Il faut dire que la micro-ficiton est un exercice de style à part entière.
Certains comme Régis Jauffret donnent dans le sarcastique ravageur alors que d’autres comme David Thomas préfèrent l’humour teinté d’une grosse dose d’autodérision. Chez Delerm, on est dans le cucul la praline, dans l’observation minutieuse et la description encore plus minutieuse. De l’épluchage d’une clémentine par exemple. Ou de la conduite d’un caddie dans un supermarché. Des exemples de cucul la praline, il y en a des tas d’autres dans ce recueil, de l’enfilage d’un duffle-coat à l’art de remonter ses manches de chemise en passant par l’infinie satisfaction de laver les carreaux un jour de beau temps. Sérieusement ????
Après, c’est bien écrit, très littéraire, un poil verbeux, toujours suranné, ce qui peut avoir un certain charme. Mais ça manque d’aspérité, c’est d’une platitude affligeante et parfois bien trop surjoué. Comme le premier paragraphe de ce texte intitulé « Orgasme en public » : « C’est souvent à l’évocation d’une douceur simple, très pure, biologique, et plutôt à l’ancienne : du vrai pain perdu, une mousse au chocolat, mais une vraie de vraie, des framboises trempées dans de la vraie crème fermière. Alors, c’est plus fort qu’elles. Rien qu’à l’idée, elles ferment les yeux, renversent la tête en arrière, se cambrent délicieusement, et poussent un mmh presque guttural, venu du plus profond de la plus irrépressible volupté. »
Bon Philippe, je sais pas avec qui tu traînes mais perso j’ai jamais vu une femme jouir devant moi au resto en se tapant une mousse au chocolat, même une vraie de vraie. Non vraiment, je suis désolé mais je n’ai rien trouvé à sauver de ce recueil bourré de clichés, totalement anecdotique et frôlant parfois le ridicule.
L’extase du selfie : et autres gestes qui nous disent de Philippe Delerm. Seuil, 2019. 110 pages. 14,50 euros.