dimanche 30 octobre 2011

Rentrée littéraire 2011 (épisode 10) : Les autos tamponneuses de Stéphane Hoffmann

Pierre Bailly, un grand patron qui n’a cessé de privilégier son entreprise au détriment de sa vie de famille, décide du jour au lendemain de prendre sa retraite pour s’installer avec sa femme dans leur maison du Golfe du Morbihan. Pour son épouse, l’intrusion dans sa vie quotidienne d’un mari jusqu’alors très peu présent est impensable. Selon elle, les hommes qui ne travaillent pas se relâchent. « Jamais ils ne devraient rentrer à la maison, jamais. Ils doivent mourir à la tâche, au combat, la main sur le métier. C’est leur devoir, leur gloire. Les hommes, on les aime absents. Celui qui rentre saccage tout. La place d’un homme, c’est dehors. » De son coté, Pierre se demande ce qu’il va faire de ces jours tranquilles qui s’annoncent. Il prend du bon temps en visitant un copain restaurateur ou tente sans grande conviction de courtiser une amie de sa femme. Il essaie aussi de trouver sa place dans la bourgeoisie locale mais il se révèle bien trop individualiste et misanthrope pour supporter « ces cons ». Finalement, il se rend compte qu’il n’est pas si facile, la retraite venue, de se réinventer une vie…

Stéphane Hoffmann possède un joli sens de la formule et une écriture aussi acerbe qu’aiguisée. Ses descriptions vachardes font sourire (« il était gai comme le formol, joyeux comme une ampoule basse consommation. ») mais sous le vernis du cynisme et de la désinvolture, son style apparaît aussi prétentieusement boursouflé que le caractère des personnages qu’il met en scène. Il ne cesse d’enfiler les aphorismes comme des perles mais, à mon sens, ce n’est pas en accumulant les bons mots et les traits d’esprit que l’on donne du corps à un roman. Quelques exemples en vrac : sur le mariage : « Le code civil laisse entrer la foule dans le lit des gens qui s’aiment, fait de chaque famille une troupe au service de la société et donne à la vie conjugale, si secrète, une impudique publicité. » ; sur le bonheur : « Le bonheur, ce n’est pas de ne pas avoir de problèmes ; le bonheur est de pouvoir résoudre les problèmes qu’on a ! » ; sur les enfants : « Un enfant, c’est un idéal qu’on n’invente pas, mais qu’on reçoit. Malgré soi. Et il faut être à la hauteur de cet idéal que l’on n’a pas voulu et qui décevra. » A la longue ces sentences balancés à l’emporte pièce deviennent plus qu’indigestes.

Du coté des dialogues, même constat d’échec. Les tirades de tous ces insupportables bourgeois sonnent tellement faux que l’on a parfois l’impression de lire le texte d’une mauvaise pièce de théâtre. Et que dire de la fin ! Une ultime pirouette où les masques tombent ridiculement et où l’épouse à la froideur inhumaine se révèle finalement être une mère et une grand-mère aimante. Quitte à jouer sur la corde du cynisme, il aurait été préférable de pousser à son paroxysme la décrépitude de cette imbuvable « bonne société » provinciale.

Une lecture pénible. Avec 100 pages de plus, je crois que je ne serais pas allé au bout. Second titre des éditions Albin Michel que je lis en cette rentrée littéraire (après La petite) et seconde très grosse déception. Rassurez-moi, il doit bien y avoir un roman de qualité publié par cet éditeur cet automne (le premier qui me cite Amélie Nothomb prend la porte immédiatement !).

Les autos tamponneuses de Stéphane Hoffmann, Éditions Albin Michel, 2011. 232 pages. 17 euros.


11 commentaires:

  1. Tres bien dit ! Et les citations bien choisies !! Et je ne peux qu'etre d'accord avec ca: 'mais sous le vernis du cynisme et de la désinvolture, son style apparaît aussi prétentieusement boursouflé que le caractère des personnages qu’il met en scène'.

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  2. Je crois surtout que tu n'as rien compris à ce livre: retourne aux bandes dessinées

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  3. Déçue également, l'histoire manque de fond, mais bon, l'humour n'est pas absent, ce qui remonte un peu sa note.
    Rien de bien folichon sous le soleil, c'est certain.
    Pas d'Amélie N... c'est certain ?!

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  4. @ L'ogresse : je crois que nos avis se rejoignent.

    Cher Anonyme : malheureusement, ce roman est beaucoup plus facile à comprendre que nombre de bandes dessinées.

    @ Alex : c'est vrai que l'humour est assez présent, il serait injuste de ne pas le reconnaître.

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  5. Famille modèle d'Eric Puchner en collecyion étrangère vaut le détour !

    J'ai eu l'impression que l'auteur s'est surtout amusé à l'écrire. Après , même le plaisir de l'écriture peut rester solitaire... :)

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  6. @ Clara : bien sûr, je n'ai pas pensé à la collection Terre d'Amérique que j'adore ! Merci pour cette piqure de rappel.

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  7. Pas d'accord avec vous tous. Moi, ce roman m'a amusée, mais je l'air surtout trouvé très émouvant. Pour moi, c'est l'histoire d'un couple qui arrive à se reconstruire 25 ans après la mort de son enfant. Tout le monde parle de l'humour du livre. C'est vrai qu'il est drôle. Mais il illustre que l'humour est la politesse du désespoir. Je crois que vous êtes tous passés à côté. Autour de moi, tout le monde a adoré ce livre. Mais nous sommes peut-être tous neu-neus...

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  8. Pardon, je ne voudrais pas être désobligeante. Je veux dire: j'ai l'impression que nous n'avons pas lu le même livre. Je parle des Autos tamponneuses.

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  9. @ Anonyme : il n'y a rien de désobligeant dans vos propos et je me garderais bien de qualifier de neu-neus les lecteurs qui ont aimé ce livre. Nous n'avons pas eu le même ressenti à la lecture de ce roman, c'est tout. Personnellement je l'ai trouvé artificiellement cynique et artificiellement émouvant. Mais j'ai trop peu d'amour propre pour considérer mon avis comme étant une quelconque référence. Je cherche juste à davantage argumenter quand les choses ne m'ont pas plu. Heureusement que tout le monde ne partage pas le même point de vue, ce serait trop triste !

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  10. j ai lu ce livre et j'ai mis un lien vers ton blog car je trouve que ce que tu dis est vrai, mais j'ai souri à la description des retraités dans les stations balnéaires .
    C'est très bien vu:
    Golfe, bridge , bateau et à Dinard je rajouterai la messe voilà le quotidien de 80 pour cent des gens "comme il faut " .
    la trame romanesque est nulle je suis d'accord avec toi !
    Luocine

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    1. Je crois que je l'ai mal, ça m'a fait la même chose avec "Un notaire peu ordinaire". Deux roman qui mettent en scène la bourgeoisie de province, je crois que c'est une thématique qui ne me convient pas du tout.

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