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lundi 5 août 2024

Mission in the apocalypse T1 - Haruo Iwamune

Elle est en mission, Saya. Dans un monde ravagé où aucun humain ne semble avoir survécu, elle évolue seule au milieu des décombres. Son but ? Récupérer les cadavres des « condamnés », ceux qui ont été fauchés par « le mal cristallin », afin de les incinérer. C’est l’unique moyen de décontaminer les lieux où stagnent les miasmes qui ont été propagés par des formes de vies apparues soudainement sur terre. Rendre les territoires à nouveau habitables et mettre à l’abri d’éventuels survivants, c’est le quotidien de Saya.

On la voit donc au fil des chapitres inspecter un cinéma, un musée, un manoir, un bunker ou des immeubles à l’abandon. Elles ne croisent que des robots ou des intelligences artificielles, plus aucune autre forme de vie ne semble exister. Elle continue malgré tout ses recherches, avec une sorte de détachement qui interpelle. Et puis son statut interroge. Qui est-elle ? Pourquoi échappe-t-elle à la contamination ? Qui l’a missionnée ? Autant de questions auxquelles les dernières pages apportent un début de réponse, sans pour autant révéler tous les secrets de la jeune fille.

Un manga forcément étrange, où le contraste est permanent entre le détachement de Saya et la réalité dramatique de la situation. Son voyage à travers les ruines devient presque contemplatif, forcément très silencieux et, au final, sans véritable sentiment d’urgence. Les dessins sont splendides, les décors post apocalyptiques hyper-travaillés et l’ambiance irréelle d’un monde sans vie parfaitement rendue.

Après, la thématique n’a rien d’original, les mangas présentant des figures féminines évoluant dans un tel environnement sont légion (on peut par exemple citer le très paisible Escale à Yokohama, le poétique Girl’s last tour ou encore l’écologique Terrarium) mais Haruo Iwamune a su créer son propre univers post apocalyptique. Il séduit en imposant un rythme tranquille et en distillant avec parcimonie des informations capitales qui permettent au lecteur de renouveler en permanence son intérêt pour une intrigue tout sauf répétitive. La série ne compte pour l’instant que trois tomes au Japon, le deuxième est prévu chez nous en novembre. Vivement l’automne !

Mission in the apocalypse T1 d'Haruo Iwamune. Delcourt/Tonkam, 2024. 224 pages. 8,50 euros.






lundi 22 juillet 2024

Le Paris des mangakas (1ère partie)

Petit billet un peu à part à l’occasion des jeux olympiques (ben oui, faut marquer le coup^^) avec une présentation de mangas se déroulant à Paris.  

Comment les mangakas se représentent Paris ? Voyons ça de plus près !

L’autrice veut quitter le Japon pour voir le monde et décide de s’installer quelques temps en France. Problème, juste avant de partir, un éditeur lui propose un contrat. Elle décide quand même de s’envoler pour Paris, se disant qu’elle enverra son travail depuis la capitale française… qui deviendra d’ailleurs le sujet de sa future publication.
Le regard porté sur Paris est en grande partie lié à ses difficultés d’adaptation et au fait de ne pas parler français. Pour autant le ton n’est pas à la plainte permanente devant le comportement de ces maudits parisiens. Loin des clichés, c’est avec sincérité et humour qu’elle raconte ses déboires, ses bonnes et mauvaises surprises et le décalage culturel pas toujours simple à appréhender.
Le dessin est minimaliste, la couleur n’apporte pas grand-chose mais les scénettes qui composent l’ouvrage ont d’abord été publiées en ligne et il est clair que le format web est bien plus adapté à ce genre de projet. Un manga conclu en 3 tomes qui n’est aujourd’hui plus commercialisé (mais qui doit se trouver facilement d’occasion).

Un pigeon à Paris de Rina Fujita. Glénat, 2017. 144 pages. 10,75 euros.


Exactement le même point de départ que le titre précédent, à savoir l’arrivée à Paris d’un jeune dessinateur japonais qui nous raconte son quotidien. Les chapitres sont hyper-courts, certains tiennent d’ailleurs en une page. C’est drôle, décalé comme le regard que porte l’auteur sur la France en général et Paris en particulier. Beaucoup d’autodérision avec une fois encore le fait de ne pas parler la langue comme obstacle majeur à l’intégration.
Niveau dessin c’est aussi minimaliste que le « Pigeon » et heureusement que Paris est dans le titre de l’ouvrage parce que l’absence quasi-totale de décors en arrière-plan de la plupart des cases ne permet pas d’identifier la capitale au premier coup d’œil.
J.P. Nishi a consacré deux autres titres à  sa vie parisienne (« Paris, le retour » et « Paris toujours »), il s’est marié à une française, avec laquelle il a eu deux enfants. Un vrai francophile en somme !

Á nous deux Paris de J.P. Nishi. Éditions Philippe Picquier, 2012. 190 pages. 14,90 euros.


It’s your world raconte l’histoire d’une famille japonaise s’installant à Paris suite à une mutation professionnelle. La ville est essentiellement vue à travers les yeux d’Hiroya, le fiston ado. Ses parents et sa grande sœur sont également présents dans l’histoire mais c’est clairement lui qui tient le premier rôle. Et le moins que l’on puisse dire c’est que Paris ne lui plaît pas du tout. Impossible de s’intégrer dans son école française, difficile de supporter la saleté dans les rues, les comportements « typiquement » parisiens et une sœur qui idéalise bêtement (selon lui) l’art de vivre à la française. En fait, c’est surtout le mal du pays qui le ronge et il faudra un rapprochement avec une camarade de classe pour que le jeune garçon commence à apprécier sa nouvelle vie.
Le trait est typique du shojo alors que sur le fond on est plus proche de la chronique familiale que de la romance mais peu importe, l’histoire, bouclée en deux tomes, se lit très facilement et avec plaisir. Et au moins le dessinateur s’emploie à représenter la diversité de Paris à travers des décors bien plus travaillés que dans les deux titres ci-dessus. 

It’s your world de Junko Kawakami. Kana, 2008. 160 pages. 10,50 euros. 




 

mercredi 10 avril 2024

Contes du caniveau - Tadao Tsuge

La cour des miracles, Vagabonds, Voyous, les titres des nouvelles de ce recueil reflètent à merveille son contenu. Écrites entre la fin des années 60 et le début des années 70, elles mettent en scène le Tokyo de l’après-guerre et ses quartiers les plus pauvres, dans une ville encore loin de la reconstruction. On y croise des familles dysfonctionnelles, des arnaqueurs, des petites frappes, des filles de joie, autant d’hommes et de femmes qui ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Un bal des désenchantés, dans un décor où les sans-grades, les oubliés et les indésirables de la société s’attablent au banquet des déchets de l’humanité. 

Tadao Tsuge est un auteur confidentiel, loin de l’aura et de la reconnaissance qu’a pu connaître son frère Yoshiaru. Le genre d’auteur auquel on fait appel pour remplacer au dernier moment un dessinateur n’ayant pu livrer ses planches à temps dans un magazine, un bouche-trou occasionnel en somme, qui n’a malheureusement pas pu vivre de son art et a dû continuer à enchaîner les boulots « alimentaires » pour subvenir à ses besoins. Sans doute n’a-t-il pas connu la gloire à cause de la noirceur de ses histoires au pessimisme exacerbé. Pourtant son trait limpide, son style épuré et son découpage sans chichi offrent une lecture d’une rare fluidité, surtout dans une période de l’histoire du manga où l’expérimentation graphique et narrative était de mise.

Ces Contes du caniveau dressent un tableau sordide et sans complaisance d’une communauté d’exclus, tour à tour résignés ou enragés. Le réalisme cru de ces tranches de vie a quelque chose de dérangeant mais il doit surtout être appréhendé comme un témoignage quasi documentaire d’une époque ou violence et misère allaient de pair pour toute une frange de la population japonaise.  

Contes du caniveau de Tadao Tsuge (traduit du japonais par Fusako Halle-Saito et Lorane Marois). Cornélius, 2024. 250 pages. 26,50 euros.




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mercredi 20 mars 2024

Almark T1 - Hiyoto Yunoki et Noboru Yamada

L’histoire s’ouvre sur l’arrivée du jeune Almark, 11 ans, à l’académie de magie de Nork. Une page plus tard, flashback pour retrouver le jeune garçon, âgé de 5 ans, accompagnant son père mercenaire sur les champs de bataille des terres du Nord, au moment où il rencontre pour la première fois le directeur de l’école de magie. Celui-ci, découvrant chez Almark un immense potentiel, l’invite à suivre le cursus des jeunes apprentis magiciens qui débute à 9 ans et s’étale sur six années. Pourquoi Almark arrivera deux ans plus tard que prévu ? C’est tout l’enjeu de ce premier tome.

Une entrée en matière qui prend son temps. Le contexte est posé avec minutie, on suit le cheminement du garçon, d’abord avec son père, puis en solitaire pendant de longs mois pour quitter le nord et rejoindre l’île du sud où va commencer sa scolarité à l’école de magie. Une magie pour l’instant quasi absente du récit, ce dernier se concentrant davantage sur la relation père-fils et les conditions difficiles du voyage d’Almark.

Le dessin est nerveux, parfois presque charbonneux, et la narration reste fluide de bout en bout malgré les nombreux changements de lieux et d’époques. Pour son premier manga, Hiyoto Yunoki joue la carte de la lisibilité et le challenge est relevé haut la main !

Adapté d’un roman à succès, cette série de Dark Fantasy se lance sous les meilleurs auspices. Sans précipitation, avec une vraie volonté d’installer les personnages et l’ambiance avant d’avancer dans ce qui sera le cœur l’histoire. Un pari qui peut sembler risqué en ces temps où tout doit toujours aller plus vite vers l’essentiel mais personnellement j’ai trouvé ce rythme parfait et la promesse d’une intrigue complexe liée aux premiers pas d’Almark au sein de l’école de magie me met l’eau à la bouche. Je serai évidement au rendez-vous du deuxième tome (sachant qu’il n’y en a eu que trois de publiés pour l’instant au Japon).

Almark T1 de Hiyoto Yunoki et Noboru Yamada. Komikku éditions, 2024. 165 pages. 8,00 euros.


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mercredi 21 février 2024

Le chien gardien d’étoiles : intégrale - Takashi Murakami

Voilà une intégrale franchement bienvenue tant ce diptyque, publié il y a une douzaine d’années par les éditions Sarbacane, était devenu difficile à trouver, même sur les sites d’occasion.

Dans le premier tome, un homme perd son emploi. Quand sa femme demande le divorce, il se retrouve à la rue avec pour seuls biens sa voiture et Happy, le chien de la famille. Gravement malade, se sachant condamné, il décide de partir pour le sud, dans un dernier voyage avec ce compagnon à quatre pattes qu’il chérit plus que tout. Dans le second tome, on découvre le destin de la sœur d’Happy, récupérée par une vieille dame dans un carton laissé sur le trottoir.

Si la première histoire est d’une infinie tristesse, la seconde se veut davantage positive et lumineuse. Le « papa» d’Happy n’est pas un battant. Il subit les événements mais n’en veut pas particulièrement à la société. Le bouleversement de sa vie sans histoire et de ses habitudes est un élément déclencheur qui le pousse à tout quitter pour partir sur la route, sachant que seule la mort l’attend au bout du chemin. La mamy qui adopte contre son gré le chiot abandonné suit quant à elle un parcours inverse. Acariâtre, percluse de douleurs, ne supportant plus la solitude, elle retrouve le goût à la vie grâce à l’irruption dans son quotidien d’une boule poils qu’elle finira par trouver attachante.

Tenant davantage du roman graphique que d’un manga classique, ce récit tout en finesse et d’une grande humanité a l’intelligence de ne jamais sombrer dans le pathos le plus dégoulinant. Pour autant, nul doute que les plus sensibles ne pourront s’empêcher de verser une petite larme devant ces destins pas épargnés par le malheur.

Le chien gardien d’étoiles : intégrale de Takashi Murakami, Pika, 2024. 320 pages. 20,00 euros.



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mardi 9 mai 2023

Bride Stories T14 - Kaoru Mori

Un tome un peu à part dans la série, où l’explorateur Smith brille par son  absence et où Karluk et Amir sont très peu présents. L’histoire se focalise sur les pourparlers entre les différents clans pour organiser la résistance face à la future invasion russe. Dans le cadre des alliances à venir, Azher, le frère d’Amir, va devoir prouver sa vaillance en remportant une course de chevaux face à celle qui, en cas de victoire, pourrait devenir sa future épouse.

Résultat, un tome regorgeant d’action où les chevaux occupent une place centrale. Kaoru Mori l’avoue d’ailleurs dans la postface, c’est son envie de dessiner « plein de fiers destriers » qui l’a poussée à développer longuement cet épisode de course équestre dans la steppe. Un événement lui permettant également d’introduire de nouveaux personnages féminins marquants qui devraient occuper une place importante dans les chapitres à venir.

Kaoru Mori © Ki-oon 2023
Ce quatorzième tome se lit à la vitesse d’un cheval au galop, ce qui pourrait être frustrant si on ne prenait pas la peine de s’attarder sur la beauté de chaque case où, comme de coutume, aucun détail n’est laissé au hasard. C’est sans doute en grande partie à cause de cette recherche de perfection graphique que l’attente entre chaque nouveau volume est aussi longue (presque deux ans depuis la publication du précédent !). La patience est une vertu, parait-il. Il va malheureusement falloir en faire preuve pour découvrir la suite de cette épatante série !

Bride Stories T14 de Kaoru Mori. Ki-oon, 2023. 210 pages. 7,95 euros.





mardi 6 avril 2021

Ragnagna et moi - Ken Koyama

On sonne à la porte. C’est le jour, c’est l’heure, Ragnagna débarque. Un mois déjà depuis sa dernière visite. Comme d’habitude, elle cogne dur, souvent sous la ceinture. Pas sa faute, c’est son job. Après avoir maltraité sa cliente du jour, elle sort sa seringue et lui prélève une bonne dose de sang, la laissant sur le flanc. Le mari rentre, salue l’intruse mensuelle et lui propose de rester pour le dîner. Quand il se plaint de voir dans son assiette la même chose que la veille, Ragnagna lui file une torgnole pour bien lui faire comprendre que les règles ça épuise et qu’il ferait bien de laisser madame tranquille s’il veut éviter les ennuis.  

© Ki-oon 2021 Koryama

Elle est comme ça Ragnagna. Pénible, douloureuse, déterminée à mener à bien sa mission malgré les désagréments que cela implique. Appliquée mais compréhensive, prête à soutenir celles qu’elle fait souffrir. A les défendre aussi, contre les hommes et leur saleté de libido qui vient les embêter quand c’est pas le moment. Chaque chapitre est une histoire indépendante. Les premières règles, les dernières règles et l’adieu à Ragnagna après des années passées ensemble, la fatigue, le manque de peps, la baisse de productivité au boulot, les femmes d’autrefois traitées comme des pestiférées chaque mois à la première goutte de sang, l’arrivée des serviettes hygiéniques au Japon, sans oublier Miss SPM (syndromes prémenstruels, la petite sœur de Ragnagna), tout ou presque y passe.

Je vois déjà venir les rageux qui vont reprocher à l’auteur d’être un homme. Les spécialistes de l’indignation surjouée toujours prêt à s’offusquer. De quoi se mêle-t-il ? Quelle est sa légitimité ? Comment peut-il parler d’un sujet qui ne le concerne pas directement ? Un peu comme un auteur jeunesse que l’on clouerait au pilori parce qu’il n’a pas d’enfant. Ou un traducteur blanc à qui on confierait les poèmes d’une autrice noire. Condamner à priori. En jugeant un statut avant des compétences. Bêtement. Bref, je m’égare, les bas du front qui refuseront de découvrir ce manga sur les règles parce que son auteur est un homme, grand bien leur fasse. Pour les esprits un peu plus ouverts (un peu plus éclairés oserais-je dire), l’expérience vaut le détour, promis. 

Je reconnais que graphiquement ça fleure bon l’amateurisme du gars ayant séché l’école des beaux-arts mais ça ne nuit en rien au plaisir de la lecture. Il y a même un petit tuto en fin d’ouvrage pour apprendre à dessiner Ragnagna. Au-delà de l’aspect esthétique, le sujet est traité à la fois avec sérieux et légèreté. Surtout, avec beaucoup de respect et de tendresse pour les femmes qui ont affaire à Ragnagna tous les mois. C’est hyper didactique, parfois très drôle, toujours plein d’empathie. Un petit manga qui ne paie pas de mine mais qui se révèle au aussi instructif que décomplexé. A mettre entre toutes les mains (filles et garçons bien sûr), dès le collège. 

Ragnagna et moi de Ken Koyama. Ki-oon, 2021. 220 pages. 15,00 euros.




Aujourd'hui chez Stephie c'est permis !






vendredi 19 février 2021

De l’autre côté de l’horizon - Hinata Nakamura

Miake ne supporte plus sa vie de salarymen. Épuisé par un travail harassant et vide de sens, conscient qu’il n’a pas une minute à consacrer à autre chose que les dossiers s’entassant sur son bureau, le jeune homme décide de tout plaquer et de quitter Tokyo pour rejoindre l’île de Tokinowa afin de s’occuper d’un petit bureau de poste. Un changement radical auquel il n’est pas certain d’être préparé. Mais une fois sur place, il va rapidement constater qu’il a fait le bon choix… 

Un manga paisible, qui prend son temps, sans grand enjeu, sans action ni sensationnalisme. Trop calme du coup ? (qui a dit chiant ???). Et bien non, pas du tout en fait. Le rythme lent, les silences et l’ambiance contemplative offrent une lecture pleine de sérénité. Après, les thèmes du changement de vie, de la fuite du monde urbain, de la volonté de faire une pose à l’écart de la frénésie du quotidien n’ont rien d’original. Mais peu importe, ce qui compte c’est la façon dont ils sont abordés et ici force est de reconnaître que la réflexion est amenée avec beaucoup de retenue et d’intelligence.


Après mes lectures de Barakamon et du Vieil homme et son chat (sans parler du merveilleux Manabe Chima de Florent Chavouet), je me rends compte que j’apprécie de plus en plus les tranches de vie insulaires à la japonaise. Les personnages simples et tranquilles mis en scène dans ces récits ont quelque chose d’apaisant et les histoires qui reposent sur trois fois rien dégagent une forme de sobriété qui fait du bien. Pour sa toute première publication, Hinata Nakamura propose une jolie maîtrise narrative couplée à une psychologie des personnages d’une grande finesse. La série s'est conclue au Japon en trois tomes, espérons que la suite sera du même tonneau ! 

De l’autre côté de l’horizon T1 d’Hinata Nakamura (traduit du japonais par Josua Lafitte). Delcourt/Tonkam, 2021. 190 pages. 7,99 euros.









mercredi 2 octobre 2019

L’Orme du Caucase - Jirô Taniguchi (d’après l’œuvre de Ryûichirô Utsumi)

Un couple de retraités achète une maison. Dans le jardin, un orme du Caucase majestueux s’élance vers le ciel. Quelques jours après leur emménagement des voisins leur rendent visite pour se plaindre de la présence de l’arbre, de ses feuilles qui tombent et bouchent leurs gouttières. Le couple s’excuse et promet de l’abattre. Mais le jour où le bûcheron arrive pour le couper, le mari ne peut se résoudre à le laisser passer à l’acte. Ainsi s’ouvre ce superbe recueil de nouvelles adaptées par Taniguchi de l’œuvre de Ryûichirô Utsumi.

Dans les autres histoires, une petite fille confiée à ses grands-parents par sa mère semble terrorisée à l’idée de monter sur les manèges d’un parc d’attraction, un père n’ayant pas vu sa fille depuis plus de vingt ans découvre qu’elle est devenue une artiste reconnue et que ses œuvres sont exposées dans la ville où il se trouve pour un rendez-vous professionnel, un frère rend visite à son aîné parce qu’il s’inquiète de le savoir vivre seul dans un hôtel bon marché, une sœur s’apprête à revoir son cadet dont elle a été séparé au moment du divorce de ses parents, une vieille dame fait une jolie rencontre dans un parc et deux frères ayant dû abandonner leur chien suite à un déménagement vont traverser une forêt pour tenter de le retrouver.

Des hommes, des femmes, des enfants à un moment charnière. Ils ont une décision à prendre, une situation difficile à affronter, un passé douloureux à se remémorer. Tout se joue en retenu et en discrétion, dans les regards, les silences, les attitudes. On ne s’épanche pas, on ne se livre pas, on n’étale pas ses sentiments. L’émotion ne peut qu’être contenue et il se dégage de chaque histoire une beauté douce et déchirante qui vous touche en plein cœur avec une simplicité dénuée de tout effet de manche inutile. Taniguchi n’était jamais aussi à l’aise que dans ce genre d’intimité pudique, dans l’expression d’un réalisme du quotidien aussi banal qu’émouvant. Assurément l’un de ses meilleurs recueils.

L’Orme du Caucase de Jirô Taniguchi (d’après l’œuvre de Ryûichirô Utsumi). Traduit du japonais par Marie-Françoise Monthiers et Frédéric Boilet. Casterman, 2019. 220 pages. 18,95 euros. 

Les avis de Moka et Hélène





















vendredi 12 avril 2019

Solanin : intégrale - Inio Asano

Pourquoi Solanin est pour moi un chef d’œuvre du manga ? J’en sais trop rien. C’est une sensation qui m’est restée depuis que j’ai lu ce diptyque il y a plus de dix ans. A l’époque je me suis dit que c’était sans doute l’histoire d’une génération, qu’il faudrait le lire à vingt ans. Pas de bol j’en avais déjà pas loin de trente-cinq quand je l’ai découvert. N’empêche, je me rappelle parfaitement de l’histoire de Meiko et Taneda.

Meiko quitte son job et se retrouve sans rien, Taneda joue de la guitare et chante dans un groupe. Sortis de la fac depuis peu, ils vivent  à Tokyo, dans un petit appart, peinent à boucler les fins de mois et ne sont plus tout à fait sur la même longueur d’onde. Meiko s’interroge beaucoup. Sur leur relation, leur avenir, sur son incapacité à s’engager pleinement dans une entreprise, sur sa situation de jeune chômeuse dans une mégalopole qui ne lui fera pas de cadeau. Et puis d’un seul coup, Taneda disparaît. Il revient mais quelques jours plus tard, c’est l’accident de scooter. Fatal. Meiko n’arrive pas à s’en remettre. C’est l’histoire de son deuil, de sa difficulté à refaire surface. Mais c’est tellement plus que ça.

C’est beau, c’est triste, c’est universel. Ça parle d’amour, d’amitié, de solitude. C’est une quête d’identité et une perte des illusions. On n’ouvre pas les vannes du pathos pour verser des torrents de larmes, c’est tellement plus fin, plus pudique, plus touchant. C’est le portrait sans caricature d’une jeunesse qui ne trouve pas sa place, qui vivote sans penser au lendemain mais qui ne s’apitoie pas sur son sort, qui ne sombre pas dans les excès pour oublier un quotidien dont elle n’espère rien. Il y avait malgré tout beaucoup de résignation à la toute fin. Meiko constate que « c’est comme ça », et puis c’est tout.

Pour une majorité de lecteurs cette conclusion était trop rapide, incomplète, pas à la hauteur. Une vraie frustration. Alors Inio Asano a rajouté un chapitre, publié en 2017. Ce chapitre inédit se trouve à la fin de cette intégrale et il éclaire l’histoire sous un nouveau jour. Meiko a plus de trente ans et elle… Non, je vais rien dire de plus, ce serait gâcher le plaisir de ceux qui vont découvrir la « vraie » fin de Solanin. Exit donc les deux tomes sortis en 2007 et 2008, il faut ABSOLUMENT lire cette intégrale et rien que cette intégrale pour profiter pleinement de ce chef d’œuvre du manga. J’espère que le message est clair !

Solanin : intégrale d’Inio Asano. Kana, 2019. 470 pages. 19,90 euros.










mercredi 6 février 2019

Beastars - Paru Itagaki

LE manga événement de ce début d’année. Le lancement à Angoulême a été une telle réussite que l’éditeur n’avait plus un seul exemplaire sur son stand dès le dimanche matin. La présence de l’auteure en dédicace et les goodies distribués à la pelle ne sont sans doute pas étrangers à un tel succès mais au-delà du buzz et du marketing, force est de constater que la série a plus d’un atout dans sa manche.

L’histoire se déroule à l’institut Cherryton où herbivores et carnivores se côtoient en harmonie dans le respect de règles strictes comme l’interdiction de manger de la viande ou l’obligation de vivre dans des dortoirs séparés en fonction des régimes alimentaires. Les étudiants se mélangent dans les différents clubs de l’école mais malgré la paix apparente entre les races, la tension monte parfois subitement. Elle va même culminer le jour où l’on découvre sur le campus le cadavre déchiqueté de Tem, un alpaga membre du club de théâtre. Le loup Legoshi fait un coupable idéal. Ami de Tem, membre du club de théâtre lui aussi, ce carnivore solitaire intrigue autant qu’il effraie. Et tandis que la tension ne fait que grimper dans les couloirs, l’approche de l’élection du Beastars, le leader de l’école, va révéler des personnalités inquiétantes… 



Le canevas tissé dans ces deux premiers tomes s’avère d’emblée addictif. Relation entre élèves, lutte de pouvoir, jalousie, clans, la vie du campus suffirait à elle seule à rendre le propos passionnant. Mais la dimension anthropomorphique du récit ajoute une réflexion sur le déterminisme social et biologique et interroge sur la difficulté à maîtriser sa véritable nature pour pouvoir vivre en société. C’est tout l’enjeu pour Legoshi, incapable par moment de contrôler ses instincts malgré une gentillesse des plus sincères. Son combat intérieur interpelle et pousse à se demander si c’est bien lui le tueur de l’alpaga.

Chaque personnage exprime une dualité et des sentiments d’une grande complexité. L’ambiguïté est partout présente, tant chez les herbivores que chez les carnivores. Ainsi la douce lapine se révèle une dévoreuse de mâles et le cerf que tout le monde admire cultive une soif de pouvoir et un culte de la personnalité ne ressemblant pas au caractère réservé et craintif propre à son espèce. On sent par ailleurs que le microcosme policé de l’institut repose sur des fondations fragiles et qu’à la moindre étincelle un retour à la sauvagerie primaire n’est pas à exclure.




Premier manga publié par Paru Itakagi, Beastars est une série phénomène. Lancée l’an dernier au Japon elle a déjà remporté plusieurs prix et ne cesse de gagner des lecteurs. Et franchement, vu la qualité des deux premiers volumes, c’est amplement mérité.     

Beastars T1 de Paru Itagaki. Ki-oon, 2019. 200 pages. 6,90 euros.
Beastars T2 de Paru Itagaki. Ki-oon, 2019. 200 pages. 6,90 euros.




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mercredi 26 septembre 2018

Noise T1 - Tetsuya Tsutsui

La campagne japonaise se vide peu à peu. L’exode rural ne laisse que des villages fantômes hantés par des vieillards attendant sagement la grande faucheuse. A Shishikari, l’espoir de renouveau est pourtant palpable depuis l’installation de Keita Izumi. Ce trentenaire a connu un vif succès en relançant la production d’une figue noire au goût délicieux. Le développement de son verger a permis à l’économie locale de repartir sur les chapeaux de roue, à tel point que la recherche de main d’œuvre est permanente. Mais le jour où un inconnu au comportement étrange propose ses services, tout dérape. Apprenant que l’homme est un assassin fraîchement sorti de prison, Keita refuse de l’engager. Lorsqu’il le voit de nouveau rôder près de son exploitation le lendemain et qu’il le surprend en train d’observer son ex-femme et sa fille, la peur et la colère le poussent à réagir de façon inconsidérée…   

Un manga à lire comme le premier épisode d’une série où se posent les bases d’une intrigue addictive. Rien de glauque, de morbide ni de sanguinolent, tout se passe ici dans les têtes (pour l’instant du moins). Je ne suis pas un grand lecteur de thriller (loin s’en faut !) mais il me semble que la trame de celui-ci ne brille pas par son originalité. Pour autant, la qualité est au rendez-vous de ce récit où des hommes sans histoire sont poussés dans leur retranchement par la peur et l’angoisse. Il suffit parfois de l’arrivée d’un élément perturbateur pour faire vaciller la sérénité et l’équilibre d’une paisible communauté.

Au-delà des faits, Tetsuya Tsutsui fouille les recoins les plus sombres de la nature humaine. Il montre que sous des apparences tranquilles personne n’est à l’abri d’un écart de conduite. Dès lors les rôles se confondent ou s’inversent, les victimes ont tôt fait de basculer du côté des coupables. Et derrière les actes, les questions : Jusqu’où peut-on aller pour protéger les siens ? A quel moment s’autorise-t-on le droit de bafouer la loi ? Comment la simple méfiance peut se transformer en légitime défense ?
Aucune réponse dans ce premier tome mais autant d’hameçons lancés avec maestria pour ferrer un lecteur impatient de connaître la suite. Diaboliquement efficace !

Noise T1 de Tetsuya Tsutsui. Ki-oon, 2018. 190 pages. 7,90 euros.










mercredi 9 mai 2018

The Promised Neverland - Kaiu Shirai et Posuka Demizu

Ça commence comme dans un rêve. Un orphelinat où les enfants s’épanouissent sous le regard attendri de celle qu’ils appellent « maman », où les lits sont douillets et les repas délicieux, où chacun a l’impression d’appartenir à la même famille et où l’on coule des jours heureux. 38 enfants avec un numéro tatoué dans le cou qui ont pour seules consignes de ne pas s’approcher du portail et de ne pas franchir la barrière dans la forêt.
Tout s’écroule le jour où les trois pensionnaires les plus âgés découvrent que leur orphelinat chéri est en fait un élevage d’enfants destinés à finir dans l’assiette d’horribles monstres. Après le traumatisme de cette révélation, ils décident d’échafauder un plan pour s’évader en emmenant avec eux leurs camarades. Mais ils vont vite comprendre qu’il n’est pas simple de tromper la vigilance de leur « maman ».

LE manga de l’année. En tout cas le plus médiatisé, avec un premier tome tiré à 100 000 exemplaires et un démarrage en fanfare depuis son lancement le 25 avril. C’est ma grande fifille qui a absolument voulu le lire, je ne pouvais pas faire autrement que l’accompagner.

Verdict ? C’est drôlement bien fichu et drôlement addictif. Ce seinen (manga pour jeunes adultes) mêle habilement le fantastique, l’horreur et le suspens. Son pitch de prime abord simpliste ne cesse de gagner en profondeur, tournant dans les dernières pages à une partie d’échec à huis clos où chaque camp avance ses pions en cachant son jeu. 

Ça fonctionne parce qu’on se demande évidemment comment les choses vont tourner mais aussi parce que l’on se rend compte en même temps que les enfants qu’ils ne savent rien du monde extérieur, que les monstres auxquels ils sont destinés règnent peut-être sur toute la planète et qu’ils n’auront par conséquent aucune échappatoire.

Après il faut voir ce que cela va donner sur la durée mais le début est plus que prometteur !

The Promised Neverland de Kaiu Shirai et Posuka Demizu. Kazé, 2018. 192 pages. 6,80 euros.






jeudi 30 novembre 2017

Ma vie dans les bois T1 - Shin Morimura

C’est ma semaine de retour à la nature ! Après Une année dans les bois, j’enchaîne avec le premier tome de Ma vie dans les bois, où le mangaka Shin Morimura explique par le détail son total changement de vie opéré au printemps 2005, à 47 ans, alors que sa carrière ne décollait pas malgré des heures et des heures passées sur sa table à dessin. Aussi épuisé que démoralisé, Morimura décide de quitter Tokyo pour s’installer au pied des montagnes dans une maison sans eau courante ni électricité qu’il va construire de ses mains : fini le stress et la pression, vive la vie au grand air !

Son projet fou va mettre des mois à se concrétiser. D’abord acheter un terrain, ensuite le déboiser (un travail de titan), puis construire une cabane après avoir écorcé les troncs d’arbre et en avoir fait des rondins de même taille. Créer de solides fondations, attaquer le gros œuvre, du plancher à la toiture. Tout est détaillé, du prix du terrain à celui des outils en passant par les matériaux, du moral qui flanche devant l’ampleur de la tâche à la satisfaction euphorique de voir avancer le chantier. Peu à peu on découvre un apprenti menuisier qui gagne en sérénité et s’épanouit seul dans la forêt avec son chien et sa quête un peu folle de vie écolo.

En dehors du dessin plutôt faiblard j’ai tout aimé dans ce manga. L’état d’esprit combatif de Shin, sa volonté de ne rien cacher des difficultés auxquelles il a dû faire face, son autodérision, la sincérité du regard qu’il porte sur son projet et sur lui-même, tout comme la franchise de sa femme, persuadée qu’il va droit dans le mur, ne se cachant pas pour lui faire savoir tout en respectant son choix.

Entendons-nous, Ma vie dans les bois n’est pas un plaidoyer pour un retour à la nature. Morimura ne cherche pas à convaincre qui que ce soit du bien-fondé de sa démarche. Il expose les faits et exprime son ressenti, explique le cheminement qui l’a poussé dans cette voie mais il ne tente pas d’enrôler de nouveaux adeptes. Son histoire personnelle n’a pour lui aucun caractère universel.

Entre témoignage, autobiographie et guide pratique, cette série rafraîchissante pleine d’optimisme et de bonne humeur pourrait faire changer d’avis les grincheux réfractaires au manga. N’est-ce pas miss Mo ? Pas pour rien que je partage cette lecture commune avec toi, même si je doute fortement d'avoir fait évoluer ton point de vue avec ce titre...

Ma vie dans les bois T1 de Shin Morimura. Éditions Akata, 2017. 144 pages. 7,50 euros.

L'avis de Mo




dimanche 10 septembre 2017

Hanada le garnement T1 - Makoto Isshiki

Hanada est un sale gosse, un vrai. Du genre à coincer une grenouille morte dans la fente de la boîte aux lettres, à maltraiter le chien du voisin ou à pisser sur la véranda. Pour lui, sa mère est une vieille bique, son père un pochtron, son grand-père un ancêtre et sa sœur une « groche », vu qu’elle est grosse et moche. Pour faire court, Hanada est un gamin incontrôlable qui passe son temps à faire des crasses. Il n’y a que les fantômes qui lui font peur, à tel point qu’il n’ose pas aller faire ses besoins la nuit venue au fond du jardin.

Après une énième bêtise, il enfourche son vélo et part à toute vitesse pour échapper à une fessée bien méritée. Dévalant une colline, il ne voit pas une voiture arriver et ne peut éviter l’accident. Après s’être miraculeusement réveillé à l’hôpital sans la moindre séquelle, Hanada se rend compte qu’il est désormais possesseur d’un étrange pouvoir : il peut voir les esprits. Pire encore, ces derniers lui demandent de les aider à accomplir leurs dernières volontés afin qu’ils puissent définitivement passer dans l’autre monde. Devenu malgré lui le messager des âmes errantes, Hanada le garnement va avoir bien du mal à accomplir ses missions.

Un manga frais et pétillant dont l’ambiance rurale n’est pas sans rappeler l’excellente série « Une sacrée mamie ». On frôle parfois l’absurde, c’est drôle et irrévérencieux, un poil touchant par moments même si l’humour reprend vite le dessus. Le dessin est simple mais hyper lisible, jamais surchargé.

Traduit pour la première fois en français, Hanada a été publié au Japon en 1994. La série est donc terminée depuis belle lurette et ne compte que cinq volumes. Il serait vraiment dommage de s’en priver.


Hanada le garnement T1 de Makoto Isshiki. Ki-oon, 2017. 224 pages. 7,90 euros.

PS : pour les collègues documentalistes c’est un manga vraiment sympa à proposer au CDI je trouve. Je suis certain qu’il ravirait bien des collégiens.




mercredi 9 août 2017

Tokyo Alien Bros T1 - Keigo Shinzô

Fuyunosuke et Natsutarô ne sont pas des japonais comme les autres. Agissant sous couverture, ces deux extraterrestres ont été envoyés sur terre pour déterminer si leur race pourrait s’y installer. Fuyunosuke, dans la peau d’un étudiant au charisme ravageur, s’est rapidement intégré mais Natsutarô a plus de mal avec le mode de vie humain où beaucoup de choses lui semblent inutiles (les animaux domestiques, les parcs d’attraction, les rendez-vous galants ou les photos souvenir par exemple). Surtout, ses maladresses à répétition pourraient faire capoter leur mission et mettre à mal leur couverture.

Rien d’original au départ : des extraterrestre qui s’apprêtent à coloniser la terre, découvrent notre planète et sont horrifiés par les comportements humains, on a déjà vu ça mille fois. Mais Keigo Shinzô sort du registre de la SF pure pour donner dans l’étude de mœurs et surtout pour jouer sur la différence de sensibilité de son duo d’aliens. Le résultat est excellent, on se régale de l’enchaînement de scènes cocasses où l’humour n’est jamais lourdingue. La naïveté et le stress de Natsutarô sont en permanence contrebalancés par la nonchalance de Fuyunosuke et toute l’intrigue repose sur cet équilibre fragile.

Le dessin est simple, lisible, jamais surchargé ni brouillon, fluide et efficace comme savent souvent l’être les mangas.

A l’évidence pas une série à l’ambition démesurée mais une lecture des plus agréables, légère et fraîche comme une citronnade en plein été. Un livre de saison en somme (enfin, uniquement si vous vivez ou passez vos vacances dans le sud-est. Parce que pour les autres régions, cet été a des airs de Toussaint).

Tokyo Alien Bros T1 de Keigo Shinzô. Le Lézard Noir, 2017. 222 pages. 13,00 euros.





mardi 6 juin 2017

Tu seras un saumon, mon fils… - Shôhei Sasaki

Je n’avais encore jamais un lu un manga s’ouvrant sur un concours de branlette entre collégiens. Pas que ça me choque, hein, entendons-nous (j’ai moi-même pratiqué ce genre de « compétition » dans ma jeunesse), mais c’est surprenant. Et pourtant ce n’est rien comparé à la suite. Shion, le champion de la branlette, doit abandonner ses meilleurs copains suite à un déménagement. Nostalgique des bons moments passés avec eux, il s’astique le manche en solitaire au bord d’une rivière. Sa semence tombe à l’eau et s’en va féconder un œuf de saumon. Trois ans plus tard, Shion repasse près de la rivière et tombe sur une créature mi-homme mi-saumon, une créature qui n’est autre que son fils...

Un titre qui fait partie de la collection WTF des éditions Akata, ce qui ne surprendra personne. Franchement, l’auteur doit consommer pas mal de substances prohibées. Il doit même faire de sacrés mélanges. Que penser de ce grand n’importe quoi ? Qu’il faut le prendre comme tel, même si les lecteurs voulant garder un minimum de respectabilité pourront arguer d’une ode à la différence, d’une œuvre bien plus profonde qu’il n’y paraît ou de je ne sais quel autre argument fallacieux pour justifier leur choix de se plonger dans un tel ovni. Pas besoin de tels arguments en ce qui me concerne, il y a longtemps que ma respectabilité s'est fait la malle de toute façon.

J’assume donc. Sans problème.  Les gros délires, ça me plait. Comme j’aime savoir jusqu’où un auteur parti en vrille est prêt à aller. Impossible de rester dans le tiède avec l’homme-saumon engendré par une branlette d’ado. Alors on y va et on imagine une scène d’anthologie qui s’achève en malencontreuse éjaculation faciale dudit saumon sur son paternel. Rien que ça. Et là je me suis dit que j’en avais eu pour mon argent. Ériger le mauvais goût à un tel niveau n’est pas donné à tout le monde, je tire donc mon chapeau à l’auteur pour son audace (ou pour le choix pertinent de ses dealeurs, c’est selon).

Tu seras un saumon, mon fils… de Shôhei Sasaki. Akata, 2017. 220 pages. 7,95 euros.

PS : j'ai voulu, pour fêter les six ans du Premier mardi c'est permis de Stephie, revenir à l'esprit originel de ce rendez-vous, à savoir parler de lectures dont on n'a pas à être fier. Et je crois bien avoir trouvé l'exemple parfait^^











vendredi 12 mai 2017

Chiisakobé T3 et 4 - Minetaro Mochizuki

Toujours empêtré dans les suites de l’incendie du quartier qui a ravagé la menuiserie familiale et tué ses parents, Shigeji persiste à refuser toute aide extérieure pour assurer la survie de l’entreprise dont il a hérité malgré lui. Parallèlement, Ritsu, la jeune femme qu’il a engagée pour s’occuper de sa maison et des orphelins recueillis après la catastrophe, devient de plus en distante, persuadée que Shigeji s’apprête à demander la main de la jolie Yûko et à la mettre à la rue…

Tout le récit tient sur la complexité de personnages insaisissables, retranchés derrière une carapace hermétiquement close, incapables de forcer leur nature, même quand la situation l’exige. Des êtres qui ont du mal à se dévoiler, à fendre l’armure, à communiquer.

Je vous l’accorde, il ne se passe pas grand-chose dans ces deux derniers tomes. Comme dans les précédents d’ailleurs. Tout se déroule avec lenteur, entre silences et non-dits. Et inexplicablement, cette lenteur me fascine. Les gros plans sur une main ou un pied, la façon dont un visage se tourne, dont chaque posture exprime un sentiment est bien plus parlante qu’un dialogue je trouve. A cet égard la scène de la demande en mariage (je ne spoile rien, il suffit de regarder la couverture du dernier volume^^) est d’une maîtrise époustouflante en terme de découpage et elle résume à merveille le comportement plein de retenu et de maladresse des protagonistes.

J’ai aimé aussi la réflexion profonde sur la perte et le deuil, la volonté de se relever après une tragédie et le besoin de se sentir accompagné, même par ceux qui ne sont plus là. Le tout avec une dignité et une forme d’orgueil qui, en ce qui me concerne du moins, force l’admiration.

Un manga vraiment à part, dont le rythme et l’esthétique particulière pourront à l’évidence désarçonner plus d’un lecteur. Je me garderais donc bien de le conseiller à qui que ce soit mais pour ma part, je le classe parmi les petits bijoux du genre.

Chiisakobé T3 de Minetaro Mochizuki (traduit du japonais par Miyako Slocombe). Le Lézard noir, 2016. 236 pages. 15,00 euros.
Chiisakobé T4 de Minetaro Mochizuki (traduit du japonais par Miyako Slocombe). Le Lézard noir, 2017. 236 pages. 15,00 euros.


Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec A_girl_from_earth.



dimanche 16 avril 2017

Le troisième Gédéon - Taro Nogizaka

Octobre 1788. Alors que l’Ancien Régime vit ses dernières heures, les campagnes françaises sont touchées par une famine ravageuse. Gédéon, fervent défenseur du peuple, rêve de devenir député du Tiers-Etat. En attendant son heure de gloire, il en est réduit pour survivre à écrire sous le manteau des romans érotiques. Mais même publiés clandestinement, ces textes sulfureux finissent par lui attirer des ennuis. Ennuis dont va le tirer son ami d’enfance Georges, un noble cachant son visage derrière un loup et dont les idées politiques sont bien plus radicales que les siennes. Georges ne veut pas, comme Gédéon, transformer le fonctionnement du pays, il veut purement et simplement détruire l’ordre établi et l’ensemble des institutions.

Un drôle de manga historique, hyper réaliste sur certains détails (architecture, vêtements, organisation sociale, etc.) et beaucoup moins rigoureux sur d’autres aspects. Les personnages de Robespierre et St Just sont  par exemple représentés de façon très « libre », pour ne pas dire plus. Pareil pour les positions idéologiques défendues pas George, anarchiste un siècle avant l’heure.

Ce tome d’introduction laisse logiquement beaucoup de questions en suspens, notamment sur la relation entre Georges et Gédéon. On devine que c’est deux-là partagent  quelques lourds secrets depuis l’enfance et il est difficile de savoir qui du réformiste ou de l’extrémiste va au final prendre le dessus. Est-ce suffisant pour attendre la suite avec impatience ? Pas franchement en ce qui me concerne. Tout ça est sympa sans plus, même si j’aime beaucoup le trait simple et expressif de Taro Nogizaka, auteur à succès de la série « La tour fantôme ». Pas le manga du siècle, donc, mais une réflexion un peu décalée sur la fin d’une époque trouble et la naissance d’une époque encore plus trouble de l’histoire de France. A réserver aux amateurs de curiosités.

Le troisième Gédéon de Taro Nogizaka. Glénat, 2017. 200 pages. 7,60 euros.








dimanche 2 avril 2017

Flying Witch T1 - Chihiro Ishizuka

Au moment d’entrer au lycée, Makoto, une apprentie sorcière, quitte Tokyo pour rejoindre ses cousins Kei et Chinatsu à la campagne. Avec son chat noir Chito, elle découvre les charmes de la vie au grand air. Mais pour une jeune fille de 15 ans espiègle et spontanée comme Makoto, il n'est pas simple de garder secret son statut de sorcière auprès de ses camarades de classe et de ses nouveaux voisins.      

Un titre parfait pour une première prise de contact avec le manga. Le dessin est épuré à l’extrême et les décors sont minimalistes, les personnages étant souvent mis en scène sans arrière-plan. C’est une façon efficace de fluidifier la narration et de gagner en lisibilité, l’idéal en somme pour ceux qui ouvrent leur premier manga et doivent en priorité s’habituer à un sens de lecture déroutant. Après, ce tome d’introduction pose les bases de l’intrigue et permet de découvrir en douceur les différents protagonistes et leur environnement. Pas d’événements majeurs donc, pas de rebondissements permanents mais juste suite de petites scénettes de la vie quotidienne à la campagne.

Une série que je pourrais qualifier (pour l’instant du moins) de « calme », loin des aventures pétaradantes et sans temps mort que l’on trouve souvent dans la BD japonaise, même pour les plus jeunes. Makoto est attachante, son étourderie, sa maladresse et son sens de l’orientation défaillant, utilisés sous forme de running-gag, déclenchent le sourire. L’aspect fantastique lié à sa condition de sorcière est finalement très peu évoqué mais nul doute que le sujet sera au cœur du récit par la suite.

Un manga jeunesse que ma pépette n°2 (11 ans) a dévoré. Elle n’est pourtant pas une adepte du genre, c’est bien la preuve que cette Flying Witch est parfaite pour les débutants.

Flying Witch T1 de Chihiro Ishizuka. Nobi-nobi, 2017. 160 pages. 6,95 euros. A partir de 8-9 ans.