vendredi 15 mars 2013

Le boxeur - Reinhard Kleist

Kleist © Casterman 2013
Né en 1925 à Belchatow, Hertzko Haft a 14 ans lorsque les allemands envahissent la Pologne. Parqué avec le reste de la population juive dans un ghetto de la ville, Hertzko est arrêté en 1941 et déporté dans les camps de travail de Poznan et Strzelin. En 1943 il est transféré à Auschwitz, puis au camp annexe de Jaworzno. C’est là que ses talents de boxeur sont remarqués par un officier SS qui le recrute afin de mettre sur pied des combats contre d’autres déportés. Un spectacle navrant dont le but est de distraire les gardiens du camp. Hertzko sait qu'il lui faut gagner pour éviter de mécontenter les soldats qui parient gros sur ses chances et ainsi préserver sa situation « privilégiée ». Au début de l’année 1945, alors que l’armée rouge se montre de plus en plus menaçante, les déportés entament plusieurs « marches de la mort » qui les déplacent de camp en camp. Hertzko y survit miraculeusement en s’échappant lors de la traversée d’une forêt.

La seconde partie de l’album dépeint l’arrivée d’Hertzel à New York après la libération. Rebaptisé Harry Haft, il y mènera une carrière de boxeur dans un premier temps prometteuse mais dont l’élan sera brisé en 1949 lors d’un combat perdu par k-o contre le futur champion du monde Rocky Marciano.
Ce roman graphique retrace un destin tragique où la devise « se battre pour survivre » prend tout son sens. Le boxeur n'est pas vraiment quelqu'un de touchant, il apparaît même assez antipathique. L'aspect fascinant de sa trajectoire tient en une question : comment cet homme a-t-il pu supporter la vie dans les camps ? Affecté aux crémations, au tri des effets volés aux déportés ou à l’extraction du charbon au fond d’une mine, Hertzko ne va jamais s’effondrer. Derrière son inébranlable instinct de survie, un seul rêve l’anime : revoir Leah Pablanski, son amour de jeunesse. C’est en pensant à cette jeune fille qu’il parvient à rester debout, sur le ring ou ailleurs. Il la retrouvera bien des années plus tard, en Floride, pour une dernière rencontre bouleversante…
Un album en noir et blanc où le trait vif et nerveux du dessinateur allemand fait merveille. Le gros reproche que je ferais concerne le format, trop petit pour magnifier la maîtrise graphique de Kleist. Beaucoup de cases semblent minuscules, écrasées, et donnent par moment au lecteur la désagréable impression de regarder cette histoire par le petit bout de la lorgnette.
Cette biographie est adaptée des mémoires de Haft, publiées en 2003 par son fils, associé à deux chercheurs américains. Il est précisé en postface qu’il peut y avoir quelques confusions sur les dates et que certaines scènes décrites par l’ancien déporté sont invérifiables mais la véracité de son parcours reste indiscutable. Le récit de ce père analphabète et violent aura entre autres permis au fils de mieux comprendre pourquoi son géniteur, souvent taciturne, pouvait entrer dans des colères terribles. En racontant son douloureux passé, Harry a pu faire la lumière sur des années d’incompréhension entre lui et les siens. C'est sans doute l'aspect le plus touchant de son témoignage.

Le boxeur de Reinhard Kleist. Casterman, 2013. 206 pages. 16 euros.

Une nouvelle lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Mo’

Kleist © Casterman 2013


20 commentaires:

  1. en voilà un qui me plait déjà et puis j'adore les albums de cet éditeur, cette présentation.Quel dommage que, comme tu le dis, le format ne se prêt pas au style du dessinateur ici. Certes le sujet n'est pas facile mais l'approche d'un album est intéressante.

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    1. Disons que le format ne met pas en valeur le talent du dessinateur. C'est vraiment dommage.

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  2. C'est le défaut de la collection je dirais, dont tous les titres sont au même format. Mais sinon, c'est une collection qui colle bien à ce genre de propos et qui faut aussi qu'on l'apprécie. C'est un peu paradoxal tout ça :)

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    1. Sûr que c'est une magnifique collection qui recèle des titres somptueux.

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  3. Je me lance tout doucement dans la BD, je verrai si je croise celui-ci en médiathèque ;)

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    1. Je pense qu'il y en a bien d'autres à découvrir avant de se lancer dans celui-ci.

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  4. Il ne fallait pas trop être sensible pour survivre dans les camps. C'était la loi du plus fort. Ou de la jungle.

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    1. Oui c'est exactement ce que l'on comprend à la lecture de cet album.

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  5. Merci pour ce partage durant la lecture. Je te rejoins sur le fait de dire que certains passages auraient mérités d'être plus étoffés, quitte à étaler un visuel en pleine page pour arrêter le lecteur de manière significative.
    J'ai eu du mal à me représenter cet homme finalement. Je n'ai pas compris ce qu'il induit et pourquoi tant d'officiers ont fait le choix de le protéger. La scène m'a le plus surprise est celle des retrouvailles avec son frère car cela m'a étonné de constater qu'Hertzko semblait libre d'aller et venir dans le camps. Bref, quelques incompréhensions ont grignoté mon plaisir de lecture ^^

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    1. Certains déportés, en raison de leur statut, avaient droit à quelques "privilèges". Sinon je te rejoins pour dire que ce boxeur n'a finalement rien de sympathique. Au final je ne suis quand même pas mécontent d'avoir découvert son drôle de destin.

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  6. Cette histoire me donne froid dans le dos : bizarre, non ? Bises

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    1. Rien de bizarre, au contraire, je trouve plutôt cela rassurant^^

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  7. Après mon passage chez Mo' et malgré ton avis plus positif, j'avoue que je reste dubitative...

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  8. Depuis que j'ai dépassé tous mes a priori en regardant Rocky et en avouant à demi-mot que j'avais aimé, je suis prête à me lancer dans ce genre de lecture qui pourtant ne m'attire pas du tout. Sait-on jamais ?

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    1. Oui mais la boxe passe souvent au second plan dans cet album. On est loin de Rocky !

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  9. Désolée, mais la boxe c'est pas du tout mon truc.

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