montre à quel point il devient difficile pour la femme indienne de trouver sa place dans un pays en pleine mutation. Tiraillées entre le respect des traditions et de légitimes désirs d’émancipation, ses héroïnes ont surtout du caractère et n’hésitent pas à faire entendre leur voix. Jalouses, vénales, intrigantes, amoureuses, les femmes ne sont pas ici serviles et corvéables à merci. Au passage, les expatriés en prennent pour leur grade (cf. l’épisode du fils revenu d’Amérique qui est effrayé à l’idée de prendre du poids à cause des plats frits que lui prépare sa mère ou bien ce repas de famille au cours duquel on prépare un curry très peu épicé pour ne pas froisser l’estomac des expatriés ayant perdu l’habitude de la vraie cuisine indienne).

La nourriture tient une place important dans les différents récits, mais pas suffisamment à mon goût. L’odeur des épices n’est que trop peu présente et les recettes pas assez détaillées. Pour ce qui est des romans gastronomiques, on n’a rien fait de mieux pour l’instant (et à mon avis !) que Vie et passion d’un gastronome chinois de Lu Wenfu, ou encore, dans un autre registre, que le manga Le gourmet solitaire, de Jirô Taniguchi. Mais après tout peu importe, j’ai passé un excellent moment avec ces raconteuses d’histoires indiennes et c’est bien là l’essentiel.

Mangue amère, de Bulbul Sharma, éditions Ph ; Picquier, 2010. 168 pages. 16,50 euros.

L’info en plus : Bulbul Sharma est une adepte des « récits gastronomiques ». Son premier ouvrage publié en France, intitulé La colère des aubergines est en effet, dixit la quatrième de couverture, un recueil « d’histoires pleines d'odeurs de cuisine, puissamment évocatrices des rapports et des conflits entre les membres d'une maisonnée indienne ». Sorti en 1999, il est disponible depuis 2002 au format poche, toujours chez Philippe Picquier.

vendredi 8 octobre 2010

Mes plus belles histoires de Noël, par Carl Barks

Enfin ! Après 20 ans d’attente, il est de nouveau possible de trouver un recueil d’histoires signées Carl Barks en librairie. Depuis la publication de deux volumes par les éditions Zenda en 1989 et 1990, l’œuvre du plus grand dessinateur estampillé Disney n’était plus visible qu’en kiosque dans les pages de Picsou Magazine. Suite à un accord annoncé début juin entre Disney-Hachette et Jacques Glénat, ce dernier entame cet automne la réédition des plus fameux dessinateurs du catalogue Disney : Carl Barks, Don Rosa, Floyd Gottfredson, Claude Marin ou encore Giorgio Cavazzano

Carl Barks est tout simplement une des plus grandes figures de la BD du 20ème siècle. De 1942 à 1966, il réalise plus de 500 histoires mettant en scène Donald et tous les personnages gravitant autour du plus célèbre canard de la bande dessinée. C’est notamment lui qui inventera Picsou, les Rapetou, Géo Trouvetou, le cousin Gontran, Miss Tick ou encore les Castors juniors. Son trait se remarque souvent au premier coup d’œil. Une ligne claire assez classique avec beaucoup de souplesse dans les attitudes et une grande expressivité des visages. Ses scénarios mêlent la grande aventure (chasse au trésor, ruée vers l’or dans la jeunesse de Picsou) et beaucoup d’humour avec une pointe d’ironie. Il donne notamment à Donald ses traits de caractère les plus connus : soupe au lait, fainéant, couard… Il en fait une sorte de loser poissard et fauché qui enchaîne les petits boulots sans véritable ambition.

Lorsqu’il s’éteint en l’an 2000 à 99 ans, Carl Barks laisse derrière lui un héritage d’une incroyable richesse.

Mais revenons au recueil sorti ces jours-ci. C’est un volume thématique regroupant neuf histoires mettant en scène Donald et ses neveux au moment de Noël. Les grincheux diront qu’il est un peu tôt pour parler de Noël au début du mois d’octobre. Je leur répondrais qu’ils n’ont pas tort mais que ce n’est pas le sujet. Et je rajouterais même avec un soupçon de vulgarité : on s’en f… du moment que c’est Carl Barks.

Toutes ces histoires ont été publiées entre 1945 et 1950. La qualité des scénarios est assez inégale mais le plaisir des yeux est lui bien présent. La finition de l’ouvrage est de qualité avec un grand format au cartonnage épais et à la couverture dorée. Deux gros bémols toutefois : le fait que les histoires ne soient pas publiées dans l’ordre chronologique est un non sens et surtout il manque un minimum d’appareil critique pour présenter Carl Barks et donner quelques précisions sur les conditions de publication des histoires. Il est par exemple très dommageable de ne pas préciser aux lecteurs non spécialistes que la septième histoire, intitulée Noël sur le Mont Ours (1947) est la première dans laquelle apparaît le personnage de l’Oncle Picsou. C’est donc un événement majeur dans l’œuvre de Barks et même historiquement parlant pour Disney, mais encore faut-il le savoir.

Reste que ces belles histoires de Noël publiées par Glénat constituent sans doute un très bon moyen de découvrir une œuvre majeure du 9ème art. Alors n’hésitez pas, c’est typiquement le genre d’ouvrage qui peut passer dans les mains de toute la famille sans distinction d’âge.

Mes plus belles histoires de Noël, de Carl Barks, éditions Glénat, 2010. 144 pages. 12,50 euros.

L’info en plus : La première véritable intégrale Carl Barks est prévue chez Glénat le 3 novembre. A 29 euros le volume, on peut s’attendre à du très costaud en terme de contenu et de qualité d’édition avec, il faut le souhaiter, la présence d’un véritable appareil critique permettant de mieux restituer l’œuvre, son auteur et son contexte.

La première apparition de l'Oncle Picsou dans l'univers Disney.
Un événement historique !


Ouvrage lu dans le cadre du challenge PAL sèche.


mercredi 6 octobre 2010

Mon singe et moi

Une petite fille et son doudou-singe s’en vont voir des animaux : manchots, kangourous, chauves-souris, éléphants...

La structure de l’album est simplissime et ultra répétitive : une double page où la petite fille et son singe miment le comportement de l’animal qu’ils vont rencontrer suivie d’une double page où l’on découvre le dit animal. Aucun décor, des illustrations crayonnées, sans encrage, des couleurs plutôt ternes… Ne cherchez pas ici à en prendre plein les yeux. Ce parti pris de proposer un album très épuré fonctionne parfaitement car le mécanisme principal réside dans la lecture de l’image. L’enfant peut deviner l’animal qui va être représenté en regardant l’attitude de la petite fille. Le trait est souple et souligne parfaitement les mouvements.

Bien souvent, dès la seconde lecture, la surprise n’est plus de mise. C’est plutôt la satisfaction pour l’enfant de savoir ce qui va arriver avant même que l’on tourne la page. S’instaure alors un jeu entre le lecteur et son auditoire : il suffit de laisser trainer les derniers mots, de prendre un temps fou pour tourner la page, de créer en quelque sorte un faux suspense. Et l’enfant de devancer l’adulte en hurlant le nom de l’animal à venir.

Attention, Mon singe et moi est le genre d’album que l’on lit chaque soir pendant des jours et des jours. Et si la lassitude vous gagne, dites-vous bien que pour votre bout de chou, ce jeu peut durer quasi indéfiniment. C’est en tout cas le livre idéal pour faire naître une relation privilégiée et intime autour de la lecture. Des moments de bonheur à partager dont on se souvient pendant longtemps.

Mon singe et moi, d’Emily Gravett, Kaléidoscope, 2007. 26 pages. 12,50 euros. A partir de 2 ans.



L’info en plus : Le dernier né d’Emily Gravett se prénomme Bébé des cavernes. C’est l’histoire d’un nourrisson qui s’ennuie entre sa mère très douée pour la peinture et son père très courageux. Dans un coin de la grotte, il trouve cependant un pinceau dans un pot. Il s'en sert alors pour décorer à sa façon la hyène, le lièvre, le tigre, l'ours et le mammouth. Comme d’habitude, un titre à partager avec ses petits bouts…


Album lu dans le cadre des mercredis de l’album.