vendredi 16 juillet 2010

Entremonde

Mélanie Tamaki est une ado solitaire au physique plutôt ingrat. Élève médiocre, elle vit seule avec sa mère. Cette dernière est dépressive et fortement portée sur la boisson. Un soir, alors que Mélanie rentre chez elle, elle trouve la maison vide. Le téléphone sonne : la personne au bout du fil lui annonce que sa mère a été kidnappée. Pour la retrouver, la jeune fille va devoir se rendre dans l’Entremonde, une sorte de monde parallèle où vivent de bien étranges créatures.

Hiromi Goto a imaginé un univers vraiment original où se mêlent le fantastique, les légendes urbaines et les contes folkloriques. Les créatures de l’Entremonde font parfois penser aux personnages peuplant les histoires de fantômes de la tradition chinoise (notamment dans les Contes et chroniques de l’étrange recueillis par le lettré Pou Song-Ling au 17ème siècle). Mais le propos ne se limite pas au folklore. C’est aussi une quête initiatique censée permettre à une adolescente de franchir le difficile passage de l’enfance vers le monde des adultes.

Voila donc un roman jeunesse somme toute très classique qui se distingue néanmoins par la richesse de son univers. Mais c’est aussi là que le bât blesse. L’organisation entre les trois royaumes est fort compliquée à comprendre et finalement assez peu intéressante. La lecture du prologue, censée éclaircir tout cela, pose en fait les bases de cette complexité et tend à refroidir le lecteur. D’ailleurs, le prologue et l’introduction sont-ils bien utiles ? En intégrant les informations de ces deux préambules à l’intérieur du texte et en commençant l’histoire sans donner aucun indice sur le sens des différents événements, le roman aurait gagné en épaisseur. Avec l’intro et le prologue, tout le coté mystérieux disparaît avant la lecture et c’est un peu dommage. En fait, on veut être sûr que l’enfant qui va se lancer dans le livre possède toutes les clés avant d’attaquer. Cette simplification va à mon avis à l’encontre de ce que doit être la littérature, c'est-à-dire quelque chose qui ne vous tombe pas tout cuit dans le bec mais qui demande un minimum d’effort.

Autre souci, le peu d’empathie que l’on ressent pour le personnage principal. Mélanie est très « lisse ». Elle subit les événements, se montre courageuse quand la situation l’exige et se sort des situations les plus périlleuses grâce à l’intervention d’un tiers (la rate de jadeoù les corbeaux notamment). Ce n’est pas un personnage marquant. Elle manque d’ambivalence, de ce coté clair/obscure qui fait que chaque individu n’est jamais tout noir ou tout blanc. Trop pure, trop innocente, trop pétrie de bons sentiments, elle en deviendrait presque ennuyeuse.

De même, le coté spirituel de sa quête m’a gonflé. Clairement, l’épisode du brouillard à la sortie de l’Entremonde est une mise à l’épreuve de sa foi. Tout comme les réflexions de sa mère lorsqu’elle lui dit que les mondes sont en train de pourrir et de se détériorer parce que l’on doute de l’existence des esprits.

Attention cependant, malgré ces quelques défauts et surtout parce que je juge ce livre à travers le prisme de mon regard d’adulte ayant perdu beaucoup de ses illusions, il est évident que l’histoire peut faire mouche auprès du public auquel elle est destinée. Quelle petite fille ne prendrait pas tous les risques pour sauver sa mère ?

Bref, vous l’aurez compris, cette lecture ne m’a pas emballé mais j’insiste, c’est un roman qui peut tout à fait trouver son public et plaire à bon nombre d’ados. Personnellement, je n’y ait pas trouvé mon compte, rien de plus.

Entremonde, de Hiromi Goto, Éditions Baam !, 2010. 316 pages. 14 euros. Dès 13 ans.

L’info en plus : Si Entremonde est le premier ouvrage d’Hiromi Goto traduit en Français, cette auteur canadienne d’origine japonaise a publié deux autres romans très remarqué par la critique dans son pays. Chorus of Mushrooms (1994) a notamment gagné le prix du premier roman des écrivains du Commonwealth en 1994. Le second, The Kappa Child (2001) a remporté le James Tiptree Jr. Memorial Award (prix récompensant un ouvrage de sicence fiction ou de fantasy). Ces deux romans sont destinés aux adultes. C’est également en 2001 qu’est sorti son premier roman jeunesse, The Water of Possibility. Malheureusement, dans l’attente d’une éventuelle publication en français, ces titres ne peuvent pour l’instant être lus que dans la langue de Shakespeare. Avis aux amateurs.


Ouvrage lu grâce à blog-o-book dans le cadre d’un partenariat avec les éditions Baam !. Un grand merci à eux !

6 commentaires:

  1. Premier avis que je lis sur ce livre que j'avais repéré. Je vais en lire d'autres avant de me décider si je me le procure ^^.

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  2. Je viens tout juste de le terminer ; avis mitigé aussi à cause de quelques longueurs (ainsi que du véritable dégoût inspiré par M. Gluant)...

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  3. une couverture à la dragon ball z!

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  4. Pareil que Iluze, c'est le premier avis que je lis sur ce roman. A voir donc..

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  5. "De même, le coté spirituel de sa quête m’a gonflé." J'adore ! Il y aun temps pour tout et parfois certains auteurs en font trop ... de l'aventure, de la quête de çi et de là et du coup, comme tu le dis si bien : ça gonfle !

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  6. Moi j'ai adoré, et je conseil fortement aux adolescents. C'est pas le spirituel qui prime mais la 'volonté'. J'ai trouvé que c'était un personnage atypique dans le monde de la littérature ado d'aujourd'hui (pas de grande beauté, de pouvoirs incroyables, d’intelligence extrême, d’obsession d'avoir un/une petit/e ami/e...) mais beaucoup de courage tout le long du roman. Un souffle frais donc qui reflète LA philosophie de vie Japonaise qui est: peut importe qui tu es, et peut importe quels sont tes talents, si tu travail à font et tu y mets tout ton tiens, tu deviens une personne admirable. C'est la force de ce roman. Une personne ordinaire peut accomplir des choses remarquables en fonçant, même si elle n’atteins pas son but à la fin... si tu te lance dans un projet vas y jusqu'au bout. Et dans un monde moderne où l'on manque beaucoup de suivie je trouve que c'est un bon message.

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