B.O, comme un dieu d’Ugo Bienvenu. Ed. Les Requins Marteaux, 2020. 128 pages. 14,00 euros.
mercredi 7 octobre 2020
B.O comme un dieu d’Ugo Bienvenu
mercredi 16 septembre 2020
Béatrice - Joris Mertens
C’est toujours casse gueule la BD sans texte, surtout pour des récits au long cours. Il faut trouver le bon rythme, le bon équilibre dans la narration et surtout proposer un découpage à la lisibilité parfaite si on veut faire mouche. Un exercice d’équilibriste où le moindre faux pas peut perdre le lecteur en route. Grégory Panaccione est un maître du genre et son Océan d’amour sa plus éclatante réussite. Joris Mertens est parti pour suivre ses traces tant sa Béatrice est bluffante de maîtrise. Au-delà des aspects purement « mécaniques » de la narration qui fonctionnent à merveille, son tour de force est de parvenir à insuffler sans le moindre mot une émotion d’une rare délicatesse.
Il y a du Modiano dans cet album. Le Paris du début des années 70, les bistrots, l’enquête menée à partir des souvenirs d’autrui, l’envie de remonter le fil du temps... les points communs sont nombreux. S’y ajoute une petite touche fantastique faisant basculer l’histoire dans une autre dimension. Mais une fois encore tout en finesse, sans jamais en rajouter. Une indiscutable réussite !
Béatrice de Joris Mertens. Rue de Sèvres, 2020. 112 pages. 19,00 euros.
mercredi 9 septembre 2020
L’instant d’après - Zidrou et Maltaite
Tout allait bien au départ dans ce polar énigmatique à souhait : une narration nerveuse, une intrigue prenante, des ellipses maîtrisées, un dessin collant parfaitement à l’ambiance, des dialogues aux petits oignons. Et puis boum patatras, le château de cartes si savamment monté s’est écroulé. Je veux bien qu’on laisse à l’imaginaire du lecteur le soin de se mettre en branle, qu’on le laisse interpreter à sa guise des pans entiers de l’histoire, voire qu’on lui demande de phosphorer pour participer activement à la résolution du problème. Mais à ce point-là, franchement, et je pèse mes mots, c’est du foutage de gueule !
Rien ne sera dévoilé sur le pourquoi du comment des disparitions. Pas un indice, aucune piste, nada. C’est trop facile de mettre en place un tel casse-tête sans en donner la solution. Vous imaginez si Gaston Leroux avait conclu Le mystère de la chambre jaune sans laisser Rouletabille révéler le fin mot de l’histoire ? Ça n’aurait eu aucun sens. Et aucun intérêt. Exactement l’impression que j’ai ressentie en refermant cet album.
L’instant d’après de Zidrou et Maltaite. Dupuis, 2020. 56 pages. 14,50 euros.
mercredi 2 septembre 2020
West legends T2 : Billy the Kid - Christophe Bec, Lucio Leoni - Emanuela Negrin
Basée sur histoire vraie, cette mise en image d’un célèbre épisode de la conquête de l’Ouest baptisé « Guerre du comté de Lincoln » par les historiens se focalise sur la figure légendaire de William Henry Bonney, alias Billy The Kid. Alors âgé de 17 ans, Billy montre un sang-froid et un courage à toute épreuve. Celui qui n’est pas encore un des hors-la-loi les plus recherchés du pays se montre aussi sûr de lui que provocateur. Sa détermination guide ses acolytes, conscients d’avoir à leurs côtés un dur à cuir doublé d’un tireur émérite.
Comme dans le premier tome de cette série dédiée aux légendes de l’Ouest, l’album ne se veut pas une biographie complète mais plutôt un focus sur un événement particulier. Trois jours donc dans la vie de Billy et de sa bande, avec quelques flashbacks expliquant pourquoi les choses en sont arrivées là. Le résultat est très factuel, l’action prime sur l’analyse psychologique et le portrait dressé entretient le mythe Billy the Kid, jusqu’à sa mort trois ans plus tard, toujours au Nouveau Mexique, sous les balles du shérif Patt Garett.Deuxième personnage légendaire passé au crible de cette collection de récits complets qui comptera en tout six volumes et deuxième réussite. Le troisième, consacré à Sitting Bull, sort aujourd’hui. Je vais évidemment m’y plonger dès que possible.
West legends T2 : Billy the Kid : The Lincoln County War - Christophe Bec, Lucio Leoni et Emanuela Negrin. Soleil, 2020. 72 pages. 15,95 euros.
lundi 31 août 2020
Nord-Est - Antoine Choplin
Dans le quatuor, Garri est le meneur. Jamarr, grand costaud un brin colérique rabroue souvent Emmett, le jeunot simple d’esprit tandis que Saul le poète muet suit la troupe en silence. En chemin, ils vont croiser la route de rares villageois isolés. Leurs pas vont les mener aux pieds d’imposantes montagnes dont l’ombre menaçante ne suffira pas à les décourager. Après nombre d’obstacles, de rencontres, de drames et de situations compliquées, les marcheurs parviendront à leurs fins. Et si la terre promise ne tiendra pas forcément ses promesses, les efforts communs produits pour mener à bien leur projet renforceront leurs liens et leur part d’humanité.
Un roman où il faut accepter de se laisser prendre par la main sans se poser de questions. Une fois encore, la sobriété de l'écriture d'Antoine Choplin fait mouche, tout en pudeur et en retenue. Une fois encore la tendresse et l'affection qu'il porte à ses personnages touchent en plein coeur.
Un roman aux accents parfois contemplatifs qui interroge sur l'exil. Un roman plein d'altruisme et de fraternité qui, comme dans le superbe "La nuit tombée", insiste sur l'importance de l'amitié et de l'entraide pour survivre au chaos.
Nord-Est d’Antoine Choplin. La fosse aux ours, 2020. 200 pages. 18,00 euros.
Une lecture commune que j'ai l'immense plaisir de partager avec Noukette (y avait longtemps !)
vendredi 21 août 2020
Beyrouth entre parenthèses - Sabyl Ghoussoub (rentrée littéraire)
« Pas besoin d’avoir fait de grandes études pour comprendre que lorsqu’on est libanais, Israël, on n’y va pas. »
C’est pourtant le voyage improbable que souhaite entreprendre le narrateur, né en France de parents libanais. Un voyage pour découvrir le pays qu’on lui a appris à haïr depuis son enfance. Et s’il souhaite arpenter les terres ennemies de son peuple en simple touriste, il constate à regret durant le vol le rapprochant de Tel Aviv que, malgré ses bonnes intentions, dans son esprit, « Israël redevient Israël, ce pays illégitime. »
A la descente de l’avion, son passeport français ne suffit pas à lever les doutes sur ses origines. Mis sur le grill par des agents de sécurité pendant des heures dans les locaux de l’aéroport, le jeune homme se voit poser sans cesse les mêmes questions et finit par s’interroger sur sa propre identité : « Pour venir jusqu’à vous, j’ai dû oublier qui j’étais, mon histoire, celle de ma famille. J’ai mis Beyrouth entre parenthèses. Je n’ai plus de prénom, ni de nom. Mon nom est personne. Je ne suis plus rien, je ne suis même plus moi ou peut-être que si justement, je ne l’ai jamais été autant. Je ne sais pas. »
Un court roman qui, sous le vernis d’une certaine désinvolture, aborde avec profondeur la difficulté de s’affranchir de l’héritage familial pour construire son propre récit personnel. Et si la volonté d’émancipation est bien présente, le narrateur va se rendre compte avec fatalisme qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, sans pour autant s’appesantir sur son sort. Le ton oscille entre légèreté et gravité, l’humour se mêle à la tendresse et si la colère affleure, elle ne déborde jamais plus que de raison.
Au final cette tragicomédie saupoudrée d’une bonne dose d’autodérision associe l’histoire très personnelle d’une quête identitaire à l’inextricable complexité du conflit israélo-palestinien. Le projet était aussi ambitieux que casse-gueule mais Sabyl Ghoussoub a su maîtriser son sujet avec brio pour signer un deuxième roman à la fois touchant et provocateur.
Beyrouth entre parenthèses de Sabyl Ghoussoub. L’Antilope, 2020. 130 pages. 16,00 euros.
dimanche 16 août 2020
Sur l’alcool - Charles Bukowski
« La picole est un substitut à la compagnie des autres et un substitut au suicide. C’est un mode de vie complémentaire. Je n’aime pas les ivrognes, mais je suppose qu’il m’arrive d’en être un, moi aussi. Amen. »
Chic, un nouveau Bukowoski ! Sauf que pas vraiment en fait. L’homme a beaucoup écrit et tout ou presque a été publié. Du coup on compile, on recycle. On donne dans le recueil thématique, pour entretenir le mythe et offrir de la pseudo nouveauté. Alors oui, il y a des inédits dans ce recueil. Des lettres, quelques poèmes, des trucs parus dans d’obscures revues aujourd’hui introuvables. Des inédits de fond de tiroir associés à une compilation de textes déjà publiés ailleurs, ça sent le réchauffé à plein nez. Du moins pour ceux (comme moi) qui ont lu tout Bukowski en long, en large et en travers.
Pour les autres ça peut être une entrée en matière intéressante. Si on accepte le côté fourre-tout du mélange des genres. Nouvelles, extraits de romans, correspondances, bouts d’interview, poèmes, ça part dans tous les sens. Avec quand même la beuverie pour point commun à l’ensemble, histoire de donner un minimum de cohérence (même si la beuverie est le fil directeur de toute son œuvre finalement).
Au programme donc un Bukowski égal à lui-même : alcoolique, misanthrope, joueur, bagarreur, queutard et grande gueule. Le décor est classique lui aussi, entre bars louches, cellules de dégrisement, hôtels miteux et hôpitaux pour indigents. Tout est gris, crasseux, déprimant, avec la misère, l’alcool, l’écriture et les femmes pour seul horizon. J’ai aimé retrouver la fluidité et la simplicité de son style très oral, sans filtre ni langue de bois, et bien sûr une sacrée dose d’autodérision couplée à une absence totale d’amour propre qui restent à mes yeux ses deux plus grandes qualités.
Du réchauffé donc, mais du réchauffé qui peut permettre aux néophytes de découvrir les fondamentaux du mythe Bukowski et la diversité sans limite de sa production. A vous de voir...
Sur l’alcool de Charles Bukowski (traduit de l’anglais par Romain Monnery). Au Diable Vauvert, 2020. 360 pages. 20,00 euros.
mercredi 12 août 2020
Étés anglais - Elizabeth Jane Howard
Été 1937. La famille Cazalet s’apprête à quitter Londres pour passer deux mois dans sa résidence du Sussex. Les parents sont déjà sur place ainsi que leur quadra de fille célibataire et les trois fils vont bientôt débarquer avec femmes, enfants et domestiques. L’entreprise familiale prospère grâce au commerce du bois exotique mais, tandis que la situation internationale se tend à cause d’un fou furieux moustachu venu d’Allemagne, les Cazalet vont tenter d’anticiper les effets de l’inéluctable guerre à venir.Cette saga familiale avec pour décor la campagne anglaise sous le soleil d’été était clairement une lecture de vacances parfaite. Des intrigues qui s’entrecroisent, de la légèreté, pas mal de futilité avec un arrière-plan historique plus dramatique, et évidemment quelques secrets de famille dont on imagine les répercussions futures (ce n’est que le premier tome d’une pentalogie), les ingrédients étaient alléchants.
Il n’y a pas de chapitres à proprement parler mais plutôt une succession de paragraphes se focalisant chacun leur tour sur un personnage. Des personnages tellement nombreux qu’il faut rester sacrément attentif pour ne pas s’y perdre. À ce titre, l’arbre généalogique en début d’ouvrage est d’une grande utilité. Cela étant, la lecture n’a rien d’exigeant (on n’est pas dans Confiteor non plus), la simplicité reste de mise et une fois tout le monde bien identifié la mécanique narrative se déploie sans le moindre accroc. L’époque est parfaitement rendue et ce portrait de la bourgeoisie anglaise de l’entre-deux guerres relève presque de l’anthropologie.
L’intérêt majeur de ce pavé réside sans conteste dans la variété des personnages. Hommes, femmes, enfants, chacun possède son propre caractère, chacun se voit accorder l’attention qu’il mérite et les interactions entre tous fonctionnent à merveille. La famille dans l’ensemble s’entend bien, il n’y a pas de grosses tensions entre les différents membres, pas de jalousie ni de méchanceté, même si évidemment certains ne sont pas exempts de défauts ni de comportements « coupables ».
Franchement je me suis régalé. Ce n’est pas de la grande littérature mais quel plaisir d’avoir passé quelques heures de lecture aux côtés d’un clan familial aussi soudé et aussi magistralement mis en scène. La suite sort en octobre, j’ai hâte d’y être.
Étés anglais d’Elizabeth Jane Howard (traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff). La Table Ronde, 2020. 560 pages. 24,00 euros.
dimanche 19 juillet 2020
Deux en un
« De l’enfance, Vanda garde un tas de souvenirs qu’elle ne raconte à personne. Elle est de ces gens dont on pense qu’ils sont nés adultes, ici et maintenant, même immatures. Les failles sont palpables, la fragilité évidente, mais elle livre si peu. On sait qu’elle est arrivée ici il y a plus d’une dizaine d’années, et certains l’ont connue à l’époque. Avant ça, rien. »
Un roman social doublé d’un beau portrait de femme et de mère, tout en noirceur et plein d’aspérités qui vous écorchent le cœur, je ne pouvais qu’aimer un texte aussi sombre et un poil désespéré dont la fin ne m’a pas surpris le moins du monde. Une tragédie moderne ne laissant pas de place aux bons sentiments, portée par une langue vive et sans chichi, à la fois sensible et abrasive. Je ne suis pas près d’oublier Vanda et je remercie chaleureusement la blogueuse qui a eu la gentillesse de m’offrir ce superbe roman.
Vanda de Marion Brunet. Albin Michel, 2020. 235 pages. 18,00 euros.
« Michael se sentait plein d’optimisme. Il allait commencer un nouveau boulot. Sa vie serait différente, cette fois-ci, parce qu’il en avait décidé ainsi. Il devait se rappeler qu’aller travailler tous les jours, garder la tête basse, c’était comme ça que la plupart des gens s’en sortaient. Petit à petit. Inutile de désirer des choses qu’il ne pouvait pas se permettre d’avoir. Il n’y avait pas de moyen honnête de les acquérir. »
Un taulard qui sort de prison bien décidé à se racheter une conduite. Un privé adepte du racket qui lui met la pression et finit par le tremper dans ses combines, ça ne pouvait que mal se terminer. A peine libéré est un polar urbain qui parle de rédemption sur fond d’amour de la littérature, avec Washington comme décor. Le cocktail est typique de Pelecanos, un auteur dont j’ai lu les vingt romans publiés en français et dont je ne me lasse toujours pas, même s’il ne cesse d’utiliser les mêmes ingrédients : la capitale américaine, sa transformation au fil des décennies, sa violence, sa population à la marge, ses petits restos et ses rues pas toujours fréquentables. La recette est immuable, le résultat jamais décevant, aucune raison de s’en priver.
A peine libéré de George Pelecanos (traduit de l’anglais par Mireille Vignol). Calmann Levy, 2020. 265 pages. 19,90 euros.
mercredi 24 juin 2020
Sea Shepherd T1 : Milagro - Guillaume Mazurage
Sea Shepherd lutte surtout contre les filets dérivants illégaux qui prennent au piège de nombreuses espèces, notamment le vaquita marina (ou panda des mers), un mammifère marin considéré comme le plus menacé au monde dont il ne resterait que 30 spécimens dans le golfe de Californie. La chasse aux filets est une activité dangereuse qui tourne parfois à l’affrontement armé mais les militants ne reculent devant aucun obstacle pour défendre leur cause.
Surpris de découvrir « un marsouin coincé au milieu d’une guerre entre écolos et cartels », Guillaume Mazurage s’attarde à la fois sur les actions concrètes menées en mer et sur la vie quotidienne à bord. Il prend également le temps de remettre en contexte la situation, cette pêche dévastatrice constituant pour une partie de la population locale « de l’argent facile dans une région pauvre. » Surtout, il se montre admiratif devant les motivations sans faille et l’abnégation d’un équipage où chacun est prêt à dévouer sa vie à la cause qu’il défend.
Un docu-BD instructif et prenant au dessin précis sans être trop réaliste qui mêle aventure et information avec un bel équilibre. Le danger et la tension sont présents mais on ne bascule jamais dans la violence. Un album parfait pour un jeune public de plus en plus sensible à la cause écologique qui ne pourra qu'adhérer au combat mené par l’association Sea Shepherd pour protéger les océans.
Sea Shepherd T1 : Milagro de Guillaume Mazurage. Robinson, 2020. 56 pages. 11,95 euros. A partir de 10 ans.