Paris, 1667. Anacréon le roi des gueux, 84ème du nom, règne d’une main de fer sur la cour des miracles. Au cœur de Paris son royaume de non-droit prospère, bien aidé par les forces de police du lieutenant Tardieu qui, contre quelques pots de vin, ferment les yeux sur les activités de ses ouailles. Mais les temps changent. Anacréon, vieillissant, est contesté par une partie des siens et Louis XIV, ne supportant pas qu’un autre roi que lui existe sur les terres de France, charge Colbert de trouver un homme suffisamment intègre pour reprendre les choses en main et mater ces miséreux qui défient son autorité.
Stéphane Piatzszek et Julien Maffre décrivent avec force précisions historiques le monde des mendiants, des voleurs, des truands, des infirmes, des putains. Un monde à la marge avec ses propres codes, ses propres règles et son propre roi. Une corporation proche de la piraterie où les manigances et les luttes de pouvoir commencent à fissurer la solidarité légendaire d’un clan au bord du gouffre.
Un premier volume où les auteurs posent leurs pièces sur l’échiquier. La partie commence à peine mais le roi perd ses pions et se retrouve fragilisé. Le scénario, rigoureusement documenté, est porté par le dessin réaliste d’un Julien Maffre ne ménageant pas ses efforts pour représenter le Paris malfamé (et malodorant !) de la fin du 17ème siècle. Une ambiance cradingue que j’adore et qui n’est pas sans rappeler l’excellente adaptation du Villon de Jean Teulé par l’italien Luigi Critone.
Un début de série extrêmement prometteur qui donne très envie de découvrir la suite. En espérant qu'elle ne tarde pas trop.
La cour des miracles T1 : Anacréon, roi des gueux de Stéphane Piatzszek et Julien Maffre. Quadrants, 2018. 64 pages. 15,50 euros.
Toutes les BD de la semaine sont à retrouver chez Moka.
mercredi 31 janvier 2018
mardi 30 janvier 2018
Quart de frère, quart de sœur T3 : Mission spectacle - Sophie Adriansen
Ils ont fini par s’entendre. Au départ ce n’était pourtant pas gagné. A peine arrivée des Antilles, la pétillante Viviane avait fait de l’ombre à Arthur, le garçon le plus populaire de l’école. Puis le papa de Viviane est tombé amoureux de la maman d’Arthur et ils s’apprêtent à avoir un bébé ! Devenus malgré eux un quart de frère et un quart de sœur, les ennemis jurés ont dû mettre de l’eau dans leur vin pour rendre leur cohabitation « vivable ». Et à force de se côtoyer, ils ont fini par s’apprécier, au point de devenir inséparables.
Dans ce troisième tome, alors que le bébé est annoncé pour dans quelques mois, Arthur et Viviane s’apprêtent à rentrer au collège. Arthur veut évidemment se faire élire délégué de classe, quitte à forcer un peu la main à ses camarades. Viviane quant à elle se passionne pour le spectacle de fin d’année. Deux projets à priori sans relation qui vont pourtant devenir des enjeux communs où chacun va s’épanouir, à sa façon.
Un vrai plaisir de retrouver la suite des aventures d’Arthur et Viviane. Une série fraîche, sans enjeux dramatiques ni mal être insurmontable. Juste deux enfants qui n'ont pas leur langue dans leur poche, deux enfants bien dans leur peau et dans leur quotidien au sein d’une famille recomposée dans laquelle il n’était pas évident de trouver sa place, et surtout de faire une place à l’autre. Le message se veut positif, il montre que le vivre ensemble est toujours possible pour peu que l’on y mette du sien et il prouve que, malgré des différences de caractère très marquées, on peut non seulement résoudre les conflits mais également s’enrichir mutuellement.
Un petit roman qui fait du bien et des personnages attachants que j’aurai plaisir à retrouver dans le prochain volume, cela va s'en dire.
Quart de frère, quart de sœur T3 : Mission spectacle de Sophie Adriansen. Slalom, 2017. 110 pages. 9,90 euros. A partir de 8-9 ans.
Mon avis sur les tomes 1 et 2
Une pépite jeunesse partagée comme d'habitude avec Noukette.
Dans ce troisième tome, alors que le bébé est annoncé pour dans quelques mois, Arthur et Viviane s’apprêtent à rentrer au collège. Arthur veut évidemment se faire élire délégué de classe, quitte à forcer un peu la main à ses camarades. Viviane quant à elle se passionne pour le spectacle de fin d’année. Deux projets à priori sans relation qui vont pourtant devenir des enjeux communs où chacun va s’épanouir, à sa façon.
Un vrai plaisir de retrouver la suite des aventures d’Arthur et Viviane. Une série fraîche, sans enjeux dramatiques ni mal être insurmontable. Juste deux enfants qui n'ont pas leur langue dans leur poche, deux enfants bien dans leur peau et dans leur quotidien au sein d’une famille recomposée dans laquelle il n’était pas évident de trouver sa place, et surtout de faire une place à l’autre. Le message se veut positif, il montre que le vivre ensemble est toujours possible pour peu que l’on y mette du sien et il prouve que, malgré des différences de caractère très marquées, on peut non seulement résoudre les conflits mais également s’enrichir mutuellement.
Un petit roman qui fait du bien et des personnages attachants que j’aurai plaisir à retrouver dans le prochain volume, cela va s'en dire.
Quart de frère, quart de sœur T3 : Mission spectacle de Sophie Adriansen. Slalom, 2017. 110 pages. 9,90 euros. A partir de 8-9 ans.
Mon avis sur les tomes 1 et 2
Une pépite jeunesse partagée comme d'habitude avec Noukette.
vendredi 26 janvier 2018
Circus Parade - Jim Tully
Difficile de faire rentrer ce texte dans une case. Récit, chronique, roman, autobiographie ? Sans doute un peu de tout cela à la fois. Ce qui est certain c’est que Jim Tully y raconte son expérience de manœuvre dans un cirque itinérant au début du 20ème siècle. Lui, le vaurien, le vagabond, le « gamin du rail » a un jour quitté son habit de hobo pour être engagé en tant qu’assistant dans la ménagerie d’un cirque. Le début d’une aventure à travers l’Amérique profonde et une succession d’événements dont il est difficile de vérifier la véracité.
Pour éviter les ennuis au moment de la publication de l’ouvrage en 1927, Tully n’a pas révélé le vrai nom du salopard de promoteur qui menait ses troupes d’une main de fer. Malgré tout, son témoignage à charge contre les pratiques plus que douteuses du patron souleva de nombreuses critiques, tant chez les défenseurs du cirque que dans les ligues de vertu.
Il faut dire que l’auteur de « Vagabonds de la vie » exprime un point de vue sans concession sur l’univers circassien, loin des images d’Épinal bohèmes et poétiques. Son cirque à lui n’était qu’un ramassis de va-nu-pieds, d’escrocs, d’arnaqueurs, de repris de justice et de pauvres hères au service d’une galerie d’artistes tenant plus souvent du monstre que de l’athlète de haut-niveau. Une population misérable exploitée par des promoteurs uniquement guidés par l’appât du gain.
Au fil des chapitres Tully narre la mort du dresseur de lions tué par un ours aveugle, les pickpockets s’attaquant au public en train d’acheter ses billets, les bagarres avec les autochtones qui parfois éventraient le chapiteau à coups de hache, la jalousie des artistes en quête de popularité, le danger pour les employés noirs dans les villes du sud et les nuits dans les trains entre deux étapes. Un tableau sordide où une population à la marge survit dans des conditions effroyables raconté dans une langue très orale à la syntaxe parfois syncopée.
C’est brut, sans filtre,violent, et même si certains passages semblent très romancés le réalisme des descriptions est saisissant. Un texte dur qui déborde de vitalité et constitue un témoignage unique sur ce qu’était un modeste cirque itinérant dans l’Amérique de 1900. Le livre eut un grand retentissement au moment de sortie. Trop cru et dérangeant, il fut interdit dans certains états. Hollywood en acheta les droits d’adaptation mais suite au lobbying de la très influente « Circus Fan’s Association of America », le film ne vit jamais jour.
Circus Parade de Jim Tully (traduit de l’américain par Thierry Beauchamp). Les éditions du sonneur, 2017. 240 pages. 17,50 euros.
Pour éviter les ennuis au moment de la publication de l’ouvrage en 1927, Tully n’a pas révélé le vrai nom du salopard de promoteur qui menait ses troupes d’une main de fer. Malgré tout, son témoignage à charge contre les pratiques plus que douteuses du patron souleva de nombreuses critiques, tant chez les défenseurs du cirque que dans les ligues de vertu.
Il faut dire que l’auteur de « Vagabonds de la vie » exprime un point de vue sans concession sur l’univers circassien, loin des images d’Épinal bohèmes et poétiques. Son cirque à lui n’était qu’un ramassis de va-nu-pieds, d’escrocs, d’arnaqueurs, de repris de justice et de pauvres hères au service d’une galerie d’artistes tenant plus souvent du monstre que de l’athlète de haut-niveau. Une population misérable exploitée par des promoteurs uniquement guidés par l’appât du gain.
Au fil des chapitres Tully narre la mort du dresseur de lions tué par un ours aveugle, les pickpockets s’attaquant au public en train d’acheter ses billets, les bagarres avec les autochtones qui parfois éventraient le chapiteau à coups de hache, la jalousie des artistes en quête de popularité, le danger pour les employés noirs dans les villes du sud et les nuits dans les trains entre deux étapes. Un tableau sordide où une population à la marge survit dans des conditions effroyables raconté dans une langue très orale à la syntaxe parfois syncopée.
C’est brut, sans filtre,violent, et même si certains passages semblent très romancés le réalisme des descriptions est saisissant. Un texte dur qui déborde de vitalité et constitue un témoignage unique sur ce qu’était un modeste cirque itinérant dans l’Amérique de 1900. Le livre eut un grand retentissement au moment de sortie. Trop cru et dérangeant, il fut interdit dans certains états. Hollywood en acheta les droits d’adaptation mais suite au lobbying de la très influente « Circus Fan’s Association of America », le film ne vit jamais jour.
Circus Parade de Jim Tully (traduit de l’américain par Thierry Beauchamp). Les éditions du sonneur, 2017. 240 pages. 17,50 euros.
mercredi 24 janvier 2018
No Body - Christian De Metter
« Ma vérité est-elle la vérité ? »
On l’a retrouvé sur les lieux d’un crime sordide dont il s’est accusé. Une psychiatre débarque dans sa cellule pour une expertise. D’habitude mutique, il décide cette fois-ci de parler et de raconter son histoire. Le traumatisme d’un frère mort au Vietnam, la boxe, un cambriolage qui tourne mal. Le FBI qui lui propose d’échapper à la prison en espionnant un groupe d’étudiants soupçonnés d’activisme. Des premiers pas dans une carrière d’infiltré où, en plus de découvrir d’inavouables secrets, il va devoir mener des missions toujours plus dangereuses.
Bordel que ce thriller tendu comme un string est addictif ! J’ai quelques réserves sur le dessin de De Metter que je trouve parfois trop figé (les personnages semblent clairement manquer de souplesse, un défaut qui n’est pas compensé par l’expressivité des regards comme dans son adaptation d’Au-revoir là-haut) mais au niveau du scénario et de la construction de l’intrigue c’est du tout bon.
Le récit du (supposé) meurtrier est passionnant, il nous accroche dès le départ et nous tient en haleine mais au final on se demande si tout n’est pas inventé de A à Z. Mythomanie ou sincérité absolue ? La vérité se situe sans doute entre les deux et ce doute permanent participe grandement au plaisir de la lecture. Et puis on sait d’emblée que l’histoire ne va pas s’éterniser artificiellement puisque dès la couverture du tome 1 l’éditeur annonce une série en quatre épisodes. Les deux premiers engloutis, il me reste à découvrir le troisième et à attendre impatiemment le dernier, prévu pour le mois d’avril.
No Body T1 : Soldat inconnu de Christian De Metter. Soleil, 2016. 74 pages. 15,95 euros.
No Body T2 : Rouler avec le diable de Christian De Metter. Soleil, 2016. 74 pages. 15,95 euros.
On l’a retrouvé sur les lieux d’un crime sordide dont il s’est accusé. Une psychiatre débarque dans sa cellule pour une expertise. D’habitude mutique, il décide cette fois-ci de parler et de raconter son histoire. Le traumatisme d’un frère mort au Vietnam, la boxe, un cambriolage qui tourne mal. Le FBI qui lui propose d’échapper à la prison en espionnant un groupe d’étudiants soupçonnés d’activisme. Des premiers pas dans une carrière d’infiltré où, en plus de découvrir d’inavouables secrets, il va devoir mener des missions toujours plus dangereuses.
Bordel que ce thriller tendu comme un string est addictif ! J’ai quelques réserves sur le dessin de De Metter que je trouve parfois trop figé (les personnages semblent clairement manquer de souplesse, un défaut qui n’est pas compensé par l’expressivité des regards comme dans son adaptation d’Au-revoir là-haut) mais au niveau du scénario et de la construction de l’intrigue c’est du tout bon.
Le récit du (supposé) meurtrier est passionnant, il nous accroche dès le départ et nous tient en haleine mais au final on se demande si tout n’est pas inventé de A à Z. Mythomanie ou sincérité absolue ? La vérité se situe sans doute entre les deux et ce doute permanent participe grandement au plaisir de la lecture. Et puis on sait d’emblée que l’histoire ne va pas s’éterniser artificiellement puisque dès la couverture du tome 1 l’éditeur annonce une série en quatre épisodes. Les deux premiers engloutis, il me reste à découvrir le troisième et à attendre impatiemment le dernier, prévu pour le mois d’avril.
No Body T1 : Soldat inconnu de Christian De Metter. Soleil, 2016. 74 pages. 15,95 euros.
No Body T2 : Rouler avec le diable de Christian De Metter. Soleil, 2016. 74 pages. 15,95 euros.
Un grand merci à Mo' qui a eu la gentillesse de m'offrir ces deux albums à Noël. C'est d'ailleurs chez elle que vous retrouverez aujourd'hui toutes les BD de la semaine.
mardi 23 janvier 2018
Trouver les mots - Gilles Abier
Gabriel ne parvient pas à ouvrir la bouche. Il faudrait pourtant qu’il s’explique. Qu’il dise pourquoi son cousin Julien l’a appelé pendant près d’un quart d’heure la veille. Qu’il le dise à ses parents, à son oncle et à sa tante, à la police. Mais Gaby reste mutique. Pourtant dans sa tête, les mots pleuvent. Ils remontent le fil des événements, leur enchaînement, leur logique. Gaby repense à Julien, à leur relation fusionnelle, à leurs années passées ensemble depuis l’enfance. Son père et le père de Julien étant des jumeaux ayant choisi de vivre à cinq minutes l’un de l’autre, leurs enfants respectifs ont en quelque sorte été élevés ensemble. Ne se cachant rien, se livrant l’un à l’autre sans filtre. Et Gaby repense à la dernière confidence de son cousin. Il y repense et se dit qu’il aurait peut-être pu éviter le pire s’il avait réagi différemment.
Depuis Un de perdu et La piscine était vide Gilles Abier ne cesse de me cueillir à chaque roman par sa capacité à aborder des sujets difficiles sans jamais céder à la facilité. Il campe ici un ado détenteur d’un secret trop lourd à porter. Un ado incapable d’affronter les adultes attendant de lui des réponses à leurs questions. Un ado qui sait qu’il va devoir trouver les mots. Le texte est un monologue interne où la voix de Gabriel, en toute franchise, trace le portrait d’une relation entre cousins devenue complexe. Parce que leur état d’esprit n’évoluaient pas dans la même direction, parce que leurs centres d’intérêt n’étaient plus les mêmes, leur proximité ne faisait que s’effriter.
C’est fort, ça gratte et ça pique. Même si beaucoup de problématiques sont abordées en si peu de pages, l’ensemble n’apparait ni brouillon ni surchargé. Une fois de plus Gilles Abier vise juste. Une fois de plus l’émotion qu’il créé n’est pas surjouée. Une fois de plus il fait mouche en allant à l’essentiel.
Trouver les mots de Gilles Abier. Le Muscadier, 2017. 50 pages. 8,50 euros. A partir de 13-14 ans.
Une pépite jeunesse évidemment partagée avec Noukette.
Depuis Un de perdu et La piscine était vide Gilles Abier ne cesse de me cueillir à chaque roman par sa capacité à aborder des sujets difficiles sans jamais céder à la facilité. Il campe ici un ado détenteur d’un secret trop lourd à porter. Un ado incapable d’affronter les adultes attendant de lui des réponses à leurs questions. Un ado qui sait qu’il va devoir trouver les mots. Le texte est un monologue interne où la voix de Gabriel, en toute franchise, trace le portrait d’une relation entre cousins devenue complexe. Parce que leur état d’esprit n’évoluaient pas dans la même direction, parce que leurs centres d’intérêt n’étaient plus les mêmes, leur proximité ne faisait que s’effriter.
C’est fort, ça gratte et ça pique. Même si beaucoup de problématiques sont abordées en si peu de pages, l’ensemble n’apparait ni brouillon ni surchargé. Une fois de plus Gilles Abier vise juste. Une fois de plus l’émotion qu’il créé n’est pas surjouée. Une fois de plus il fait mouche en allant à l’essentiel.
Trouver les mots de Gilles Abier. Le Muscadier, 2017. 50 pages. 8,50 euros. A partir de 13-14 ans.
Une pépite jeunesse évidemment partagée avec Noukette.
mercredi 17 janvier 2018
Fondu au noir - Ed Brubaker, Sean Phillips et Elizabeth Breitweiser
Hollywood, 1948. Le scénariste Charlie Parrish se réveille dans une baignoire après une nuit de beuverie. A ses cotés se trouve le corps sans vie de Valeria Sommers, LA star du studio pour lequel il travaille. Constatant que la jeune femme a été étranglée et n’ayant aucun souvenir des heures précédentes, il s’enfuit sans demander son reste. Apprenant que le meurtre a été maquillé en suicide par ses patrons pour éviter un scandale, Charlie essaie de recoller les pièces du puzzle pour comprendre ce qu’il s’est passé au cours de la funeste soirée. Ce faisant, il met le doigt dans un engrenage qui risque de le broyer sans la moindre pitié.
Un noir serré, amer, sans un gramme de sucre. Il faut s’accrocher au départ pour s’y retrouver dans la foultitude de personnages (merci le trombinoscope présent au début de l’album !) mais une fois les repères trouvés, on se régale de bout en bout. L’atmosphère pesante de l’industrie du cinéma de la fin des années 40 avec ses stars ingérables, ses producteurs véreux et ses scénaristes alcooliques est rendue à la perfection. La dimension politique (chasse aux sorcières communistes dans tous les studios d’Hollywood) est un élément majeur de l’intrigue. Manipulation, corruption, règlements de comptes et secrets inavouables rythment une histoire sans temps mort aux nombreux rebondissements.
Les personnages ont tous une vraie densité, leur évolution psychologique est extrêmement crédible et leurs relations particulièrement travaillées. Un vrai plaisir de se plonger dans ce polar poisseux à souhait, porté par les dessins aussi sombres que réalistes d’un Sean Phillips au sommet de son art. Bars miteux à peine éclairés, femmes fatales en robe fourreau, tapis rouge, chapeau en feutre, verre de whisky dans une main et cigarette dans l’autre, l’ambiance de l’époque, digne d’un roman de Raymond Chandler ou de Ross MacDonald, fascine autant qu’elle effraie.
Un album diaboliquement vénéneux à la mécanique sans faille. Efficace et addictif.
Fondu au noir d’Ed Brubaker, Sean Phillips et Elizabeth Breitweiser. Delcourt, 2017. 380 pages. 39,95 euros.
Une lecture commune partagée avec Mo.
Un noir serré, amer, sans un gramme de sucre. Il faut s’accrocher au départ pour s’y retrouver dans la foultitude de personnages (merci le trombinoscope présent au début de l’album !) mais une fois les repères trouvés, on se régale de bout en bout. L’atmosphère pesante de l’industrie du cinéma de la fin des années 40 avec ses stars ingérables, ses producteurs véreux et ses scénaristes alcooliques est rendue à la perfection. La dimension politique (chasse aux sorcières communistes dans tous les studios d’Hollywood) est un élément majeur de l’intrigue. Manipulation, corruption, règlements de comptes et secrets inavouables rythment une histoire sans temps mort aux nombreux rebondissements.
Les personnages ont tous une vraie densité, leur évolution psychologique est extrêmement crédible et leurs relations particulièrement travaillées. Un vrai plaisir de se plonger dans ce polar poisseux à souhait, porté par les dessins aussi sombres que réalistes d’un Sean Phillips au sommet de son art. Bars miteux à peine éclairés, femmes fatales en robe fourreau, tapis rouge, chapeau en feutre, verre de whisky dans une main et cigarette dans l’autre, l’ambiance de l’époque, digne d’un roman de Raymond Chandler ou de Ross MacDonald, fascine autant qu’elle effraie.
Un album diaboliquement vénéneux à la mécanique sans faille. Efficace et addictif.
Fondu au noir d’Ed Brubaker, Sean Phillips et Elizabeth Breitweiser. Delcourt, 2017. 380 pages. 39,95 euros.
Une lecture commune partagée avec Mo.
Toutes les BD de la semaine sont à retrouver chez Stephie
mardi 16 janvier 2018
Coupée en deux - Charlotte Erlih
« Être séparés, ça n’empêche pas aux parents de continuer à se haïr et à se faire la guerre. Et si ça ne se passe pas tout à fait de la même manière que quand ils vivaient ensemble, ce n’est pas beaucoup plus agréable… »
Coupée en deux. Écartelée entre ses parents divorcés. Camille déteste la garde alternée, elle déteste passer une semaine en fille unique avec sa mère puis la suivante avec son père, sa belle-mère et sa demi-sœur. Elle déteste cette situation, même si elle a dû s’y habituer, par la force des choses. Et aujourd’hui le problème est encore plus profond. Le rendez-vous au tribunal est capital, Camille va devoir choisir. Choisir entre rester à Paris avec son père ou suivre sa mère en Australie. Devant la juge, elle va avoir son mot à dire. Mais comment prendre une telle décision alors que ses parents, bien que fort différents, sont aimants et très proches d’elle ?
L'impression de n'être qu'un pion, l'impression d'avoir à arbitrer une partie dont elle sortira obligatoirement perdante. Charlotte Erlih nous place dans la tête de Camille et déroule ce jour si particulier où sa vie va basculer. Alors qu’elle n’a rien demandé et qu’elle ne fait que subir des problèmes d’adultes. Tout est dit avec beaucoup de pudeur, sans excès. Même dans l’attitude des parents qui restent dignes malgré leur irréconciliable rancœur.
C'est touchant et juste, on ne dramatise pas à outrance et on ne minimise pas une souffrance intime qui perturbe l'équilibre d'une jeune fille en construction. J'ai adoré la franchise de Camille, sa lucidité face à son évident manque de maturité pour gérer un dilemme qui la dépasse. Une belle réussite de plus dans cette collection regorgeant de pépites. Et nulle doute que la voix de Camille résonnera longtemps dans l'esprit des ados qui auront la chance de découvrir son histoire.
Coupée en deux de Charlotte Erlih. Actes Sud junior. 90 pages. 12,50 euros. A partir de 12-13 ans.
Coupée en deux. Écartelée entre ses parents divorcés. Camille déteste la garde alternée, elle déteste passer une semaine en fille unique avec sa mère puis la suivante avec son père, sa belle-mère et sa demi-sœur. Elle déteste cette situation, même si elle a dû s’y habituer, par la force des choses. Et aujourd’hui le problème est encore plus profond. Le rendez-vous au tribunal est capital, Camille va devoir choisir. Choisir entre rester à Paris avec son père ou suivre sa mère en Australie. Devant la juge, elle va avoir son mot à dire. Mais comment prendre une telle décision alors que ses parents, bien que fort différents, sont aimants et très proches d’elle ?
L'impression de n'être qu'un pion, l'impression d'avoir à arbitrer une partie dont elle sortira obligatoirement perdante. Charlotte Erlih nous place dans la tête de Camille et déroule ce jour si particulier où sa vie va basculer. Alors qu’elle n’a rien demandé et qu’elle ne fait que subir des problèmes d’adultes. Tout est dit avec beaucoup de pudeur, sans excès. Même dans l’attitude des parents qui restent dignes malgré leur irréconciliable rancœur.
C'est touchant et juste, on ne dramatise pas à outrance et on ne minimise pas une souffrance intime qui perturbe l'équilibre d'une jeune fille en construction. J'ai adoré la franchise de Camille, sa lucidité face à son évident manque de maturité pour gérer un dilemme qui la dépasse. Une belle réussite de plus dans cette collection regorgeant de pépites. Et nulle doute que la voix de Camille résonnera longtemps dans l'esprit des ados qui auront la chance de découvrir son histoire.
Coupée en deux de Charlotte Erlih. Actes Sud junior. 90 pages. 12,50 euros. A partir de 12-13 ans.
dimanche 14 janvier 2018
Les lectures de Charlotte (47) : Les trois petits casse-pieds - Jean Leroy et Matthieu Maudet
Les trois petits casse-pieds débarquent dans le salon en hurlant qu’il est l’heure d’allumer la télé. Leur grand-père leur propose plutôt d’écouter une histoire. Pas franchement partants au départ, les trois petits casse-pieds se laissent tenter. Mais quand le papy attaque Le petit chaperon Rouge, il se fait rembarrer sans ménagement. Il tente alors Les trois petits cochons, sans plus de succès. Non, pour accrocher l’attention des garnements, il en faut davantage. Alors le Papy va se lancer dans une histoire inventée de toutes pièces, quitte à improviser et à multiplier les rebondissements pour garder l’attention de son difficile public.
Un album au ton irrévérencieux qui a tout de suite plu à Charlotte. Il faut dire que les chenapans, plus intéressés par la télé que par les racontars de Papy, n’ont pas leur langue dans leur poche. Les dialogues sont pétillants, le graphisme épuré avec un minimum de décor et l’histoire avance à chaque double page dans une forme très simple à comprendre.
Les trois petits casse-pieds de Jean Leroy et Matthieu Maudet. L’école des loisirs, 2018. 32 pages. 12,20 euros.
Un album au ton irrévérencieux qui a tout de suite plu à Charlotte. Il faut dire que les chenapans, plus intéressés par la télé que par les racontars de Papy, n’ont pas leur langue dans leur poche. Les dialogues sont pétillants, le graphisme épuré avec un minimum de décor et l’histoire avance à chaque double page dans une forme très simple à comprendre.
Une lecture rigolote comme tout dont Charlotte ne se lasse pas. Je vais bientôt connaître le texte par coeur et pouvoir le réciter les yeux fermés. Mais il paraît que quand on aime on ne se lasse pas, alors...
Les trois petits casse-pieds de Jean Leroy et Matthieu Maudet. L’école des loisirs, 2018. 32 pages. 12,20 euros.
vendredi 12 janvier 2018
Prière pour ceux qui ne sont rien - Jerry Wilson
« La plupart de mes personnages survivent un jour après
l’autre, se soûlent la gueule, rigolent beaucoup et meurent autour de la
cinquantaine. Des douzaines de personnes que j’ai rencontrées pendant les
années où j’étais employé par le département des parcs municipaux, seulement
une poignée est encore en vie. Et pas pour longtemps. »
Jerry Wilson a travaillé dans les parcs et réserves naturelles de Boise, Idaho. Ses journées consistaient à ramasser les détritus, à dissoudre le vomi et les excréments et à nettoyer les taches les plus abominables que l’on puisse imaginer. Éboueur au grand cœur, il a découvert une faune interlope avec laquelle il a beaucoup discuté, écoutant les jérémiades de fanfarons avinés, recueillant les confidences touchantes d’éclopés de la vie ou supportant les plaintes véhémentes de vieux clodos ayant perdu la boule.
Ses nouvelles, directement inspirées de son expérience, mettent en scène son double Swiveller, employé municipal arpentant les espaces naturels un sac poubelle à la main et allant à la rencontre des clochards. Sans jugement, les textes présentent des SDF cabossés à la langue bien pendue qui n’hésitent pas à plaisanter et ne s’appesantissent pas sur leur sort. Bien sûr l’environnement décrit fait froid dans le dos, entre beuveries, hygiène déplorable et santé mentale fragile, mais on ne tombe jamais dans le sordide. Par ailleurs la violence, omniprésente, ne s’exprime jamais directement, même si on en découvre les stigmates lorsque Swiveller croise des gueules abîmées après une nuit de bagarre lors de sa tournée matinale.
Un recueil cru et sans concession, d’un réalisme quasi documentaire. Au-delà des situations tragiques, les histoires débordent d’humanité et laissent transparaître une sincère bienveillance à l’égard de cette population à la marge dont personne ne semble se soucier. L’écriture est simple, sèche, très orale. Les dialogues font mouche et on prend plaisir à retrouver certains personnages d’une nouvelle à l’autre. Pour ceux qui connaissent, la prose de Jerry Wilson m’a rappelé celle du regretté Dan Fante, le fils de John (et si vous ne connaissez pas je ne peux que vous recommander chaudement la lecture de l’excellent « Les anges n’ont rien dans les poches »). A la fois drôle, tendre et désespérée, cette prière pour ceux qui ne sont rien signe la prometteuse entrée en littérature d’un prolo des lettres américaines dont l’univers ne pouvait que me plaire.
Prière pour ceux qui ne sont rien de Jerry Wilson. Le serpent à plumes, 2018. 170 pages. 18,00 euros.
mercredi 10 janvier 2018
Ces jours qui disparaissent - Timothé le Boucher
Lubin, acrobate de haut niveau, se réveille un matin alors qu’une journée entière vient de s’écouler. Ne comprenant pas comment il a pu dormir aussi longtemps, il constate dans les jours qui suivent que le phénomène se répète. Après avoir découvert que pendant ses « absences » une autre personnalité s’empare de son corps, Lubin essaie de comprendre et de communiquer avec cet autre « lui ». Mais ce dernier n’a pas du tout le même caractère et leur cohabitation s’avère impossible. L’alternance tourne au calvaire, tant pour le jeune homme que pour ses proches, et plus le temps passe plus son double semble prendre le dessus sur lui...
Je me suis demandé dans quoi l’auteur s’était embarqué, persuadé que sur la longueur, ça ne tiendrait pas. Trop compliqué de jouer sur les deux personnalités, d’avoir une alternance crédible, de donner une cohérence réaliste aux ellipses où « l’envahisseur » prend possession du corps de Lubin. Mais très vite on oublie ce fil narratif si délicat à gérer. On avance avec notre acrobate, on découvre avec lui l’étendue des dégâts à chacun de ses réveils, on s’émeut des amitiés indéfectibles, de la famille toujours présente, on comprend ceux qui n’ont pas supporté la situation. Surtout on approuve sans réserve la volonté de Lubin de profiter de chaque fenêtre d’existence qui s’ouvre à lui, de plus en plus en plus courte, de moins en moins lumineuse au fil des années qui passent.
La pagination conséquente permet à Timothé le Boucher de déployer son scénario en profondeur, de donner de l’épaisseur aux personnages secondaires tout en multipliant les rebondissements. Le dessin, parfois proche de celui de Bertrand Gatignol (Les Ogres-Dieux) est simple et efficace. Il participe grandement à la lisibilité d’une intrigue qui aurait pu rapidement se perdre dans une inextricable complexité. Je pense que la clé de la réussite est d’avoir centré l’histoire sur le point de vue de Lubin en occultant celui de son double. Cela permet de focaliser l’attention du lecteur sur un seul destin et de renforcer son empathie.
Différences incompatibles de personnalités dans un même corps, impossibilité de rattraper le temps perdu et de mener sa barque comme on le souhaite, impossibilité de s’imaginer une stabilité sociale et amoureuse, les problèmes soulevés par ce scénario d’une folle richesse sont innombrables. Entre schizophrénie, psychologie, psychanalyse, philosophie et paranoïa, cet album ratisse large sans jamais céder à la facilité. Au final, j’ai surtout envie de retenir la magnifique et poignante histoire d’amour que les jours qui disparaissent ne pourront effacer. Une BD qui exacerbe mon côté fleur bleue, je ne pensais pas dénicher ça un jour. Je m’empresse donc de remercier la douce fée qui a eu la gentillesse de me l’offrir à Noël.
Ces jours qui disparaissent de Timothé le Boucher. Glénat, 2017. 192 pages. 22,50 euros.
Je me suis demandé dans quoi l’auteur s’était embarqué, persuadé que sur la longueur, ça ne tiendrait pas. Trop compliqué de jouer sur les deux personnalités, d’avoir une alternance crédible, de donner une cohérence réaliste aux ellipses où « l’envahisseur » prend possession du corps de Lubin. Mais très vite on oublie ce fil narratif si délicat à gérer. On avance avec notre acrobate, on découvre avec lui l’étendue des dégâts à chacun de ses réveils, on s’émeut des amitiés indéfectibles, de la famille toujours présente, on comprend ceux qui n’ont pas supporté la situation. Surtout on approuve sans réserve la volonté de Lubin de profiter de chaque fenêtre d’existence qui s’ouvre à lui, de plus en plus en plus courte, de moins en moins lumineuse au fil des années qui passent.
La pagination conséquente permet à Timothé le Boucher de déployer son scénario en profondeur, de donner de l’épaisseur aux personnages secondaires tout en multipliant les rebondissements. Le dessin, parfois proche de celui de Bertrand Gatignol (Les Ogres-Dieux) est simple et efficace. Il participe grandement à la lisibilité d’une intrigue qui aurait pu rapidement se perdre dans une inextricable complexité. Je pense que la clé de la réussite est d’avoir centré l’histoire sur le point de vue de Lubin en occultant celui de son double. Cela permet de focaliser l’attention du lecteur sur un seul destin et de renforcer son empathie.
Différences incompatibles de personnalités dans un même corps, impossibilité de rattraper le temps perdu et de mener sa barque comme on le souhaite, impossibilité de s’imaginer une stabilité sociale et amoureuse, les problèmes soulevés par ce scénario d’une folle richesse sont innombrables. Entre schizophrénie, psychologie, psychanalyse, philosophie et paranoïa, cet album ratisse large sans jamais céder à la facilité. Au final, j’ai surtout envie de retenir la magnifique et poignante histoire d’amour que les jours qui disparaissent ne pourront effacer. Une BD qui exacerbe mon côté fleur bleue, je ne pensais pas dénicher ça un jour. Je m’empresse donc de remercier la douce fée qui a eu la gentillesse de me l’offrir à Noël.
Ces jours qui disparaissent de Timothé le Boucher. Glénat, 2017. 192 pages. 22,50 euros.
Toutes les BD de la semaine sont à retrouver chez Noukette
mardi 9 janvier 2018
La plume de Marie - Clémentine Beauvais
Recueillie par le baron de Rochecourt à la mort de sa mère,
Marie, fille de servante, a été élevée avec les enfants du château avant de
devenir l’aide-gouvernante de la famille. En ce matin de mai 1650,
l’ébullition règne dans les couloirs de l’immense bâtisse. Le baron attend l’arrivée
de son ami Pierre Corneille, qui va passer trois semaines parmi eux. Marie,
connaissant par cœur les textes du tragédien et écrivant elle-même à ses heures
perdues une pièce de théâtre, se réjouit à l’idée de rencontrer un si grand
homme de lettres, tout en sachant bien que sa condition ne lui permettra pas d’entrer
directement en contact avec lui.
Publié pour la première fois en 2011 ce roman historique
réédité l’an dernier vient de remporter le prix Unicef de littérature jeunesse (catégorie collège).
Un prix dont la thématique était l’égalité, notamment l’égalité
filles-garçons. Une question centrale dans ce texte où, en plus d’être une
fille de servante, Marie, de par son statut de femme, ne peut voir ses talents
d’écrivain reconnus à leur juste valeur. Clémentine Beauvais traite le sujet
avec intelligence. Elle montre à quel point la société de l'époque ne pouvait considérer les femmes autrement que comme épouses et mères, toutes celles s'écartant de ses fonctions étant forcément des dames de mauvaise vie.
Un texte délicieux, enrichi par un vocabulaire et des tournures de phrases "précieuses" typiques du 17ème siècle. La thématique abordée reste malheureusement d'actualité aujourd'hui, même si des progrès ont évidemment été accomplis.
Noukette et moi attaquons 2018 avec une pépite jeunesse aux accents historiques qui change de nos lectures habituelles du mardi et franchement, ça fait du bien !
Noukette et moi attaquons 2018 avec une pépite jeunesse aux accents historiques qui change de nos lectures habituelles du mardi et franchement, ça fait du bien !
L'avis de Noukette
jeudi 4 janvier 2018
Un jardin de sable - Earl Thompson
Ce monumental pavé retrace les quatorze premières années de Jacky, un gamin né dans une famille pauvre du Kansas. Son père meurt alors qu’il n’est qu’un nourrisson, sa mère le laisse aux soins de ses grands-parents qui peinent à joindre les deux bouts après la perte de leur ferme. L’enfant, en changeant constamment d’adresse, découvre la vie rude de ceux qui n’ont rien, de ceux qui naviguent à vue en enchaînant les petits boulots sans se demander de quoi demain sera fait. Quand sa maman vient le rechercher après s’être mariée à un pauvre crétin sortant de tôle, Jacky croit, du haut de ses cinq ans, que tout va enfin rentrer dans l’ordre. Évidemment il se trompe. A un point qu’il ne peut pas imaginer.
Attention, livre culte. Ce jardin de sable est plein de putes, de camés, d’alcoolos, de voleurs et d’arnaqueurs. Il transpire la misère et le désespoir à chaque page, proposant une errance dans l’Amérique des années 30-40 où, pour une partie de la population, le quotidien n’était qu’une galère sans fin. Claques miteux, estomacs vides, fringues en lambeaux, nuits glacées entre quatre murs sans chauffage, on souffre en silence, on se serre les coudes et on profite de la moindre occasion pour se faire quelques dollars, peu importent les moyens employés.
Pas question de se méprendre, il n’y a rien d’héroïque chez Jacky et les siens. Mère immature, beau-père aussi fanfaron que fainéant, grands-parents qui l’élèvent en le considérant davantage comme un fardeau que comme un cadeau, le gamin aura constamment vécu dans l’instabilité la plus totale, tant financière qu’affective.
830 pages et pas de longueurs à craindre. Du moins tant qu’on aime les atmosphères poisseuses, le sexe cradingue, les personnages qui ne cessent de lutter et de se résigner, qui remontent la pente avant de la descendre aussi sec pour revenir au point de départ. Du moins tant qu’on n’est pas effrayé par le langage fleuri, les scènes d’inceste, le soupçon de zoophilie et la violence domestique.
Un roman fleuve qui fit scandale au moment de sa sortie en 1970. Un roman qui prend aux tripes et montre la vie des exclus dans une Amérique peinant à se remettre de la grande dépression. Sans chichi ni fioriture, sans jugement, en exposant une réalité crue, brutale, dérangeante, malsaine. Tout ce que j’aime dans la littérature américaine en somme, de Steinbeck à Fante, de Selby à Bukowski.
Voilà, c’est fait. J’ai pris ma première très grosse claque de l’année. J’en viens même à me demander si je vais trouver une lecture plus marquante dans les 361 jours qui restent avant de la terminer.
Un jardin de sable d’Earl Thompson (traduit de l'américain par Jean-Charles Khalifa). Monsieur Toussaint Louverture, 2018. 830 pages. 24,50 euros.
Attention, livre culte. Ce jardin de sable est plein de putes, de camés, d’alcoolos, de voleurs et d’arnaqueurs. Il transpire la misère et le désespoir à chaque page, proposant une errance dans l’Amérique des années 30-40 où, pour une partie de la population, le quotidien n’était qu’une galère sans fin. Claques miteux, estomacs vides, fringues en lambeaux, nuits glacées entre quatre murs sans chauffage, on souffre en silence, on se serre les coudes et on profite de la moindre occasion pour se faire quelques dollars, peu importent les moyens employés.
Pas question de se méprendre, il n’y a rien d’héroïque chez Jacky et les siens. Mère immature, beau-père aussi fanfaron que fainéant, grands-parents qui l’élèvent en le considérant davantage comme un fardeau que comme un cadeau, le gamin aura constamment vécu dans l’instabilité la plus totale, tant financière qu’affective.
830 pages et pas de longueurs à craindre. Du moins tant qu’on aime les atmosphères poisseuses, le sexe cradingue, les personnages qui ne cessent de lutter et de se résigner, qui remontent la pente avant de la descendre aussi sec pour revenir au point de départ. Du moins tant qu’on n’est pas effrayé par le langage fleuri, les scènes d’inceste, le soupçon de zoophilie et la violence domestique.
Un roman fleuve qui fit scandale au moment de sa sortie en 1970. Un roman qui prend aux tripes et montre la vie des exclus dans une Amérique peinant à se remettre de la grande dépression. Sans chichi ni fioriture, sans jugement, en exposant une réalité crue, brutale, dérangeante, malsaine. Tout ce que j’aime dans la littérature américaine en somme, de Steinbeck à Fante, de Selby à Bukowski.
Voilà, c’est fait. J’ai pris ma première très grosse claque de l’année. J’en viens même à me demander si je vais trouver une lecture plus marquante dans les 361 jours qui restent avant de la terminer.
Un jardin de sable d’Earl Thompson (traduit de l'américain par Jean-Charles Khalifa). Monsieur Toussaint Louverture, 2018. 830 pages. 24,50 euros.
mercredi 3 janvier 2018
Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied - Alain Kokor et Pascal Rabaté
Rabaté ne pouvait trouver mieux que Kokor pour illustrer cette histoire poétique en diable. En effet sa fiction en vers racontant le parcours d’Alexandrin, poète ambulant vendant ses œuvres au gré de ses errances et du jeune Kevin, un fugueur qu’il va prendre sous son aile, est magnifiée par les dessins aux tons pastel et le découpage d’une grande inventivité typique du travail de l’auteur de « Supplément d’âme ».
Avec Alexandrin et Kevin le récit d’apprentissage prend des chemins de traverse où rien ne sert de se presser. De la ville à la campagne, on déambule le nez au vent, porté par un goût immodéré pour la liberté. Le regard posé sur l’existence se veut décalé. On prend son temps, on musarde, on fraternise sans jugement, on profite de la vie comme elle vient.
C’est beau, doux, chaleureux, plein de lenteur, de silence et de contemplation. Mais sous le vernis de l’innocence la cruauté du monde finit par affleurer. Et sans jamais se laisser déborder par la moindre mièvrerie, les auteurs achèvent la balade de leur poète sur une note douce-amère ramenant chacun à sa propre solitude. Un sans faute qui annonce, je l’espère, le début d’une collaboration aussi durable que fructueuse.
Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied d’Alain Kokor et Pascal Rabaté. Futuropolis, 2017. 92 pages. 22,00 euros.
Avec Alexandrin et Kevin le récit d’apprentissage prend des chemins de traverse où rien ne sert de se presser. De la ville à la campagne, on déambule le nez au vent, porté par un goût immodéré pour la liberté. Le regard posé sur l’existence se veut décalé. On prend son temps, on musarde, on fraternise sans jugement, on profite de la vie comme elle vient.
C’est beau, doux, chaleureux, plein de lenteur, de silence et de contemplation. Mais sous le vernis de l’innocence la cruauté du monde finit par affleurer. Et sans jamais se laisser déborder par la moindre mièvrerie, les auteurs achèvent la balade de leur poète sur une note douce-amère ramenant chacun à sa propre solitude. Un sans faute qui annonce, je l’espère, le début d’une collaboration aussi durable que fructueuse.
Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied d’Alain Kokor et Pascal Rabaté. Futuropolis, 2017. 92 pages. 22,00 euros.
mardi 2 janvier 2018
Les lectures de Charlotte (46) : Une maison dans les buissons - Akiko Miyakoshi
Charlotte et moi avons voulu commencer l’année en douceur avec cet album japonais plein de charme. Sakko emménage dans sa nouvelle maison. Sa mère lui a dit que les voisins avaient une fille de son âge alors elle part à sa rencontre. Mais il n’y a personne dans la maison d’à coté alors Sakko décide d’explorer le champ qui sépare les deux habitations. Au milieu du champ, quelques buissons forment un abri sous lequel la petite fille se glisse. Au pied d’un buisson elle trouve un panier contenant une dinette. Devinant que ce panier appartient à la voisine, elle le décore de quelques fleurs et le remet en place, en espérant que sa propriétaire appréciera son geste.
Un album tout en tendresse qui montre la capacité des enfants à explorer de nouveaux territoires et à nouer des amitiés avec une simplicité désarmante. Les illustrations sont magnifiques, on se promène dans la nature avec Sakko et on partage avec elle le plaisir de sa rencontre avec Yoko. Sans compter qu’il est appréciable de voir des enfants jouer en plein air loin de tout divertissement numérique ou télévisuel.
Une jolie lecture, idéale pour attaquer 2018 sous les meilleurs auspices. Et je ne doute pas que Charlotte et moi aurons encore de nombreuses occasions de partager ensemble de belles découvertes livresques dans les mois qui viennent.
Une maison dans les buissons d’Akiko Miyakoshi. Syros, 2017. 32 pages. 14,90 euros. Dès 4 ans.
Un album tout en tendresse qui montre la capacité des enfants à explorer de nouveaux territoires et à nouer des amitiés avec une simplicité désarmante. Les illustrations sont magnifiques, on se promène dans la nature avec Sakko et on partage avec elle le plaisir de sa rencontre avec Yoko. Sans compter qu’il est appréciable de voir des enfants jouer en plein air loin de tout divertissement numérique ou télévisuel.
Une jolie lecture, idéale pour attaquer 2018 sous les meilleurs auspices. Et je ne doute pas que Charlotte et moi aurons encore de nombreuses occasions de partager ensemble de belles découvertes livresques dans les mois qui viennent.
Une maison dans les buissons d’Akiko Miyakoshi. Syros, 2017. 32 pages. 14,90 euros. Dès 4 ans.
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