Ils sont trois frères. Affreux, sales, mais pas vraiment méchants. Le premier, ventripotent et débonnaire, se nomme Fat Freddy. Le second, un cow-boy psychédélique toujours coiffé de son stetson, s’appelle Franklin. Quand au troisième, c’est Phinéas, le penseur de la bande, tendance intello gauchiste. Ce trio de hippies est en quelque sorte le pendant américain de nos célèbres Pieds Nickelés, en plus trash. L’oisiveté est leur activité préférée. Leur raison d’être ? La drogue. Toujours en quête d’herbe à fumer, toujours prompts à planquer la réserve familiale en cas de descente des stups, ils n’ont qu’une devise : « La dope fait mieux passer les périodes sans argent que l’argent ne fait passer les périodes sans dope. » Adeptes des drogues planantes et hallucinogènes, ils refusent de toucher à l’héroïne ou au crack.
Symbole de la contre-culture des années 60, les Freak Brothers sont nés sous la plume de Gilbert Shelton. A l’époque, Dylan chantait « Everybody must get stoned », et les trois frangins ne pouvaient qu’acquiescer. Combi Voslwagen, cheveux longs, refus de la conscription et de la guerre du vietnam, défense de l’amour libre… tous les clichés propres à la génération Woodstock se retrouvent dans ce comics en noir et blanc où chaque histoire, imprimée sur du papier recyclé et diffusée à une toute petite échelle, tient généralement en une ou deux planches. Des personnages déjantés, de l’humour pas toujours très fin mais souvent franchement drôles, les Freaks Brothers avaient tout pour devenir des stars dans les milieux étudiants et Shelton est aujourd’hui considéré avec Robert Crumb comme l’un des pères de la BD underground américaine. La série a pris fin en 1992, après 27 ans de bons et loyaux services rendus à la cause hippie.
Un gag des Freak Brother se reconnaît au premier coup d’œil. Dessin pas toujours très maîtrisé, découpage à l’arrache avec parfois 17 ou 18 cases par pages, lettrage que ne renierait pas ma fille de six ans, tout cela fleure bon l’amateurisme des fanzines. Du pur underground, loin de toute considération esthétique et commerciale. Un énorme FUCK jeté à la face de l’Amérique puritaine. Forcément, ça ne plaira pas à tout le monde. Quelques réactions épidermiques sont même à prévoir si vos offrez un album des Freak Brothers à vos proches. Personnellement, cette série fait partie des petits plaisirs solitaires et inavouables que je m’autorise de temps en temps quand le besoin de décompresser se fait sentir.
Les Fabuleux Freak Brothers : Compilation T1 (1967-1974) de Gilbert Shelton, Éditions Tête Rock Underground, 2011. 176 pages. 28 euros.