mardi 1 mars 2016

Le premier mardi c'est permis (46) : Les filles d'Ève - Frédérique Martin

Une halle couverte aux vitres monumentales. Du monde partout, un brouhaha d’enfer. Un reporter, caméra sur l’épaule, suit un concierge de luxe à la recherche de bonnes affaires pour ses riches clients. La marchandise qu’il convoite est étudiée de près et doit répondre à des critères physiques précis. Seuls les plus beaux spécimens l’intéressent.

Ici, on vient acheter des femmes : « la tragique raréfaction du sexe féminin avait conduit les gouvernements à prendre des mesures draconiennes pour éviter sa disparition ». Privées de liberté, les femmes sont devenues des produits, du bétail rare et hors de prix. Asservies, exploitées, elles ont perdu le statut d’être humain. Mais la colère gronde. Soudain, alors que le chef de l’état arpente les allées, une étincelle embrase la foule et sonne le temps de la révolte. Dans la panique ambiante, le reporter suit la jeune femme qui a mis le feu aux poudres, bien décidé à évacuer la frustration qui l’habite depuis trop longtemps : « Je veux ce qui me revient de droit. Je veux tes seins et tes fesses. Ta bouche aussi. » Mais la belle est bien décidée à ne pas se laisser faire car « le temps des femmes dociles s’achève ».

Une nouvelle de Frédérique Martin dans l’esprit du recueil publié il y a peu. Avec ce soupçon d’étrangeté, cette ironie mordante et cette représentation d’un futur proche pour le moins effrayant. Sans compter qu’à ces ingrédients vient s’ajouter une tension sexuelle parfaitement mise en scène.

Que retenir de ce texte si joliment troussé ? Que le sexe fort n’est pas celui que l’on croit ? Bon, c’est tout sauf un scoop pour moi, je suis bien placé pour savoir à quel point les mâles sont faibles, lâches, opportunistes, prêts à jeter leurs principes aux orties dès que la situation le permet, et à quel point une virilité de façade et une force physique portée en étendard ne suffisent pas à asseoir une quelconque supériorité. Frédérique Martin le démontre avec finesse et conviction, sans gros sabots. Parce que l’évidence saute aux yeux : malgré les apparences, les rapports hommes/femmes sont toujours menés par ces dames. Et personnellement ce n’est pas pour me déplaire, l’orgueil et l’amour propre typiquement masculin, il y a fort longtemps que je m’en tamponne.

Les filles d’Ève de Frédérique Martin. Éditions In8, 2012. 25 pages.

Un grand merci et un gros bisou à Stephie pour le cadeau !

Les avis de Noukette et Stephie













34 commentaires:

  1. c'est bien de reconnaitre tout ça :P
    Bon premier mardi du mois ! (et bon mois de mars !)

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  2. Superbe billet :-)

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  3. Merci de mettre ce texte et cette auteur à l'honneur aujourd'hui. Je t'adore !

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  4. Ne te bats pas trop la coulpe quand même, Jérôme ! On vous aime malgré tout ;-)
    Quant à Frédérique Martin, il va bien falloir que je finisse par la découvrir !

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    1. Ah mais quand je parle de ces hommes-là, je ne parle pas de moi ;)

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  5. J'ai bien peur que ce ne soit pas une utopie dans les pays du soleil brûlant.

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  6. Une proposition de lecture sympathique en ce premier mardi.

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    1. Qui change un peu de ce que je propose d'habitude.

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  7. Huuum. Un texte qui a tout pour me plaire :-)

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  8. Effectivement, cela rappelle certaines nouvelles que je viens de lire... à voir !

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  9. J'aime beaucoup ce texte... et j'aime beaucoup le fait que tu l'aies lu ! C'est vrai qu'il serait bien dans un recueil !

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  10. Une auteure qui me tente de plus en plus...

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    1. Ce fut une belle découverte pour moi. Que je compte bien poursuivre ;)

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  11. Si c'est une nouvelle de Frédérique Martin, cela ne peut que me plaire

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  12. Femmes objets/femmes bétail, hommes maîtres, pour finalement inverser les rapports de force, pas de grande surprise en effet.;-)

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  13. je n'ai pas encore découvert Frédérique Martin, voilà un titre intéressant pour commencer!

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  14. Bof...trop angoissant ce statut des femmes ;)

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  15. il faut que je l'ai celui-là, du frédérique martin + ta chronique, ça donne très envie !!

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  16. Décidément il faut que je lise Frédérique Martin :-)

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  17. Tout est là pour me séduire dans cette nouvelle. Et c’est encore plus séduisant qu’elle soit lue par un homme! :D

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