Un junkie poursuivi par des dealers dans le désert, un couple de braqueurs de stations-service, des combats de chiens, une petite frappe qui veut se faire un surnom, un règlement de comptes sanglant, une femme fatale venant se percher sur un tabouret de bar, un plan tout cuit qui tourne au vinaigre, un « nettoyeur » au cœur d’artichaut, une décision radicale pour sauver une histoire d’amour, une bonne poire pas si naïve que ça, un taulard trop sûr de lui, la vengeance d’un mari trompé, un grand-père inconsolable... Les Monts Ozarks, le Texas, Détroit, New-York, Hollywood, autant de lieux différents pour ces quinze nouvelles décapantes dont on ne sort pas indemne.
Avec Jordan Harper, rien ne se passe comme prévu. Ça dérape, ça part en sucette, les projets, sur le papier si bien huilés, finissent en catastrophe. C’est dramatiquement drôle, sans pitié ni répit pour personne. Ceux qui me connaissent savent que j’y ai trouvé mon compte. Les losers pathétiques, j’en raffole. Surtout quand on les enrobe d’une atmosphère électrisante à souhait, d’un humour corrosif et d’une noirceur jusqu’au-boutiste totalement assumée.
Cupidité, solitude, drogue, violence, désespoir, recherche vaine d’un avenir meilleur, on pourrait tomber dans le cliché mais l’auteur évite ce piège en trouvant l’angle d’attaque original qui fait mouche. Son sens de la formule et son écriture à la fois nerveuse et très orale m’ont embarqué de la première à la dernière page, avec une mention spéciale pour la magnifique nouvelle qui donne son titre au recueil.
Pas à dire, il y a du Donald Ray Pollock et du Daniel Woodrell chez Jordan Harper. Une filiation qui a de la gueule pour un jeunot roublard comme un vieux routier à qui on ne la fait pas. Un nouvel auteur américain à suivre de près, de très près même…
L’amour et autres blessures de Jordan Harper (traduit de l'anglais par Clément Baude). Actes sud, 2017. 190 pages. 19,00 euros.