Pierre Bailly, un grand patron qui n’a cessé de privilégier son entreprise au détriment de sa vie de famille, décide du jour au lendemain de prendre sa retraite pour s’installer avec sa femme dans leur maison du Golfe du Morbihan. Pour son épouse, l’intrusion dans sa vie quotidienne d’un mari jusqu’alors très peu présent est impensable. Selon elle, les hommes qui ne travaillent pas se relâchent. « Jamais ils ne devraient rentrer à la maison, jamais. Ils doivent mourir à la tâche, au combat, la main sur le métier. C’est leur devoir, leur gloire. Les hommes, on les aime absents. Celui qui rentre saccage tout. La place d’un homme, c’est dehors. » De son coté, Pierre se demande ce qu’il va faire de ces jours tranquilles qui s’annoncent. Il prend du bon temps en visitant un copain restaurateur ou tente sans grande conviction de courtiser une amie de sa femme. Il essaie aussi de trouver sa place dans la bourgeoisie locale mais il se révèle bien trop individualiste et misanthrope pour supporter « ces cons ». Finalement, il se rend compte qu’il n’est pas si facile, la retraite venue, de se réinventer une vie…
Stéphane Hoffmann possède un joli sens de la formule et une écriture aussi acerbe qu’aiguisée. Ses descriptions vachardes font sourire (« il était gai comme le formol, joyeux comme une ampoule basse consommation. ») mais sous le vernis du cynisme et de la désinvolture, son style apparaît aussi prétentieusement boursouflé que le caractère des personnages qu’il met en scène. Il ne cesse d’enfiler les aphorismes comme des perles mais, à mon sens, ce n’est pas en accumulant les bons mots et les traits d’esprit que l’on donne du corps à un roman. Quelques exemples en vrac : sur le mariage : « Le code civil laisse entrer la foule dans le lit des gens qui s’aiment, fait de chaque famille une troupe au service de la société et donne à la vie conjugale, si secrète, une impudique publicité. » ; sur le bonheur : « Le bonheur, ce n’est pas de ne pas avoir de problèmes ; le bonheur est de pouvoir résoudre les problèmes qu’on a ! » ; sur les enfants : « Un enfant, c’est un idéal qu’on n’invente pas, mais qu’on reçoit. Malgré soi. Et il faut être à la hauteur de cet idéal que l’on n’a pas voulu et qui décevra. » A la longue ces sentences balancés à l’emporte pièce deviennent plus qu’indigestes.
Du coté des dialogues, même constat d’échec. Les tirades de tous ces insupportables bourgeois sonnent tellement faux que l’on a parfois l’impression de lire le texte d’une mauvaise pièce de théâtre. Et que dire de la fin ! Une ultime pirouette où les masques tombent ridiculement et où l’épouse à la froideur inhumaine se révèle finalement être une mère et une grand-mère aimante. Quitte à jouer sur la corde du cynisme, il aurait été préférable de pousser à son paroxysme la décrépitude de cette imbuvable « bonne société » provinciale.
Une lecture pénible. Avec 100 pages de plus, je crois que je ne serais pas allé au bout. Second titre des éditions Albin Michel que je lis en cette rentrée littéraire (après La petite) et seconde très grosse déception. Rassurez-moi, il doit bien y avoir un roman de qualité publié par cet éditeur cet automne (le premier qui me cite Amélie Nothomb prend la porte immédiatement !).
Les autos tamponneuses de Stéphane Hoffmann, Éditions Albin Michel, 2011. 232 pages. 17 euros.