Rien de tel que des nouvelles pour se remettre en selle
quand l’envie de lecture prend un coup de mou. Et pour être sûr de bien tomber,
je me tourne en général vers les auteurs américains qui restent pour moi les
grands maîtres du genre. Trois valeurs sûres pour trois bonnes pioches, je ne
pouvais pas mieux tomber.
17 janvier 2003. « La maison était tranquille, il y faisait bon. Tout semblait normal, parfaitement ordinaire. » Et pourtant la soirée était en train de tourner au drame. Les posait des question simples à son père Tom et ce dernier peinait à y répondre. Le lendemain, Tom devait se rendre dans un centre d’examen. Comme toutes les personnes de plus de 60 ans, il allait subir une batterie de tests. S’il échouait, il se verrait prescrire une injection létale. C’était la loi, il fallait s’y plier. Les vieux inutiles ne pouvaient continuer à être entretenus par un gouvernement devant juguler les problèmes de surpopulation. Et pour Les, l’évidence sautait aux yeux. Son père n’était pas prêt à subir le test, son père allait forcément échouer…
Grand maître de la SF, Richard Matheson imagine dans cette nouvelle de 1954 une société réglant de façon inhumaine la question du vieillissement de la population. Visionnaire ? Espérons que non. Glaçant ? Assurément.
L’examen de Richard Matheson (traduit de l'anglais par Roger Durand). Ed. Le passager clandestin, 2019. 46 pages. 5,00 euros.
C’est l’histoire d’une vie en quarante petites pages. L’histoire d’une gourmande accro à la crème glacée et aux hommes. Toute petite elle léchait jusqu’à la dernière goutte les coupelles de glace avant de les laver. A l’adolescence, elle se faisait régulièrement surprendre avec un garçon sur le canapé familial. Seize grossesses, sept enfants et neuf fausses couches plus tard, elle est devenue « le genre de mère toujours en train de frotter les joues de ses enfants d’un doigt humide pour retirer les traces de ses propres baisers ». Avec l’âge, les enfants partis et le mari décédé, il ne lui restait plus que sa passion pour les glaces à entretenir. Avec toujours la même voracité.
Un délicieux portrait plein de volupté où la vie est croquée à pleine dent, parce que « le plaisir, c’est le plaisir. Quand on en est friand, on découvre qu’il y en a des quantités. »
Jamais assez d’Alice McDermott (traduit de l’anglais par Cécile Arnaud). La Table Ronde, 2020. 42 pages. 4,00 euros.
David et sa femme Ellie, universitaires à la retraite, découvrent avec stupéfaction un étron dans leur jacuzzi. Mais qui a bien pu se glisser dans le jardin pour commettre un tel forfait ? Peut-être un lien avec l’élection de Trump quelques jours plus tôt et leur soutien affiché à Hillary qui n’aurait pas plu aux voisins. Ou alors la vengeance d’un étudiant qui leur aurait gardé une rancœur tenace après une mauvaise note. Quoi qu’il en soit l’histoire se répète à plusieurs reprises et si David prend la chose avec légèreté, Ellie a beaucoup plus de mal à supporter l’affront. Au point de sombrer peu à peu dans la dépression et de vouloir déménager loin de l’Arizona afin de retrouver leur fille en Californie.
Du Russo pur jus, drôle, ironique, avec un discours tout en finesse sur la politique, l’amitié et la vie de couple. Égal à lui-même, autant dire excellent !
Et m*** ! de Richard Russo (traduit de l’anglais par Jean Esch). La Table Ronde, 2020. 57 pages. 7,00 euros.