Jarle Kleppe a 35 ans. En ce
soir d’août 2007, il s’apprête à assister au concert de son groupe culte, The
Smiths, reformé depuis peu. Envoyé par le quotidien qui l’emploie pour couvrir
l’événement, Jarle sent qu’il va écrire l’article de sa vie, celui qui va faire
de lui le journaliste reconnu qu’il rêve d’être. A quelques minutes du début du
show, il se rend aux toilettes et découvre soudain dans un bosquet un couple en
train de faire l’amour. Une adolescente blonde et un sculptural jeune homme...
noir. Fasciné par le « spectacle », Jarle s’approche de plus en plus
et découvre abasourdi que l’adolescente n’est autre que sa fille, Lotte. A 17
ans à peine, la gamine n’a à l’évidence pas froid aux yeux. Paralysé par cette
découverte, incapable de savoir comment il doit réagir, Jarle, va vivre une
nuit où la rage et les questionnements existentiels ne vont cesser de se
bousculer jusqu’au petit matin.
Tragicomique et pessimiste, voila
comment on pourrait qualifier ce roman dans lequel le norvégien Tore Renberg se
plaît à briser une à une les images d’Épinal qui présentent la société
scandinave comme un modèle d’intégration. Jarle est norvégien, il se considère
comme « chrétien et humain. Ouvert, dialogique, à l’écoute et positif.
[...] Il avait lu des livres. Il était contre le racisme et il était tour à
tour attiré par le communisme, la droite cultivée et les
sociaux-libéraux. » Mais quand Jarle voit sa fille forniquer avec un
nègre, la jolie façade humaniste se lézarde : « il aurait voulu
lui flanquer des coups de poing jusqu’à ce que le visage couleur chocolat noir
ne soit plus qu’une mare de sang frais. » Puis il s’en prend
inconsciemment à cette fille conçue par hasard un soir de beuverie et
redécouverte brusquement alors qu’elle avait 7 ans (une histoire relatée dans
Charlotte Isabel Hansen, le précédent roman de l’auteur publié en France en
2011) : « Les gamins sont injustes. Ils ne sont pas venus au monde
pour contenter leurs parents, ça, c’est sûr. [...] Les gosses sont vraiment
capables de vous arracher le cœur et de le balancer à bouffer aux chiens, ça
c’est sûr. [...] Les gosses sont vraiment capables de transformer vos jours en
cauchemars éveillés, aucun doute sur la question. »
Jarle est un nombriliste qui
refuse de regarder la vérité en face. Il découvre cette même nuit que son
meilleur copain, celui dont il est censé être le plus proche, est gravement
malade. Il découvre que finalement il ne sait rien de lui. Son monde plein de
certitudes s’effondre. Jarle est complexé, Jarle est raciste, Jarle n’est ni un
bon père ni un ami fiable. Lorsqu’il pourra discuter plus sereinement avec
Pixley Mapogo, l’amant de sa fille, il tentera une fois de plus de défendre son
humanisme de façade : « Je n’ai rien contre les gens qui ne sont pas
originaires de mon pays. Je ne me suis jamais autoriser à penser autre
chose. » Mais Pixley est sans conteste le plus lucide des deux :
« C’est le mode de pensée norvégien. C’est ainsi que vous voulez penser,
mais ce n’est pas ainsi que vous pensez. »
Tore Renberg semble prendre un malin
plaisir à verser du sel sur les plaies béantes ouvertes depuis quelques années
dans les pays nordiques : appauvrissement, chômage, immigration mal
maîtrisée, violence, montée de l’extrême droite, etc. C’est politiquement
incorrect, l’écriture est franche et directe, sans chichi, les personnages sont
des losers pathétiques, bref, ce roman est en tout point excellent.
Ouh là, tu tentes beaucoup! Et puis un nordique pas polar, c'est intéressant.
RépondreSupprimerViola, un nordique pas polar, c'est assez rare et c'est souvent très bon.
SupprimerViola? Tu ne dors pas assez, cher papa de trois filles?
SupprimerAïe, je devrais pas taper mes commentaires avec une couche sale dans les mains...
SupprimerJérôme.... arrêtes cela tout de suite. Ma pile est déjà en constante évolution ! Mais bon je sens que ma liste va encore s'allonger... Tu es un diable finalement ;)
RépondreSupprimerUn diable tu dis... j'ai plutôt l'impression d'être un ange ;)
SupprimerJamais entendu parler, mais pourquoi pas...
RépondreSupprimerC'était aussi mon cas avant de découvrir ce roman.
SupprimerLà, tu touches où ça fait mal :-D Je note en espérant une sortie poche.
RépondreSupprimerLe premier, qui met en scène les mêmes personnages, est sorti en poche l'an dernier.
SupprimerJe n'ai jamais lu de littérature nordique. Pourquoi pas m'y mettre avec ce titre ?
RépondreSupprimerCe serait un bon début !
SupprimerAu début de ton billet je croyais que si l'amant de sa fille avait été blanc de peau, le choc aurait été pareil. Mais non... c'est vraiment un cas de racisme pur. Peu sympathique ce Jarle !
RépondreSupprimerMais titre noté.
Dans les polars, le rêve nordique est bien écorché... drogue, alcoolisme, racisme, suicide...
Oui mais dans les polars, j'ai envie de dire qu'il est plus facile d'écorcher le rêve social nordique. L'exercice est moins commun dans un roman "classique".
SupprimerHop, noté ! Le précédent roman de l'auteur est d'ailleurs disponible à la bibliothèque, je vais en profiter.
RépondreSupprimerJe pense que c'est mieux de commence par le premier. C'est peut-être ce que j'aurias dû faire d'ailleurs...
SupprimerJ'adore les romans nordiques; ils me parlent de moi. C'est typique de dire «J'ai rien contre les noirs/asiatiques/arabes, mais...» Je l'entends souvent. Titre noté!
RépondreSupprimerContent de te l'avoir fait découvrir.
SupprimerJ'allais dire : les polars de Mankell parlent de cette "dégénérescence" nordique aussi ! Et ces polars, j'en fais la découverte petit à petit. Donc... je ne note pas dans les prioritaires. Tu n'es pas vexé, j'espère !
RépondreSupprimerVexé ? Manquerait plus que ça. Tu as bien le droit de donner la priorité au sieur Mankell ;)
SupprimerJe suis TRES tentée! J'aime beaucoup le monde nordique. MERCI
RépondreSupprimerTant mieux, c'est un plaisir de te tenter.
SupprimerJe ne suis pas trop en mode "looser pathétique" en ce moment mais je note le nom de l'auteur, pour plus tard... on ne sait jamais! ;-)
RépondreSupprimerMoi je suis constamment en mode "looser pathétique", ce genre de personnage ma fascine.
SupprimerEncore une pépite qui serait passée inaperçue sans ce billet fort bien troussé... Je note, même si je pense que je préfèrerais découvrir les personnages dans le premier tome, et comme tu dis qu'il est sorti en poche... ;-)
RépondreSupprimerL'éditeur va m’envoyer le 1er, je te ferais suivre si vraiment ça t'intéresse.
SupprimerQue dire de plus après ta conclusion, sinon : Je le veux !
RépondreSupprimerAucun problème si tu ne dis rien d'autre, ça me convient tout à fait ;)
SupprimerEncore une lecture au papier de verre qui gratouille là où ça fait mal ? Je suis partante ... Je vais commencer par le premier tome, vu tes commentaires. A plus tard !
RépondreSupprimerOui, ça gratte et ça pique pas mal en effet. Mais si j'ai bien compris le premier est moins grinçant. A voir...
SupprimerWhy not ? J'ai une fâcheuse tendance à apprécier le politiquement incorrect et les anti-héros antipathiques.
RépondreSupprimerAlors ce livre a tout pour te plaire !
Supprimeralors là ! je suis carrément intriguée !
RépondreSupprimerTu peux, c'est vraiment un drôle de roman !
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