L’histoire est véridique, le parquet de Jeannot est un plancher de quinze mètre carrés récupéré par le psychiatre Guy Roux en 1993, qui a ensuite circulé dans diverses expositions d’art brut avant d’être acheté en 2002 par un laboratoire pharmaceutique. Il est aujourd’hui visible dans le XIVe arrondissement de Paris, à l’entrée de l’hôpital Sainte-Anne.
Ingrid Thobois retrace l’existence d’un trio fusionnel sombrant peu à peu dans la paranoïa. Elle décrit le vase clos d’un clan regroupé autour d’une figure maternelle aussi mutique qu’affectivement écrasante dont il est impossible de se séparer, même après la mort : « Qu’ils essaient donc de s’approcher, qu’ils essaient donc de nous l’enlever ». Sans mener une enquête, sans instruire à charge, elle rend leur dignité à ces gens de peu dont la tragédie n’est pour beaucoup, aujourd’hui encore, qu’un simple fait divers, une « péripétie psychiatrique ».
L’écriture est magnifique, pleine de silences et de non-dits. La voix de Paule offre à la destinée familiale des accents poétiques poignants. Elle donne également sens et humanité à la folie de son frère. Un texte ramassé sur lui-même, elliptique, sans un poil de graisse. Un texte que j’ai adoré, ni plus ni moins, typiquement la littérature que j’aime, la littérature qui me parle.
Le plancher de Jeannot d’Ingrid Thobois. Buchet Chastel, 2015. 75 pages. 9,00 euros.
Une lecture commune que je me devais de partager avec Noukette, tant ce livre ne pouvait que nous plaire à tous les deux.
Extrait :
« Qu’est-ce que tu as vu Jeannot, là-bas, en Algérie ?
La jetée du large et son phare à l’endroit où l’eau est sans fond. La terre avant la terre, avant le blanc des pierres. La digue en approchant. En arrivant. Derrière la digue, le port. Derrière le port, la ville. Derrière la ville, le sable et au milieu du sable des villages aux maisons en terre, les murs moins hauts qu’un homme. Et quand tu regardais plus loin : plus rien sinon une ligne toute droite à travers le sable. Pas de route. La chaleur et le froid qui éclatent les pierres à force de se chasser l’un l’autre, et si ça fend la roche ça fend la tête aussi. »
Tu sais que j'ai assisté à une rencontre avec l'auteure il y a peu, ça faisait froid dans le dos ce qu'elle racontait. Ça m'a beaucoup intriguée cette histoire, ton billet m'éclaire davantage, je ne vais pas hésiter à le lire.
RépondreSupprimerOui, j'ai vu que tu avais fait une belle rencontre ;)
SupprimerImpossible pour toi de ne pas le lire maintenant.
Je ne peux m'empêcher de penser à la chanson de Brel "Ces gens là".
RépondreSupprimerJe ne doute pas que le texte doit être magnifique et puis tu donnes tellement envie d'aller voir ces gens.
"Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n´cause pas, Monsieur
On n´cause pas, on triche"
Désolé si j'ai plombé l'ambiance ;-)
Bonne semaine :D
On n'est pas loin des personnages de Brel bien sûr même si la Glousse et ses enfants sont sans doute bien plus taiseux.
SupprimerOh effectivement, le sujet est lourd. On me parlait justement la semaine dernière de certains hameaux où l'on vit encore "comme ça".
RépondreSupprimerUne lecture qui t'aura marquée !
Une lecture qui ne peut qu'être marquante ;)
SupprimerCe roman, là, c'est tout ce que j'aime en littérature. Ça pince, ça gratte, ça fait mal, ça va chercher loin et l'émotion affleure derrière chaque mot. C'est beau... Une lecture qu'on ne pouvait que partager, ça va de soi !
RépondreSupprimerIl était évident que ce texte était fait pour nous. Tout ce qu'on aime, oui !
Supprimerun peu à rapprocher du roman "si tu passes la rivière " de Geneviève Damas, j'ai un peu envie de légèreté, et je suis aussi en surchauffe avec le club de lecture!
RépondreSupprimerLà, pour la légèreté, c'est raté.
SupprimerIl y a longtemps que je ne suis pas venue sur les blogs!!!
RépondreSupprimerJ'adore ton article, je sais que je peux noter ce titre. Je crois que cette maladie psychiatrique d'écrire des mots et des mots porte un nom. Pendant des années, j'ai vu un gars faire ça, mais sur les murs (ce n'était pas un tagueur) il écrivait des mots sans queue ni tête.
C'est une lecture pour toi, aucun doute !
Supprimerje ne doute pas que ce texte soit magnifique et ton billet le met à l'honneur. Pas sûre d'avoir envie de cela tout de suite mais je note
RépondreSupprimerTu vas aimer, c'est sûr (Valentine Goby est remerciée par l'auteure à la fin de l'ouvrage, tu sais ;) )
SupprimerAprès un tel billet je m'empresse de noter ! Même si a priori je ne le lirais pas de suite !
RépondreSupprimerEmpresse-toi, empresse-toi ;)
SupprimerEt encore une envie de lecture !
RépondreSupprimerCelle-là devrait être une priorité ;)
SupprimerEt bien ! Quelle histoire.
RépondreSupprimerN'est-ce pas !
SupprimerJe sens que c'est le genre de livre qui va me retourner, mais malgré ça (ou justement pour ça), je ne vais pas passer à côté.
RépondreSupprimerEt tu as bien raison !
SupprimerÇa m'a l'air quand même pas mal glauque : suicide, la morte sur sa chaise des semaines, paranoïa, vase clos (oui, mon bouclier ne me laisse voir que ces mots^^). Même si tout cela est servi par une écriture magistrale, je doute ressortir de là transcendée... mais je me trompe peut-être. Je vais aller voir ce qu'en dit Noukette.
RépondreSupprimerNoukette est sur la même longueur d'ondes que moi, ton bouclier ne cèdera pas cette fois-ci ;)
SupprimerPareil que le comm' précédent... Je connais l'histoire, de là à lire ce roman. Pas pour le moment en tout cas !
RépondreSupprimerLe roman n'a rien d'un documentaire. En investissant le champ de la fiction, l'histoire prend une autre dimension.
SupprimerComment résister ?
RépondreSupprimerPourquoi résister ?
SupprimerSi tu n'avais pas dit que c'était le récit d'un fait réel, j'aurais cru qu'il était trop romanesque pour être vrai. Incroyable ! Pour ce que tu dis de l'écriture, je note aussi.
RépondreSupprimerIncroyable histoire et incroyable écriture. A découvrir, vraiment !
SupprimerLa littérature que j'aime aussi. Alors forcément, je note.
RépondreSupprimerTu ne seras pas déçue, impossible !
SupprimerA priori pas trop tentée mais vous êtes unanimes Noukette et toi alors je le note.
RépondreSupprimerC'est particulier mais vraiment très, très bien !
Supprimerheuuu, ça a l'air très très glauque quand même non ? Je crains le truc perturbant qui met mal à l'aise et qui rend super triste...je me trompe?
RépondreSupprimerÇa ne met pas vraiment mal à l'aise. Ce n'est pas spécialement perturbant non plus mais je ne pense pas que ce soit un texte qui te convienne.
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