Affichage des articles triés par pertinence pour la requête la porte de la salle de bain. Trier par date Afficher tous les articles
Affichage des articles triés par pertinence pour la requête la porte de la salle de bain. Trier par date Afficher tous les articles

mardi 16 février 2016

La porte de la salle de bain - Sandrine Beau

« J’avais honte de ce qui m’arrivait. Honte d’en parler. Honte que les autres le sachent. Honte de ne pas arriver à le dire. »

Mia était pourtant tellement contente de ressentir cette douleur juste au-dessus du cœur. « Le tout début du commencement du départ des seins qui poussent ! ». Enfin, l’événement tant attendu était en marche, un vrai soulagement et une grande fierté. Mais très vite, la jeune fille a déchanté : « C'est à partir des p'tits œufs au plat que tout s'est déglingué. Comme s'ils s'étaient passé le mot pour gâcher ma joie toute nouvelle. Ça a commencé dans le bus. C'est là que j'ai vu le regard des hommes changer. Enfin de certains hommes... Ceux-là, ils ne se gênaient pas pour me regarder. Ou plutôt pour me regarder directement dans les seins. Pas gênés ! Tranquilles. Je détestais ça. »

Surtout, l’attitude de son beau-père change. Monsieur se permet d’entrer sans prévenir dans la salle bain pendant qu’elle prend sa douche quand sa mère n’est pas là. Mia met en vain des stratagèmes pour éviter toute intrusion. La situation la mine de plus en plus, elle refuse de se confier et ne supporte plus la situation…

Attention, sujet archi casse-gueule. Le beau-père qui dérape avec une gamine de 11 ans dans un roman jeunesse, c’est un peu un exercice d’équilibriste. Sandrine Beau marche sur un fil mais elle le fait avec une belle assurance. Pas question de tomber dans le sordide tout en restant réaliste. Le malaise est bien présent mais jamais il ne devient étouffant. La suggestion ne laisse place à aucune ambiguïté, sans choquer, et la voix de Mia est d’une justesse touchante.

Un roman parfait pour aborder la question avec de jeunes ados. L’importance de préserver son intimité, les métamorphoses du corps pouvant impliquer un changement de comportement et de regard chez les tiers, la nécessité absolue de ne pas garder les choses pour soi, de confier sa souffrance, de ne pas tomber dans le piège de la victime qui se sent coupable. Une vraie réussite et un pari difficile relevé haut la main.

La porte de la salle de bain de Sandrine Beau. Talents Hauts, 2015. 95 pages. 7,00 euros. A partir de 12-13 ans.

Une lecture commune que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette.






mardi 20 décembre 2016

Romans jeunesse : Coups de cœur 2016

Premier bilan de l’année, il concerne évidemment les romans jeunesse puisque nous sommes mardi et que chaque mardi ou presque depuis bientôt trois ans je partage une pépite avec ma chère complice Noukette. En 2016, nous avons présenté 37 pépites. Des textes souvent courts, généralement aux thématiques fortes et toujours d’une belle qualité littéraire. Certains auteurs ont eu droit à deux pépites (Anne Loyer, Bertrand Santini, Gille Abier, Cécile Roumiguière et Sandine Beau). Il faut dire qu’ils sont un peu (beaucoup) nos chouchous et que pour rien au monde nous ne raterions une de leurs parutions.

Et s’il me fallait en choisir cinq titres parmi ces trente sept, les premiers qui me viendraient à l’esprit, sans ordre de préférence, seraient :


Un roman doudou qui fait un bien fou. Tout m’a plu dans cette histoire sensible et drôle aux personnages extrêmement fouillés. La suite m’attend, elle fera partie de mes lectures de Noël.











Écriture virtuose, narration ambitieuse, histoire dérangeante, comme d’habitude Cécile Roumiguière trousse un roman fort, exigeant, percutant. Tout simplement inoubliable.










Le roman de la maturité pour Bertrand Santini. Toujours une inventivité folle doublée d’un humour ravageur et une capacité à aborder des sujets profonds avec un sens de la formule assez unique. Ben oui, je suis fan, ça se voit tant que ça ?









Réécrire Eugène Onéguine de Pouchkine en vers libres en plaçant les personnages dans un contexte actuel, il fallait oser. J’adore l’idée, j’admire la prise de risque et le résultat est tout simplement bluffant.




Un roman engagé et enragé. L'écriture percutante de Marion Brunet sert à merveille les portraits réalistes et touchants de ses enfants de la révolte.















Et en cadeau bonus la liste complète de nos pépites de l'année :










vendredi 4 novembre 2016

Irezumi - Akimitsu Takagi

Orochimaru, Jiraya et Tsunadehimé. Le serpent, la grenouille et la limace. « Le serpent engloutit la grenouille, la grenouille gobe la limace, la limace dissout le serpent ». Impossible de tatouer ces trois motifs sur la peau d’une seule et même personne en raison de la vieille superstition selon laquelle ces créatures se feraient la guerre et finiraient par détruire leur porteur.

Le maître tatoueur Horiyasu connaissait cette règle, il a choisi de tatouer un animal sur chacun de ses enfants, sans savoir qu’il ne pourrait malgré tout vaincre la superstition et le maléfice qui s’y attache. C’est d’abord sa fille Tamaé qui disparaît après les bombardements de Nagazaki. Ensuite sa jumelle Kinué est retrouvée démembrée dans sa salle de bain, la porte fermée de l’intérieur. Le tueur a laissé sur place ses jambes, ses bras et sa tête mais a pris soin d’emporter le tronc sur lequel était représenté le serpent. Quelques mois plus tard c’est au tour de son fils aîné Tsunatarô d’être assassiné dans un terrain vague. Son corps est entier mais on a pris soin de lui prélever l’épiderme où se trouvait l’image de la grenouille. La police penche pour un maniaque collectionneur de tatouages comme le Dr Hayakama. Surtout que ce dernier refuse de donner un alibi pour le soir du premier meurtre. Un coupable idéal donc. Pourtant trop de zones d’ombres subsistent. Incapable de percer le mystère de la pièce verrouillée de l’intérieur, les forces de l’ordre s’en remettent à Kyosuke Kazimu, médecin légiste de génie dont le sens de l’observation, la finesse d’analyse et la capacité de déduction hors normes vont permettre d’orienter l’enquête dans la bonne direction.

L’irezumi, l’art traditionnel du tatouage intégral, est au cœur de ce polar publié en 1951 et vendu à plus de dix millions d’exemplaires depuis. La pratique du tatouage était interdite dans le Japon de l’après-guerre. C’est donc en toute clandestinité que les grands maîtres officiaient. Quant aux tatoués, loin d’être tous des yakuza, ils étaient néanmoins nimbés d’une aura sulfureuse et fascinaient autant qu’ils effrayaient. Ce milieu fermé participe à l’atmosphère mystérieuse entourant l’enquête et ses protagonistes. En dehors de cela l’histoire est d’un grand classicisme mais l’ensemble s’avère particulièrement efficace, surtout si comme moi on est un lecteur occasionnel de polar sans grande expérience du genre (c’est rien de le dire !). Et puis au-delà de l’énigme j’ai aimé découvrir les difficultés quotidiennes d’une population humiliée par la défaite et peinant à s’imaginer un avenir dans un pays en ruines où tout était à reconstruire.

Sans doute pas le roman policier le plus original du monde, mais une découverte dépaysante qui offrira aux amateurs de meurtres en chambres closes une variante au Double assassinat dans la rue Morgue ou au Mystère de la chambre jaune.

Irezumi d’Akimitsu Takagi. Denoël, 2016. 290 pages. 17,00 euros.









jeudi 9 septembre 2010

Rentrée littéraire 2010 (épisode 3) : Mon vieux et moi de Pierre Gagnon


Le narrateur est un tout jeune retraité célibataire et sans enfant qui décide d’adopter un vieux. Après la visite des services sociaux et quelques aménagements domestiques, il accueille chez lui Léo, 99 ans. Au fil des jours, les deux hommes apprennent à mieux se connaître et vont partager de bons moments, entre silences entendus et complicité naissante.

Dans un texte tenant plus de la longue nouvelle que du roman, Pierre Gagnon aborde un sujet délicat (la vieillesse) avec tendresse mais sans angélisme. Certes, l’altruisme semble être la motivation première du narrateur. Il veut clairement profiter de sa retraite pour accomplir une sorte de BA en accueillant à domicile une personne âgée. Mais on peut se demander s’il n’y a pas derrière ce semblant de charité chrétienne une part d’égoïsme. Ne prend-il pas quelqu’un chez lui pour affronter la solitude engendrée par sa nouvelle situation ? Avoir une présence, pouvoir partager, échanger mais aussi chercher à donner un sens à une existence qui peut sans cela sembler être proche d’un grand vide. Finalement, c’est le choix du compagnon qui est original et surprenant. Là où beaucoup se contentent d’un chat ou d’un chien, lui a préféré prendre à ses cotés un être humain. Et c’est ce choix qui suscite l’admiration, car au bout du compte, il n’accueille pas Léo pour se donner bonne conscience. Force est de constater qu’il porte une réelle affection au vieil homme.

Il se dégage du texte beaucoup de bienveillance désintéressée. C’est sans doute l’aspect le plus important, celui qui permet de balayer l’apparent égoïsme de la démarche au départ. De plus, même si le thème du roman peut paraître grave, le ton reste d’une incroyable légèreté. Rédigé à la première personne, le texte alterne les passages joyeux et ceux, plus pesants, soulignant le lent déclin de Léo :
« Certains jours, en après-midi, il n’a envie de rien. Il s’installe alors au salon pour ne plus bouger. Il peut y demeurer pendant des heures. Je glisse un oreiller derrière son dos pour l’aider à tenir. Il attend quelqu’un… Plus tard, devant l’évidence que personne ne viendra, il se remet en route pour sa chambre ou la salle de bain. Voila, c’est tout. Ça s’appelle vieillir. Jamais on ne raconte ces choses-là, bien sûr. Ça n’intéresse personne. »

Au final reste la délicieuse impression d’avoir partagé avec ces deux hommes quelques instants d’humanité. Et croyez-moi, par les temps qui courent, ça fait vraiment du bien !

Mon vieux et moi, de Pierre Gagnon, Autrement, 2010. 88 pages. 9 euros.

L’info en plus : Né en 1957, Pierre Gagnon a connu un énorme succès au Québec avec le récit de son combat contre le cancer, 5-FU. Mon vieux et moi est son 4ème livre, le premier publié par un éditeur français.