mercredi 1 mai 2013

Locke and Key T4 : Les clés du royaume - Joe Hill et Gabriel Rodriguez

Toujours traumatisée pas l’assassinat du père et la découverte dans leur manoir de clés toutes plus flippantes les unes que les autres, la famille Locke vit des moments difficiles. Et encore, s’ils savaient que Zach,  le nouveau petit ami d’Erin, n’est autre que la dame noire, un démon au service du terrible Sam Lesser... Zach, prêt à tout pour retrouver la clé Oméga détenue par Tyler, le fiston bourru. Zach, qui va commettre de nouveaux meurtres pour parvenir à ses fins.

Plus d’un an que l’on attendait la suite en français des effrayantes aventures de la famille Locke. Ce quatrième arc narratif (il paraît que c’est le terme approprié quand on parle de comics…) composé de cinq chapitres fait sensiblement avancer le schmilblick. Comme d’habitude tout en tension, cette singulière histoire de clés est une mécanique dont les engrenages s’imbriquent parfaitement. Rien n’est gratuit, le plus petit des événements pouvant jouer un rôle fondamental dans le déroulement de l’intrigue des dizaines de pages plus loin. Le lecteur est littéralement happé et se laisse promener par le bout du nez dans ce qui ressemble à un interminable cauchemar. Diabolique !

Une fois de plus, Gabriel Rodriguez démontre une virtuosité graphique à toute épreuve. Le premier chapitre, hommage horrifique et somptueux à la série Calvin et Hobbes de Bill Watterson, est assez incroyable. Après, j’ai toujours autant de mal avec les couleurs, mais c’est un détail.

Locke and Key représente clairement le haut du panier en matière de comics à l’heure actuelle. Selon moi au moins aussi addictif que Walking Dead, c’est dire !


Locke and Key T4 : Les clés du royaume de Joe Hill et Gabriel Rodriguez. Milady Graphics, 2013. 160 pages. 19,90 euros.



mardi 30 avril 2013

Émile est invisible - Vincent Cuvellier et Ronan Badel (Prix Sorcières 2013 catégorie premières lectures)

Aujourd’hui, c’est décidé, Émile est invisible. Pour échapper aux endives préparées par maman, il sera invisible avant midi. Emile commence par se cacher puis il se persuade que plus personne ne peut le voir et se montre à découvert. Mais à chaque fois sa mère le repère. Émile réfléchit et la solution tombe comme une évidence : ce sont ses vêtements qui le trahissent. Pour être invisible, il faut être tout nu. Quand sa maman l’appelle en lui promettant une surprise, le garçon se méfie. Mais puisque maintenant il est réellement invisible, il part en courant découvrir la surprise. Et la surprise, c’est sa copine Julie : « Ouf, se dit Émile. Heureusement qu’il est invisible, sinon Julie aurait vu son zizi. »

Un album jubilatoire qui joue sur la force de persuasion propre à l’enfance. Il aurait peut-être mieux fallu qu’Émile se persuade d’avoir un ami imaginaire, cela aurait été moins embarrassant (mais aussi beaucoup moins drôle). Ma pépette n°2 (7 ans) a adoré, elle a franchement rigolé en découvrant la scène finale. Et puis il faut dire qu’avec Ronan Badel aux pinceaux, on est rarement déçu. Depuis l’excellentissime Félicien Moutarde, je ne rate aucune de ses publications. Ils sont tellement rares les illustrateurs jeunesse dont le dessin est aussi dynamique qu'irrévérencieux.

Je poursuis donc avec grand plaisir la découverte des gagnants du Prix Sorcières 2013. Après la catégorie documentaire et la catégorie albums, voila un troisième titre dont la victoire ne souffre d’aucune contestation. Une vraie réussite !
 
 
Émile est invisible de Vincent Cuvellier et Ronan Badel. Gallimard jeunesse, 2012. 28 pages. 6,00 euros. A partir de 5 ans.





lundi 29 avril 2013

A la recherche de la reine blanche - Jonas T. Bengtsson

Danemark, 1986. Peter (6 ans) et son père ne cessent de déménager. Que fuient-ils ? De qui se cachent-t-ils ? Pour l’enfant, cette errance est source d’angoisse. Afin de le calmer, chaque soir, son géniteur lui raconte « l’histoire du roi et du prince qui n’ont plus de maison et sont partis de par le monde pour trouver la reine blanche et la tuer ». Des années plus tard, un événement tragique a séparé père et fils. La reine blanche est morte et l’on retrouve Peter chez sa mère en 1996. Devenu un lycéen taciturne fumeur d’herbe, l’ado à problèmes a du mal à trouver sa place. Au seuil de l’an 2000, le jeune homme travaille dans un centre de tri, il vit avec sa petite amie et semble peu à peu reprendre pied grâce à la peinture. Mais les traumatismes de l’enfance, toujours présents, font qu’il reste fragile…  
       
Ça commence comme un road trip assez classique entre un père et son fils. On ne sait pas grand-chose des motivations du père mais on comprend que sa clandestinité est due à des raisons essentiellement politiques. Puis l’odyssée vire au tragique et la trajectoire de l’enfant marqué par ses jeunes années bascule dans une atmosphère où la folie et la solitude sont omniprésentes.    

J’avais adoré Submarino, le second roman de Jonas T. Bengtsson, considéré par beaucoup comme l’enfant terrible des lettres danoises. Malheureusement ici la déception est à la hauteur de mes attentes. Je suis resté très éloigné de cette histoire et de son protagoniste principal. La prose est essentiellement descriptive, sans aucun affect. Cette froideur quasi clinique qui traverse l’ensemble du roman m’a laissé de marbre. Mais je crois que c’est le personnage de Peter qui m’a agacé au plus haut point. En tant que narrateur, il relate son enfance et sa jeunesse de façon mécanique, dans une sorte de témoignage brut dont il ne semble pas avoir grand-chose à faire. Son je-men-foutisme permanent finit par gagner le lecteur qui, au final, se désintéresse lui aussi de son histoire. C’est du moins comme cela que je l’ai vécu.   

Une grosse déception, donc. Pour autant, je resterai à l’affût des prochaines publications de cet auteur. Submarino m’avait trop plu pour que j’en reste là.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Valérie. Pas certain qu’elle soit plus emballée que moi…

A la recherche de la reine blanche de Jonas T. Bengtsson. Denoël, 2013. 524 pages. 24 euros. 



dimanche 28 avril 2013

On m'a décerné un Award !





Syl a eu la gentillesse de me décerner un Liebster Award. Si j’ai bien compris, c’est une distinction que l’on offre aux blogs que l’on apprécie. Autant dire que c’est un honneur pour moi d’être apprécié par Syl. J’aime beaucoup ses billets, son humour, nos quelques échanges autour de la lecture (notamment notre lecture presque commune des Boucliers de Mars). Bref, j’aime bien Syl, pas la peine de me justifier pendant des heures !

Alors le principe du Liebster award est simple : répondre à 11 questions, en écrire 11 autres et les soumettre à onze blogs que l’on aime. Personnellement, je vais me contenter de répondre à ses onze questions. Je suis nul pour en trouver moi-même et me contenter de onze blogs chouchous, j’en serais bien incapable. Je triche un peu, donc, mais tant pis.

Allez zou, voici les 11 questions de Syl et mes 11 réponses :

1.Peux-tu faire le grand écart ? Toucher ton nez avec la langue ? Faire un truc, quoi !!!
Je peux mâchouiller mes cheveux. Bon depuis mon passage tout récent chez le coiffeur c’est un peu plus compliqué mais j’y arrive quand même.
2. Cet été, la mode, tu la vois en quelles couleurs ?
En noir forcément, vu l’ambiance actuelle…
3. Prends-tu le temps le matin de te badigeonner de crème… enduire ton corps… ?
Non pas le temps et pas envie. Et puis il faudrait trop de crème. Le déo par contre j’oublie jamais. Pas fou non plus…
4. Crois-tu aux fantômes ?
Bien sûr. D’ailleurs j’ai longtemps cru que Ghostbusters était un documentaire et non un film, c’est dire…
5. A quoi jouais-tu en cours de récréation ?
A touche-pipi. Tu m’étonnes que j’ai une famille nombreuse maintenant…
6. Ton dessin animé préféré ? et ta série culte ? Le générique que tu me chanterais…
En film tu veux dire ? J’aime beaucoup la poésie de Mon voisin Totoro. En série, je dirais Les chevaliers du zodiaque. Par contre pour le générique faut que je fasse quelques recherches.
7. Si tu devais écrire un livre, que raconterais-tu ?
Je serais plus tenté par un album pour les tout-petits, un album doudou avec des gentils animaux dedans que je pourrais lire à Charlotte.
8. Quel est le prochain pays que tu visiteras ? Que tu aimerais fouler de tes pas…
J’irais bien faire un tour du coté des fjords norvégiens. En été hein, parce que l’hiver ça doit tout de suite être moins glamour.
9. As-tu déjà écrit des poèmes ? Peux-tu m’en faire un en 4 lignes ???
Un poème comme ça, le dimanche matin après une nuit difficile, le biberon à 3h du mat et un réveil à 6h,  c’est beaucoup demander. Tu crois que je peux passer mon tour ?
10. Je t’embête ?
Toi, m’embêter ? Jamais voyons, manquerait plus que ça.
11. Propose-moi une lecture commune ! Nous avons jusqu’à la fin de l’année pour l’honorer. Un truc gentil qui ne fait pas pleurer !
J’aimerais bien relire Bandini de John Fante. Un petit bonheur ce roman. Si ça te tente, fais-moi signe, je suis partant.

samedi 27 avril 2013

Tempête au haras - Christophe Donner

Jean-Philippe est né dans une famille où le cheval occupe une place centrale. Pas n’importe quel cheval puisque son père est entraîneur de trotteurs. Un entraîneur modeste qui n’a jamais eu la chance de tomber sur un crack, ce cheval imbattable qui remporte les plus grands prix à Vincennes. Au haras, la naissance d’une pouliche baptisée Tempête va tout changer. Si son père a de gros doutes, Jean-Philippe est persuadé qu’il s’agit d’un futur crack. Le destin de Tempête et celui du jeune homme semblent liés de manière indéfectible. Une aventure commune faite de drames et de joie qui les mènera au départ de la plus belle des courses…    

Un récit simple et touchant qui parle de handicap, de persévérance et de modestie. Jean-Phillipe est un gamin attachant qui regarde sa propre situation avec lucidité. L’univers des courses est présenté avec un réalisme indiscutable, Christophe Donner connaissant le sujet sur le bout des doigts. Peut-être certains jeunes lecteurs seront perdus devant les nombreux termes spécifiques au monde des trotteurs mais l’auteur n’a pas cédé à la simplification, ce qui est au final une bonne chose. 

Une belle leçon de courage, une relation homme/animal parfaitement décrite, une prose dynamique et fluide, il n’y a pour ainsi dire pas de points faibles dans ce court récit plein d’humanité. Au passage Donner en profite pour dénoncer quelques dérives propres au monde des courses. Sans doute que seuls les connaisseurs saisiront la pertinence du propos mais cela offre différents niveaux de lecture et ajoute de la profondeur au roman. Une sacrée réussite, quoi !

Tempête au haras de Christophe Donner. L’école des loisirs, 2012. 134 pages. 8,70 euros. A partir de 9 ans.


Ouvrage lu dans le cadre des lectures communes du
Prix sorcières 2013 proposées par Libfly (catégorie 9-12 ans).

jeudi 25 avril 2013

Truite à la slave - Andreï Kourkov

 J’ai beaucoup de mal avec la littérature des pays de l’Est. J’ai essayé Gogol une fois mais je suis resté en rade après 50 pages. Tolstoï ou Dostoïevski, j’avoue que ça me fait peur. J’ai bien aimé Limonov, pour autant je n’ai pas envie de creuser davantage. Mais bon, comme Marilyne a multiplié les tentations et les belles découvertes au cours de son mois russe, je me suis dis que j’allais tenter le coup. Sans chercher à prendre de gros risques non plus, la témérité ne faisant pas partie de mes rares qualités. Je me suis donc tourné vers un petit texte publié dans l’excellente collection Piccolo de Liana Levi. L’auteur est ukrainien et je n’en avais jamais entendu parler avant mais ce fut plutôt une bonne pioche.    

Le Casanova est un restaurant de Kiev situé dans un sous-sol sans âme. Le cuisinier, Dimytch Nikodimov sélectionne lui-même ses convives. Une sorte de club privé gastronomique où il faut être coopté par le patron pour avoir le droit de s’asseoir à une table. A ses cotés se trouvent deux serveurs et surtout sa maîtresse, la belle Véra, « qui avait l’air d’avoir vingt-cinq ans, soit deux fois et demi moins d’âge et autant de corpulence en moins que son cuistot bien-aimé. » Considéré par beaucoup comme un grand chef, Dimytch disparaît un jour sans crier gare. L’association des chefs indépendants d’Ukraine demande alors au détective privé Vania Soleïlov, l’un de ses plus fidèles clients, de le retrouver...

Une nouvelle assaisonnée au poil ! Entre un soufflé de champignons et tomates à la moutarde, des rognons de lapin à l’étouffée sur un lit de poireaux et un pain d’épice maison, le tout arrosé de vodka, Soleïlov mène une drôle d’enquête. Pourquoi personne n’a prévenu la police ? Pourquoi faut-il qu’il se rende chaque soir au restaurant afin qu’on lui révèle par petits bouts le testament du chef ? Le voile se lève peu à peu et la fin est vraiment surprenante, je n’avais rien vu venir. C’est court mais efficace, une belle entrée en matière pour découvrir l’univers de cet auteur dont le roman Le pingouin (toujours chez Liana Levi) semble avoir connu un grand succès international. Peut-être le début de mon histoire d’amour avec la littérature ukrainienne ?  

Truite à la slave d’Andreï Kourkov. Liana Levi, 2013. 56 pages. 4 euros. 



mercredi 24 avril 2013

Fragments : Histoires vécues par des héros ordinaires - Stephano Casini

Pendant la seconde guerre mondiale, la confusion a souvent régné en Italie. Après l’armistice de 1943, les alliés allemands se comportaient comme des ennemis et attisaient la peur dans la population. Tandis que la résistance communiste s’organisait, les représailles sur les civils étaient de plus en plus violentes. Au début des années 60, la péninsule a basculé peu à peu dans une industrialisation de masse. Les grands patrons, paternalistes à souhait, ont fait de l’usine la mère nourricière, une sorte de ville dans la ville avec école, théâtre, stade de foot, piscine et maisons pour les employés et les cadres. Certains ouvriers devenus syndicalistes revendiquaient leurs faits d’armes antifascistes pendant la guerre tandis que le maître d’école ne cachait pas sa sympathie pour Mussolini. Stefano Casini raconte ses souvenirs d’enfance, le passé de son père et celui de son grand-père. Un récit autobiographique qui éclaire avec tendresse l’Italie rurale de l’immédiat après-guerre.

L’auteur précise d’emblée : « Tous les noms des personnages, tous les faits rapportés sont réels même s’ils ont été tamisés par le filtre de la mémoire. » A priori, ces histoires vécues par des héros ordinaires (le sous titre de l’album) avaient tout pour me plaire. Pourtant, en collant uniquement à la pure vérité, Casini perd la liberté narrative que lui aurait offert une part de fiction. Résultat, rien de bien passionnant dans ces souvenirs. C’est très décousu, on passe sans cesse  de la guerre à l’après guerre et il est difficile de trouver un fil conducteur. Le passage avec son grand-père, qu’il allait attendre à la sortie de l’usine, est touchant en diable mais pour le reste je suis passé à coté de ce récit d’enfance sans doute trop introspectif pour moi. 
      
Niveau dessin par contre j’ai beaucoup aimé. Tout l’album est réalisé à l’aquarelle, au crayon et en couleurs directes. Un traitement à l’ancienne que j’adore ! La campagne italienne est restituée avec fidélité et le travail sur la lumière absolument magnifique.

Au final ça restera quand même une déception. Graphiquement très séduisant et à bien des égards instructif mais la narration est trop personnelle et trop brouillonne pour que j’y trouve mon compte. Dommage…               

Fragments : Histoires vécues par des héros ordinaires de Stephano Casini. Mosquito, 2013. 114 pages. 18 euros.









mardi 23 avril 2013

Ma grand-mère m’a mordu - Audren

Les vieux, « on leur pardonnait tout parce qu’ils étaient vieux ». Alors forcément, quand la grand-mère de Marcus le mord, personne ne veut le croire. Ni son père, ni la maîtresse, ni ses camarades de classe. Il n’y a que sa copine Fleur qui le croit. Parce qu’elle aussi a une mamy méchante. Avec ses frères et sœurs, elle a même créé le club des VMV (Victimes des Mémés Violentes). Marcus va y adhérer et faire sienne la devise du club : œil pour œil, dent pour dent : « Si elle te mord, tu la mords aussi ! Ce n’est pas parce qu’elle est vieille qu’elle a tous les droits. » 

Un roman qui prend à contrepied l’image d’Épinal des grands parents aimants et toujours gentils. J’aime beaucoup le personnage de Marcus, un gamin à la forte personnalité qui décide de ne pas se laisser faire même si tout le monde semble se liguer contre lui. Sa lucidité fait plaisir à voir : « Tout le monde parle de respect des adultes et des vieux, mais il n’y a pas d’âge pour être respecté. » Le ton est moderne, les dialogues sonnent juste, l’humour, tout en finesse est très présent et, comme le dit si bien Noukette, l’ensemble est "beaucoup plus subtil qu'il n'y paraît."

Dommage que la fin trop consensuelle édulcore un peu le propos, j’aurais préféré terminer sur une note plus grinçante. Il n’empêche, ça reste un très bon roman jeunesse pour les 9-10 ans. Et si vous voulez poursuivre sur le même sujet, n’hésitez pas à vous plonger dans Mémé méchante de Stéphanie Benson. Un vrai régal !

Ma grand-mère m’a mordu  d’Audren. L’école des loisirs, 2013. 56 pages. 6,50 euros. A partir de 9 ans.



lundi 22 avril 2013

Les aventures de Lou Loup le casse-cou - Madeleine Deny et Marie Paruit

Lou-Loup est un loup gentil comme tout mais c’est aussi vrai casse-cou. Le lundi, il déchire sa culotte en descendant d’un arbre. Le mardi, il joue au pêcheur, tombe à l’eau et ressort couvert de boue et de vase. Le mercredi, il part embêter les sangliers et les oiseaux et en dévalant un ravin, il salit sa belle tenue de garde forestier. Le jeudi, comme il n’a plus rien à se mettre, il enfile la chemise de nuit de sa mère pour se déguiser en mère-grand et crac, il fait un trou à la chemise. Le vendredi, se sont ses habits neufs, achetés pour le mariage de sa tante, qui vont finir en charpie. Mais alors que mettra-t-il le samedi, jour du mariage ?   

Un album proche du récit en randonnée qui fonctionne sous la forme de l’énumération (un peu comme La chenille qui fait des trous). Chaque jour une nouvelle bêtise et des vêtements qui finissent abîmés ! D’un jour à l’autre, les événements de la veille influent sur la suite de l’histoire. 

L’organisation est classique : à gauche le texte et à droite une illustration pleine page qui ne montre que le tronc du petit loup.  Pour faire apparaître sa tête et ses jambes, il faut déplier les éléments qui se trouvent en dernière page. Un livre pantin interactif où l’enfant peut animer le personnage pendant que l’adulte lit. Le procédé est simple mais efficace et apporte une vraie valeur ajoutée.

Un livre de plus dans l’escarcelle de Charlotte grâce aux éditions Tourbillon. Et un grand merci à Pauline qui régale mes filles à chacun de ses envois !    


Les aventures de Lou Loup le casse-cou de Madeleine Deny et Marie Paruit. Tourbillon, 2013. 16 pages. 12,95 euros. A partir de 3 ans.



Et voila Lou-Loup avec sa tête
et ses jambes dépliées !












samedi 20 avril 2013

Mais qui a tué Harry ?

Ah, la douceur de la campagne anglaise ! Une petite communauté installée au pied d’une colline, à Sparroswick. Dans la lande toute proche, le petit Abie, quatre ans, découvre un cadavre au milieu des fougères et des rhododendrons. Le cadavre, c’est Harry, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il va devenir une sacrée charge pour les membres de la communauté. C’est d’abord le capitaine qui pense l’avoir tué accidentellement alors qu’il chassait le lapin. Cherchant vainement un coin où cacher le corps, il tombe nez à nez avec Miss Graveley, une vieille fille en mal d’amour qui lui assure qu’elle ne le dénoncera pas à la police. Mais le calvaire du capitaine ne fait que commencer puisqu’il va peu à peu croiser chacun de ses voisins en traînant le corps : Jenifer, La mère d’Abie, dont Harry n’était autre que le mari, Sam, un jeune peintre mégalo, Mark Douglas, coureur invétéré qui ne s’intéresse qu’aux blondes généreuses et Miss Wiggs, propriétaire du seul magasin du coin. Petit à petit, Harry va passer de mains en mains. Un vagabond va même lui piquer ses chaussures. Enterré et déterré à maintes reprises, le mort va créer des liens entre tous ceux qui vont l’approcher de trop près. Quand on constate qu’il n’a pas été tué par balles, chacun se découvre de bonnes raisons d’être accusé du meurtre. Une solidarité de façade s’organise alors pour que le secret reste bien gardé…
   
Malgré son titre, ce roman n’est pas un polar. Plutôt un vaudeville à l’anglaise bien barré avec des personnages haut en couleur et des situations farfelues à souhait. C’est l’humour so british que j’aime tant depuis la découverte du Wilt de Tom Sharpe. Quiproquos, dialogues un brin surréalistes, gags et rebondissements en cascade s’enchaînent à un rythme effréné, l’intrigue se déroulant en quelques heures seulement. Une lecture vraiment divertissante, pas prise de tête pour deux sous. Idéale pour démarrer les vacances du bon pied.

Ce roman a été adapté au cinéma par Alfred Hitchcock en 1955. Un film atypique pour le maître du suspens puisqu’ici c’est l’aspect comique qui domine. Et pour la petite histoire, c’est Shirley MacLaine qui tenait le rôle de Jenifer, la maman sexy du petit Abie.


Mais qui a tué Harry ? de Jack Trevor Story. Cambourakis, 2013. 156 pages. 9 euros. 




 

vendredi 19 avril 2013

A copier 100 fois - Antoine Dole

« Pourquoi je peux pas te regarder en face et te dire que ouais, papa, ton fils est pédé, que c’est plus dur pour toi que pour moi, qu’on s’aime et que tout ira bien, comme dans les histoires que tu me racontais avant. […] Je veux que t’aies mal papa, je veux que tous les autres aient mal, et Vincent et Laurent et Julien, tous ces connards du bahut. J’veux plus me taire, j’peux plus me taire, parce que ça me tue, vraiment ça me tue. J’ai trop de bleus à l’intérieur. »
 
Le narrateur a 13 ans. Un collégien pas tout à fait comme les autres. Pour Vincent et sa bande, c’est une fiotte. C’est surtout le souffre-douleur idéal, celui qu’on peut tabasser sans jamais craindre de représailles. Et quand il rentre à la maison, pas question de compter sur un quelconque soutien paternel. Impossible de se faire aimer, impossible de communiquer avec un père qui vous rejette pour ce que vous êtes. Heureusement il y a Sarah, seule petite lumière dans ce monde de ténèbres. Toujours un petit mot pour rire, un petit mot qui fait du bien : « Tu sais, moi aussi j’aime les garçons. »

Antoine Dole frappe fort. Son récit secoue furieusement. Le harcèlement, la violence sourde des abrutis, l’incompréhension du père… et cette douleur qui ronge ce gamin au point de lui faire envisager le pire. Une mise à nu aussi directe que subtile, sans un mot de trop, sans complaisance malsaine. On referme l’ouvrage en se disant que si les choses ont un peu avancé dans le bon sens, rien n’est réglé pour autant. Mais on se dit aussi que par les temps qui courent, voila un tout petit roman pour ados qui ne pouvait pas mieux tomber. Juste indispensable !
 
«  Papa m’a dit cent fois : mon fils sera pas pédé, qu’il voulait pas de ça dans la famille, que ça n’arrivera pas. Papa, j’suis désolé. J’ai pas choisi, tu sais. J’ai essayé de changer, j’te jure, mais j’arrive pas, m’en veux pas. J’ai pas mérité qu’on me tape, pas mérité les claques. Non, papa, je mérite pas que tu me regardes comme ça, comme si je servais à rien, comme si j’étais pas ton fils, comme si tu regrettais. »           
 
A copier 100 fois d’Antoine Dole. Sarbacane, 2013. 56 pages. 6,00 euros. A partir de 13 ans.

jeudi 18 avril 2013

Bicycle 3000 - O Se Yung

14 juin 2007
7h40 : le suspect vole un couteau
8h20 : il arrive chez Kwon Yeong-chun
8h20 : il poignarde Kwon Yeong-chun (50 ans)
8h30 : il poignarde Yi Jeong-yeon (47 ans)
18h : il poignarde Kwon Hae-il (20 ans)
18h40 : il enlève Kwon Hui-ju (15 ans), s’enfuit en l’emmenant à vélo (pièce à conviction n°2) et la séquestre chez lui.

Pour la police, l’affaire est limpide. Seo Yeong-won est un coupable tout désigné. Ce grand gaillard un peu simplet a assassiné le père, la mère et le grand frère avant de kidnapper la sœur cadette. Mais pour le lecteur qui va dérouler au fil des pages les fils de ce sac de nœuds, les choses ne sont pas si simples. D’abord parce qu’il s’en passait de drôles dans cette famille. Les hommes qui s’invitent la nuit venue dans la chambre de la jeune fille, le silence assourdissant de la mère, les relations amicales qui se sont nouées entre l’adolescente et le suspect… L’a-t-il vraiment enlevé ? Est-ce bien lui le meurtrier ?

Un album traversé par une atmosphère pesante en diable. La construction est étonnante, essentiellement constituée de flash-backs permettant de comprendre le déroulement de cette étrange journée. Le voile se déchire peu à peu, la logique des faits n’apparaissant que dans les toutes dernières pages. Si la narration peut au départ sembler déstabilisante, on adhère très vite à cette apparente déconstruction et on se laisse prendre par la main (ou mener par le bout du nez) avec une grande facilité. Même les changements incessants de point vue ne nuisent aucunement à la fluidité, c’est dire à quel point l’auteur à construit son canevas avec minutie.

Graphiquement, les décors ressemblent souvent à des photos retravaillées par ordinateur et l’ambiance générale est glaçante à souhait, notamment grâce aux couleurs très froides déclinées sur différents tons de gris. C’est simple mais il se dégage de l’ensemble une esthétique des plus séduisantes.

Une belle surprise. Je ne pensais pas être happé à ce point par ce récit. La construction imparable y est pour beaucoup. Un grand merci à Oliv d’avoir proposé de faire voyager ce livre. Je vais de ce pas le transmettre au lecteur suivant…

Bicycle 3000 de O Se Yung. Kana, 2012. 180 pages. 15 euros. 

Les avis de Natiora ; Oliv





mercredi 17 avril 2013

Cœur de pierre - Séverine Gauthier et Jérémie Almanza

Ceux qui passent ici souvent savent à quel point j’aime entretenir ma réputation de cœur de pierre. Pensez donc, un gars qui n’a pas versé une larme à la lecture de Nos étoiles contraires, un gars qui peut regarder Bambi sans sourciller… Un vrai dur, quoi. Alors quand j’ai croisé cet album, je ne pouvais que foncer la tête la première.

Ce conte surprenant narre la rencontre entre un enfant au cœur de pierre (avec une vraie pierre à la place du cœur) et une petite fille au cœur d’artichaut (avec un vrai artichaut à la place du cœur). Quand leurs regards se croisèrent la première fois, ce fut un coup de foudre pour elle. 

« Elle ouvrit sa poitrine et en sortit son cœur
et tandis qu’il battait dans le creux de sa main,
Elle fut étonnée de n’avoir pas plus peur
Au moment de l’offrir pour toujours à quelqu’un.
 »




Mais lorsqu’elle lui tendit une feuille arrachée à son cœur d’artichaut, le garçon la déchira et passa son chemin sans lui adresser la parole. Il faut dire que personne ne lui avait jamais expliqué comment sourire aux gens ou comment leur parler, ni comment les comprendre ou comment les aimer.

Une histoire d’amour avec grand A, qui vous attrape entre ses griffes et vous fait un mal de chien. C’est à la fois tellement beau et tellement triste…

En plus, il n’y a aucun dialogue, tout le texte est constitué de récitatifs rédigés en alexandrins. Un tour de force incroyable où la poésie rejoint la bande dessinée dans une alchimie quasi parfaite. Il faut dire aussi que le dessin de Jérémie Almanza est absolument somptueux. Avec son trait tout en souplesse il créé des personnages au corps fragile et à la tête démesurée, ce qui lui permet notamment de beaucoup jouer sur l’expressivité des visages (et des yeux en particulier). La couleur occupe quant à elle une place fondamentale. Les textures vaporeuses sont magnifiées par le contraste entre l’univers rose orangé plein de joie de la petite fille et celui beaucoup plus sombre, verdâtre et triste du garçon.

De la poésie en BD, tout simplement. S’il y avait une morale à retenir de cette histoire c’est que même un cœur de pierre peut être brisé.

Un peu facile de dire que j’ai eu un coup de cœur pour cette BD jeunesse, mais c‘est pourtant bien le cas. Maintenant, je me demande comment un tel album peut être « accueilli » pas les enfants auxquels il s’adresse et qui ont souvent l’habitude de ne lire que des histoires se finissant bien. Je n’ai pas mes filles sous la main cette semaine mais dès qu’elles reviennent de vacances je leur propose cette lecture. Curieux de savoir ce qu’elles vont en penser.             

Allez, encore un petit quatrain pour le plaisir :
« Cet après-midi-là, pour la première fois,
Elle comprit enfin qu’il ne l’aimerait pas
Et que son cœur de pierre était beaucoup trop lourd ;
Qu’il était simplement incapable d’amour.
 »


Cœur de pierre de Séverine Gauthier et Jérémie Almanza. Delcourt, 2013. 32 pages. 9,95 euros.








mardi 16 avril 2013

Yellow birds - Kevin Powers

« Je vous promets, […], je vous promets que je vous le ramènerais. » Une promesse que Bartle n’aurait jamais dû faire. Une promesse intenable à laquelle la mère de Murph va croire dur comme fer. Mais la réalité sera tout autre. Une fois arrivés en Irak, les frères d’armes Murph (18 ans) et Bartle (21 ans), ne pourront affronter l’horreur en restant soudés. Rendu fou par l’insoutenable violence quotidienne, Murph va disparaître. Bartle ne le ramènera pas sain et sauf à sa mère. Il ne le ramènera pas tout court… Pour le jeune soldat, le constat est amer : « Je ne veux pas être responsable. […] En fait je ne suis pas un héros, pas un garçon exemplaire, j’ai eu de la chance de m’en sortir vivant en un seul morceau. J’étais prêt à échanger n’importe quoi contre ça, telle était ma lâcheté. »


Kevin Powers a combattu en Irak. Au réalisme documentaire il a préféré le prisme d’une fiction empreinte d’un certain lyrisme. La vision qu’il donne de la guerre a un coté hallucinatoire, porté par des couleurs où dominent le jaune poussiéreux et le rouge sang. La toile qu’il peint au fil de ces 250 pages est souvent trouble et possède une évidente teinte surréaliste. Son narrateur alterne entre l’impuissance et la culpabilité. La perte des repères est pour lui terrible : « Nous n’avions même plus conscience de notre propre violence : les passages à tabac, les coups de pied décochés aux chiens, les fouilles, la parfaite brutalité de notre présence. Chacun de nos actes correspondait à une page de notre manuel que l’on appliquait sans réfléchir. Je m’en moquais. »

La construction du roman, sans être follement originale, est très efficace : les chapitres alternent entre la guerre et l’après guerre et la structure, tout en flash-back, entretient la tension pour ne révéler le plus monstrueux que dans les dernières pages. Si je devais comparer Yellow birds avec Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, je dirais que seul le thème de la guerre en Irak rapproche les deux textes. Pour le reste, à l’esprit picaresque, grotesque et violemment comique de Ben Fountain, Powers oppose une vision poétique beaucoup plus introspective. Une « beauté triste » où l’on découvre la lente décomposition d’un engagé volontaire et son impossible retour à la vie civile. Une étude menée sur les vétérans revenus du front irakien a montré qu’au cours de l’année 2007, en moyenne, dix-sept d’entre eux se seraient suicidés chaque jour. A travers la figure de Bartle, Powers relate la violence de l’expérience intérieure engendrée par la guerre. Il décrit l’écho d’un ébranlement intime qui transforme ces hommes rentrés au pays en morts-vivants.

Un premier roman que j’ai trouvé en tout point sublime.
   
Yellow birds de Kevin Powers. Stock, 2013. 250 pages. 19,00 euros.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Noukette, Leiloona et Cryssilda. Filez-vite découvrir leurs avis.

L'avis de Clara ; L'avis de Saxaoul






samedi 13 avril 2013

Contrée indienne - Dorothy M. Johnson

En ce temps là, les pionniers subissaient des attaques indiennes aussi rapides que violentes. Des femmes et des enfants étaient enlevées, des hommes scalpés. Les tuniques bleues devaient traverser des territoires hostiles avant de rejoindre leur fort, les guerriers Sioux étaient en quête de vision. Dans les rues poussiéreuses des villes champignons, les duels se réglaient à coup de colts. Un monde dur dans lequel l’instinct de survie représentait la seule qualité valable. Dorothy M. Johnson restitue brillamment cette ambiance mythique du far-west à travers les onze histoires regroupées dans cet ouvrage.

J’ai aimé ce livre parce qu’il contient des nouvelles et que j’aime les nouvelles. Parce que c’est Gallmeister et que j’aime Gallmesiter. Parce que c’est du western et que j’aime le western. Mais au-delà de ces considérations passe-partout, le vrai plaisir de lecture, je l’ai trouvé auprès de la plume de Dorothy M. Johnson. Cette femme a l’art de trousser un texte court. Quelques lignes lui suffisent pour poser le décor. Son style est dense, très visuel, riche de dialogues et de descriptions. Pas pour rien que deux des textes de cette Contrée indienne (Un homme nommé Cheval et L’homme qui tua Liberty Valance) ont inspiré des films à John Ford et Elliot Silverstein. Les situations qu’elle présente sont criantes de vérité et les personnages qu’elle met en scène sont incarnés avec un réalisme sidérant. Sans compter qu’il y a dans ces pages quelques beaux portraits de femmes, des pionnières pas épargnée par la rudesse de la vie dans l’ouest mais qui restent fières, libres et battantes.  Au final ce fut un vrai plaisir de découvrir ce monde plein de cow-boys, d’indiens, de paysages sauvages, de rêves, de croyances et d’espoirs déçus… Donnez-moi donc un cheval que je traverse la prairie au grand galop !  

Bien sûr le western est un genre particulier. Il faut aimer. Tout comme il faut aimer les nouvelles. Mais si ces deux conditions ne représentent pas un frein pour vous, vous pouvez foncer les yeux fermés, impossible de ne pas apprécier cet excellent recueil.

Contrée indienne de Dorothy M. Johnson. Gallmeister, 2013. 246 pages. 10 euros. 

L'avis d'Hélène







vendredi 12 avril 2013

Lumières : l’encyclopédie revisitée

On célèbre cette année les 300 ans de la naissance de Diderot. Pour fêter l’événement, les éditions L’édune ont proposé à onze illustrateurs contemporains de revisiter la fameuse encyclopédie. Chacun d’eux s’est emparé d’un thème particulier (Agriculture - Histoire naturelle - Anatomie & Chirurgie - Sciences - Métiers de bouche - Beaux-Arts – Transports - Écriture & Imprimerie - Armes & Soldats – Mode - Artisanat) dont il a détourné, recomposé, actualisé et personnalisé à sa manière les planches originales. Frank Prévot signe les textes qui commentent et relient entre elles chacune des planches.

Le résultat est absolument somptueux. Un album au grand format cartonné (25 x 35 cm) dans lequel se succèdent des univers graphiques à la fois riches et modernes. Parmi les illustrateurs réunis, quelques-uns m’enchantent particulièrement, notamment Régis Lejonc, Charles Dutertre, Rascal ou encore Tom Schamp qui avait signé le superbe Fabuleux amour d’Aucassin et Nicolette.  Les autres noms me sont inconnu mais je vous les donne quand même avec plaisir : Martin Jarrie, Jean-François Martin, Julia Wauters, Clotilde Perrin, Vincent Pianina, Albertine, Janik Coat. Chaque thème s’organise de la même façon. D’abord les textes correspondant à chaque planche revisitée, puis les planches elles-mêmes et enfin quelques planches originales de l’encyclopédie du 18ème siècle. Les articles rédigés par Frank Prévot sont plus fantaisistes qu’informatifs. Très variés, ils allient légèreté et humour. Surtout, ils permettent au lecteur de développer une compréhension fine du lien texte/image : redondant, complémentaire, contradictoire, décalé… 

Cette encyclopédie revisitée est un objet-livre dont le caractère précieux (dans le sens culturel du terme) saute aux yeux. Un objet-livre où les arts s’expriment, où les univers graphiques se télescopent, se combinent et se rejoignent, où le texte et l’image donnent à voir et à réfléchir. Un objet-livre tout simplement incontournable, à lire, à faire lire et à offrir.  

Pour découvrir davantage d’illustrations, rendez-vous sur le site www.lumieres-encyclopedie.fr        
 
Lumières : l’encyclopédie revisitée de Frank Prévot. Coédition L’édune / CRDP de Reims, 2013. 128 pages. 24,90 euros.

PS : le CRDP de Reims a réalisé un livret pédagogique pour les enseignants de cycle 3 (CE2-CM1-CM2) qui souhaitent utiliser cette encyclopédie revisitée en classe. Les activités sont proposées sous la forme de plusieurs séquences (étude du siècle des lumières, exploitation de l’album en cours de français, articulation entre production d’écrits et productions plastiques, utilisation de l’album pour construire des programmes géométriques). Le livret coute 5 euros et peut se commander sur la librairie en ligne de l’éducation.
 






jeudi 11 avril 2013

Mélodie en sous-sol - Sophie Bénastre

Jeannette a disparu. Au départ la police a pensé à une simple fugue. Mais il a fallu se rendre à l’évidence, cette disparition était tout sauf volontaire. De précieuses heures perdues et pas la moindre piste. Malgré les affiches placardées dans le quartier, la mobilisation des camarades de classe et des proches, Jeannette reste introuvable. Pour sa mère qui l’élève seule depuis la mort accidentelle de son mari, l'espoir des premières recherches laisse vite place à l'abattement. Il faut dire que les statistiques parlent d’elles-mêmes : « sur 641 enlèvements d’enfants qui se sont terminés par un homicide […] 44% des enfants ont été tués dans la première heure… 74% dans les trois heures et 91% dans les vingt-quatre heures suivant l’enlèvement. » Mais les meilleurs amis de Jeannette refusent de baisser les bras...

Une bien belle surprise que ce roman. A vrai dire je ne m’attendais pas à grand-chose tant les polars jeunesse publiés chaque année à la pelle sont rarement emballant (du moins pour moi qui ne suis pas spécialement fan du genre). Et là pour le coup j’avoue que j’ai été bluffé. Par la construction imparable qui rend bien compte de l’évolution de l’état d’esprit de la mère, de la montée progressive de son angoisse, des différents points de vue de chaque personne vivant le drame et par l’écriture nerveuse et réaliste qui fait que tout sonne très juste. Les chapitres sont courts, le lecteur plonge en apnée dans les méandres de cette disparition et de la difficile avancée des recherches. Les dialogues sont également bien menés, les protagonistes, nombreux, sont quant à eux parfaitement crédibles. Bref, vous l’aurez compris, je ne vois pour ainsi dire aucune fausse note dans cette sombre mélodie.          
 
Mélodie en sous-sol de Sophie Bénastre. Oskar, 2013. 150 pages. 12,95 euros. A partir de 10 ans.

Les avis de Bouma ; Pépita

mercredi 10 avril 2013

La petite famille - Loïc Dauvillier et Marc Lizano

Dans la petite famille il y a les parents, le grand frère, la petite sœur, le tonton et surtout Pépé et Mémé. Mémé, elle est super. « Avec Pépé, c’est pas facile de savoir s’il est en colère ou content. Maman dit que Pépé, c’est comme un ours… Il râle… Il ronchonne… Mais il est pas méchant. Il est tout doux. » Et puis quand on part à la pêche avec Pépé c’est toute une aventure. Finalement, Pépé aussi il est super. C’est pour ça que le jour où il tombe malade, difficile de ne pas être inquiet…


Cet album est la réédition intégrale des trois volumes publiés entre 2004 et 2006 aux éditions Carabas. Loïc Dauvillier et Marc Lizano m’avaient déjà enchanté avec Hugo et Cagoule et L’enfant cachée (a tel point que j’ai mis cette BD dans les mains de 1500 élèves de mon département cette année, mais c’est une autre histoire…). Ils récidivent dans un autre registre tout en gardant cette « patte » si particulière qui les caractérise. J’ai déjà eu l’occasion de dire à quel point la petite musique de Loïc Dauvillier me parle. Ses scénarios sont pétris de finesse et d’intelligence. Sans avoir l’air d’y toucher, son propos dégage beaucoup de douceur. Ici, la voix du narrateur enfant sonne juste et chaque fois que l’émotion affleure, elle reste tout en retenue, délicate. Pour preuve la façon très digne avec laquelle il traite la scène finale, sans pathos, en restant à l’écart de toute mise en scène volontairement larmoyante. Le bonheur des moments de complicité partagée entre enfants et grands parents est quant à lui restitué avec une simplicité qui fait mouche. Pour beaucoup d’adultes (dont je fais partie) cette lecture apporte un joli souffle de nostalgie. Les vacances chez les grands parents, ça reste un moment fort de mes souvenirs d’enfance.

De son coté Marc Lizano propose toujours ce trait que l’on reconnait au premier coup d’œil et que j’aime tant. Il s’autorise régulièrement des dessins pleine page qui magnifient les moments les plus importants du récit. La douceur des couleurs de Jean-Jacques Rouger joue par ailleurs énormément sur l’ambiance sereine et réconfortante qui se dégage de l’ensemble.

Une chronique tendre et chaleureuse, sans la moindre trace d’amertume malgré l’événement douloureux vécu par toute la famille. Un album que j’ai vraiment quitté à regret. C’est toujours bon signe…

PS : ma fille de 10 ans a dévoré cette intégrale hier soir et elle a adoré. Je pensais que la fin lui tirerait une petit larme, et ben même pas. Cette petite a décidément le même cœur de pierre que son père.

La petite famille de Loïc Dauvillier et Marc Lizano. Éditions de la Gouttière, 2013. 104 pages. 19 euros.

Une lecture commune que j’ai une nouvelle fois l’immense plaisir de partager avec Noukette et un grand merci à Flavie des éditions de la Gouttière pour l’envoi de cet album.









mardi 9 avril 2013

Pauvre Stupidon / Une fourmidable surprise - Maureen Dor

Dor et Lamenthe © Clochette 2013

Nous sommes le 14 février, c’est un grand jour pour les angelots. Armés de leurs arcs et de leurs flèches, ils filent vers la terre où les attendent leurs futures cibles. Tous ces gens que l’on va aider à tomber amoureux, n’est-ce pas un job de rêve ? Sauf peut-être pour le maladroit Stupidon. C’est sa première St Valentin et le pauvre angelot va multiplier les gaffes. Grâce à lui un loup va tomber amoureux d’un agneau, un croque-mort va s’emmouracher d’une clown et un lion va fondre pour une jolie gazelle. De retour sur son nuage, Stupidon va subir les moqueries de ses camarades. Mais après tout, même si les couples qu’il a formés semblent mal assortis, peu importe. Ils s’aiment, c’est bien là l’essentiel !


Dor et Lamenthe © Clochette 2013

Dor et Bossrez © Clochette 2012

Chez les fourmis, la reine pond des œufs renfermant des larves qui auront chacune un rôle bien précis : la fourmi-guerrière défendra la fourmilière, la fourmi-nounou s’occupera des nouveau-nés et la fourmi-ouvrière fera des réserves pour toute la communauté. Mais le jour où la reine pond une un œuf contenant une fourmi inutile, les choses se compliquent. Baptisée Driim, cette petite fourmi ne trouve sa place nulle part. Son seul talent ? Faire de la musique avec un brin d’herbe. Qu’à cela ne tienne, la reine fera d’elle un chef d’orchestre en pondant des larves de fourmi-musiciennes !

Dor et Bossrez © Clochette 2012


Une très belle surprise que ces petits albums carrés au texte enlevé et aux illustrations colorées à souhait. Stupidon et Driim sont des personnages atypiques qui, en sortant du cadre bien établi de leur communauté, vont transformer leur différence en richesse. Sous ses abords simplistes, le propos interpelle et pousse à la réflexion. Bonus non négligeable, il est fort agréable de découvrir les histoires racontées par la douce voix de Maureen Dor sur les cd-audio joints à chaque livre. Une jolie découverte donc, qui ravira à coup sûr les enfants dès 4-5 ans.

Pauvre Stupidon de Maureen Dor et Pélagie Lamenthe. Édition Clochette, 2013. 26 pages + 1CD-audio. 14,95 euros. A partir de 4-5 ans.

Une fourmidable surprise de Maureen Dor et Élodie Bossrez. Édition Clochette, 2012. 26 pages + 1CD-audio. 14,95 euros. A partir de 4-5 ans




dimanche 7 avril 2013

Un notaire peu ordinaire - Yves Ravey

Ravey © Minuit 2013
Après quinze ans passés derrière les barreaux pour viol, le cousin Freddy réapparait dans la vie de Mme Rebernak. Cette veuve qui élève seule ses deux enfants refuse d’accueillir l’ex-taulard. Elle n’a jamais oublié que la victime de Freddy était une camarade d’école de sa fille Clémence. Cette dernière s’apprête à passer le bac et fréquente Paul, le fils de maître Montussaint, le notaire. Son avenir s’annonce radieux et il est impensable pour Mme Rebernak de laisser un prédateur sexuel comme son cousin rôder dans les parages. Surtout que l’on a aperçu Freddy à plusieurs reprises devant le lycée à l’heure de la sortie des classes… 
      
Un petit livre croisé par hasard sur la table des nouveautés de la médiathèque. J’aurais pu m’abstenir. Déjà, le titre en dit trop. Une fois la situation initiale posée, on se doute très vite que le méchant n’est pas celui que l’on croit. Et puis les turpitudes de la bourgeoisie provinciale, très peu pour moi. Ce roman est un drame prévisible à l’écriture plutôt plate et aux dialogues dignes d’un téléfilm made in TF1. La tension finale monte doucement puis retombe sans surprise. Les personnages relèvent trop de la caricature (la mère inquiète et pleine de préjugés, le repris de justice qui est en fait un vrai bon gars, la lycéenne en crise, le notaire pervers…) et manquent singulièrement d’épaisseur pour que l’on s’y attache. En gros ça sonne faux et je suis passé totalement à coté. Je vais me dépêcher de retourner chez les auteurs américains parce que les français que je croise en ce moment me laissent sur ma faim, c’est le moins que l’on puisse dire. En plus, dernier détail qui m’agace prodigieusement, la quatrième de couverture, qui tient en cinq lignes, a à l’évidence été rédigée par quelqu’un qui n’a pas lu le texte. Parce qu’affirmer que Mme Rebernak décide de parler de son cousin Freddy à maître Montussaint en espérant qu’il lui vienne aide, c’est totalement faux ! Bref, vous aurez compris que ce n’est pas vraiment un coup de cœur…       
        
J’ai découvert cette semaine que ce titre faisait partie de la sélection du prix du Livre Inter 2013. Euh, comment dire… j’ai du mal à comprendre…

Un notaire peu ordinaire d’Yves Ravey. Éditions de Minuit, 2013. 108 pages. 12,00 €.