mardi 9 janvier 2018

La plume de Marie - Clémentine Beauvais

Recueillie par le baron de Rochecourt à la mort de sa mère, Marie, fille de servante, a été élevée avec les enfants du château avant de devenir l’aide-gouvernante de la famille. En ce matin de mai 1650, l’ébullition règne dans les couloirs de l’immense bâtisse. Le baron attend l’arrivée de son ami Pierre Corneille, qui va passer trois semaines parmi eux. Marie, connaissant par cœur les textes du tragédien et écrivant elle-même à ses heures perdues une pièce de théâtre, se réjouit à l’idée de rencontrer un si grand homme de lettres, tout en sachant bien que sa condition ne lui permettra pas d’entrer directement en contact avec lui.

Publié pour la première fois en 2011 ce roman historique réédité l’an dernier vient de remporter le prix Unicef de littérature jeunesse (catégorie collège). Un prix dont la thématique était l’égalité, notamment l’égalité filles-garçons. Une question centrale dans ce texte où, en plus d’être une fille de servante, Marie, de par son statut de femme, ne peut voir ses talents d’écrivain reconnus à leur juste valeur. Clémentine Beauvais traite le sujet avec intelligence. Elle montre à quel point la société de l'époque ne pouvait considérer les femmes autrement que comme épouses et mères, toutes celles s'écartant de ses fonctions étant forcément des dames de mauvaise vie.

Un texte délicieux, enrichi par un vocabulaire et des tournures de phrases "précieuses" typiques du 17ème siècle. La thématique abordée reste malheureusement d'actualité aujourd'hui, même si des progrès ont évidemment été accomplis.

Noukette et moi attaquons 2018 avec une pépite jeunesse aux accents historiques qui change de nos lectures habituelles du mardi et franchement, ça fait du bien !

La plume de Marie de Clémentine Beauvais. Talents Hauts, 2016. 120 pages. 8,00 euros. A partir de 11 ans.

L'avis de Noukette













jeudi 4 janvier 2018

Un jardin de sable - Earl Thompson

Ce monumental pavé retrace les quatorze premières années de Jacky, un gamin né dans une famille pauvre du Kansas. Son père meurt alors qu’il n’est qu’un nourrisson, sa mère le laisse aux soins de ses grands-parents qui peinent à joindre les deux bouts après la perte de leur ferme. L’enfant, en changeant constamment d’adresse, découvre la vie rude de ceux qui n’ont rien, de ceux qui naviguent à vue en enchaînant les petits boulots sans se demander de quoi demain sera fait. Quand sa maman vient le rechercher après s’être mariée à un pauvre crétin sortant de tôle, Jacky croit, du haut de ses cinq ans, que tout va enfin rentrer dans l’ordre. Évidemment il se trompe. A un point qu’il ne peut pas imaginer.

Attention, livre culte. Ce jardin de sable est plein de putes, de camés, d’alcoolos, de voleurs et d’arnaqueurs. Il transpire la misère et le désespoir à chaque page, proposant une errance dans l’Amérique des années 30-40 où, pour une partie de la population, le quotidien n’était qu’une galère sans fin. Claques miteux, estomacs vides, fringues en lambeaux, nuits glacées entre quatre murs sans chauffage, on souffre en silence, on se serre les coudes et on profite de la moindre occasion pour se faire quelques dollars, peu importent les moyens employés.

Pas question de se méprendre, il n’y a rien d’héroïque chez Jacky et les siens. Mère immature, beau-père aussi fanfaron que fainéant, grands-parents qui l’élèvent en le considérant davantage comme un fardeau que comme un cadeau, le gamin aura constamment vécu dans l’instabilité la plus totale, tant financière qu’affective.

830 pages et pas de longueurs à craindre. Du moins tant qu’on aime les atmosphères poisseuses, le sexe cradingue, les personnages qui ne cessent de lutter et de se résigner, qui remontent la pente avant de la descendre aussi sec pour revenir au point de départ. Du moins tant qu’on n’est pas effrayé par le langage fleuri, les scènes d’inceste, le soupçon de zoophilie et la violence domestique.

Un roman fleuve qui fit scandale au moment de sa sortie en 1970. Un roman qui prend aux tripes et montre la vie des exclus dans une Amérique peinant à se remettre de la grande dépression. Sans chichi ni fioriture, sans jugement, en exposant une réalité crue, brutale, dérangeante, malsaine. Tout ce que j’aime dans la littérature américaine en somme, de Steinbeck à Fante, de Selby à Bukowski.

Voilà, c’est fait. J’ai pris ma première très grosse claque de l’année. J’en viens même à me demander si je vais trouver une lecture plus marquante dans les 361 jours qui restent avant de la terminer.

Un jardin de sable d’Earl Thompson (traduit de l'américain par Jean-Charles Khalifa). Monsieur Toussaint Louverture, 2018. 830 pages. 24,50 euros.

















mercredi 3 janvier 2018

Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied - Alain Kokor et Pascal Rabaté

Rabaté ne pouvait trouver mieux que Kokor pour illustrer cette histoire poétique en diable. En effet sa fiction en vers racontant le parcours d’Alexandrin, poète ambulant vendant ses œuvres au gré de ses errances et du jeune Kevin, un fugueur qu’il va prendre sous son aile, est magnifiée par les dessins aux tons pastel et le découpage d’une grande inventivité typique du travail de l’auteur de « Supplément d’âme ».

Avec Alexandrin et Kevin le récit d’apprentissage prend des chemins de traverse où rien ne sert de se presser. De la ville à la campagne, on déambule le nez au vent, porté par un goût immodéré pour la liberté. Le regard posé sur l’existence se veut décalé. On prend son temps, on musarde, on fraternise sans jugement, on profite de la vie comme elle vient.

C’est beau, doux, chaleureux, plein de lenteur, de silence et de contemplation. Mais sous le vernis de l’innocence la cruauté du monde finit par affleurer. Et sans jamais se laisser déborder par la moindre mièvrerie, les auteurs achèvent la balade de leur poète sur une note douce-amère  ramenant chacun à sa propre solitude. Un sans faute qui annonce, je l’espère, le début d’une collaboration aussi durable que fructueuse.

Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied d’Alain Kokor et Pascal Rabaté. Futuropolis, 2017. 92 pages. 22,00 euros.






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mardi 2 janvier 2018

Les lectures de Charlotte (46) : Une maison dans les buissons - Akiko Miyakoshi

Charlotte et moi avons voulu commencer l’année en douceur avec cet album japonais plein de charme. Sakko emménage dans sa nouvelle maison. Sa mère lui a dit que les voisins avaient une fille de son âge alors elle part à sa rencontre. Mais il n’y a personne dans  la maison d’à coté alors Sakko décide d’explorer le champ qui sépare les deux habitations. Au milieu du champ, quelques buissons forment un abri sous lequel la petite fille se glisse. Au pied d’un buisson elle trouve un panier contenant une dinette. Devinant que ce panier appartient à la voisine, elle le décore de quelques fleurs et le remet en place, en espérant que sa propriétaire appréciera son geste.

Un album tout en tendresse qui montre la capacité des enfants à explorer de nouveaux territoires et à nouer des amitiés avec une simplicité désarmante. Les illustrations sont magnifiques, on se promène dans la nature avec Sakko et on partage avec elle le plaisir de sa rencontre avec Yoko. Sans compter qu’il est appréciable de voir des enfants jouer en plein air loin de tout divertissement numérique ou télévisuel.




Une jolie lecture, idéale pour attaquer 2018 sous les meilleurs auspices. Et je ne doute pas que Charlotte et moi aurons encore de nombreuses occasions de partager ensemble de belles découvertes livresques dans les mois qui viennent.

Une maison dans les buissons d’Akiko Miyakoshi. Syros, 2017. 32 pages. 14,90 euros. Dès 4 ans.






jeudi 28 décembre 2017

Bilan romans 2017

Un peu moins de 70 romans et recueils de nouvelles lus cette année. C’est bien moins que l’an dernier mais en même temps j’ai avalé beaucoup plus de pavés que d’habitude, et j’avoue que je commence à y prendre goût.

Que retenir de toutes ces lectures ? Que le roman noir d’Hevré Le Corre restera mon roman de l’année, que mes valeurs sûres (Daoud, Choplin, Stefansson) ne m’ont pas déçu, que les nouvelles américaines sont définitivement ma tasse de thé, qu’une génération de jeunes auteurs français  émerge avec des textes qui dépotent furieusement, que les flops font partie d’une vie de lecteur et que le livre d’Éric Cantona restera comme la plus grande arnaque éditoriale de 2017.

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Mon roman de l'année





La crème de la crème











De bonnes nouvelles









L'Amérique, l'Amérique...












La jeune garde française qui dépote












Les flops de l'année













L'escroquerie de l'année

























mercredi 27 décembre 2017

Bilan BD 2017

Plus de 150 BD lues cette année, comme d'habitude. Le rythme est resté le même mais 2017 m'aura permis de m'éloigner quelque peu de la production franco-belge pour retourner vers les mangas et faire de magnifiques découvertes avec d'excellents comics. Beaucoup moins de titres jeunesse par contre et bien plus de one shots que de séries, même si je n'abandonnerais pour rien au monde celles que je suis avec enthousiasme.
Au final le bilan est varié et assez représentatif du lecteur de BD curieux et passionné que je suis depuis ma plus tendre enfance.

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Le top du top











Les incontournables séries










Les pépites venues d'Amérique









Le manga dans tous ses états









Roulez jeunesse !







Le top des flops







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