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mardi 17 novembre 2020

Le journal de Gurty T8 : J'appelle pas ça des vacances - Bertrand Santini

Quelle bonne idée d’avoir fait revenir Myrtille dans le quotidien de Gurty ! Pour ceux qui n’auraient pas suivi les épisodes précédents, Myrtille est l’ex-petite amie de Gaspard, le maître de Gurty. Une ex qui avait essayé par tous les moyens de se débarrasser de la petite chienne, n’hésitant pas à utiliser les stratagèmes les plus radicaux pour parvenir à ses fins, heureusement en vain.

Si pour Gurty le retour de Myrtille n’est pas une bonne nouvelle, pour le lecteur c’est l’assurance de passer un excellent moment avec les facéties de ces deux ennemies jurées. Parce que si en apparence la jeune femme a totalement changé et est devenue adorable avec sa rivale, la réalité est bien sûr tout autre. Sous couvert de mamours et de gentillesse, la sorcière comme l’appelle Gurty, va multiplier les coups tordus : tentative d’empoisonnement à la saucisse et au chocolat, simulation de morsure, crotte déposée sur le lit, tout est bon pour maltraiter ou faire accuser la pauvre chienne.

Cette dernière n’est pas dupe et voit clair dans le jeu de Myrtille, ce qui n’est malheureusement pas le cas de Gaspard. Si son maître se révèle incapable de déceler le machiavélisme de la sorcière, c’est parce que l’amour rend aveugle, Gurty l’a bien compris : « Le problème quand on est amoureux, c’est que le cœur bat tellement fort qu’il aspire tout le sang comme un vampire, du coup, il n’y en a plus pour le cerveau, et c’est pour ça que les amoureux sont débiles ».

Comme d’habitude on se régale du début à la fin et l’affrontement entre la jeune femme et la petite bête va crescendo jusqu’à un bouquet final pétaradant. De l’humour, des situations improbables, des dialogues aux petits oignons, des personnages secondaires savoureux, un zeste d’absurde, une pincée de philosophie canine et une tonne de bonne humeur, ce huitième volume du journal de Gurty garde les ingrédients qui font le succès de la série sans pour autant donner l’impression de tourner en rond. Comme disent les sportifs, on ne change pas une équipe qui gagne !  

Le journal de Gurty T8 : J'appelle pas ça des vacances ! de Bertrand Santini. 200 pages. 10,90 euros. A partir de 8 ans.



Encore une pépite jeunesse partagée avec Noukette










mardi 10 novembre 2020

Sauveur et fils saison 6 - Marie-Aude Murail

Quand le moral de lecteur n’est pas au beau fixe, rien de tel qu’un passage dans le cabinet du psychologue Sauveur pour se refaire une santé. Toujours le même plaisir d’y retrouver des patients familiers comme les enfants Carré, Solo le gardien prison, Ella-Elliot la jeune fille qui sera bientôt un garçon ou Frédérique la vendeuse en bijouterie à la recherche du bonheur. Et comme c’est le cas à chaque nouvelle saison, de nouvelles têtes apparaissent. Dans ce sixième opus on découvre entre autres un PDG déboussolé, une victime de braquage traumatisée et une jeune fille persécutée par un démon prénommé Gilbert.

La prescription est toujours la même : des cas graves mais pas désespérés, un Sauveur souvent dépassé par les événements, un cocon familial recomposé qui ne cesse de s’agrandir, une grosse dose de bonne humeur, des dialogues savoureux, de la tristesse, de la joie, des coups durs, des coups de mou et des coups de fouet, le tout avalé sans temps mort à un rythme trépidant.

Le mélange de drame et d’humour fonctionne toujours aussi bien, la mécanique narrative permettant aux nombreux personnages d’évoluer de concert sans se marcher sur les pieds reste d’une redoutable efficacité et les pages défilent sans que l’on s’en rende compte. Le propos se veut positif, la lumière finit toujours par surgir des ténèbres mais la bienveillance ne s’enrobe jamais des excès de sucre d’une  indigeste guimauve, c'est une constante dont Marie-Aude Murail ne s'est jamais écartée depuis le premier tome.

Six saisons, six billets sur ce blog  et aucune lassitude pour cette série à l’univers et aux personnages tellement attachants. Vivement la suite ? Y a intérêt !

Sauveur et fils saison 6 de Marie-Aude Murail. L’école des loisirs, 2020. 340 pages. 17,00 euros. A partir de 13 ans.



Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette


 

mardi 27 octobre 2020

Les ombres que nous sommes - Sandrine Caillis

- Mais toi, Camille, tu ne sais pas trop de qui tu es amoureux parce que tu ne sais pas trop encore qui tu es. 

Camille. L’ambivalence de son prénom et les railleries qui l’ont accompagnée dès l’enfance ne présageaient rien de bon. Aujourd’hui collégien, Camille voudrait devenir transparent. Fuir les contacts humains, être invisible aux yeux des autres. Garçon solitaire et renfermé, Camille va voir la carapace dans laquelle il avait trouvé refuge depuis des années se fissurer après un cours de théâtre. Le mur construit entre ses congénères et lui, qu’il pensait indestructible, s’effondre brutalement et l’ado se retrouve exposé comme jamais auparavant. Pour le pire ou le meilleur, il va faire face à une « succession de séismes et de répliques » dont il sera l’épicentre.

Difficile de savoir qui on est à 15 ans. Difficile de trouver sa place, de s’accepter et d’être accepté quand on se cherche comme Camille. Les événements vont le pousser à se questionner sur ses relations aux autres, ses amis, ses amours, ses désirs, sa sexualité. Sans trouver la moindre réponse définitive. La révélation d’une part de féminité le trouble et le pousse à la réflexion : « J’ai pensé que bien sûr, il y avait aussi mille et une façons d’être un garçon. La brutalité n’était pas nécessaire. L’indélicatesse non plus. La masculinité n’était pas synonyme de lutte acharnée pour la domination. » 

Un premier roman tout en finesse qui ne tombe jamais dans les clichés et n’enfonce pas de portes grandes ouvertes. Camille s’interroge, il ne sait pas qui il est. Le passage d’une enfance au cadre rassurant à une adolescence ayant tout d’un saut dans le vide sans élastique est une épreuve intense à surmonter. Il n’est pas simple d’avancer sans repères solidement ancrés, de naviguer à vue, de gagner en confiance quand tout semble aussi fragile. Beaucoup de subtilité et de sensibilité dans ce texte très joliment écrit, portrait touchant d’un ado en construction. Les ombres que nous sommes vient de remporter le prix Axl Cendres et c’est amplement mérité.

Les ombres que nous sommes de Sandrine Caillis. Editons Thierry Magnier, 2020. 204 pages. 12,90 euros. A partir de 15 ans.




Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette







mardi 20 octobre 2020

Son héroïne - Séverine Vidal

Rosalie sauve Jessica d’une agression dans le tramway. Elle la raccompagne chez elle en taxi pour plus de sureté. Le lendemain, Jessica veut remercier celle qu’elle appelle « son héroïne » autour d’un verre, dans un café. Par pure courtoisie. Mais Rosalie voit les choses autrement. Elle pense que Jessica a besoin d’elle, que sa présence est nécessaire afin que la jeune fille s’ouvre au monde, à la culture, à une vie plus épanouissante. 

Pour prendre soin de sa protégée qui ne lui a rien demandé, Rosalie devient de plus en plus pressante, de plus en plus envahissante. Au point d’imaginer des stratagèmes de plus en plus inquiétants…

Le roman décrit avec une précision diabolique une forme de harcèlement qui fait de la vie de Jessica un véritable enfer. L’engrenage s’enclenche peu à peu, inéluctable, et la sauveuse devient étouffante, usant à la fois du chantage affectif et d’une redoutable manipulation psychologique. Pour autant Séverine Vidal ne donne pas dans le manichéisme basique, elle interroge sur les réelles motivations de Rosalie, puise dans son histoire personnelle douloureuse pour montrer qu’elle est à la fois coupable et victime, à la fois toxique et elle-même en grande souffrance. 

Un texte qui gratte. L’impression de malaise, d’abord diffuse, devient de plus en plus lourde, mais une fois encore les choses se déroulent en finesse, à tel point qu’au final, la harceleuse, dans toute sa fragilité, devient le personnage le plus touchant du récit.

Son héroïne de Séverine Vidal. Nathan, 2020. 60 pages. 8,00 euros. A partir de 15 ans.


PS : Son héroïne fait partie des premiers titres de la collection Court toujours, une collection destinées aux 15-25 ans qui offre, à travers l’achat de l’ouvrage « papier », les versions numériques et audio accessibles via une application dédiée. 



Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette




mardi 13 octobre 2020

Et ta vie m’appartiendra - Gaël Aymon

Et si la peau de chagrin de Balzac avait vraiment existé ? Et si l’écrivain en avait été un des propriétaires, subissant la malédiction liée à ce funeste objet ? Et si la peau, passant de main en main depuis plusieurs générations, se retrouvait dans celles d’une jeune fille sans le sou, élevée par une mère indigne, que se passerait-il ? 

Irina, lycéenne vivotant comme elle peut dans une cité de banlieue, hérite suite au décès de sa grand-mère d’un mystérieux artefact capable d’exaucer ses vœux. Devenue richissime, Irina n’accède pas pour autant au bonheur. D’abord parce qu’une mystérieuse organisation semble prête à tout pour mettre la main sur la peau de chagrin. Ensuite parce que la jeune fille comprend vite que chacun de ses vœux, en se réalisant, réduit à la fois la surface de l’objet et son espérance de vie. 

Quel pari de proposer non pas une réécriture de La peau de chagrin mais bien une variation autour du roman de Balzac, une mise en contexte moderne de ce conte à la fois philosophique et fantastique. Comme Balzac, Aymon montre une forme de fatalité liée au destin et insiste sur le fait que la prospérité financière n’est en rien un accomplissement. Au contraire, elle est en permanence source d’angoisse et se traduit par une insondable misère morale. Irina cherche le sens de la vie, son utilité. Vaste question, évidemment, qui restera sans réponse et relèguera le pouvoir absolu engendré par la peau de chagrin au rang des futilités.

L’écriture est nerveuse, le texte vire au thriller et la tension ne cesse de monter sans pour autant laisser sur le chemin les aspects philosophiques et moraux de l’œuvre originelle. Un roman jeunesse aussi complexe que maîtrisé, sans concession, oscillant sans cesse entre suspens, drame et émotion. Bluffant !

Et ta vie m’appartiendra de Gaël  Aymon. Nathan, 2020. 330 pages. 15,95 euros. A partir de 13-14 ans.



Un billet qui signe le retour des pépites jeunesse partagées avec Noukette













mardi 23 juin 2020

La vieille Herbe Folle - Jo Witek et Léo Poisson

On la surnomme la vieille Herbe Folle. Avec son immense chapeau de paille vissé sur le crâne en toute saison, elle déambule à travers les champs et les forêts. Elle s’est installée dans les bois, enlaçant les troncs d’arbres, dansant sous les cerisiers en fleurs. On l’a traitée de sorcière, on l’a accusée de tous les maux quand les légumes ont refusé de pousser malgré les traitements chimiques.

Mais la vieille Herbe Folle n’était pas responsable du désastre. C’est au contraire parce que les hommes n’ont pas suivi son exemple, parce qu’ils n’ont pas pris le temps d’écouter et de préserver la nature qu’ils ont précipité leur perte. Heureusement, avant de disparaître la vieille Herbe Folle a ouvert son cœur à l’enfant et a planté en lui les graines d’une sagesse à même de sauver la Terre.

Un conte écologique et poétique dénonçant l’usage intensif des insecticides, herbicides, fongicides et autres produits en « cide » qui empoisonnent les sols. La vieille Herbe Folle est la voix de la raison, celle qui enseigne à la jeunesse le respect de la nature dans toute sa diversité. Jo Witek signe un texte engagé porté par une prose délicate. C’est sans colère que la vieille Herbe Folle transmet ses conseils  à une nouvelle génération prête à sacrifier la surproductivité pour offrir toute la tendresse et l’attention nécessaire à la préservation de « notre sœur, la Terre ». Le message, plein de bon sens, passe en douceur et son impact est d’autant plus fort. Encore une jolie publication des éditions du Pourquoi pas !

La vieille Herbe Folle de Jo Witek (ill. de Léo Poisson).Éditions du Pourquoi pas ?, 2019. 28 pages. 12,00 euros. A partir de 7-8 ans.



Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette




mardi 16 juin 2020

Perdus en mer - Cathy Ytak

Silas demande à son père de pouvoir l’accompagner en mer sur son bateau de pêche. Une requête surprenante puisque la seule et unique fois où il a tenté l’expérience, ça a tourné au fiasco. Mais le jeune garçon, dont les passions et les rêves d’avenir n’ont rien à voir avec la pêche, a envie de se rapprocher d’un papa qui l’ignore la plupart du temps. Ce dernier accepte à contrecœur, sans se douter que la présence de son fils sur le bateau pourrait s’avérer  bien plus indispensable qu’il n’aurait jamais pu l’imaginer.

Le titre en dit beaucoup mais ne révèle pas non plus le sel du récit, à savoir la montée progressive du suspens couplée à une relation père/fils aussi compliquée que touchante. L’enchaînement des événements fonctionne à merveille. On s’inquiète, on tremble, on craint le pire et on souffle de soulagement en voyant comment Silas se débrouille comme un chef malgré la complexité de la situation.

Hommage aux sauveteurs de la SNSM et joli « rabibochage » familial, ce petit texte se dévore d’une traite et conviendra autant aux amateurs d’action que d’histoires plus intimistes. Car au final la relation entre Silas et son père représente le sujet principal d’un roman nous montrant deux taiseux incapables de livrer leurs sentiments prendre un nouveau départ et se rapprocher par la force des choses. C’est positif, pudique, d’une grande sensibilité et fort bien écrit. Cathy Ytak égale à elle-même en somme.

Perdus en mer de Cathy Ytak. Syros, 2020. 48 pages. 3,50 euros. A partir de 8 ans.




Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette








mardi 9 juin 2020

Romance - Arnaud Cathrine

« Je ne me suis jamais senti aussi vivant mais je suis en train de mourir, c’est paradoxal, c’est l’amour »

Vince est un lycéen plein de sève. Ses hormones le travaillent, le sexe est une préoccupation constante et la difficulté à trouver un partenaire lui pèse de plus en plus. Il faut dire que son homosexualité est un frein aux rencontres éventuelles dans son établissement tant les élèves gays y sont une denrée rare. Il fantasme donc sur des inconnus croisés dans le métro et sur les acteurs sexy vus au cinéma avec sa mère. Fleur bleue s’amourachant au moindre frémissement, Vince veut que sa première fois ne soit pas un coup d’un soir mais découle d’une vraie histoire d’amour. Quitte à en avoir le cœur brisé si les choses ne tournaient pas comme il l’imagine…

Ah, le premier amour ! Le vrai, l’unique, l’ultime. Enfin presque. Car avec le premier amour vient inéluctablement le premier chagrin d’amour. Et pour Vince il va être douloureux. Parce que son partenaire ne partage pas vraiment les mêmes sentiments que lui. Il vit « un truc » avec lui, rien de plus. Résultat, le choc va être rude, le cœur brisé difficile à recoller, la blessure difficile à refermer.

Arnaud Cathrine décrit sans faux semblant les premiers émois amoureux et sexuels. Les montagnes russes émotionnelles, la montée vers le nirvana, la descente brutale avant le crash. Le fait de tomber amoureux avant de tomber malheureux, de passer de l’euphorie au dépit, d’un infini champ de possibles à une impasse dont on a l’impression de ne jamais pouvoir sortir. Dans une langue vivante, moderne, sans pincettes, avec un réalisme cru teinté d’une grande sensibilité. Une partition sans la moindre fausse note.

Romance d’Arnaud Cathrine. Ed. Robert Laffont, 2020. 300 pages. 16,50 euros. A partir de 16 ans.



Une pépite jeunesse partager comme il se doit avec Noukette








mardi 26 mai 2020

Esperluette - Anne Vantal

« Tu es mon frère, mon ami, mon double, la moitié de moi. Tu es à jamais inscrit à mes côtés et relié à moi par une esperluette. »

C’est ainsi qu’elle conclut sa lettre. Une lettre qu’elle a mis des années à rédiger. Pour boucler la boucle, pour dire à Jordan ce qu’elle avait jusqu’alors enfoui profondément en elle. Revenir sur leur histoire commune remontant à la petite enfance. L’école, le collège, leur amitié inébranlable. Elle, l’élève brillante, lui, le cancre qu’elle n’a cessé d’aider pour qu’ils avancent dans leur scolarité au même rythme, jusqu’au lycée. C’est là que leurs chemins ont commencé à diverger. A 16 ans Jordan a arrêté les cours pour enchaîner les bêtises. D’abord petites, et puis de plus en plus « condamnables ». Quelques mauvaises rencontres plus tard, il a proposé un coup sans risque à sa meilleure amie. Elle a accepté du bout des lèvres, sans savoir qu’elle allait assister à un événement dont le souvenir la marquerait au fer rouge.

D’une seule traite elle couche sur le papier le passé et le présent. Pour tirer un trait, pour aller de l’avant. Les mots coulent avec fluidité, l’histoire est simple, tragique, tragiquement simple. Elle se lit comme le bilan d’une relation fusionnelle brutalement interrompue, une mise au clair limpide. Le retour sur les faits offre au lecteur un soupçon de suspens qui pousse à en savoir plus. D’emblée on comprend que cette lettre est une lettre à l’absent mais on voudrait comprendre le pourquoi de cette absence.

Pour la narratrice la lettre se veut cathartique, elle n’effacera jamais les souvenirs, bons ou mauvais, mais elle offre une libération intérieure, elle permet de repartir sur de nouvelles bases « pour commencer à vivre ». Une confession intime sans faux semblant, touchante et pudique.

Esperluette d’Anne Vantal. Actes sud junior, 2020. 90 pages. 9,80 euros. A partir de 15 ans.



Une pépite jeunesse évidemment partagée avec Noukette








mardi 19 mai 2020

Ailleurs meilleur - Sophie Adriansen

Alassane, 15 ans, décide de quitter la Côte d’Ivoire pour rejoindre l’Europe. Son rêve ultime est de venir en France, « pays des droits de l’homme, de Jacques Chirac et de la tour Eiffel ». Le périple qui l’attend va durer des mois, du Burkina Faso à Lorient en passant par le Niger, l’Algérie, le Maroc et l’Espagne. Après de nombreuses péripéties, son arrivée en Bretagne signe pour lui un nouveau départ et une nouvelle vie.

Sophie Adriansen dresse le portrait d’un ado en quête d’un monde meilleur. Un cas individuel évidemment inséré dans le mouvement général des migrants. Car même si Alassane ne les subit pas toujours directement, il découvre à travers le parcours de ses compagnons d’infortune les conditions de voyage exécrables, l’inhumanité des passeurs, la violence des forces de l’ordre, le racisme des pays d’accueil et les lourdeurs de l’administration.

La trajectoire du jeune garçon n’a rien d’un long fleuve tranquille mais elle se veut positive. Le récit s’attarde davantage sur son installation en France que sur le voyage qui l’a mené en Bretagne. Difficultés scolaires, volonté d’insertion grâce à une formation professionnelle, rencontres d’éducateurs et d’association apportant un soutien indispensable à ses démarches, tous les événements balisant son intégration s’enchaînent sans temps morts. Alassane avance en gardant à l’esprit l’extrême fragilité de sa situation, en ne perdant jamais de vue qu’il n’est pas toujours considéré comme le bienvenu et que pour l’administration il est un boulet dont certains aimeraient se débarrasser. Lucide mais optimiste, le jeune homme compte saisir chaque opportunité de se construire une nouvelle vie avec détermination et envie.

Un roman parfait pour aborder avec de jeunes lecteurs la question des migrants et surtout le sort des mineurs étrangers isolés. Un petit dossier en fin d’ouvrage vient d’ailleurs compléter les informations sur le sujet. Comme toujours dans les romans de Sophie Adriansen la prise de position assumée va de pair avec une grande dose d’humanité et de tendresse.  Une belle réussite !

Ailleurs meilleur de Sophie Adriansen. Nathan, 2019. 175 pages. 5,95 euros. A partir de 12-13 ans.




Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette





mardi 12 mai 2020

Un peu plus près des étoiles - Rachel Corenblit

Rémi n’en peut plus de suivre son père médecin à travers la France. Adepte des remplacements plus ou moins longs en milieu hospitalier, ce dernier impose à son fils des changements constants de collège que le garçon supporte de plus en plus mal. Leur nouveau point de chute est un centre de repos pour grands brûlés, accidentés et amputés venant de subir une chirurgie réparatrice. Rémi y découvre une galerie de monstres qu’il s’efforce d’éviter le plus possible, jusqu’au jour où ses pas l’amènent près d’une cabane au cœur du parc de la clinique. A l’intérieur il découvre sept jeunes patients, sept affreuses gueules cassées dont il ne se doute pas qu’ils vont devenir « les plus belles personnes du monde, du siècle, de [sa] vie ».

Rachel Corenblit ne prend pas de gant pour évoquer les dégâts subis par la troupe d’enfants qu’elle met en scène. Pour autant ses descriptions ultra-précises ne donnent pas dans l’étalage gratuit de monstruosités. Derrière le portrait physique difficilement soutenable, elle insiste sur l’importance de ne pas se contenter des apparences. Rien n’est simple pour autant. Rémi va avoir du mal à intégrer le groupe, du mal à aller au-delà de sa répulsion pour mieux apprendre à les connaître mais aussi du mal à se faire accepter par des camarades ne supportant pas le regard d’autrui et préférant rester entre eux, en vase clos. 

Ça se veut positif mais ça reste réaliste. Les traumatismes ne vont pas disparaître d’un coup de bistouri magique, chacun (Rémi compris) porte de biens trop lourds bagages pour son âge. Les barques sont donc sacrément chargées mais la vie continue avec ses coups durs, ses coups de blues et ses rayons de soleil venant réchauffer les âmes meurtries. Les amitiés sont belles, l’altruisme devient une règle d’or et les liens ne cessent de se renforcer, sans faux-semblant.

Un roman au sujet difficile mais terriblement bien mené. Mon seul bémol : la fin est un peu trop vite expédiée à mon goût.

Un peu plus près des étoiles de Rachel Corenblit. Bayard, 2019. 250 pages. 14,90 euros. A partir de 13 ans.



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mardi 28 avril 2020

Filles de la Walïlü - Cécile Roumiguière

Entre l’océan glacé et la forêt profonde, Iurföll est une presqu’île gouvernée par les femmes. Les hommes sont toute l’année en mer pour pêcher pendant qu’à terre la communauté féminine gère la vie courante, prend toutes les décisions importantes de manière collégiale et jouit d’une totale liberté.

Albaan y grandit dans la sérénité, près de sa mère, de son petit frère et de sa meilleure amie Lilijann. Pourtant, le jour où ses rêves sont troublés par d’horribles cauchemars, la jeune fille se demande si l’avenir ne réserve pas de sombres menaces. Une intuition confirmée par l’arrivée d’une étrange femme au visage brûlé qui semble la tenir responsable des tragédies à venir.

Cécile Roumiguière met en scène une « terre où les hommes ne sont là qu’en pointillé ». Elle décrit une société matriarcale émancipée, sexuellement libérée et politiquement affranchie d’une quelconque influence masculine. Libres de choisir leurs amours et leurs métiers, les femmes de Iurföll veulent à tout prix préserver leur mode de vie. Mais les temps changent, de lourds nuages s’amoncellent au-dessus de la presqu’île et l’équilibre de la communauté pourrait voler en éclat de manière définitive si celle que l’on surnomme « la femme aux chiens » parvenait à ses fins.

Un roman d’initiation porté par l'omniprésence d’un environnement sauvage et par une langue alliant réalisme et poésie. J’ai aimé cette ode à la nature et à la féminité ainsi que les références d'inspiration nordique traversées d'accents païens. Au final la société matriarcale, le secret de famille, la vengeance et les traditions séculaires confrontées à la modernité forment un ensemble de thématiques aussi variées que passionnantes. Dépaysement et envoutement garantis !

Filles de la Walïlü de Cécile Roumiguière. L’école des loisirs 2020. 268 pages. 15,50 euros. A partir de 14 ans.




Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette







mardi 21 avril 2020

Une photo de vacances - Jo Witek

Pas facile d’être celle du milieu. Pas facile d’avoir une grande sœur qui vous ignore et une petite sœur tout juste bonne à gazouiller et à salir ses couches. Pas facile d’avoir 10 ans, de se dire que la sixième arrive à grands pas et de ne pas se sentir prête à y faire face. Heureusement les grandes vacances sont là et les 15 jours dans le sud qui s’annoncent devraient être pour Eugénie l’occasion de passer de bons moments en famille loin du quartier et de la routine. Et tant pis si dans sa tête en ce moment c’est un peu le bazar et qu’elle se sent toute chamboulée par les émotions nouvelles qui la submergent.

On pourrait penser à première vue avoir affaire à un récit de vacances léger et sans grands enjeux mais ce serait oublier bien vite que Jo Witek est aux commandes. N’ayant pas l’habitude d’enfiler les banalités comme des perles, l’auteure de Trop tôt dresse à travers Eugénie le portrait d’une fillette inquiète de sa future entrée au collège, triste de voir sa grande sœur s’éloigner d’elle et terrorisée à l’idée de basculer dans l’adolescence parce que « c’est moche l’adolescence » : « Je ne veux pas puer, je ne veux pas avoir de poils, ni parler d’amour, de langue entortillée et encore moins saigner tous les mois ».

Eugénie est à fleur de peau. Son corps change, l’hyperémotivité la gagne et trop de questions se posent dont elle ne connaît pas les réponses. Elle voudrait rester une petite fille et en même temps elle constate que « parfois, c’est long l’enfance. A la fin, on finit par s’ennuyer ». Au seuil d’un grand bouleversement, Eugénie se sent un peu perdue.

C’est frais, plein de tendresse et d’ondes positives. Une préado attachante, une famille modeste et unie, où les parents ne sont pas divorcés, où les enfants se chamaillent et où les vacances se déroulent dans la bonne humeur, sans drames ni situations anxiogènes, ça donne le sourire et ça fait du bien. Exactement ce dont j’avais besoin en ce moment.

Une photo de vacances de Jo Witek. Actes sud junior, 2020. 170 pages. 14,00 euros. A partir de 10 ans.



Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette








mardi 14 avril 2020

Bamba - Anne Loyer

Bamba a dix-sept ans, un meilleur ami surnommé Mozart, une passion pour la danse et, depuis bientôt quelques mois, un bébé sur les bras. Kylian et ses 3 kilos à la naissance sont un souvenir du beau Noah, auquel elle n’aura succombé qu’une fois et qui jamais ne saura qu’il est devenu papa. Rejeté par les siens, Bamba fuit son foyer et trouve refuge à la campagne chez un vieil instituteur taiseux qui l’accueille sans la juger. Commence alors pour elle une difficile existence de mère-célibataire pas encore sortie de l’adolescence.

Après La fille sur le toit et Celle que je suis, Anne Loyer dresse une nouvelle fois le portrait d’une jeune fille bousculée par la vie, en rupture avec sa famille, en proie au doute, ne sachant pas vraiment quelle direction prendre. Et une fois encore il y a dans ce portrait de la colère mêlée à une recherche d’indépendance, une volonté de se prendre en main, de s’émanciper, de s’assumer pour faire en sorte que le futur ne dépende que de soi-même.

Ça fait du bien parce que ça positive sans idéaliser à outrance, c’est optimiste mais ça reste fragile. Ça fait du bien parce que c’est plein d’altruisme mais ça ne tombe pas dans un angélisme naïf. Bamba la forte tête est du genre à mordre la main qui lui est tendue. Maladroite dans ses rapports aux autres, parfois immature, toujours portée par une farouche volonté de se débrouiller sans l’aide de personne, elle finit par se laisser amadouer et se rendre à l’évidence : les gens qui lui veulent du bien n’attendent rien en retour.

Au final point de solution trouvée d’un coup de baguette magique, tout reste en suspens. Il y a juste une porte qui s’entrouvre, laissant passer un rai de lumière. On se doute que Bamba va s’y engouffrer mais on la laisse sur le seuil avec l’envie de lui souhaiter bonne chance pour la suite. Et on la quitte à regret, triste de s’éloigner d’une jeune fille si attachante dont on voudrait pour toujours rester proche.

Bamba d’Anne Loyer. Editions du Rocher, 2020. 210 pages. 12,90 euros. A partir de 13 ans.




Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette




mardi 31 mars 2020

Ma story - Julien Dufresne-Lamy

« Dans mon canapé, je prends déjà conscience que l’émission n’est qu’une version déguisée de mon aventure. Je suis double, dénaturée, presque schizophrénique. Et parfois devant les images à la télé, je ne sais plus vraiment qui je suis. Je me sens aliénée. »

Batool, 15 ans, lyonnaise d’origine turque, a été choisie pour participer à la célèbre émission « Le dernier survivant ». Une expérience hors norme, sur les îles Fidji, où esprit de compétition, alliances fragiles, amitiés fluctuantes et trahisons en tout genre ont rythmé son quotidien. De retour en France, elle constate au moment de la diffusion de l’émission que la production a choisi de lui faire endosser le rôle de la guerrière sans scrupule. Le montage travestit complètement la façon dont les choses se sont passées et elle ne se reconnaît pas dans le portrait qui est fait d’elle au fil des épisodes. Pire encore, une phrase prononcée par la jeune fille sortie de son contexte va la rendre odieuse aux yeux du public. Insultée et menacée sur les réseaux sociaux, rejetée par une partie de sa famille et ses camarades de classe, dépassée par les événements, Batool va peu à peu perdre pied.

Un petit roman qui décrit avec justesse le mécanisme de la manipulation médiatique, des rumeurs, fake news et autres dérives propres aux réseaux sociaux. Prise dans la tourmente, Batool ne peut rien faire pour arrêter le tourbillon de haine qui l’emporte. Le temps sera certes son meilleur allié car une polémique en chasse une autre et l’actualité brûlante d’un jour peut vite tomber aux oubliettes le lendemain. Mais les traces de la haine restent bien présentes et la reconstruction n’a rien d’un long fleuve tranquille après un tel traumatisme.

Julien Dufresne-Lamy n’en rajoute pas, il décrit les choses avec réalisme mais sans sombrer dans une dramatisation qui mènerait à un point de non-retour. Batool est forte, elle encaisse, elle prend sur elle, elle vacille mais ne s’écroule pas et au final elle saura passer outre pour avancer en laissant derrière elle cette douloureuse expérience. Une jolie façon de montrer que malgré les dégâts engendrés la résilience est toujours possible.

Ma story de Julien Dufresne-Lamy. Magnard jeunesse, 2020. 96 pages. 5,90 euros. A partir de 13 ans.



Une pépite jeunesse comme d'habitude partagée
avec Noukette






mardi 24 mars 2020

La Divine - Gwladys Constant

Quand sa tante Véra lui a fait découvrir Elie Emerson, un chanteur inconnu, Ludivine ne pouvait pas se douter qu’il allait par la suite occuper une place centrale dans sa vie. D’emblée les textes, la voix et l’univers du jeune homme avaient ensorcelé la collégienne. Avec lui elle avait découvert la force de l’écriture et de la poésie. Du premier concert plutôt confidentiel aux Zéniths, du passage de son statut d’espoir de la chanson à celui de star en puissance, elle n’avait cessé de suivre sa progression. Jusqu’au jour où ils se rencontrèrent pour la première fois…

Le résumé ci-dessus pourrait clairement laisser penser à une bluette de groupie gnangnan aveuglée par sa passion pour un artiste qui l’ignore superbement, mais les choses sont loin d’être aussi convenues. Certes, Elie Emerson en chanteur écorché vif à la Damien Saez a des aspects assez caricaturaux. Mais c’est à travers l’évolution du personnage de Ludivinie que le texte prend toute sa dimension. Au fil des années sa passion pour Elie ne faiblit pas mais entre la collégienne aux yeux plein d’étoiles devant son idole et l’étudiante en littérature à la Sorbonne suivant toujours de très près la carrière du chanteur, sa personnalité n’aura de cesse de s’affirmer et de se complexifier.

La Divine est bien plus un portrait de femme qu’un portrait de fan. Une femme au tempérament clame et doux, indépendante et cultivée, difficilement influençable et d’une grande maturité. Une femme moderne que j’ai admirée avec beaucoup de respect au fil des pages de cet excellent roman jeunesse.

La Divine de Gwladys Constant. Alice éditions, 2020. 140 pages. 12,00 euros. A partir de 13-14 ans.




Une pépite jeunesse évidemment partagée avec Noukette









mardi 10 mars 2020

Soleil glacé - Séverine Vidal

En plein chagrin d’amour, Luce apprend le décès de son père. Un père qu’elle n’a pour ainsi dire pas connu et dont elle découvre la deuxième vie le jour de l’enterrement en voyant au cimetière sa maîtresse et ses deux enfants. Parmi eux il y a Pierrot, un demi-frère né à peine sept mois après elle. Pour l’étudiante le choc est rude, d’autant plus que Pierrot n’est pas tout à fait un garçon comme les autres. Souffrant du « X fragile », un syndrome génétique causant un retard cognitif, des difficultés de langage et des troubles du comportement, Pierrot passe ses semaines dans un foyer pour adultes handicapés. C’est là-bas que Luce va peu à peu apprendre à connaître ce frère tombé du ciel avec lequel elle va développer des affinités loin d’être évidentes à la base.

Je ne l’ai pas vu venir ce roman bouleversant qui a fait fondre mon cœur de glace en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Je lis Séverine Vidal depuis des années et je suis scotché de constater à quel point son sens du récit ne cesse de progresser de livre en livre. Ici, elle a pris d’énormes risques. Risque de passer à côté du personnage de Pierrot, tellement difficile à mettre en scène avec crédibilité. Risque de laisser le lecteur regarder de loin son histoire en spectateur pas franchement concerné. Risque de sombrer dans le miel et la guimauve en donnant dans le sirupeux tire-larmes cucul la praline (rayez la mention inutile).

Il y a bien sûr Pierrot dans cette histoire mais il y a surtout Luce. Luce et sa colère, Luce et sa rage au ventre, Luce en guerre contre le monde entier qui va peu à peu sortir de l’ombre pour gagner la lumière. Une fille forte et fragile, à l’humour ravageur, débrouillarde, fonceuse, protectrice, à la fois pleine de doutes et de certitudes. Le duo qu'elle forme avec son frère fonctionne dans la mesure où il n’a rien d’un long fleuve tranquille, où sur leur chemin vont se mêler petites victoires et situations de crise, complicité naissante et besoin d’apprendre à se connaître. Ces deux-là ont vécu leur enfance en parallèle et doivent maintenant rattraper le temps perdu. Avec tout ce que cela implique d’aspérités, de moments d’incompréhension, de partage et de grâce.

Une pépite jeunesse indispensable, à lire d’urgence.

Soleil glacé de Séverine Vidal. Éditions Robert Laffont, 2020. 245 pages. 16,50 euros. A partir de 15 ans.




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mardi 25 février 2020

Dans un brouillard de poche : Portraits au filtre des écrans - Thomas Scotto et Madeleine Pereira

Le sous-titre est bien  plus parlant que le titre je trouve. Ces « portraits au filtre des écrans » sont autant d’instantanés abordant la question de l’image, des écrans, de ces technologies qui envahissent nos vies. Il y a les images du journal télé qui font vivre les drames à distance et avec distance. Les selfies, les concerts passés le téléphone à la main et le bras levé pour capturer l’instant plutôt que le vivre intensément. Les sites de rencontre, les réseaux sociaux, les accros aux jeux en ligne. Les fake news, les tablettes et les consoles qui remplacent la nounou, les tweets du crétin américain ou le harcèlement virtuel, qui est bien réel. Autant de micro-nouvelles pour dire les ravages de cette société 2.0, des ravages bien moins dus aux outils technologiques eux-mêmes qu’aux usages que l’on en fait.

Les textes ne donnent pas dans l’argumentation véhémente, Thomas Scotto ne fonce pas tête baissée, il avance en finesse, croque des instants, des réflexions, des attitudes. Il varie les thèmes, les âges, les sexes et les discours. Chaque situation invite à la réflexion sans donner de leçon, expose un point de vue sans émettre de jugement.

Au final, les faits se suffisent à eux-mêmes, pas besoin d’enfiler de gros sabots pour faire passer le message. D’ailleurs le procès n’est pas uniquement à charge, la technologie a aussi ses atouts, ses avantages, ses bons côtés. Et « on ne doit pas refuser ce qui fera un plus grand futur commun. » Une pépite jeunesse aussi pertinente qu'intelligente. 

Dans un brouillard de poche : Portraits au filtre des écrans de Thomas Scotto (ill. Madeleine Pereira). Editions du Pourquoi pas ?, 2020. 80 pages. 9,50 euros. A partir de 14 ans.



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mardi 18 février 2020

PLS - Joanne Richoux

« Il se passe un truc sale quand on grandit. Un voile de poussière qui ternit et complique les choses. »

Ce roman, il faut y aller d’une traite. Le lire comme on enlève un pansement depuis trop longtemps collé à la peau, en tirant d’un coup sec pour mettre la blessure à vif et lui permettre de cicatriser. Ce roman, il vaut mieux prendre une grande inspiration, un bon bol d’air avant de plonger dans son atmosphère étouffante. On y passe une soirée d’Halloween avec Sacha et sa sœur jumelle Angie. Ils sont chez eux, sans leurs parents, et la fête bat son plein. Une fête pleine d’excès pendant laquelle Sacha va traîner son spleen de pièce en pièce, s’enfonçant un peu plus dans ses ténèbres intérieures à chaque heure passée. Sa dérive l’amènera au bord du naufrage, jusqu’à l’annonce de l’aube et la venue d’une lumière porteuse d’espoir.

Un voyage au bout de la nuit dans l’esprit embrumé de Sacha. Un voyage au cœur de ses angoisses, de son mal-être. Le texte à la première personne sonne incroyablement juste. Sacha et son huis clos intime, son regard sur les autres, ses interrogations, ses rapprochements, ses envies, son désir, ses fêlures. Les corps se frôlent, les pulsions peinent à être contenues. Tout y passe, la haine, l’attirance, la répulsion, la quête de sens. C’est beau et triste comme une chanson d’Elliott Smith, ça dit avec des mots crus et sans retenue la solitude, la douleur de l’absence, la nécessité de s’abîmer pour oublier.

Sans en faire des tonnes, sans un mot de trop, Joanne Richoux signe un texte où se mêlent l’urgence, le désespoir, la culpabilité et l’indispensable besoin d’amour. Absolument bouleversant.

PLS de Joanne Richoux. Actes sud junior, 2020. 96 pages. 13,00 euros. A partir de 15 ans.




Pour la peine, je vous laisse avec Elliott Smith






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mardi 11 février 2020

Sam de Bergerac - Sarah Turoche-Dromery

Etre le seul bon élève de la classe en français n’a pas que des avantages. Certes, ça évite à Sam les moqueries d’un prof impitoyable mais ça attire aussi l’attention de copains qui voudraient conquérir le cœur de leurs dulcinées avec des mots doux. Victor, son meilleur ami, est le premier à lui demander d’écrire une lettre d’amour pour la belle Julia. Le résultat est si convaincant que le secret ne tarde pas à s’ébruiter auprès des autres garçons de la classe. Contraint de gérer une correspondance amoureuse de plus en plus importante, Sam a du mal à faire face. Et jouer les cupidons pour d’autres que lui va peu à peu devenir une charge bien lourde à porter.

Un petit roman jeunesse plein de fraîcheur, drôle et aussi joliment troussé que les lettres de Sam. Notre pauvre écrivain public est trop gentil pour refuser, ce qui le met forcément dans l’embarras. Heureusement sa grande sœur veille et remet à leur place les « clients » devenant de plus en plus exigeants. Et puis, même s’il n’ose l’avouer que du bout des lèvres, ce cher Sam prend beaucoup de plaisir à les écrire, ces lettres.

La référence à Cyrano n’est abordée qu’en surface, ce qui évite de perdre en route des lecteurs ne connaissant pas la pièce d’Edmond Rostand. Dans un bel hommage à la langue française, Sarah Turoche-Dromery met en exergue,  sans lourdeur et avec une infinie délicatesse, à la fois le pouvoir des mots, la force de l’écriture et le charme de la correspondance « à l’ancienne ».  Cerise sur le gâteau, la fin, délicieusement inattendue, vient conclure les choses en beauté. Une pépite sans fausse note !

Sam de Bergerac de Sarah Turoche-Dromery. Editions Thierry Magnier, 2019. 135 pages. 7,40 euros. A partir de 9-10 ans.