mercredi 6 octobre 2021

Wake up America, l’intégrale : 1940-1965 : 25 ans de lutte pour les droits civiques - John Lewis, Andrew Aydin et Nate Powell

Un pavé de près de 600 pages regroupant les 3 tomes parus précédemment qui relate l’incroyable parcours de John Lewis, né en 1940 dans une fratrie de 10 enfants au fin fond de l’Alabama et qui mena aux côtés de Martin Luther King le combat pour les droits civiques. On y découvre la construction de son identité politique et son engagement pour l’égalité à travers la croisade menée au début des années 60 par des étudiants et militants noirs baptisés « les voyageurs de la liberté » dont le but était de mettre un terme à la discrimination raciale dans les bus et les gares routières des états du sud. Apôtre de la non-violence, plusieurs fois emprisonné pour troubles à l’ordre public, il se bat pour que la population noire puisse s’inscrire sur les listes électorales dans le Mississipi et l’Alabama alors que dans ces états les autorités, défiant les lois fédérales, maintiennent la ségrégation. Infatigable défenseur de la liberté et de l’égalité, John Lewis fut, de 1986 à son décès en juillet 2020, sénateur de la Chambre des représentants, constamment réélu dans le 5ème district de Géorgie.

Une biographie dense, politique, aussi émouvante que révoltante, miroir de la lente et douloureuse évolution de la question raciale aux États-Unis dans la seconde moitié du 20ème siècle. Le propos est certes engagé mais il ne tombe pas dans le manichéisme primaire et ne cherche pas à régler des comptes. Pas de haine, pas de leçon de morale, les faits se suffisent à eux-mêmes et l’expression inadmissible de la ségrégation relève d’une évidence ne pouvant souffrir la moindre contestation. La complexité de la situation et des enjeux est d’ailleurs décrite avec un effort de vulgarisation qui rend l’ensemble d’autant plus instructif et marquant. John Lewis n’est pas présenté comme un super héros de la cause qu’il n’a cessée de défendre, le portrait n’a rien d’hagiographique, le discours étant au final plus pédagogique que militant. 

Niveau dessin, Le noir et blanc de Nate Powell, sobre et puissant, donne à voir à la fois l’ignoble réalité et la volonté inébranlable d’une communauté décidée coûte que coûte à ne plus se résigner et à gagner la dignité à laquelle chaque américain est en droit d’aspirer, quelle que soit sa couleur de peau. 

Une lecture parfois exigeante, toujours passionnante et absolument indispensable.

Wake up America, l’intégrale : 1940-1965 : 25 ans de lutte pour les droits civiques de John Lewis, Andrew Aydin et Nate Powell. Rue de Sèvres, 2021. 560 pages. 30,00 euros.
















vendredi 1 octobre 2021

Les fruits tombent des arbres - Florent Oiseau

 

« Je traversais l’existence comme une ombre, je flottais, je me promenais, mais je ne faisais pas grand-chose de palpable, de beau, de grand, de définitif. »

Pierre n’a rien d’un héros. Rentier à l’existence frugale, célibataire père d’une ado, il vit dans le petit appart parisien légué par ses parents. Il regarde « le football avec une ferveur identique à celle d’un ragondin qui se laisse dériver dans une rivière » et constate avec lucidité qu’après 50 ans « [sa] prostate commence à intéresser le corps médical, […], [ses] pectoraux ressemblent à des cernes, et, après trois verres de vin, [sa] queue n’a plus rien à envier à une glace oubliée sur une plage de la Costa del Sol en plein mois d’août. »

Il déambule dans les rues, fume avec les prostitués sur un bout de trottoir, regarde « Sauvez Willy » pour réconforter un voisin, participe à une course cycliste improbable, rédige des poèmes dans les commentaires de vidéos porno ou entretient une relation platonique avec une jeune femme écrivain qui a vingt ans de moins que lui. 

Dans un roman de Florent Oiseau, on se quitte pour un yaourt à la cerise. On meurt d’une crise cardiaque à l’arrêt de bus. On se fait alpaguer par une actrice célèbre qui vous supplie de lui faire une mayonnaise. On prénomme sa fille Trieste à cause d’un sac oublié dans un train. On admire Samantha le travesti chanter Dalida dans un bar Kabyle, « une Heineken en guise de micro ». 

Dans un roman de Florent Oiseau tout est anodin et insignifiant. On se satisfait du banal avec un détachement proche de la poésie. Dans un roman de Florent Oiseau la solitude ne dégouline pas de tristesse, la manque d’ambition se vit sans larmes et sans drame. Dans un roman de Florent Oiseau l’absurde débouche sans prévenir sur de sublimes moments d’humanité et le dérisoire n’a jamais rien d’un désenchantement.

J’aimerais tellement que ma vie soit comme un roman de Florent Oiseau.

Les fruits tombent des arbres de Florent Oiseau. Allary éditions, 2021. 236 pages. 17,90 euros. 






mardi 28 septembre 2021

Comme ton père - Gille Abier

 

« T’es bien comme ton père, tiens ! »
La phrase de trop pour Loris, prononcée par sa mère suite à un incident survenu au lycée. A 17 ans, le jeune garçon n’a jamais connu son père. Personne ne lui en a jamais parlé et il est temps pour lui de connaître la vérité. Alors Loris va monter dans un train en gare d’Enghien, direction Grenoble. C’est là-bas que sa mère et sa grand-mère vivaient au moment où il a été conçu. Il l’a appris de la bouche d’un boulanger en retraite chez qui travaillait sa grand-mère et à qui elle s’était confiée. Sur place, de révélation en révélation, une horrible réalité se fait jour sur ses origines…

« Tu crois qu’on peut être heureux quand on naît d’une violence ? »
Cette question est au cœur du parcours de Loris. Elle explique le silence de sa mère sur l’identité de son père. Elle explique son mal-être, sa difficulté à trouver sa place au lycée, et plus généralement dans la société. Mais la connaissance de la vérité est aussi un mal nécessaire pour se construire un avenir solide et résilient.

Comme d’habitude Gilles Abier ne ménage ni ses personnages ni ses lecteurs. Et comme d’habitude c’est fait avec tellement de talent qu’on lui pardonne volontiers de nous bousculer à ce point. C’est sombre et réaliste, cash, sans faux semblant ni volonté de forcer le trait. Si l’évidence n’est qu’une illusion, le drame est d’autant plus crédible que le déroulement des événements s’articule de manière imparable. On en ressort bluffé par tant de maîtrise narrative. Comme d’habitude j’ai envie dire. 

Comme ton père de Gille Abier. Ed. In8, 2021. 132 pages. 8,90 euros. A partir de 13-14 ans.  



Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette




vendredi 10 septembre 2021

Au prochain Arrêt - Hiro Arikawa

Au Japon, la ligne de chemin de fer reliant Takarazuka à Nishinomiya dessert huit gares. Dans chaque gare, le va-et-vient des montées et descentes draine un flot continue de passagers, seuls ou accompagnés, perdus dans leurs pensées ou attentifs à tout ce qui les entoure. A bord du train, Masashi est abordé par Yuki, qu’il croise régulièrement à la bibliothèque et à qui il n’a jamais osé adresser la parole. Shoko repense avec plaisir au scandale qu’elle vient de causer au mariage de son ex. Tokié, veuve depuis peu, ne se laisse pas attendrir par son adorable petite fille. Misa, régulièrement battue et humiliée par son petit ami Katsuya, décide de le quitter une bonne fois pour toute. Etchan et ses copines lycéennes peinent à s’imaginer un avenir à la fac. Kei’chi et Miharu ont un coup de foudre aussi inattendu qu’inespéré. Des hommes et des femmes qui se croisent le temps d’un court trajet, des destins qui se nouent et se dénouent au fil de l’avancée sur les rails.

Huit chapitres correspondant aux huit gares traversées par le tain à l’aller, huit chapitres pour refaire le trajet dans l’autre sens, avec les mêmes personnages, quelques mois plus tard. Le schéma narratif est simple, la mécanique imparable. Certes, la ligne Takarazuka-Nishinomiya est la véritable héroïne du roman mais c’est un plaisir de découvrir l’évolution des protagonistes entre le printemps et l’automne. On les suit le temps d’un ou deux arrêts et même si notre rencontre avec eux reste furtive, on finit par s’attacher à ces gens simples aux aspirations « ordinaires ».

C’est doux et piquant, plein d’une retenue typiquement japonaise, les pensées les plus intimes étant toujours exprimées avec une grande pudeur. Bref, ce fut un vrai plaisir de parcourir ce récit tout en sensibilité qui ne verse heureusement pas dans l’excès de bons sentiments. 

Au prochain Arrêt d’Hiro Arikawa (traduit du japonais par Sophie Refle). Actes Sud, 2021. 184 pages. 18,50. 






mardi 31 août 2021

Dans la gueule du Diable - Anne Loyer

Photographe attitré de la Gazette du Bahut, Tom se voit associer à la mystérieuse Amina pour rédiger un article sur la fête foraine venant de s’installer en ville. Arrivée depuis peu au collège, cette fille ne lui inspire rien qui vaille avec ses fringues et ses attitudes de garçon manqué. Devant faire équipe avec elle malgré lui, Tom oublie vite ce désagrément une fois sur place, prêt à utiliser pour la première fois le magnifique appareil photo que ses parents viennent de lui offrir.

En cette fin d’après-midi la fête est encore déserte et la bouche grande ouverte du train fantôme attire les jeunes reporters comme un aimant. A l’intérieur de l’attraction, une macabre découverte les attend. Aussi inconscients que courageux, ils vont se lancer sur la piste de dangereux criminels, sans penser aux conséquences dramatiques que leur témérité pourrait engendrer.

Un petit roman à lire d’une traite pour suivre les aventures de Tom et Amina, des entrailles d’un manège flippant à une usine désaffectée encore plus flippante. Le rythme est enlevé, les courts chapitres participent à la montée de la tension et du suspens. Anne Loyer joue sur les codes classiques du thriller palpitant et sans temps mort tout en abordant l’air de rien des thématiques comme l’émancipation féminine et les premiers émois amoureux.

C’est simple, rondement mené, le suspens accrochera à coup sûr les jeunes lecteurs désireux de savoir comment tout cela va se terminer. Terriblement efficace quoi !

Dans la gueule du Diable d’Anne Loyer. Mijade, 2021. 180 pages. 7,00 euros. A partir de 9-10 ans.



Un billet qui signe la reprise des pépites jeunesse
 partagées avec Noukette !












dimanche 29 août 2021

Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes - Lionel Shriver

 

Serenata, sexagénaire fringante et active, se désespère de ne plus pouvoir faire les activités physiques intenses qu’elles s’imposaient depuis l’adolescence à cause de ses genoux en piteux état. Son mari Remington vient lui porter un coup au moral supplémentaire le jour où il lui annonce qu’il a l’intention de participer à un marathon. Lui, le néo-retraité qui n’a jamais couru de sa vie !  La nouvelle est difficile à digérée pour Seranata, qui y voit d’abord une volonté de lui nuire, de la mettre face à sa propre décrépitude. Elle finit par se convaincre que ce n’est qu’une passade, qu’une fois le marathon achevé tout rentrera dans l’ordre. Malheureusement pour elle, elle se trompe dans les grandes largeurs et la nouvelle obsession de son homme pour le sport ne va cesser de croitre, creusant entre eux une distance toujours plus grande et plus profonde.  

Cette Serenata, quel personnage ! Misanthrope, cynique, atrabilaire et plutôt imbue d’elle-même, elle ne va cesser d’enchaîner les désillusions et de constater le déclin d’un mariage aux fondations jusqu’alors solides. La faute à son mari bien sûr, puisqu’elle-même a bien du mal à se remettre en cause. Entendons-nous, Remington n’est pas tout blanc non plus. Manipulable, en attente permanente du soutien de sa femme, devenu un monomaniaque de l’effort n’ayant plus d’autres centres d’intérêts que les kilomètres avalés chaque jour, il est insupportable ! 

Lionel Shriver n’épargne personne. Elle appuie là où ça fait mal. Tout le monde en prend pour son grade et les nombreux personnages secondaires sont savoureux. C’est acide, débordant d’une ironie mordante et, au-delà de la dénonciation du délire narcissique d’une société américaine obsédée par le culte de l’effort et de la compétition, elle se permet d’égratigner au passage la culture woke et le politiquement correct poussé jusqu’à l’absurde. Son roman interroge aussi sur la difficulté à se projeter dans la vieillesse et surtout, pour un couple, la difficulté de vieillir ensemble.

L’épilogue est un peu idyllique et caricatural. Trop consensuel aussi, en tout cas en décalage trop flagrant avec tout ce qui a précédé. Dommage mais ça n’a aucunement gâché le plaisir que j’ai eu à découvrir une plume terriblement incisive. 

Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes de Lionel Shriver (traduit de l’anglais par Catherine Gibert). Belfond, 2021. 385 pages. 22,00 euros.  







lundi 23 août 2021

La saga des Cazalet T3 : Confusion - Elizabeth Jane Howard

Le titre de ce volume est parfait. Tout se complique, pour tout le monde. Et rien ne se décante, pour personne. La guerre se poursuit, le quotidien est difficile pour la population et celui des Cazalet ne fait pas exception à la règle. Dans la grande tribu les enfants ont bien grandi. Les cousines Polly et Clary s’installent ensemble à Londres et débutent une vie active chaotique. A 19 ans, Louise est loin de s’épanouir depuis son mariage et ce n’est pas une grossesse inattendue qui va arranger les choses. Chez les adultes, Hugh ne parvient pas à se remettre du décès de sa femme, Edward mène toujours une double vie, Zoë, n’espérant plus le retour de Rupert, tombe dans les bras d’un photographe américain et Rachel joue toujours la bonne samaritaine auprès de ses parents vieillissants, au grand dam de son amour Sid. Beaucoup de non-dits, beaucoup de tromperies, beaucoup de souffrances intimes que l’on garde pour soi car s’épancher n’est pas une habitude dans la famille Cazalet. Le roman se termine au moment de la victoire alliée, peut-être l’occasion pour chacun d’y voir une porte ouverte vers un avenir meilleur…

Quel bonheur de retrouver cette saga dont je me délecte depuis la première page du premier tome, quel plaisir de suivre les destins de cette floppée de personnages tous parfaitement campés. C’est facile à lire, l’écriture est simple et ne cherche pas de complications inutiles et on se surprend à trouver la narration addictive malgré la multiplication des intrigues.

Les thématiques abordées depuis le début ne changent pas, l’émancipation féminine face à la mainmise du patriarcat reste au cœur du récit, comme le manque de considération des adultes pour les enfants (se traduisant notamment par une volonté permanente de leur cacher les dures réalités de la vie). 

Un tome charnière, où l’on sent la grande famille bourgeoise atteindre le crépuscule de son âge d’or. Et si la chute risque d’être rude, elle pourrait aussi permettre à chacun de se projeter enfin vers de nouveaux horizons.

La saga des Cazalet T3 : Confusion d’Elizabeth Jane Howard (traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff). La Table Ronde, 2021. 480 pages. 23,00 euros.








jeudi 29 juillet 2021

Au nord du monde - Marcel Theroux

Makepeace vit seule dans une ville abandonnée de Sibérie. Ses parents venus des États-Unis en pionniers et son frère sont morts juste avant le cataclysme, avant que la civilisation moderne disparaisse, avant que les rares humains restants soient partis vers d’autres contrées. Seule dans sa maison d’enfance, elle cultive son potager et se protège comme elle peut, des intempéries et des rares rodeurs. Jusqu’au jour où elle rencontre Ping, une esclave échappée d’un convoi en route pour le nord. Jusqu’au jour où un avion la survole et où elle s’imagine qu’un retour à la vie d’avant est possible. L’espoir chevillé au corps, Makepeace décide de partir sur la route, en quête de jours meilleurs.

Ok, ce western post-apocalyptique du grand nord n’est pas le roman le plus joyeux de l’année mais paradoxalement ce fut une lecture de vacances parfaite. Car même si les aspects liés au dérèglement climatique et à l’activité humaine irréfléchie sonnent de manière très actuelle et n’ont rien pour remonter le moral, la narration nerveuse rend le récit haletant et addictif.  

Et au-delà du contexte et de l’ambiance, au-delà des événements qui s’enchaînent, le personnage de Makepeace dégage une aura envoutante. Les coups durs qu’elle accumule, son regard lucide sur l’état du monde, ses réflexions sur la nature humaine, ses interrogations métaphysiques sur le sens de la vie donnent à l’ensemble une profondeur qui va bien plus loin que le simple roman d’aventure.   

Un excellent moment de lecture, enrichit par la postface d’Haruki Murakami et les informations apportées par l’auteur sur la genèse de son texte. Du tout bon !

Au nord du monde de Marcel Theroux (traduit de l'anglais par Stéphane Roques). Zulma, 2021. 400 pages. 20,00 euros.





samedi 24 juillet 2021

Ce qui est au-dedans - Sam Shepard

Le narrateur se réveille à 4h00 du matin. Comme chaque jour l’insomnie le tourmente, malgré les somnifères, et le fil de la mémoire se déroule, fragmenté, incomplet, aléatoire. Il pense à son père et à son amante d’à peine 14 ans qui deviendra par la suite son initiatrice. Il pense à son ex-femme qui veut le faire chanter. Il pense à son corps qui le lâche petit à petit, à la solitude dans sa maison isolée du Nouveau Mexique, avec ses chiens pour seule compagnie. Il se rappelle l’Amérique de son enfance, les grands espaces, l’avenir radieux qui s’offrait à lui. Aujourd’hui les coyotes hurlent au crépuscule et la fin du chemin est proche. Le constat est lucide, sans trémolo excessifs, intime mais pudique. 

Dernier ouvrage à l’évidence très autobiographique de Sam Shepard avant son décès en 2017, Ce qui est au-dedans sonne comme un adieu. Malheureusement les courts textes qui le composent forment un patchwork foutraque qui donne l’impression d’être dans la tête d’un vieil homme désorienté, incapable de remettre en place les différentes pièces du puzzle de sa vie. Ça pourrait être touchant mais j’ai trouvé l’ensemble super pénible. Par moment on se dit qu’on tient un vrai début d’histoire mais très vite il part dans une autre direction, vers un autre événement, une autre époque, un autre souvenir. A la longue c’est juste lassant et au final, rien ne ressortant du lot, on s’ennuie ferme. L’écriture n’est pas désagréable en soi, il s’en dégage même une forme de poésie et de mélancolie esthétiquement très plaisante mais cela n’a pas suffi à susciter mon intérêt pour le reste.    

J’ai beau chercher du positif, force m’est de constater que cette lecture n’a rien eu d’agréable, tellement peu marquante que quelques jours après avoir terminé le livre, il ne m’en reste rien de solide en dehors de quelques bribes éparses. Vraiment pas une réussite en ce qui me concerne et c’est bien dommage car avant le coup je pensais que j’allais adorer.

Ce qui est au-dedans de Sam Shepard. Robert Laffont, 2020. 230 pages. 21,00 euros.






lundi 19 juillet 2021

Les seigneurs - Richard Price

Bronx, années 60. Richie traîne dans la cité avec ses copains. Ils sont italo-américains, pauvres et désœuvrés. A 17 ans Richie est à la tête de la bande des Vagabonds, un groupe d’ados toujours prêt à se frotter aux autres bandes qui se partagent le quartier. Italien, irlandais, polonais, asiatique ou afro-américain, chaque groupe veut se faire respecter et les occasions d’affrontement sont nombreuses. Au-delà des rivalités ethniques, les Vagabonds doivent composer avec une envie permanente de perdre leur virginité, une scolarité chaotique, des perspectives d’avenir bien ternes, des parents violents, psychotiques et/ou alcooliques et un environnement où l’ennui domine toute autre forme d’activité.

Premier roman de Richard Price publié en 1974 et premier coup de maître. New-York, la zone, les terrains vagues, les bars miteux, la misère et la crasse à chaque coin de rue. Des gamins qui ne pensent qu’à tirer ou boire un coup, qui sèchent les cours et gagnent quelques billets en jouant les arnaqueurs. Les premiers émois amoureux, la baston, la solidarité, la perte des dernières illusions et une amitié qui s’exprime selon des codes bien particuliers sont les thèmes récurrents qui traversent le récit. La violence et le sexe sont très présents mais au-delà de ces aspects les plus frappants, ce roman d’initiation aborde avec beaucoup de justesse le passage de l’adolescence vers l’âge adulte.

Chaque chapitre peut se lire comme une nouvelle indépendante mettant en scène un personnage différent mais l’ensemble forme un tout cohérent. Il y a du Selby dans ce roman, certes moins dérangeant et extrémiste que Last Exist to Brooklyn mais l’esprit est le même, tragique, pessimiste, âpre et parfois aussi très drôle. Le décor est identique mais les personnages de Price sont plus attachants et son écriture moins crue, moins radicale. Une plongée pleine d’énergie et de désespoir dans l’Amérique pauvre et urbaine des années 60.

Les seigneurs de Richard Price. 10/18, 2007. 310 pages. 8,10 euros.