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mardi 29 juin 2021

La meute - Adèle Tariel

Pour son entrée en seconde, Léa découvre un nouvel établissement où elle ne connait personne. De nature timide, elle se rapproche d’un garçon dont le magnétisme en fait le leader incontestable de la classe. Lors du premier cours d’histoire de l’année la jeune fille comprend que le professeur, en manque d’autorité, va être malmené par certains élèves provocateurs. Au fil des jours le chahut ne cesse d’empirer et l’enseignant va devenir la risée de tout le lycée sur les réseaux sociaux. Entraînée malgré elle dans ce tourbillon de moqueries et de violence, Léa préfère se taire pour ne pas risquer de mettre à mal son intégration auprès de ses nouveaux camarades.  

Intéressant de parler de harcèlement en faisant de la victime non pas un élève mais un prof. Le texte montre les ravages de l’effet de groupe, de l’influence toxique d’une poignée de meneurs que personne n’ose contrarier, auxquels personne n’ose s’opposer. Et au-delà, il montre l’importance pour la jeune fille de s’intégrer coûte que coûte, à la fois pour ne pas se sentir exclue et pour éviter de devenir la prochaine harcelée en cas de résistance ou d’opposition.

Bien sûr Léa est mal à l’aise. Elle suit sans cautionner, elle assiste sans s’offusquer, du moins de manière frontale. Impossible pour elle d’afficher son intime conviction que tout va beaucoup trop loin, impossible pour elle de sortir du cercle infernal dans lequel elle est entrée et dont elle a trop peur de sortir. Adèle Tariel a su placer le curseur au bon endroit pour éviter la caricature et rester dans une forme de réalisme qui rend les réactions de chaque protagoniste d’une totale crédibilité. Son récit s’avère au final aussi poignant que dérangeant.

Un court roman parfait pour aborder la question du harcèlement en poussant les lecteurs à la réflexion.

La meute d’Adèle Tariel. Magnard jeunesse, 2021. 96 pages. 5 ,90 euros. A partir de 15 ans.


La dernière pépite de cette année scolaire partagée avec Noukette








mardi 15 juin 2021

Quelques secondes encore - Thomas Scotto

Alban est tombé d’un toit. Mort cérébral. Sa mère et sa sœur Anouk sont à l’hôpital, son père en déplacement professionnel. Alban avait assuré qu’il souhaitait faire don de ses organes s’il lui arrivait malheur un jour. Mais pour sa mère, la décision est trop difficile à prendre. Trop tôt. Trop vite. 

Nous sommes auprès d’Alban, dans les minutes qui suivent l’annonce du verdict des médecins. Anouk est l’unique narratrice de ce monologue bouleversant. Ses pensées naviguent entre l’insoutenable présent et les souvenirs heureux. Alban et sa passion pour la construction de meubles en palettes. Une sortie mémorable au parc d’attraction. Une tanière construite dans les bois pour jouer les fugueurs le temps de quelques heures. Des petits moments. Des trucs du quotidien. Anouk cherche les arguments pour convaincre sa mère, pour respecter la volonté de son frère. Sans la heurter, sans la brusquer. Mais du haut de ses 16 ans, elle se sent démunie à la fois face au drame et à l’urgence.  

Encaisser le choc. Être en pleine sidération. Sans déni accepter la réalité. Et au-delà ne pas pouvoir se projeter vers cette décision que le corps médical attend avec impatience. C’est là que le titre prend tout son sens. Quelques secondes encore. Du temps gagné sur la réponse impossible à donner. 

Il y a évidemment quelque chose de déchirant dans ce texte. De l’ordre de la douleur la plus violente, la plus intime, la plus insupportable. Mais on ne sombre pas pour autant dans des abysses de noirceur, on ne tire pas avec excès sur la corde lacrymale. Douceur, dignité et humanité servent de cadre au récit. Tout en retenu, les mots d’Anouk ne se laissent pas submerger par la colère ou la tristesse. Pas encore. Pas avant la fin du compte à rebours. 

Un roman à la beauté fulgurante, d’une infinie délicatesse.  

Et comme toujours avec cette collection, l'achat du livre papier offre accès à la version audio et à la version numérique via une application dédiée.

Quelques secondes encore de Thomas Scotto. Nathan, 2021. 56 pages. 8,00 euros. A partir de 15 ans.



Une sublime pépite jeunesse partagée avec Noukette





mardi 8 juin 2021

T’as vrillé - Joanne Richoux

Il pèse pas lourd, il est pas bien grand. Pompes niquées, jean large et sweat. Cheveux longs, pointes teintées en blond sur 15 centimètres. Il s’appelle Danaël parce que sa mère voulait Raphaël et son père Daniel. Il vit dans une cambrousse où l’hiver semble s’installer dix mois sur douze et sa seule passion dans la vie s’appelle Florine. Une gothique qu’il fréquente depuis quelques mois. C’est avec elle qu’il a perdu sa virginité, il l’a dans la peau sa Florine. Ce soir il file la rejoindre, masque sur le visage à cause de cette fichue pandémie. Direction leur endroit à eux. Caché. Florine l’attend, évidemment. Des jours qu’elle n’a pas bougé de là. Elle est son secret, un secret qu’il veut garder rien que pour lui.

Encore un texte coup de poing dans cette collection où chaque histoire doit se lire d’une traite, dans un souffle. Encore un monologue, voyage dans la psyché d’un ado fou amoureux. Un ado qui se livre sans filtre. Un ado qui a pour seul obsession son premier coup de foudre, celui dont on se persuade qu’il va durer toute la vie. 

Joanne Richoux joue des ambiguïtés de Danaël, elle lève le voile centimètre par centimètre pour révéler les desseins du jeune homme, pour souligner la porosité de la frontière entre l’amour et la folie. L’écriture concise et nerveuse entretient la tension, le discours passionné prend peu à peu un tournant malsain, la confession met mal à l’aise, l’angoisse monte. Un tout petit texte bluffant de maîtrise.   

T’as vrillé de Joanne Richoux. Actes sud jeunesse, 2021. 46 pages. 9,80 euros. A partir de 15 ans.



Une pépite jeunesse une nouvelle fois partagée avec Noukette






mardi 1 juin 2021

Si tu avances - Cathy Ytak

Avant son entrée en première, Katja profite des vacances d’été pour se rapprocher du beau Quentin, dont elle est folle amoureuse. Avec l’autorisation de ses parents, elle va rejoindre le jeune homme en Provence, sur un chantier où des bénévoles participent à la préservation du patrimoine local en reconstruisant des murs de pierres sèches. Las, une fois sur place, les désillusions s’accumulent. La chaleur est infernale, le travail harassant, la promiscuité difficile à supporter et surtout Quentin la rejettent violemment. Désespérée, Katja s’enfuit seule, en pleine nuit, au bord d’un ravin…

Encore une belle surprise de la collection Court Toujours dont les textes concis et percutants ne cessent de me séduire. Il faut dire qu’avec Cathy Ytak à la manœuvre, je partais confiant. J’ai retrouvé avec plaisir son infinie tendresse pour chacun de ses personnages, sa façon bien à elle de les bousculer, de leur faire toucher le fond avant de les ramener vers la surface. Katja souffre du rejet de Quentin mais après avoir compris que l’on « ne peut pas obliger quelqu’un à vous aimer », elle se décide à aller de l’avant, aidée par de nouveaux amis dont elle découvre la prévenance et la gentillesse.

Un petit roman pétri de bienveillance et d’humanité, positif et lumineux.

Et comme toujours avec cette collection, l'achat du livre papier offre accès à la version audio et à la version numérique via une application dédiée.

Si tu avances de Cathy Ytak. Nathan, 2021. 64 pages. 8,00 euros. A partir de 15 ans.



Encore une pépite jeunesse partagée avec Noukette






mardi 18 mai 2021

Le journal de Gurty T9 : La revanche de Tête de Fesses - Bertrand Santini

Un joli mois de mai s’annonce pour Gurty lorsqu’elle descend du train en gare d’Aix-en-Provence. Le soleil, la maison de vacances de son maître, les retrouvailles avec sa copine Fleur, avant le coup tout semble parfait. Impossible de se douter que le séjour va virer au cauchemar. La première mauvaise surprise est violente. Trouver son pire ennemi le chat Tête de Fesses confortablement installé dans son panier est un énorme choc pour la petite chienne. Entendre ensuite celui-ci annoncer qu’il vient d’être papa et que ses rejetons vont débarquer avec leur mère est une seconde mauvaise surprise encore bien pire que la première. Surtout que Tête de Fesses a l’intention de faire de sa progéniture une horde de guerriers sanguinaires. Autant dire que pour Gurty et Fleur, l’overdose de chats va être difficile à supporter !

Le risque de lassitude est grand quand une série de romans arrive au 9ème tome. Surtout quand l’action se passe toujours au même endroit et toujours avec les mêmes protagonistes. Pourquoi n’est-ce pas le cas avec Gurty ? Parce que Bertrand Santini renouvelle sans cesse le comique de situation et que ses dialogues à l’humour souvent absurde font mouche à chaque fois. Sans parler de ses trouvailles graphiques si expressives ou de sa capacité à aborder entre les lignes des sujets bien plus sérieux que son intrigue ne le laisser supposer de prime abord (ici, entre autres, le machisme et l’assurance fort malvenue du mâle bien trop sûr de sa supériorité sur la gente féminine).

Au final le plaisir de suivre les aventures de Gurty et de ses acolytes ne faiblit pas le moins du monde. Comme une bande de copains que l’on apprécie de retrouver et avec laquelle on sait que l’on va passer des moments de franche de rigolade sans se prendre la tête. Et comme d’habitude on tourne la dernière page en pensant vivement la suite !

Le journal de Gurty T9 : La revanche de Tête de Fesses de Bertrand Santini. 240 pages. 10,90 euros. A partir de 8 ans.


Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette







mardi 11 mai 2021

Mon grand frère - Thierry Radière

Maturin adore son grand frère Victor. Ils ont beau avoir sept ans d’écart, ils sont très proches l’un de l’autre. Victor va bientôt fêter ses 18 ans. Et alors que le bac s’annonce, l’atmosphère à la maison ne cesse de se dégrader entre le fils aîné et son père. Passionné de musique, Victor passe ses week-ends à jouer du rock avec ses copains. Pensionnaire la semaine, il sèche les cours et cumule les mauvaises notes. Sa mère lui trouve toujours des excuses mais son père est impitoyable avec lui. Et Maturin regarde la situation empirer sans pouvoir intervenir. Il voudrait pourtant vivre dans une famille où règne l’harmonie et la joie de vivre mais que peut-il faire du haut de ses onze ans pour résoudre un conflit semblant sans issue ? 

Il est tellement touchant Maturin ! A la fois sensible et impuissant devant le naufrage de la relation entre son père et son frère. Lucide aussi, se doutant bien que rien n’y fera tant que leurs préoccupations respectives resteront aussi éloignées, tant qu’aucun des deux ne souhaitera faire un pas vers l’autre pour apaiser la situation.

Thierry Radière dresse le portrait d’une famille assise sur une poudrière. Jamais il ne force le trait pour mettre en musique sa partition entre un grand ado bientôt adulte un poil branleur, un père psychorigide, une mère qui ne veut jamais prendre parti et un petit frère déboussolé devant le désastre en cours. On voir venir de loin la conclusion de l’histoire : bien sûr qu’il va l’avoir son bac, bien sûr qu’au final tout va rentrer dans l’ordre, bien sûr qu’une happy end est la seule issue possible. Sauf que. Ce n’est pas si simple. Pas si simpliste. C’est même beaucoup plus complexe. Et tellement plus réaliste. J’avoue, je ne m’y attendais pas. Et en ce qui me concerne cette fin surprenante m’a beaucoup plu.

Mon grand frère de Thierry Radière. Magnard jeunesse, 2020. 140 pages. 13,50 euros. A partir de 13 ans.


Une pépite jeunesse comme toujours partagée avec Noukette






mardi 27 avril 2021

Angie ! - Marie-Aude et Lorris Murail

Prenez une ville (Le Havre), une richissime famille de négociants en café, un flic en fauteuil roulant, un chien renifleur de drogue, une commissaire célibataire, une gamine de 12 ans hypermnésique, une maman solo infirmière, une tata médium, un docker syndicaliste, une baby-sitter accro à son portable et des narco-trafiquants colombiens.  Mettez tous ces ingrédients dans le même sac, secouez fortement et vous obtiendrez un roman jeunesse savoureux, à déguster sans modération.

Alors oui, il y a beaucoup de personnages. Oui, il faut rester attentif pour ne pas s’y perdre. Oui, les événements s’enchaînent parfois avec d’heureuses coïncidences et les suspects se confessent trop facilement aux autorités mais au-delà de ces détails, difficile de ne pas saluer la maîtrise de la narration et l’habileté à jongler entre légèreté, gravité et suspens. C’est dynamique, haletant, dans l’ère du temps (en plein confinement), positif sans angélisme, réaliste sans sombrer dans une noirceur malvenue, bref parfaitement équilibré. Détail non négligeable, chaque protagoniste se voit accorder l’attention qu’il mérite et se révèle, à sa façon, attachant. 

Une vraie pépite jeunesse en somme, qui se dévore d’une traite et que l’on quitte à regret. Heureusement une suite est déjà annoncée, je m’en délecte d’avance ! 

Angie ! de Marie-Aude et Lorris Murail. L’école des loisirs, 2021. 440 pages. 17,00 euros. A partir de 14-15 ans.


Une pépite jeunesse évidemment partagée avec Noukette






mardi 13 avril 2021

Nouvelles vagues - Arnaud Cathrine

Vince se remet difficilement de sa rupture avec Octave. Aidant sa mère libraire en plein mois de juillet, il tombe sous le charme de Micha, l’employé de cette dernière. A quelques centaines de kilomètres de là, sur une plage normande, Marilyn fait la connaissance de l’ex de Vince. Il sera sa première fois, son premier amour, son premier séisme émotionnel. Entre Vince et Marilyn, aucune raison de se rencontrer, aucune possibilité de faire ensemble un bout de chemin. Sauf si…

Quel plaisir de retrouver le protagoniste de l’excellent Romance ! Vince et sa passion pour les garçons, son besoin d’amour et de tendresse, son manque de confiance en lui et son cœur en lambeaux. L’intrusion de Marilyn, semblant dans un premier temps suivre une trajectoire parallèle à la sienne mais qui finira par croiser son chemin, ravivera une blessure qu’il pensait en voie de cicatrisation et réveillera des souvenirs qu’il aurait préférés laisser enfouis dans un douloureux passé.  

Situations familiales complexes, relations amoureuses sinueuses, rapport aux autres et à soi laborieux, volonté de s’abandonner par amour, quitte à se consumer, les similitudes entre Vince et Marilyn sont nombreuses. Surtout, ils ont un même garçon en commun et le même sentiment de vertige, de chute et de perdition engendré par cette liaison incandescente.

Un roman tout en pudeur et en sensibilité qui met à nu les sentiments et trouve les mots justes pour dire à la fois la difficulté d’être soi et la quête d’amour d’une génération à la recherche du grand frisson.

Nouvelles vagues d’Arnaud Cathrine. Robert Laffont, 2021. 315 pages. 16,50 euros. A partir de 15 ans.


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mardi 30 mars 2021

Lancelot Dulac - Victor Pouchet

Sa mère a beau lui jurer que le choix de son prénom est dû à celui de son grand-père, Lancelot a du mal à la croire. Se prénommer Lancelot alors que votre nom de famille est Dulac, avouez que ce n’est pas facile à gérer. Pas étonnant que le jeune Lancelot finisse par se prendre pour un chevalier. Au collège où il vient d’entrer, un certain Atrhur règne sur la cour de récré. Et dans sa classe, la belle Jennifer l’ensorcèle. Fou amoureux, Lancelot se désespère lorsque Jennifer disparaît. N’écoutant que son courage, l’apprenti chevalier part à sa recherche, bravant mille dangers. 

Tel son illustre ainé, Lancelot va devoir affronter bien des épreuves pour mener à bien sa quête. Le tournoi de chevalerie devient un match de foot, la forêt souterraine a des allures de couloirs du métro et Viviane la fée du lac est une SDF habillée de sacs plastique mais au final son comportement valeureux n’a qu’une seule motivation : l’Amour. Et comme son célèbre prédécesseur, notre Lancelot des temps modernes n’écoute que son cœur. Un brin naïf, il fonce tête baissée du haut de son un mètre trente-cinq et de ses trente et un kilos virgule cinq, uniquement guidé par la noblesse de ses actes. 

Victor Pouchet propose une réécriture de la légende arthurienne pleine de tendresse et d’empathie. Le roman initiatique prend des allures de conte un poil foutraque, vif, malicieux et enjoué. Les aventures de notre Lancelot collégien sont rythmées, magnifiquement enluminées par les illustrations du talentueux Killoffer. Un petit plaisir de lecture parfait pour affronter la morosité ambiante.

Lancelot Dulac de Victor Pouchet (Ill. Killoffer). L’école des loisirs, 2020. 110 pages. 11,00 euros. A partir de 9-10 ans.



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mardi 16 mars 2021

J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle - Jo Witek

« J’ai quatorze ans et ce n’est pas une bonne nouvelle. On va me marier et ce n’est pas une bonne nouvelle. Je suis une fille et ce n’est pas une bonne nouvelle. »

Efi rentre du collège pour les vacances scolaires persuadée que rien n’a changé, que son village, ses copines, ses frères et sœurs et ses parents vont être fiers de ses bons résultats. Seule enfant de sa famille étudiant en ville, elle se voit déjà ingénieure. Malheureusement, à 14 ans, les choses changent pour les filles de sa communauté. Finies les études, finies les bons moments entre amies, finie la liberté, Efi est bonne à marier. Surveillée en permanence, elle découvre que son avenir s’écrira auprès d’un époux que l’on a choisi pour elle. Sa vie tient entre les mains des hommes, elle comprend qu’elle n’aura jamais son mot à dire, qu’elle n’est qu’un objet, une marchandise de valeur à échanger, une esclave juste bonne à enfanter et à devenir une maîtresse de maison. 

« Les filles ne doivent pas penser à leur bonheur personnel, mais d’abord à celui de la famille. » Tout est dit, ce qui compte c’est la famille. Ne pas faire honte, suivre le chemin imposé sans avoir été concertée, se taire, baisser la tête et accepter sans broncher : « Chez nous, il faut montrer aux voisins comment on sait tenir les filles, les éduquer dans la crainte des hommes, contrôler leur intimité et les préparer dès la naissance à la soumission aux pères, aux frères et aux maris. Et tout cela bien sûr comme si nous, les filles, étions d’accord, partantes et heureuses de cette monstrueuse destinée. »

Un texte sans concession qui résonne comme un plaidoyer et offre une voix à celles qui en sont privées par un système patriarcal archaïque. Arrachée à l’enfance, plongée dans un cauchemar, Efi exprime son désespoir avec force et lucidité. Un texte à la première personne forcément engagé qui ne peut qu’indigner et révolter. Tout simplement indispensable.  

J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle de Jo Witek. Actes Sud junior, 2021. 120 pages. 13,50 euros. A partir de 14 ans.















mardi 9 mars 2021

Plein gris - Marion Brunet


Les premières lignes plongent d’emblée le lecteur dans le bain. Un corps apparaît à la surface de l’eau, contre la coque du bateau, un corps d’ado, repêché par ses amis. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi sont-ils seuls en mer avec un cadavre sur les bras et une tempête qui s’annonce ?

Rembobinage immédiat dès le deuxième chapitre et retour sur le déroulement des faits. Emma, Élise, Sam, Clarence et Victor. Une bande de lycéens passionnés par la navigation. Emma et Clarence en sont les éléments moteur, ils se connaissent depuis l’enfance et ont une relation quasi fusionnelle. Clarence dégage une aura de leader, charismatique et fascinant. Un peu autoritaire aussi, et souvent moqueur, rarement bienveillant. Mais peu importe, l’amitié qui soude le groupe semble inébranlable et tous se réjouissent de pouvoir enfin utiliser le voilier des grands-parents d’Élise sans la présence d’adultes. Une traversée vers l’Irlande qui s’annonce au mieux, mais qui va virer au cauchemar absolu.

Quelle tension, quelle angoisse ! Le huis clos marin est irrespirable, d’un réalisme implacable. La tempête, les éléments déchaînés, les secours ne pouvant se déplacer, la radio qui tombe en rade, le bateau qui prend l’eau… les catastrophes s’enchaînent et la conclusion apparaît de plus en plus inéluctable. Heureusement Marion Brunet à l’intelligence d’offrir des respirations à son récit en alternant le présent du naufrage et l’histoire commune des ados avant le départ en mer. Au-delà de la construction, les flashbacks permettent de mieux comprendre les interactions, les sentiments et les frictions qui tissent le complexe canevas ayant abouti à la situation désespérée dans laquelle les naufragés se trouvent.

C’est trépidant, prenant, effrayant, mais on ne joue pas uniquement à se faire peur, on ne se cantonne pas au registre du survivalisme anxiogène. Loin de l’exercice de style, l’autrice de l’excellent Sans foi ni loi mêle le spectaculaire et l’intime, les déchainements de la nature et les méandres de la nature humaine.

Au final c’est incroyablement réaliste. Les descriptions hyper visuelles, les échanges entre ados, les réactions face au danger, tout est précis, criant de vérité, sans la moindre fausse note. Un roman aussi impressionnant que fascinant.

Plein gris de Marion Brunet. PKJ, 2021. 200 pages. 16,90 euros. A partir de 15 ans.



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mardi 23 février 2021

Comment tu m'as fait mourir ? - Gilles Abier

A la veille d’un séjour à Londres, Félix décide d’écrire dans un carnet un texte dans lequel il imagine la mort atroce de tous les tortionnaires qui lui font vivre un cauchemar au lycée. Avec force détails il décrit les décès accidentels de ses camarades, variant les situations avec un plaisir non dissimulé. Le lendemain, les premiers événements de la journée (météo capricieuse, remplacement d’un prof accompagnateur par un autre, trajet en bus plutôt qu’en train vers le ferry) correspondent parfaitement au début de son histoire. A tel point que Félix en vient à se demander avec horreur si la fiction ne va pas rejoindre la réalité…

J’adore l’idée, j’adore le titre si explicite, j’adore la façon dont le récit est mené, j’adore la façon dont le personnage tellement atypique de Félix est incarné, j’adore le réalisme des dialogues et des interactions entre les ados et j’adore le fait que Gilles Abier soit allé au bout de son délire. Je dis bien délire parce qu’il faut quand même être sacrément fou pour décrire des horreurs pareilles avec autant de naturel, au point de convaincre le lecteur que l’enchaînement des situations est aussi logique qu’implacable. 

Bien sûr le bouchon est poussé très loin et l’auteur de La piscine était vide n’y va pas avec le dos de la cuillère. On sent même le narrateur ravi de la tournure prise par les événements, ravi de voir les bourreaux devenir victimes, sans sadisme ni délectation particulière mais sans jamais non plus s’appesantir sur leur cas. Félix prend sa revanche et, plus on découvre à quel point ses harceleurs ont été horribles avec lui, plus on en vient à se dire (presque) sans état d’âme que ce qui leur arrive est bien fait pour eux.

Les amateurs de manga auront sans doute en tête la référence à la cultissime série Death Note, même si l’aspect psychologique et moral n’est pas aussi poussé chez Félix que chez Light Yagami. Au-delà de Death Note, il y a du Guéraud dans ce texte. Ce côté « sans pitié », jusqu’auboutiste, cette forme de cruauté assumée de la première à la dernière ligne, cette volonté de ne pas offrir d’échappatoire ou de subterfuge qui permettrait d’arrondir les angles, c’est cinglant mais tellement efficace. Merci pour ce moment de lecture un poil dérangeant monsieur Abier, je me suis laissé embarquer dans votre cauchemar du début à la fin !

Comment tu m'as fait mourir ? de Gilles Abier. Slalom, 2020. 230 pages. 14,95 euros. A partir de 15 ans.



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mardi 16 février 2021

Silent Boy - Gaël Aymon

Anton est interne dans un lycée pas franchement favorisé. Une jungle dans laquelle pour survivre, il faut montrer les crocs et ne jamais ô grand jamais s’épancher. Membre de l’équipe de rugby et d’une bande de gros durs fanfaronnant, Anton ne se sent pas vraiment à sa place. Son évasion, il la trouve sur un forum en ligne où la bienveillance est de mise. Il aime y lire les confessions parfois intimes et les paroles toujours réconfortantes qui font du bien, même si le retour à la réalité du lycée est en général douloureux. Le jour où Nathan débarque dans la chambre de l’internat qu’il occupait jusque là en solitaire, Anton est contrarié de perdre le privilège d’être le seul occupant des lieux. Surtout que son nouveau « coloc » est un cas à part, du genre à ne rentrer dans aucun moule et à assumer sa vraie personnalité. Pas pour rien qu’on le surnomme « le pédé »…

Ah, la difficulté d’être soi-même face la dictature de la norme, un vaste sujet auquel bien des adolescents (et des adultes) sont confrontés. Anton connait les règles : entrer dans le moule pour ne pas faire de vagues, être comme tout le monde pour ne pas finir isolé et maltraité, suivre la meute pour ne pas devenir son ennemi. Il sait se comporter en fonction de ce que l’on attend de lui, quitte à trahir ce qu’il est vraiment. 

Sensible, lucide, intelligent, le jeune homme voit la difficulté d’être une fille dans un monde plein de testostérone, comme il voit à travers Nathan la difficulté de s’assumer en garçon « différent » et ce que cela peut couter. Gaël Aymon parvient avec maestria à incarner ce personnage touchant, conscient de sa lâcheté et en même temps prêt à briser la carapace de convenances dans laquelle il étouffe chaque jour un peu plus. Un beau portrait, réaliste, sans concession et plein de tendresse.

Deuxième titre que je découvre de la collection Court Toujours après Son héroïne et deuxième incontestable réussite. Un texte percutant à retrouver à la fois en version papier, audio et numérique grâce à une application dédiée.  

Silent Boy de Gaël Aymon. Nathan, 2020. 65 pages. 8,00 euros. A partir de 16 ans.



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mardi 9 février 2021

Même mon prénom est une chanson - Thomas Scotto

Lili a honte. Honte de ses parents musiciens, « spécialisés » dans les reprises d’artistes vieux ou morts. Sa mère est trentenaire mais elle chante uniquement « des chansons qui n’existent plus depuis que c’est plus la guerre. » et son père n’aurait pas pu choisir un instrument plus ringard que l’accordéon pour l’accompagner.

Elle les préférerait politiciens ou « kidnappeurs de bébés pandas », alors quand on lui demande quelle est leur profession, elle dit juste qu’ils sont dans la musique. Ses interlocuteurs s’imaginent les tournées, les concerts, la foule en délire alors que pour elle c’est plutôt animations en maison de retraite, bals du dimanche sentant la naphtaline et mariages à l’ambiance digne du siècle dernier (le 20ème siècle, presque la préhistoire !). Depuis toute petite elle baigne dans la musique, malheureusement ce n’est pas une musique qui lui convient. Elle rêve de pouvoir échapper à la corvée des concerts parentaux mais à 10 ans elle est encore trop jeune pour rester à la maison. Du coup le mariage qui s’annonce dans les jours à venir va à nouveau être une épreuve difficile à supporter. A moins que…

Elle est marrante Lili, avec sa langue bien pendue, sa capacité à en faire des tonnes pour pas grand-chose et à dramatiser à outrance des situations qu’elle considère comme gênantes. Rien de bien surprenant cela dit, les enfants ont tous eu jour un peu honte de leurs parents, non ? (enfin sauf les miens évidemment).

Un petit roman frais et léger qui, au-delà du décalage générationnel en termes de goût musicaux, montre que le regard porté par une petite fille sur l’activité professionnelle de ses parents peut évoluer à force de dialogue et de compréhension mutuelle. Une lecture bonbon, pleine de tendresse et d’humour, qui se conclut en beauté avec une pirouette finale qui fait mouche.

Même mon prénom est une chanson de Thomas Scotto (ill. Walter Glassof). Actes Sud junior, 2020. 65 pages. 8,50 euros. A partir de 7-8 ans.


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mardi 26 janvier 2021

La maison aux 36 clés - Nadine Debertolis

Pas cool les vacances de Pâques qui s’annoncent pour Tessa et Dimitri ! Leur mère a décidé de les emmener dans la maison d’un grand-oncle dont elle a hérité. Un manoir isolé, perdu au fond de la campagne, aussi moche que lugubre où les quinze jours à venir risquent d’être terriblement ennuyeux. L’arrivée sur place confirme leurs craintes : une abominable odeur de renfermé, une montagne de poussière, du bazar partout, un jardin à l’abandon et un nombre incalculable de portes fermées à double tour à chaque étage. Trousseau de clés en main, les enfants partent explorer les lieux et vont aller de surprises en surprises...

Un manoir mystérieux, des portes à ouvrir, des objets étranges, des casse-têtes à résoudre et un secret de famille bien gardé, les ingrédients promettent un savoureux jeu de piste. Jusqu’au bout on accompagne avec plaisir Tessa et Dimitri pour connaître le fin mot de l’histoire. Qui était vraiment le grand-oncle Eustache ? A  quelles expériences se livrait-il ? Quels indices vont permettre de lever le voile sur l’histoire du lieu et de son propriétaire ?

Ça pourrait être angoissant, tendu, effrayant. Ça pourrait virer au drame ou au film d’horreur mais Nadine Debertolis a choisi un autre registre que celui de la peur. Le cheminement  qu’elle propose se veut plus intime, plus mélancolique. Elle joue davantage sur la corde de l’émotion, insiste sur l’importance des souvenirs et des capacités de résilience. Elle prend par ailleurs le temps de travailler la psychologie des personnages sans pour autant sacrifier le rythme du récit. Au final elle signe roman positif, plein de tendresse et d’empathie.  

La maison aux 36 clés de Nadine Debertolis. Magnard jeunesse, 2020. 222 pages. 13,50 euros. A partir de 10-11 ans.


Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette




mardi 19 janvier 2021

Elle est le vent furieux - Sophie Adriansen, Marie Alhinho, Marie Pavlenko, Coline Pierré, Cindy Van Wilder et Flore Vesco

Effarée par le manque de respect pour la Terre, Dame Nature a décidé de faire payer aux humains le prix de leur inconséquence. Son courroux se répand sur toute la planète avec fureur. A Bornéo, les singes envahissent les hôtels et les plages, rendant la vie des touristes impossible. En France, une maladie étrange transforme les corps en végétaux. Autour de la Méditerranée, des événements incontrôlables et effrayants poussent les populations à réagir (enfin !). En Europe le printemps refuse d'éclore, engendrant famine et troubles de l’ordre public tandis qu’à la Nouvelle Orléans la montée des eaux a profondément changé le visage de la ville et les relations entre ses habitants. 

Six histoires, six autrices, six voix différentes s’unissant pour dire la folie du comportement humain vis-à-vis de la planète et l'urgence climatique qui en résulte. Le texte de Marie Pavlenko ouvrant le recueil sert de colonne vertébrale à l’ensemble. C’est à partir de cette introduction que se dessine la cohérence d’un ensemble de nouvelles pouvant sembler à première vue déconnectées les unes des autres.

Au final le jeu littéraire mis en place fonctionne à merveille, les pièces s’imbriquent et chaque autrice, à sa façon et selon son « angle d’attaque », exprime la force de son engagement. Récit réaliste, dystopique, poétique, les genres et les styles d’écriture choisis offrent richesse et variété.  

Un cadavre exquis qui ne déborde pas d’optimisme mais qui a le mérite, sans donner de leçon ni sombrer dans le nihilisme le plus désespéré, d’affirmer avec force l’importance de mettre un terme aux excès qui nous condamnent à plus ou moins court terme. Une façon intelligente et efficace de pousser à la réflexion. 

Elle est le vent furieux de Sophie Adriansen, Marie Alhinho, Marie Pavlenko, Coline Pierré, Cindy Van Wilder et Flore Vesco. Flammarion jeunesse, 2021. 315 pages. 15,00 euros. A partir de 14 ans.


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mardi 12 janvier 2021

Les derniers des branleurs - Vincent Mondiot

 

« Ils sont restés eux-mêmes. […] Des ratés, des drogués, des dégénérés, des dépressifs sans cause, des fils et des filles indignes, la rangée du fond de la classe. »

Il serait malhonnête de réduire Min Tuan, Chloé et Gaspard à cette description peu glorieuse se trouvant à la 450ème et dernière page du roman. Bien sûr ils sont tout ça mais ils sont loin de n’être que ça ces trois lycéens de terminale unis comme les doigts de la main, marginalisés par leurs camarades de classe, catalogués branleurs par leurs profs et incompris de leurs parents. Ils sèchent les cours pour jouer aux jeux vidéo en fumant des joints, lisent des mangas plutôt que leurs leçons et ne peuvent s’imaginer un avenir. Du moins jusqu’à l’arrivée dans leur groupe de Tina, jeune migrante congolaise vivant à hôtel qui va peu à peu exercer sur eux une influence positive.

Drôle de roman pour un drôle de trio, plus agaçant qu’attachant, auquel j’ai fini par accorder toute mon attention après des débuts difficiles. Il faut dire que je me suis vite lassé de leurs discussions sans intérêt, de leur grossièreté chronique et de leur j’menfoutisme intersidéral. Ils ne sont ni violents ni méchants, ni perturbateurs ni révoltés. Ils ne croient juste en rien, ne s’impliquent dans rien, ne rêvent de rien. Pas simple du coup de s’intéresser à leur cas, d’aller au-delà de leur oisiveté permanente et de leurs lendemains de cuite sans relief. 

Heureusement, plus le roman avance et plus le portrait psychologique de chacun gagne en complexité. Sous le vernis de l’avachissement se révèlent de profondes interrogations sur le sens de l’amitié, le rapport aux autres, la sexualité. Surtout, loin du cliché, de la mise en scène au trait forcé d’une « génération perdue » d’écervelés sans la moindre conscience (politique ou autre), Vincent Mondiot ne donne pas dans le portrait de groupe caricatural, il dépeint des individus, tous différents, portant chacun un regard sur le monde d’une grande (et douloureuse) lucidité.

Un texte cru, provocateur, sans concession, drôle à sa façon, et qui se révèle d’une rare sensibilité pour peu que l’on ne s’arrête pas à l’exaspérant nihilisme que donne la première impression.

Les derniers des branleurs de Vincent Mondiot. Actes Sud junior, 2020. 450 pages. 16,80 euros. A partir de 15 ans.




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dimanche 20 décembre 2020

Le Flocon - Bertrand Santini et Laurent Gapaillard

En cette nuit du nouvel an, le Roi donne une fête au château. Les personnages illustres du royaume sont venus les bras chargés de cadeaux, chacun rivalisant de richesses pour offrir au souverain un présent à la hauteur de son statut. Au milieu de la nuit, un nouveau convive apparaît. Johann Kepler, mathématicien de la cour, scandalise les invités car il arrive les mains vides. Ouvrant son gant, il montre un flocon de neige, qu’il place ensuite devant l’objectif d’un télescope, offrant ainsi à la vue du Roi un spectacle exceptionnel surpassant tous les cadeaux du monde…

Un conte qui loue la supériorité de la nature sur l’homme, de la modestie sur le faste, de l’éphémère sur l’éternel. L’objet-livre est splendide, dans un format à l’italienne XXL magnifié par les somptueux dessins de Laurent Gapaillard. Après, pour ce qui est du texte (s’inspirant du recueil de Johannes Kepler « L'étrenne ou la neige sexangulaire » rédigé en 1610), pas évident d’imaginer que de jeunes lecteurs puissent en saisir à la fois les références animistes et la profondeur philosophique. Au final peu importe si sur le fond l’ouvrage s’adresse davantage aux adultes qu’aux enfants, ces derniers pourront toujours s’émerveiller devant les illustrations dignes des plus belles gravures de Gustave Doré. Assurément un des albums les plus surprenants de l’année.


Le Flocon de Bertrand Santini et Laurent Gapaillard. Gallimard jeunesse, 2020. 50 pages. 26,50 euros.


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mardi 8 décembre 2020

L’anguille - Valentine Goby

Hallis est trop gros, il le sait. Son obésité lui pèse, au propre comme au figuré. Non seulement il possède une bien piètre estime de lui-même mais en plus il doit supporter à longueur de journée les railleries de ses camarades. Alors quand on annonce l’arrivée dans sa classe d’une élève « différente », il se dit qu’il a une chance de ne plus être au centre de l’attention. 

De son côté Camille se doute qu’elle va attirer les regards. Elle sait qu’en débarquant en cours d’année dans son nouveau collège elle ne pourra pas se faire discrète. Impossible en effet de passer inaperçue dans un environnement où chacun de ses gestes est scruté dans le moindre détail. Née sans bras, Camille est une bête curieuse constamment sous le feu des regards. Il faut dire que tenir ses couverts avec les pieds à la cantine, jouer au tennis de table avec la raquette entre les dents et nager avec la seule force des jambes et du tronc, ça a de quoi surprendre.  

Camille et Hallis, Hallis et Camille. Deux ados différents qui voudraient ne plus être considérés en premier lieu en fonction de leur physique « atypique ». Deux ados qui vont se rapprocher l’un de l’autre, comme une évidence, pour devenir les meilleurs amis du monde. Un joli duo imaginé par Valentine Goby entre Hallis le timide habitué à se faire tout petit et Camille qui voudrait que chacun accepte sa particularité comme une normalité. Entre le taiseux et la solaire, la complémentarité fonctionne à merveille, sans jamais les inciter à se replier dans une forme d’entre-soi. Au contraire, c’est ensemble qu’ils vont s’ouvrir au monde, s’ouvrir aux autres et trouver une certaine forme d’épanouissement. 

Un texte positif, bienveillant, lumineux, servi par l’écriture délicate de Valentine Goby. Une lecture qui fait du bien, qui montre à quel point la différence peut être une force et à quel point il importe de lutter contre les stéréotypes.   

L’anguille de Valentine Goby. Thierry Magnier, 2020. 144 pages. 11,50 euros. A partir de 12 ans.



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mardi 24 novembre 2020

Les chroniques d’Hurluberland volume 3 - Olivier Ka

 

« Pas un jour sans qu’une nouvelle bizarrerie vienne perturber notre quotidien ! »

Voilà, tout est dit. À Hurluberland, rien ne se passe normalement. Les habitants se dédoublent, une baleine menteuse s’échoue sur la plage, une machine à écrire prédit l’avenir, un dromadaire rose à pois vert sort d’un rêve tandis qu’un oiseau invite au voyage. Le lecteur, quant à lui, se laisser emporter dans tourbillon où la surprise surgit à chaque coin de page. 

Toujours un bonheur de retourner faire un tour à Hurluberland, petit village perdu au fond d’un lointain royaume qui n’est pas sans rappeler celui des schtroumpfs. Comme chez les schtroumpfs, chacun possède un rôle bien spécifique, d’Hector Boulocarré le boulanger à Eugène Boitaclou le bricoleur en passant par Alphonse Sauçobeurre l’aubergiste et Casimir Lapatauge le paysan grognon. Comme chez les schtroumpfs, le chef du village prend les décisions importantes et si les querelles démarrent vite, elles se terminent toutes dans la bonne humeur et dans un esprit de réconciliation collégiale.

Depuis trois volumes, Olivier Ka déploie son imaginaire débridé avec une infinie malice. C’est loufoque, drôle, surprenant, poétique, et souvent non dénué d’une certaine morale. Dix histoires, dix bizarreries, dix moments d’évasion loin de la grisaille ambiante, il serait bête de s’en priver par les temps qui courent.

Les chroniques d’Hurluberland T3 d’Olivier Ka. Éditions du Rouergue, 2020. 168 pages. 9,90 euros. A partir de 8 ans


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