mardi 18 mai 2010

Yakari, l’ami des castors

Depuis plus de 35 ans, Yakari parcourt la grande prairie avec Petit Tonnerre, son fidèle poney. Le petit indien possède un don particulier, il peut dialoguer avec les animaux. Sa relation à la nature est donc très intime. Les éditions du Lombard ont décidé de rééditer les aventures de Yakari en intégrales thématiques regroupant trois albums. Cette nouvelle collection intitulée Yakari, l’ami des animaux compte pour l’instant deux volumes. Si le premier était consacré aux liens entre Yakari et les chevaux, le second s’intéresse à un autre animal, le castor. La première histoire (Yakari chez les castors) raconte la rencontre entre le jeune papoose et la tribu de castors dirigée par Digue-de-Bois. Dans la seconde (Le souffleur de nuages), ces mêmes castors vont aider un bélouga égaré dans un bras de la rivière. Enfin, dans la dernière, ils vont affronter un terrible Carcajou qui s’attaque aux polatouches de la forêt (La vengeance du carcajou).

Les trois albums contenus dans ce recueil reposent sur un concept simple : l’altruisme. Le point de départ de chaque histoire est identique : un animal est dans une situation difficile et Yakari intervient pour l’aider. A partir de là, un léger suspens se met en place mais très vite on comprend (même si l’on a que 8 ans) que le petit indien va trouver le moyen d’arranger la situation. Pour le jeune lecteur, la vie de Yakari s’apparente à une vie de rêve. Il se lève le matin, sort du tepee, grimpe sur Petit Poney et il part à l’aventure à travers les prairies, la forêt ou au bord de la rivière. Libre comme l’air, il ne rend de comptes à personne et possède des amis formidables toujours prêts à lui rendre service. Les grands espaces et la liberté, que demander de plus ?

Le dessin de Derib est d’une qualité rare, d’un grand classicisme digne des plus grands auteurs franco belge (même si Derib est suisse !). Il alterne parfaitement les plans d’ensemble où la nature domine et les gros plans sur les personnages. Son découpage, très cinématographique, est ultra dynamique. Lire Yakari permet de découvrir dès le plus jeune le langage de la bande dessinée, ce genre narratif à dominante visuelle où l’ellipse joue un rôle majeur. C’est une magnifique entrée en matière pour aborder le 9ème art. Rares sont les enfants qui, après avoir lu un Yakari, ne sont pas demandeurs pour en dévorer d’autres ! Alors n’hésitez pas à leur faire plaisir et offrez leur une BD de qualité, pétrie de bons sentiments et dénuée de violence gratuite. Ce n’est pas tous les jours que l’on tombe sur de telles pépites pour les 8-10 ans !

Yakari, l’ami des castors, de Derib et Job, édition du Lombard, 2010. 144 pages. 14,95 euros. A partir de 8 ans.



L’info en plus : Parallèlement à la publication des albums de Yakari sous forme de recueils thématiques, les éditions du Lombard entreprennent l’édition intégrale de l’excellente série Buddy Longway. Créée comme Yakari au début des années 70 par le seul Derib, cette série se veut en quelque sorte le pendant « adulte » de Yakari. Elle relate la destinée des Longway (Buddy, Chinook, Jérémie et Kathleen), une famille de trappeurs vivant au pied des montagnes rocheuses et dans les grandes plaines de l’Ouest. Entre nature sauvage et guerres indiennes, c’est avant tout une histoire d’amour superbe et violente qui s’est achevée en 2006 dans le 20ème album par la mort de Buddy Longway. Fait assez rare, Derib a choisi de faire vieillir ses personnages au fil de la série et de la terminer par la disparition de son héros. L’intégrale devrait compter en tout 5 volumes. Le premier est paru en début d’année et le second sort en juin. Vous pouvez foncer les yeux fermés.



Lu dans le cadre du Challenge BD 2010.


mardi 11 mai 2010

Cuisiner, un sentiment

Jachy Durand est chroniqueur gastronomique à Libération. Chaque jeudi, il passe en cuisine pour réveiller les papilles des lecteurs. Les éditions Carnets Nord ont eu la bonne idée de regrouper ses chroniques (plus quelques inédits) dans un recueil au titre on ne peut plus explicite : Cuisiner, un sentiment. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Entre souvenirs, rites, saisons, envies et lieux, tout part des sentiments. Et Jacky Durand expose avec talent le cheminement qui le pousse à cuisiner.

Chaque texte s’organise à peu près de la même façon. Tout commence par une introduction plutôt littéraire laissant se dérouler une très jolie écriture. On rentre ensuite dans le vif du sujet avec la présentation du produit du jour et surtout la recette qui va avec. A la fin de la chronique, le constat est sans appel. Le lecteur a faim !

Evidemment, Jacky Durand fait de la cuisine un plaisir en dehors de toute contrainte bassement matériel, loin des considérations terre à terre (du genre qu’est ce qu’on va faire ce soir avec ces gosses qui n’aiment rien ?) ou économiques (élaborer un menu régional en achetant les ingrédients sur les stands du salon de l’agriculture, je veux bien, mais il faut avoir le porte monnaie solide !).

Le chroniqueur de Libé est hédoniste, curieux, ouvert sur le monde. Tantôt salé, parfois furieusement sucré. Peut-être trop respectueux des grands classiques et des tours de main ancestraux, il est surtout passionné. Au final, le recueil oscille entre tradition et modernisme (même si l’on sent une réelle aversion pour la mode des verrines !) avec un seul véritable crédo : le plaisir avant tout. Celui de réunir les gens que l’on aime autour d’une bonne table ou, tout simplement, se faire plaisir en solitaire, égoïstement.

Quand la lecture devient à ce point gourmande et vous ouvre l’appétit, on ne peut que s’incliner devant ce mélange de gouaille et d’élégance. Savoureux.

PS : un mot sur la couverture du recueil qui est absolument hideuse et ne pourra jamais inciter qui que ce soit à saisir l’ouvrage posé à plat sur la table d’une librairie. L’illustration centrale censée représenter en très gros plan le cul d’une casserole n’est pas du tout parlante. Bref, c’est un gros raté et c’est bien dommage. Une dernière petite info en passant. Le tirage de départ de ce livre n’est que de 3000 exemplaires. Il sera donc peut-être assez difficile à trouver d’ici quelques semaines.

Cuisiner, un sentiment, de Jacky Durand, Carnets Nord, 2010. 246 pages. 17 euros.

L’info en plus : Carnets Nord est une jeune maison d’édition née en 2007. Son catalogue, riche d’une trentaine de titres, contient des essais, des romans, des chroniques, des carnets de voyages et des reportages au long cours. Un travail de qualité pour cet éditeur indépendant qui mérite que l’on se penche avec attention sur sa production.

vendredi 7 mai 2010

La valse des gueules cassées

Paris, printemps 1919. Un mystérieux tueur laisse derrière lui des cadavres aux visages atrocement mutilés. François-Claudius Simon effectue ses premiers pas d’enquêteur au 36 quai des orfèvres. Miraculeusement rescapé des tranchées, le jeune homme débute dans le métier par une affaire sordide où le meurtrier semble vouloir faire payer à ses victimes ce que la guerre lui a fait subir. Entre les traumatismes d’un passé tout récent, une vie affective à reconstruire et des collègues pas toujours sympa, François connaît un retour à la vie civile pour le moins difficile…

L’auteur est agrégé d’histoire. C’est un détail qui compte. Son Paris de la fin de la grande guerre est décrit avec une redoutable précision. Le boulevard Haussmann, les Tuileries, la zone de Saint-Ouen, le Val de Grâce et son étage réservé aux gueules cassées, les manifs ouvrières du 1er mai 1919… Il propose un voyage dans le temps très documenté et passionnant pour peu que l’on s’intéresse à cette époque.

Pour ce qui est du récit, la mécanique propre au polar est déroulée de façon classique et efficace. L’équipe de la brigade criminelle m’a plus fait penser au 87ème District d’Ed Mc Bain qu’aux brigades du tigre. Chaque inspecteur possède sa propre personnalité et le fonctionnement de la police est très clairement expliqué, y compris les débuts de la police scientifique et de ses experts de l’époque.

Les chapitres sont très courts, il y a beaucoup d’action et les dialogues sont bien menés. Bref, un très bon polar historique qui se dévore rapidement et pose les bases d’une série qui, je l’espère, continuera de proposer des épisodes de cette qualité. Il est d’ailleurs indiqué à la dernière page du roman que le second volume s’intitulera Le bal de l’Équarisseur. Tout un programme !

L’info en plus : La valse des gueules cassées n’est pas le premier polar de Guillaume Prévost. Il a déjà publié, toujours aux éditions Nil Les sept crimes de Rome (une histoire qui met en scène Léonard de Vinci dans l’Italie du 16ème siècle), L'assassin et le prophète (une enquête menée par un jeune philosophe juif à Jérusalem en l’an 6 après J-C) et Le mystère de la chambre obscure (où quand Jules Verne se fait détective dans la France du second Empire). Ces trois romans policiers ont été repris en poche aux éditions 10/18.

La valse des gueules cassées, de Guillaume Prévost, Éditions Nil, 2010. 19 euros.

mercredi 5 mai 2010

10 petits soldats

Ils sont dix. Dix petits soldats qui partent à la guerre la fleur au fusil, le sourire aux lèvres. Il y a Martin, Gégé, Jo, Laurent, Robert, Raymond, Rudolf, Jean et les deux autres dont on ne connaît pas le nom. Tour à tour, ils vont disparaître. Le dernier enlèvera son bel uniforme rouge et son grand chapeau noir. Il les déposera près de son fusil, et il partira.

Comme souvent chez Rapaport, le sujet est grave. Comme souvent chez Rapaport, le texte est minimaliste. Comme souvent chez Rapaport, les illustrations vous sautent à la gorge. Des doubles pages sur fond blanc, sans aucun décor avec du noir et du rouge comme couleurs dominantes. Le texte est écrit en gras, les dessins sont énormes, tout en nervosité. On a l’impression qu’il faut tenir l’album à bout de bras, l’éloigner des yeux pour mieux lire les images.

Il n’y a là aucune empathie pour les petits soldats appelés à partir les uns après les autres. Juste des prénoms. Après tout, ils n’avaient qu’à pas écouter la reine leur crier : « Courez donner votre vie ». On pense aux moutons de Panurge chers à Rabelais. Seule l’attitude du dernier, le déserteur, mérite que l’on s’y attarde. Finalement, lui seul semble avoir tout compris.

Qui a osé dire que les albums, c’est pour les bébés ? Lisez Rapaport et on en reparlera. Lisez 10 petits soldats, lisez Un homme. Faites lire Rapaport à des collégiens, ils vous riront peut-être au nez en voyant l’ouvrage mais ils vont vite comprendre que ce n’est pas une blague (j’ai fait lire Un homme à des 5ème, ça les a sacrément secoués). Tant qu’on est dans les références d’albums pour grands, vous pouvez rajouter Le phare des sirènes, de Rascal et Régis Lejonc, un des plus beaux albums sortis ces dernières années. C’est juste de la littérature. Il n’y a rien à rajouter.

10 petits soldats, de Gilles Rapaport, éditions Circonflexe, 2002. 32 pages. 13,50 euros. A partir de 8 ans.

L’info en plus : Le prochain album de Gilles Rapaport, L'homme invisible, sera un récit une fois de plus engagé sur le quotidien angoissant et riche d'espoir des exilés. L’ouvrage devrait sortir fin août aux éditions Circonflexe. Mon porte monnaie va encore se plaindre…



Lu dans le cadre du challenge Je lis aussi des albums,de Herisson08


lundi 3 mai 2010

Arsène Lupin : L'aiguille creuse

Arsène Lupin aurait-il enfin trouvé son maître ? Lors du cambriolage d’un château Normand, la nièce du propriétaire tire sur l’un des voleurs. Ce dernier n’est autre que le célèbre Arsène Lupin, celui-là même qui échappe à la police depuis des lustres. Se faisant passer pour mort, Lupin semble une fois de plus duper tous ses ennemis. Mais à la surprise générale, Isidore Beautrelet, élève de rhétorique dans un lycée parisien, découvre la supercherie avec une facilité déconcertante. Le jeune homme, sorte de détective surdoué, semble être le seul capable de déjouer les plans machiavéliques que Lupin met en œuvre depuis des années. Devenu la coqueluche des journalistes et de la police, Isidore va devoir assumer le rôle difficile d’adversaire numéro un du roi de la cambriole. Mais celui-ci a plus d’un tour dans son sac… Entre enlèvements, coups tordus et course au trésor, ce roman échevelé ne laisse aucun temps mort.


Une journée passée à Etretat aura suffit pour me donner envie de lire L’aiguille creuse. Un détour chez mon libraire préféré plus tard et me voici avec mon premier Arsène Lupin entre les mains. Certes le texte est un peu daté. Mais il n’empêche. La littérature populaire d’antan garde tous ses charmes. Le coté feuilletonnant, les rebondissements incessants, le héros qui retombe toujours sur ses pieds et semble indestructible (même si…). Les ingrédients qui ont fait le succès du genre se déroulent naturellement au fil du texte et l’engrenage se referme sur un lecteur pris au piège.

Arsène Lupin, Fantomas, Sherlock Holmes ou Harry Dickson, les personnages récurrents qui ont fait la gloire de leurs auteurs il y a à peine plus d’un siècle continuent de fasciner un contingent important de fans cherchant avant tout une lecture plaisir sans prise de tête. Bien sûr, l’intrigue est quelques fois tirée par les cheveux et l’on voit venir certains événements ou quelques grosses ficelles qui permettent à l’histoire de rebondir un peu artificiellement. Bien sûr, certains dialogues semblent un peu désuets. Mais qu’importe, cela reste de la bonne littérature populaire qui, aujourd’hui encore, continue d’inspirer de nombreux écrivains de contenter de nombreux lecteurs.

L’aiguille creuse, de Maurice Leblanc, Le Livre de Poche, 2009. 218 pages. 4 euros.

L’info en plus : l'édition intégrale des aventures d'Arsène Lupin, riche de dix-neuf romans ou recueils de nouvelles et enrichie de pièces de théâtre a été regroupée en trois volumes par les éditions Omnibus. Une belle occasion de réunir dans sa bibliothèque toutes les œuvres que Maurice Leblanc a imaginées pour le plus célèbre des gentlemen cambrioleurs.

vendredi 30 avril 2010

Travailler moins pour lire plus

L’île Turbin est dirigée d’une main de fer par le roi Dontontairalenom. Ce roi minuscule qui parle très fort n’a qu’un seul crédo pour ses sujets : il faut travailler plus !

L’île Turbin compte cinq montagnes. Chacune d’elle possède un profil particulier. Sur le mont Machin se fabriquent toutes les machines et outils qui vont permettre aux habitants de travailler alors que le mont Miam-Miam est le grenier de l’île sur lequel des agriculteurs plantent les aliments qui donneront la force de travailler davantage. Il y a aussi le mont Pin-Pon où l’on œuvre à maintenir la bonne santé de chacun. C’est notamment dans les laboratoires du mont Pin-Pon que sont conçus les fameux suppositoires-aux-orties, ceux-là même qui permettent aux « habitants de courir comme des lapins quand ils vont au travail le matin ». Reste le Mont-Royal, où se trouve la demeure du roi et, tout au bout de l’île, le dernier des cinq monts, le mont Boukiné. C’est de là que s’écoule la source des lettres, une rivière qui charrie un flot continue de consonnes et de voyelles. Les lettres sont récupérées par des écriveurs et des conteurs qui vont en faire des livres destinés à l’exportation. Car sur l’île Turbin personne ne lit. Pas le temps !

Mais un jour, le peuple se rebelle. Il veut lire ! Un slogan claque sur les étendards lors des manifestations : Travailler moins pour lire plus. Surpris, le roi Dontontairalenom ne sait comment faire face à la révolte populaire…

Un monde où l’on se bat pour lire ! Vous imaginez ça ? Alain Serres et Pef déroulent avec talent une histoire simple aux différents niveaux de lecture. Les enfants prendront ça au premier degré tandis que les adultes verront les clins d’œil appuyés à notre cher président et son supposé manque d’intérêt pour la culture. Tout cela pourrait manquer de finesse et apparaître simplement comme une dénonciation un peu maladroite et caricaturale. Mais ce n’est pas le cas. Le texte invite à des considérations plus générales sur l’équilibre entre travail et temps libre. C’est quasiment une réflexion philosophique sur le sens de la vie. C’est aussi un plaidoyer pour la lecture et le plaisir qu’elle procure.

L’album s’organise en double-pages où la couleur, très peu présente, est paradoxalement très significative. Au niveau des illustrations, on a connu Pef en meilleure forme. Son trait est très relâché. Je ne me permettrais de dire que ça sent un peu le travail vite fait et presque bâclé, mais je le pense. Quoi qu’il en soit, l’articulation texte/image est fluide et le plaisir de lire le texte à voix haute bien présent.

Peut-être un futur classique dont le titre s’étalera un jour sur le frontispice de toutes les bibliothèques de France !

Travailler moins pour lire plus, d’Alain Serres et Pef, édition Rue du monde, 2010. 56 pages. 12,50 euros. A partir de 6 ans.

L’info en plus : Le prochain album d’Alain Serres sortira début juin. Son titre ? Mandela, l’africain multicolore. Un album qui décrit la vie de Nelson Mandela, depuis son enfance jusqu'à son élection en Afrique du Sud en février 1990. Les illustrations seront signées Zaü, un illustrateur très à l’aise pour mettre en scène les paysages de l’Afrique (Jour de Noël à Yangassou / Léon et son croco / Penalty à Ouagadougou).

mercredi 28 avril 2010

Le Pacte des Marchombres tome 1 : Ellana

Après le massacre de ses parents alors qu’elle n’avait que cinq ans, Ellana est recueillie par les « Petits » (peuple isolé des forêts). En grandissant, Ellana n’a de souhait que de découvrir le monde des humains et retrouver ses racines. Commence alors pour elle un long périple semé d’embuches. La jeune femme attire vite l’attention des Marchombres et en particulier celle de Jilano Alhuïn, leur grand maître. Celui-ci décide de la prendre comme élève. C’est le début pour Ellana d’un long parcours initiatique qui sera l’occasion pour elle de faire de belles rencontres mais aussi d’affronter de nombreuses épreuves.

A priori la fantasy, ce n’est pas mon truc. Mais la réputation de Pierre Botero l’ayant précédée, c’est avec curiosité et envie mais aussi une certaine peur (d’être déçu) que je me suis plongé dans le premier tome de la trilogie du Pacte des Marchombres.

Ça commence comme un western à la Clint Eastwood (pionniers, caravane) puis on passe au seigneur des anneaux (les Raïs m’ont fait penser aux orques et les Petits aux hobbits), mais très vite, on bascule dans l’univers Bottero. Un monde emprunt de magie où l’humour n’est pas absent. L’écriture est fluide et rythmée grâce notamment à de courts chapitres. On plonge les yeux fermés dans « l’autre monde » à la suite d’Ellana. Les combats sont décrits de manière quasi cinématographique pour plonger le lecteur au cœur de la bataille. L’héroïne est attachante, vive, et fait preuve d’un courage à toute épreuve (trop ?). Les personnages secondaires ne sont pas négligés et contribuent à l’immersion totale du lecteur.

Seuls quelques détails m’ont quelque peu embêté, n’étant pas un amateur éclairé de fantasy. Par exemple, le manque de descriptions des non-humains ne m’a pas permis de me les représenter de manière originale sans penser à des références déjà connues. De plus, le schéma de l’histoire est somme tout assez classique : la recherche des ses origines et de la liberté à travers un parcours initiatique où les épreuves ne manquent pas.

Au final, un roman vraiment agréable. Pour une de mes rares immersions dans le genre fantasy (j’en était resté à Pratchett et Tolkien), je ne suis pas déçu. Le tome 2 est d’ailleurs prévu dans mes prochains achats.

Ellana, de Pierre Bottero, Le livre de poche, 2010. 400 pages. 7,50 euros.

L’info en plus : La trilogie du Pacte des Marchombres est publiée simultanément au format poche en deux versions : une version « jeunesse » éditée par Rageot et une version « adulte » publiée par le Livre de Poche. En fait, il semble que seules les couvertures changent. Les deux premiers tomes sont déjà parus. Le 3ème et dernier volume paraîtra courant mai (le 5 pour l’édition jeunesse et le 19 pour l’édition adulte).



Merci à Livraddict et au Livre de Poche de m’avoir permis de découvrir cet auteur.

mardi 27 avril 2010

Un joueur de poker

Antoine est un brillant informaticien sans ambition professionnelle particulière. Peu enclin à batailler dans un milieu où la concurrence fait rage, il se contente du même poste depuis des années et ne cherche aucunement à monter en grade. A la maison, c’est pareil. Sa compagne Pascale décide de tout, il ne fait que suivre le mouvement. Une indolence qui donne parfois l’impression à ses interlocuteurs d’avoir face à eux un « éternel étudiant dégingandé à l’humeur égale, indifférent à la plupart des événements. »

La vie d’Antoine est bouleversée le jour où il découvre le poker. Il trouve dans ce jeu où les statistiques sont aussi importantes que le facteur chance une raison d’exister qu’il n’avait jusqu’alors jamais connu. Cornaqué par son ami Louis, il développe des capacités d’analyse et de concentration exceptionnelles qui ne tardent pas à faire de lui un joueur de très bon niveau. De Paris à Las Vegas, Antoine va connaître une ascension fulgurante qui ne se fera pas sans embuches. Plus dure sera la chute…

Jean-Sébastien Hongre relève un pari difficile avec ce premier roman : abordé le thème du poker sans noyer le lecteur en surchargeant le texte avec le détail des parties et les descriptions ennuyeuses des nombreux coups joués au cours d’un tournoi. Le texte n’est ni une apologie ni une dénonciation du « phénomène poker ». Ce n’est tout simplement pas le sujet. Bien sûr, le personnage principal est un joueur de poker, mais il ne faut pas s’arrêter à cette caractéristique. C’est avant tout l’histoire d’un homme en souffrance qui cherche à donner un sens à sa vie au moment où tout s’écroule autour de lui (notamment et surtout sa vie conjugale). L’analyse psychologique proposée par l’auteur est à ce titre extrêmement réussie. Le processus qui va mener Antoine vers la folie est décrit avec justesse et l’enchaînement des événements est limpide. La plus grande réussite réside sans doute dans le fait que le lecteur est « embarqué » par le déroulement de l’intrigue et veut savoir comment tout cela va se terminer.

Bien sur, le roman souffre de quelques faiblesses. L’écriture est essentiellement psychologique et très peu visuelle. Les scènes se passant à Las Vegas manquent peut-être de descriptions plus « littéraires » qui auraient magnifiées l’aspect démesuré et complètement fou de cette ville unique. Par ailleurs, les ellipses nombreuses et très brutales (l’histoire avance parfois de plusieurs années en quelques lignes) gâchent un tantinet la fluidité du récit. Dernier point assez déplaisant, certains effets de dramatisation semblent un peu gratuits et n’apportent pas grand-chose à l’histoire (l’accouchement difficile ou la disparition de Louis).

Il n’empêche, pour un premier roman, Jean-Sébastien Hongre propose un texte de qualité, finement pensé et fort ambitieux. Saluons donc la naissance d’un écrivain auquel je souhaite une longue et belle carrière.

Un joueur de poker, de Jean-Sébastien Hongre, édition A. Carrière, 2010. 196 pages. 17 euros.

Merci à Livraddict et aux éditions Anne Carrière de m’avoir permis de lire ce livre dans le cadre d’un partenariat.

L’info en plus : les livres consacrés au poker ne sa cantonnent plus aux manuels techniques permettant d’apprendre à mieux jouer. Si le roman de Jean-Sébastien Hongre est la première fiction « psychologique » abordant le sujet, les éditions First ont publié fin mars le premier thriller écrit à quatre mains ayant pour thème principal le poker. Son titre ? Une partie en enfer. Ses auteurs ? Florian Lafani et Gautier Renault. Son pitch ? « De Boston à Paris, des plages de Nassau aux tables de poker de Las Vegas, bluff et ambition guident les trajectoires de Lars, Hugh et les autres... Autant d'individus qui participent sans le savoir à une seule et même partie » (4ème de couverture).

lundi 26 avril 2010

Les schtroumpfs T28 : la grande schtroumpfette

La schtroumpfette ne supporte plus les réflexions misogynes de ses congénères. Elle s’en va trouver le grand schtroumpf pour lui expliquer la situation. Ce dernier imagine un stratagème qui devrait faire évoluer les mentalités. Il invente un voyage impromptu chez le mage Homnibus et confie la direction du village à la schtroumpfette, au grand dam des autres schtroumpfs. Commence alors un difficile combat pour celle qui voudrait montrer à tous que ce n’est pas parce que l’on est une femme que l’on doit se contenter des tâches ménagères.

Comme souvent chez les schtroumpfs depuis le fabuleux Shtroumpfissime (1965), l’histoire pour enfants traite de problématiques sociales ou politiques qui permettent différents niveaux de compréhension selon l’âge des lecteurs. Après le tourisme de masse (Schtroumpf les bains), ce nouvel album aborde la question du féminisme. Le ton se veut évidemment léger (on n’est pas non plus dans un essai d’Elisabeth Badinter !), mais on décèle en filigrane la dénonciation de certains comportements machos typiques. Pour les enfants qui liront cet album au premier degré, les ingrédients qui ont fait le succès de la série sont réunis : l’humour, l’univers si particulier du village et les personnages emblématiques (de la schtroumpfette au schtroumpf à lunettes en passant par Gargamel, Azrael et bien sûr le grand schtroumpf). Petits et grands y trouveront donc leur compte.

Après quelques épisodes assez médiocres (Salade de schtroumpfs ; Un enfant chez les schtroumpfs) Thierry Culliford, le fils de Peyo, a su redonner à cette incontournable série du patrimoine de la BD franco-belge des scénarios de qualité. A la différence de beaucoup de grands classiques des années soixantes qui ne sont plus que des filons exploités de façon purement mercantile depuis la disparition de leur créateur (Lucky Luke, Astérix, Spirou et Fantasio…), les schtroumpfs ont su garder leur âme. C’est un exploit à souligner et un exemple à suivre.

Les schtroumpfs T28 : la grande schtroumpfette, de Peyo, édition du Lombard, 2010. 48 pages. 9,95 euros.




L’info en plus : Pour fêter les 50 ans des schtroumpfs, un coffret regroupant 10 dix mini-albums est sorti en fin d’année dernière. Dix aventures qui ont marqué autant d’étapes importantes dans la carrière des célèbres personnages de Peyo composent cette série collector au format idéal pour les petites mains : «Les Schtroumpfs noirs», «La Schtroumpfette», «Les Schtroumpfs et le Cracoucass», «L’Apprenti Schtroumpf», «Les Schtroumpfs Olympiques», «L’étrange Réveil du Schtroumpf Paresseux», «Le Schtroumpf Sauvage», «La Menace Schtroumpf», «Le Sctroumpf Reporter» et «Salade de Schtroumpfs». Un cadeau certes un peu cher (59 euros) mais qui ravira les petits lecteurs amoureux des schtroumpfs. En plus, dans une bibliothèque, c’est toujours super joli de voir un beau coffret (les 10 petits livres rangés dans l’ordre dessinent une frise du plus bel effet).

vendredi 23 avril 2010

Le journal d’aurore T3 : rien ne va plus

Résumer la vie d’Aurore est un pari bien insensé. Pensez-donc : une vie d’ado, forcément mal dans sa peau, qui en veut à la terre entière. Entre les copains, le lycée et la famille, elle trouve de nombreuses occasions de remplir son journal intime, et tout le monde en prend pour son grade. Ses relations avec sa mère son très tendues. Sa sœur cadette, Sophie est une petite peste qui a tout de la première de la classe. Quand à son aînée Jessica, elle vient de se marier et a eu une petite fille, Rosette. Pour Aurore, l’année de seconde n’est pas simple. Elle est nulle en histoire géo et déteste lire, d’où des soucis terribles avec ses profs de français. Il n’y a qu’en maths qu’elle se distingue : jamais une note en dessous de la moyenne dans cette discipline. Heureusement, il reste la musique. Aurore est chanteuse dans un groupe où tous les musiciens sont des garçons. Mais il n’est pas toujours facile de faire sa place parmi tous ces mecs. A 15 ans, c’est le moment des grands changements : premier concert, première cuite, premier véritable amour et première prise de conscience politique… la vie quoi !

Si je devais qualifier ce texte, je choisirais l’adjectif « gouleyant » : c’est rafraîchissant et ça coule tout seul. La forme du journal permet de lire en picorant. Quelques pages par-ci par-là, puis on repose le bouquin pour le reprendre quand on a cinq minutes. L’air de rien, on a lu 100 pages sans s’en rendre compte et surtout sans s’ennuyer une seconde. Aurore est souvent drôle, parfois insupportable. Ses réflexions sont à la fois naïves, futiles, profondes ou touchantes. Bien sur, on peut faire quelques reproches. Comment une élève si médiocre en français peut-elle si bien écrire ? Et puis quelques situations peuvent sembler caricaturales, notamment celles concernant les relations parents/ados. De toute façon, Marie Desplechin n’a sans doute pas cherché à faire d’Aurore l’archétype de l’adolescente du 21ème siècle. Ce n’est qu’un « spécimen » parmi tant d’autres. Et force est de reconnaître que la vie de ce spécimen-là vaut la peine d’être découverte.


Le journal d’aurore T3 : rien ne va plus, de Marie Desplechin, édition L’école des loisirs, 2009. 326 pages. 11 euros. Dès 12 ans.