lundi 19 septembre 2016

Je vais m’y mettre - Florent Oiseau

« La vérité, c’est que je n’avais rien branlé. Ou plutôt, je n’avais rien voulu branler. Je m’étais laissé vivre, porté par le courant d’air d’une porte de bistrot entrouverte. Un demi de bière à la main, des espoirs en pagaille. »

Un roman de branleur ! J’adore les romans de branleur. Du moins quand ledit branleur donne dans l’humour et l’autodérision. C’est ici le cas de Fred, quadra désabusé, pochard, célibataire, mal rasé, un poil bedonnant et sans le sou. Un gars qui a accumulé les petits boulots (plongeur, crêpier, imprimeur, caissier au zoo de Vincennes…), qui a profité au max des aides sociales, s’est débrouillé pour toucher une allocation d’adulte handicapé et enchaîner les combines pour ne jamais en faire trop : « Je n’étais pas un bosseur dans l’âme, un amoureux du stakhanovisme et, en règle général, de l’effort, mais s’il s’agissait de magouiller, j’étais prêt à faire des heures supplémentaires sans demander mon reste ».

Le titre sonne comme une promesse, un début de méthode Coué. Finie la glandouille, Fred va s’y mettre. Mais à son rythme : « Aujourd’hui j’arrête. J’arrête de tout arrêter avant de commencer. Terminé l’oisiveté, le vin qui tâche, la sonnerie du réveil à quatorze heures pour une petite sieste, peinard, en milieu d’aprem. On appelle ça la maturité je crois. Cette fois, c’est décidé, je m’y mets ». Une bonne volonté de façade qui ne sera évidemment pas suivie d’effet. Fred va devenir maquereau un peu malgré lui pour rendre service à deux copines michetonneuses. De l’humanitaire comme il dit. Sauf que le métier n’est pas sans risques, et après avoir marché sur les plates bandes d’un voyou rancunier, il va devoir  quitter Paris pour l’Espagne.

Un premier roman qui me va comme un gant. Grinçant, à l’écriture spontanée, très orale, un poil vulgaire, enchaînant les situations cocasses, les interrogations existentielles décalées. Et un personnage lucide quant à ses limites, dont le manque d’ambition et la mollesse exaspérera plus d’un lecteur. Un fainéant  lymphatique comme j’aime, un résigné se contentant du peu qu’il a sans rien chercher de plus et posant sur sa propre situation un regard férocement drôle.

C’est rythmé et plein de gouaille, la galère permanente, la misère, l’alcool et les mauvais choix qui s’accumulent auraient pu faire basculer le tout dans une noirceur poisseuse mais pour le coup, on donne davantage dans le tragi-comique hilarant. Seule la fin m’a déçu, Fred nous laisse en plan comme des vieilles chaussettes alors que la situation exigerait d’en savoir davantage. Mais l’ensemble procure un réel et grand plaisir de lecture, plaisir qu’il serait stupide de bouder.

Je vais m’y mettre de Florent Oiseau. Allary, 2016. 220 pages. 17,90 euros.





24 commentaires:

  1. tiens, tu éveilles ma curiosité ! à voir ;o)

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  2. Bon, pourquoi pas, s'il est à la bibli. Question glander, j'en connais un petit rayon.

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  3. J'hésite .. j'ai un polar à lire "plein de gouaille" mais le souci c'est que le romancier semble avoir plus de plaisir à jouer des mots qu'à raconter une histoire .. or pour moi, les deux se valent ! bref, je m'égare .. contente que tu sois ressorti content car un premier roman c'est souvent casse-gueule !

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    1. Je suis pas certain pour autant que tout le monde l'apprécie comme moi. A voir...

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  4. peut-être pas pour moi, mais j'aime bien ce que tu en dis, la langue relâchée voire vulgaire est un obstacle pour moi.

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  5. J'aime bcp cette maison et j'avais évoqué ce roman avec eux. Il te va tellement comme un gant !!!

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    1. C'est vrai, il est parfaitement à mon goût ce roman.

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  6. Pas sûre de te suivre, sur ce coup-là... Malgré ton enthousiasme.

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  7. Pourquoi pas m'sieur ! J'attendrai la version poche tout de même.

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    1. Connaissant tes goûts, j'ai quand même quelques doutes.

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  8. Tout à fait le genre de lecture qui m'fait rire et qui me fait du bien!
    Ohhhhhh le personnage procrastineur :D
    J'adore ^^

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  9. Mais c'est que ça pourrait me plaire !! Mais je vais prendre ton alerte "fin décevante" comme une indication que je ne suis pas obligée de le mettre dans ma PAL urgente (puis maintenant il y a Gouverneurs de la rosée à caser plus ou moins vite donc :-)).

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    1. Concentrons-nous sur Gouverneurs de la rosée, tu as raison ;)

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  10. J'ai comme la vague impression que ce roman va prodigieusement m'agacer non...?

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  11. Pas sûre qu'il soit pour moi, je suis la reine de la glande mais je n'aime pas trop les glandeurs ;)

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