mercredi 4 mai 2011

Lucky in love T1 : histoire d’un pauvre homme

En 1942, Lucky Tetsaduda a 15 ans. Cet italo-américain vivant dans le New Jersey fait les 400 coups dans son quartier avec son copain Babe. Ses deux préoccupations majeures : les filles et l’armée. Problème, Lucky ne mesure qu’un mètre soixante ce qui est un handicap quasi insurmontable, tant pour la drague que pour devenir pilote de chasse. Lorsqu’il s’engage dans l’Air Force, on fait de lui un mécano basé à Hawaï, loin du cœur du conflit. En 1946, il est libéré et rentre chez lui. Il trouve un job de livreur payé 50 cents de l’heure et, devant la médiocrité de son existence, commence à noyer son vague à l’âme dans l’alcool...

En trois longs chapitres, les auteurs dépeignent le difficile passage de l’adolescence à l’âge adulte. Lucky Tetsaduda est un jeune garçon ne trouvant pas sa place dans une société qui n’offre aucun salut aux demi-portions dans son genre. Récit d’initiation, cette « histoire d’un pauvre homme » est menée avec finesse et intelligence. Gamin frondeur, rêveur et un brin grande gueule, Lucky est un personnage attachant pour lequel le lecteur développe naturellement une certaine empathie.

Lucky in Love est une réussite, tant sur le plan historique que graphique. Historique car George Chieffet brosse un portrait réaliste de l’Amérique des années 40. Une époque où la jeunesse, après avoir subit les affres de la guerre, rentre au bercail avec des envies de gloire et d’argent. Réussite sociale et culte de l’apparence sont alors au cœur des préoccupations de ces nouveaux héros de l’Amérique. Un tremplin vers la modernité qui ne laisse pas de place aux losers... Sur le plan graphique, le travail de Stephen DeStefano est assez remarquable. La qualité de son noir et blanc aux aplats magistraux est renforcée par le papier couleur saumon qui donne petite touche vintage du plus bel effet. Convoquant tout à la fois les fantômes de Milt Gross, Rudolph Dirks (Pim Pam Poum) ou encore Harvey Kurtzman (Little Annie Fanny publiée dans Playboy), il rend un hommage appuyé à ces grands anciens dont les publications ont illuminé pendant des décennies les pages des quotidiens US.

Voila un premier volume qui prouve avec maestria à ceux qui en douteraient encore que le comics ne se limite décidément pas aux super-héros en collant moule-burnes.


Lucky in love T1 : histoire d’un pauvre homme de George Chieffet et Stephen DeStefano, éd. Çà et là, 2011. 126 pages. 14 euros.



Le challenge Palsèche de Mo'


lundi 2 mai 2011

L'enfant sauvage - TC Boyle

A l’automne 1797, en Aveyron, des paysans capturent un enfant de huit ou neuf ans ayant grandit seul dans la forêt. Enfermé à l’auberge du village, ce « sauvage » qui ne parle pas, se déplace à quatre pattes et grimpe aux arbres parvient à s’échapper par le toit. Deux ans plus tard, pendant un hiver particulièrement rigoureux, l’enfant réapparaît et s’introduit dans une maison pour se réchauffer. A nouveau capturé, le garçon est emmené à Paris, à l’institution des sourds-muets, pour y être étudié par l’abbé Sicard, le directeur de l’établissement. Ce dernier, considérant le sauvage comme un incurable simple d’esprit auquel on ne pourra jamais rien apprendre, le confie aux bons soins du docteur Itard, un jeune médecin de 25 ans persuadé de pouvoir « élever » cet enfant n’ayant jamais connu la civilisation…

TC Boyle revisite ici l'histoire de Victor de l’Aveyron. Et si François Truffaut, dans son film de 1970, offrait une vision humaniste et positive de l’éducation de Victor, force est de reconnaître que l’auteur américain ne partage pas cette position. Malgré les efforts constants visant à donner au sauvage les éléments nécessaires pour faire de lui un homme digne de ce nom, Itard doit constater que les quelques progrès constatés ici ou là sont souvent de courte durée. Victor régresse, son comportement reste très éloigné de celui admis en société et surtout il est ne parvient pas à apprendre le langage. Comment lui enseigner les règles de la morale et du savoir-vivre sans langage ? Ne pouvant formuler ses propres désirs et encore moins les exprimer à autrui, Victor n’intégrera jamais le monde qui l’entoure. Et quand Itard constate que tous ses efforts restent vains, il finit par baisser les bras et laisse l’enfant sauvage aux bons soins de sa fidèle servante.

Le célèbre auteur américain offre une vision pessimiste mais passionnante : et si l’homme, lorsqu’il grandit totalement isolé de ses congénères, restait un animal incapable d’apprendre ? Un point de vue certes discutable mais qui mérite d’être débattu.

L’enfant sauvage, de TC Boyle. Grasset, 2011. 180 pages. 14 euros.

mercredi 27 avril 2011

Les schtroumpfs 29 : Les schtroumpfs et l’arbre d’or

C’est la fête au village des schtroumpfs. On célèbre la nouvelle année sous l’arbre d’or, symbole de santé et de prospérité pour toute la communauté. Mais soudain, un terrible orage éclate et la foudre vient frapper l’arbre totem. Pour les schtroumpfs cela n’augure rien de bon. D’ailleurs, dans les jours qui suivent, les catastrophes se succèdent : invasion de limaces dans le potager, légumes qui pourrissent au garde-manger, tremblement de terre… Les schtroumpfs sont persuadés que le mauvais œil s’est penché sur le village et ils tentent par tous les moyens de conjurer le sort. Entre fer à cheval, patte de lapin ou trèfle à quatre feuilles, chacun cherche à se protéger comme il peut. Voyant la situation empirée chaque jour davantage, le grand schtroumpf décide de partir à la recherche d’un nouvel arbre d’or, seul moyen pouvant redonner confiance aux siens et leur permettre de retrouver la gaieté et l’insouciance qui les caractérisent.

Comme chaque année, lorsque le printemps revient, un album des schtroumpfs sort dans les bacs. Et à chaque fois, rien à faire, je cours chez le libraire acheter la nouvelle cuvée. Une sorte de rituel immuable qui dure depuis une éternité. Mais que vaut vraiment ce cru 2011 ? Après trois albums franchement réussis (Les schtroumpfs et le livre qui dit tout, Schtroumpf les bains, La grande schtroumpfette), force est de reconnaître que ce 29ème opus est un ton en dessous.

Une fois encore, les scénaristes ont mis en pratique la recette consistant à dénoncer un comportement humain en l’appliquant à la communauté des schtroumpfs. Cette fois-ci, ce sont la superstition et les croyances populaires qui s’invitent au village. Pour le coup, la mayonnaise ne prend pas vraiment. L’intrigue est décousue et les situations sont un brin répétitives. L’humour est finalement très peu présent et il manque les running gags qui font souvent le sel de la série. Surtout, écueil le plus important, il me semble que les enfants ne vont pas saisir les tenants et les aboutissants du scénario. En général, un album des schtroumpfs propose toujours plusieurs niveaux de lecture, c’est ce qui fait le charme de la série et la rend vraiment tout public. Là, avec ce thème si particulier, ils ne vont pour la plupart pas saisir les subtilités propres aux comportements superstitieux et risquent de ne pas trouver grand intérêt à cette histoire.

Bref, tout ça pour dire que je n’ai pas spécialement passé un bon moment avec ce nouveau Schtroumpfs. Mais peu importe, je serais encore là l’année prochaine pour découvrir le 30ème tome de la série.


Les schtroumpfs T29 : Les schtroumpfs et l’arbre d’or, d’Alain Jost, Thierry Culliford et Pascal Garray, édition du Lombard, 2011. 48 pages. 10,45 euros.





vendredi 22 avril 2011

Le tag des 15 dessinateurs / illustrateurs

Après les 15 auteurs, Za et Violette proposent un nouveau tag  :

Qu'ils soient illustrateurs, dessinateurs de BD,
vivants ou trépassés,
mettez à l'honneur ceux qui enchantent vos mirettes,
ceux qui vous font rêver,
ceux qui vous font rire,
ceux qui vous plantent un monde en quelques traits,
ceux sans qui vos bibliothèques seraient bancales,
Ceux sans qui vos lectures manqueraient de sel !
Et soyez forcément frustré(e)s d'en oublier,
de n'en citer que quinze (vous pouvez en citer plus, on s'en fiche, en fait !).

Ce tag ayant été proposé aux participants de la BD du mercredi de Mango, je m'empresse d'y répondre avec plaisir.

Je ne suis pas spécialement vieux (36 ans), mais c'est un fait, si je dois citer les dessinateurs qui m'ont le plus marqué, ce sont les grands classiques franco-belge des années 50-60 qui me viennent à l'esprit en premier.


Roba : le plus grand pour moi. Il a bercé toute mon enfance. Boule et Bill, ça restera je crois un souvenir de lecture inoubliable.
Franquin : Toujours un bonheur de prendre un album de Gaston dans ma bibliothèque. Franquin était un magicien, rien de moins.
Peyo : Ah, les Schtroumpfs. Que d'albums mythiques. Le schtroumpfissime, le cosmoschtroumpf, la schtroumpfette...

Macherot : toujours aussi baba devant les univers bucoliques de Sibylline et Chlorophylle. A quand une réédition digne de ce nom de ses chefs d'oeuvre ?

Après ces grands classiques je citerais d'autres auteurs jeunesse incontournables :



Geerts : il nous a quitté trop tôt l'été dernier. Jojo est une série jeunesse pleine de tendresse et de poésie que je relis régulièrement.

 Plessix : le plus grand dessinateur jeunesse encore en activité. Lisez le Vent dans les saules, c'est éblouissant !

Carl Barks : LE dessinateur mythique de Disney. Il a inventé Picsou, les Rapetou, Géo Trouvetou, le cousin Gontran, Miss Tick ou encore les Castors juniors. Un des plus grands dessinateurs populaires du 20ème siècle.


Allez, cessons un peu les enfantillages et roulons nous dans le sang et la sueur avec les grands maîtres du western. je ne sais pas pourquoi je suis fasciné par le travail de ces dessinateurs mais c'est un fait, j'ai toujours adoré ce genre.


Jijé : C'est avec son Jerry Spring que tout a véritablement commencé. L'influence majeure d'un nombre incalculable d'auteurs actuels.



Giraud / Moebius : le digne héritier de Jijé avec son fabuleux travail sur la série Blueberry.



Swolfs : du western spaghetti plein de tripes et d'hémoglobine. J'adore Durango, une série qui mériterait d'être reconnue à sa juste valeur.


Derib : Une vision humaniste du western. Ses représentations des grandes prairies sont exceptionnelles. Le seul aussi qui, avec Buddy Longway, a choisi de faire vieillir son héros et a mis un point final à la série en le faisant mourir.

Et pour finir, je vais quand même citer quelques modernes. Ma modeste culture BD ne s'arrête heureusement pas à la fin des années 70 ! 

Loisel : un très grand monsieur. Peter Pan et la Quête de l'oiseau du temps, c'est quand d'une qualité assez incroyable.

Chabouté : J'adore sa maîtrise du noir et blanc. C'est tout simplement bluffant !


Delaby : dans le genre historique, difficile de faire mieux. Son Murena est un régal pour les yeux.


Delitte : J'adore cet auteur depuis ses premiers pas avec Donnigton. Sa représentation des visages est reconnaisable au premier coup d'oeil. Et sa série maritime sur le Belem est juste grandiose niveau dessin.


Voial, je crois que ça fait 15. J'aurais pu en mettre beaucoup plus mais il faut rester raisonnable. Un grand merci à Za et Violette qui m'ont permis de me remémorer quelques excellents souvenirs de lecture avec ses dessinateurs de BD tous plus talentueux les uns que les autres. Et plutôt que de taguer à mon tour 15 personnes, je passe ce tag à qui le souhaite.

mercredi 20 avril 2011

Carthago Adventures T1 : Bluff Creek

Carthago Adventures est un spin-off de la série mère Carthago. Cette dernière étant paralysée depuis la parution du tome 2 par un inextricable conflit relationnel entre le scénariste Christophe Bec et le dessinateur Eric Henninot, les éditeurs ont choisi d’associer Bec à Jaouen Salaün pour mettre en route une série dérivée. La pratique n’est pas nouvelle, elle a même tendance à se multiplier ces derniers temps (XIII Mystery, Les mondes de Thorgal…). En général, on choisit un personnage emblématique de la série principale et on imagine son passé. C’est exactement la recette appliquée ici.

L’action se déroule dans les années 80 et met en scène London Donovan et Feiersinger, alias « le Centenaire des Carpates », un milliardaire passionné par l'étude des animaux encore inconnus de la science. Ayant découvert quelques preuves irréfutables de l’existence du Bigfoot, le vieil homme demande à l’aventurier de l’accompagner en Californie avec un scientifique pour traquer cet animal fantastique.

Bec a voulu à travers cet album rendre hommage au Bob Morane d’Henri Vernes. Pas d’intrigues alambiquées, de complot politique ou autre. Un scénario très linéaire et de l’aventure plein pot dans des décors naturels somptueux. Le fait d’associer l’existence du Bigfoot avec les légendes indiennes donne toutefois un peu plus d’épaisseur à l’intrigue. Après, il est clair que la facilité avec laquelle l’expédition de Feiersinger trouve des indices et entre en contact avec la créature est assez peu crédible. Les passionnés de cytozoologie vont à l’évidence trouver ça vraiment trop gros ! Mais après tout, le scénariste n’est pas là pour donner dans le rigorisme scientifique. Son credo, c’est ici l’aventure et le divertissement sans prise de tête, rien de plus.

Niveau dessin, Jaouen Salaün donne dans l’hyper-réalisme. Et si les traits de ses personnages sont parfois un peu figés, ses représentations de la forêt et des montagnes sont magnifiques. Pour ce qui est des couleurs, rien à faire, je n’accroche pas avec ces planches toutes plus « photoshopées » les unes que les autres. C’est souvent trop criard, artificiel, bref, ça manque singulièrement de naturel.

Clairement, Carthago Adventures n’est pas un chef d’œuvre. Ce n’est pas pour autant une bouse sans nom, loin de là. Une BD d’aventure qui se lit toute seule et permet de passer un agréable moment, ni plus ni moins.

Carthago Adventures T1 : Bluff Creek de Christophe Bec et Jaouen Salaün. Les Humanoïdes Associés, 2011. 56 pages. 13.95 euros.




Le challenge Palsèche de Mo'


lundi 18 avril 2011

Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom

Tom (11 ans) et sa mère Joss (25 ans) vivent dans un mobile home. Pas facile pour eux de joindre les deux bouts. Un peu de braconnage, des légumes volés dans les jardins du voisinage… tout est bon pour faire bouillir la marmite. C’est justement au cours d’une expédition dans un potager que Tom rencontre Madeleine, 93 ans. La vieille femme est tombée dans ses rangs de choux et n’a pu se relever. Le garçon vient à son secours et appelle les pompiers. Avant d’être emmenée à l’hôpital, Madeleine donne à Tom les clés de sa maison et lui demande de venir s’occuper de son chien et de son chat. Ce service rendu sera le point de départ d’un enchaînement d’événements qui vont bouleverser, dans le bon sens du terme, des existences jusqu’alors peu épargnées par la déveine.

Barbara Constantine possède un joli brin de plume. Elle donne parfois dans le franchouillard mais les quelques pincées de vulgarité saupoudrées ici ou là sonnent juste. Un langage courant, adapté aux personnages et à l’environnement décrits. Et puis, sans avoir l’air d’y toucher, elle aborde avec légèreté des thèmes plutôt graves. : la monoparentalité, les filles mères, la solitude des personnes âgées, les difficultés de réinsertion des détenus sortant de prison… Le ton est positif et dédramatise des situations qui pourraient apparaître sordides. Bien sûr, on peut dénoncer un traitement un peu naïf de certaines scènes (Tom qui vend des fleurs au marché pour se faire un peu d’argent par exemple) et quelques coïncidences bienvenues qui ressemblent à de grosses ficelles narratives comme le lien familial entre Sammy et Madeleine.

Mais peu importe. Ce roman fait du bien, un point c’est tout. Dans cette période où la morosité est devenu un art de vivre, qu’il est bon de déguster des pages d’une telle fraîcheur.

Un grand merci à Véro dont le billet m’a définitivement convaincu de lire cet ouvrage. J’ai passé un excellent moment de lecture avec le petit Tom.

Tom, petit Tom, tout petit homme, Tom, de Barbara Constantine, Le Livre de Poche, 2011. 214 pages. 6,00 euros.

samedi 16 avril 2011

Concours Vous avez dit adaptation ? - Les résultats


Le concours s’est terminé hier soir et les 4 gagnants sont connus.


Il y a eu 31 participants et 29 ont correctement répondu.

Afin de réaliser le tirage au sort le plus neutre et le plus équitable possible, j’ai comme d'habitude utilisé le logiciel The Hat. Ci-dessous la liste des participants. Je réalise le tirage en une seule fois et je capture les écrans à chaque fois qu'un nom s'ajoute à la liste.



Avant de donner le verdict, voici d’abord les bonnes réponses aux 3 questions :



Dans quelle ville de Louisiane se déroulent les aventures de Tom Sawyer ?
a) Saint-Petersburg
b) Saint-Martinville
c) Saint-Francisville

Comment s'appelle le berger qui devient le meilleur ami de Heidi ?
a) Anthony
b) Huck
c) Peter

Dans le Magicien d’Oz, où doit se rendre Dorothée pour rencontrer le magicien ?
a) Au château de la bête
b) A la cité d’émeraude
c) Chez sa mère grand

Et maintenant, roulement de tambour… Les quatre gagnants sont :






C'est donc Minifourmi qui remporte l'intégrale de Tom Sawyer en 4 volumes. Je vais contacter Mango pour qu'elle me fasse part de son choix parmi les trois titres restant. Ce sera ensuite à Livre4Ever de sélectionner le titre qu'elle souhaite et Styx2005 aura la dernier exemplaire disponible.

Comme d'habitude, un grand bravo aux gagnants, un grand merci à tous les participants et rendez-vous le mois prochain pour un nouveau concours !

mercredi 13 avril 2011

Courtney Crumrin T1 : Et les choses de la nuit

Courtney Crumrin emménage avec ses parents à Hillsborough dans le château de l’oncle Aloysius. Obligés de s’installer pour des raisons économiques dans cette banlieue plutôt chic, (leurs cartes de crédit ont été saisies et ils ne peuvent plus payer de loyer), les Crumrin comptent bien profiter de ce coup du sort pour s’intégrer dans la bourgeoisie locale. Pour Courtney, ce nouvel environnement n’a rien d’alléchant. Le château est sinistre et ses nouveaux camarades de classes, des gamins de riches pourris gâtés, la considèrent comme une moins que rien. Heureusement, les appartements d’Aloysius recèlent quelques trésors, notamment ce Bestiaire des choses de la nuit dans lequel elle apprend que la forêt bordant le château abrite des créatures aussi merveilleuses qu’effrayantes. Sans compter que son oncle, personnage énigmatique que tout le monde craint, semble lui vouer une tendresse particulière.

Ted Naifeh propose avec cette série une réflexion sur la cruauté de l’enfance mâtinée d’éléments fantastiques et horrifiques. Courtney est une ado atypique. Misanthrope, grossière, avec un fichu mauvais caractère, elle fait partie de ces gamins solitaires qui observent leurs contemporains de l’extérieur, sans jamais se fondre dans la masse.

L’album est découpé en quatre chapitres, chacun racontant un événement particulier : la rentrée des classes, Courtney qui tente de plaire à ses camarades, Courtney baby-sitter… Des chroniques de la vie quotidienne en quelque sorte, même si l’existence de Courtney est loin de ressembler à celle du commun des mortels.

Pour le dessin, le noir et blanc s’imposait pour retranscrire une ambiance aussi oppressante et lugubre. Le style de Naifeh oscille entre l’enfantin et le semi-réaliste avec une attention particulière portée sur la représentation du bestiaire fantastique. Au niveau de l’architecture des différents bâtiments, le trait m’a rappelé la série animée Scoubidou.

Cet album m’a été offert par Mo’. Je ne saurais trop la remercier de m’avoir fait découvrir une série jeunesse intelligente qui mélange avec bonheur turpitudes de l’enfance et intrusion dans le monde des sorciers et des créatures merveilleuses. Un petit bémol cependant, j’ai acheté et lu le tome deux et j’avoue avoir été légèrement déçu. L’histoire se concentre uniquement sur le fantastique et il n’y a plus le coté « sociologique » qui m’avait tant plu dans ce premier volume. Il faudra sans doute que je me procure le troisième pour me faire une idée définitive. Affaire à suivre…

L'avis de Mo'

Courtney Crumrin T1 : et les choses de la nuit de Ted Naifeh, Éditions Akiléos, 2009 (nouvelle édition). 128 pages. 13 euros.



L’info en plus : Les éditions Akiléos publient ce mois-ci le second hors série de Courtney Crumrin intitulé La Ligue des Gentlemen Ordinaires. Une série dérivée qui présente la jeunesse de l’oncle Aloysius et ses débuts dans le monde des sorciers.







mardi 12 avril 2011

L'éloge des cent papiers


Le 23 avril, on fêtera partout en France la Librairie indépendante. A cette occasion, les libraires offriront à leurs clients un magnifique ouvrage intitulé L’éloge des cent papiers. Ce sont les Associés réunis, un groupement de graphistes spécialisés dans la conception graphique et le design papier pour l'édition et la communication qui ont été chargés par l’association Verbes de créer ce livre-cadeau.

Au menu, un lexique sur les métiers du livre répertoriant termes techniques et expressions typographiques, dont quinze d'entre eux ont été investis par des écrivains contemporains (Dominique Barbéris, Alberto Manguel, Jeanne Benameur, Eric Chevillard, Linda Lê…). Esthétiquement parlant, c’est magnifique. Variété de couleurs, de polices, de tailles de caractères, ornements illustrant chaque texte des auteurs… un festival de trouvailles typographiques proprement éblouissantes.

Cet éloge des cent papiers est une déclaration d’amour au livre PAPIER et à tous les acteurs qui le font vivre. De l’auteur à l’éditeur, de l’imprimeur au libraire, du journaliste au lecteur, c’est une chaine ininterrompue qui démontre à quel point le livre restera toujours irremplaçable. La qualité de l’objet convaincra les plus réticents que les ouvrages numériques ne pourront jamais totalement ressembler à de « vrais » livres.

Ma gentille libraire m’a prêté un exemplaire pour quelques jours. Je retournerais le chercher définitivement le samedi 23 en faisant ma petite moisson hebdomadaire dans son rayon littérature de jeunesse.

Une dernière précision : je ne sais absolument pas s’il existe une liste complète des libraires participant à l’opération et je n’ai aucune idée du nombre d’exemplaires imprimés pour l’occasion. Tout ce que je peux dire c’est que si vous êtes comme moi un amoureux des livres, n’hésitez pas à franchir les portes d’une librairie le 23 avril prochain.

L’éloge des cent papiers. Association Verbes, 2011. 124 pages. Hors commerce.



lundi 11 avril 2011

80 millions de voyeurs

Stan Gifford, l’animateur au 40 millions de téléspectateurs, s’écroule au beau milieu de son show. Verdict du légiste : empoisonnement. Carella et Meyer son chargés de l’enquête. Problème, les suspects sont nombreux. Entre sa femme, son médecin et beaucoup de membres de la production qui le détestaient cordialement, Gifford possédait beaucoup « d’ennemis » potentiels. Les deux inspecteurs vont donc plonger avec délectation dans l emonde merveilleux de la télé. Parallèlement, Bert Kling doit protéger Cynthia Forrest, une jeune femme harcelée par un fou furieux qui tabasse tous les hommes l’approchant de trop près...

80 millions de voyeurs est le 21ème épisode de la saga du 87ème District. Cet incroyable feuilleton débuté en 1956 et narrant la vie d’un commissariat de la ville d’Isola (sorte de sœur jumelle imaginaire de New York) compte en tout plus de soixante romans. Pourquoi l’écriture d’Ed Mc Bain est tellement novatrice ? Il fut le premier à décrire le travail de la police de façon hyper réaliste. Le premier également à dérouler au cœur de ses romans des intrigues multiples mettant en scène des inspecteurs chargés d’enquêtes totalement différentes. Le premier enfin à mêler la vie professionnelle et la vie privée de ses personnages, alternant les passages sur le terrain et les moments d’intimité au foyer. Son écriture a tout simplement préfiguré le schéma sur lequel sont construites la majeure partie des séries policières de ces dernières années. L’exemple le plus frappant (pour ceux qui connaissent) est celui de New York Police Blues, une série plus qu’inspirée de l’univers du 87ème District.

Ed Mc Bain (de son vrai nom Salvatore Lombino) est donc un écrivain majeur dans son domaine. Un maître qui a inspiré un nombre incalculable de romanciers et de scénaristes. Son décès en 2005 a mis un terme à la plus grande saga policière de l’histoire de la littérature américaine. Heureusement pour moi, il me reste plus de quarante romans à découvrir avant d’en avoir terminé avec inspecteurs si attachants. Ça tombe bien, ils m’attendent tous bien au chaud dans ma PAL.

80 millions de voyeurs, d’Ed Mc Bain. Gallimard, 1996. 222 pages. 5,95 euros.