Dodji, Camille, Yvan, Terry et Leïla sont seuls, désespérément seuls. Ils se sont réveillés un matin et tout le monde avait disparu : plus de parents, plus aucun adulte, plus de télé, de téléphone ou d’internet. Ces cinq là se sont rencontrés par hasard (vraiment ???) et ont dû, par la force des choses, faire cause commune. Ensemble, ils ont affronté des tigres, des rhinocéros et des singes, un serial killer adepte des couteaux et un nazillon qui a voulu devenir leur chef. Ils ont exploré la zone rouge, cet endroit où, semble-t-il, se trouve la clé du mystère. A la fin de ce premier cycle, bien des questions restent en suspens, même si un large coin du voile a été levé…
Vehlmann l’avoue, inspiré par le roman Sa majesté des mouches de William Golding, il a au départ simplement imaginé des gamins se retrouvant un jour dans un monde de liberté absolue. Tout est permis : on pille les magasins de jouets, on joue avec des armes à feu, on conduit des voitures dans des rues désertes… La ville entière devient un terrain de jeu que les enfants s’approprient avec facilité. Deuxième élément important, les rapports humains. Comment chacun, avec sa propre personnalité, parvient à trouver sa place. Des moments de complicité succèdent à ceux plein de tension, voire de violence. Il faut dire que le casting est très étudié : Dodji, le gamin malmené par la vie, Leïla le garçon manqué, Yvan le premier de la classe, Terry, le « bébé » du groupe et Camille, la gentille petite fille bien sage qui adore les animaux. Au fil des épisodes, les caractères s’affirment et les situations sont de plus en plus noires... La violence est présente mais jamais gratuite, le sang coule et certains personnages meurent. Vehlmann est coutumier du fait, il n’hésite jamais à malmener ses lecteurs (pour vous en convaincre, lisez-donc Jolies ténèbres paru l’année dernière. La BD la plus « dérangeante » que j’ai lu depuis des lustres).
Reste la question de la fin. A mes yeux, elle ne pouvait être que décevante et c’est le cas. De toute façon, il ne pouvait pas y avoir trente-six manières d’expliquer la disparition des adultes (ne comptez pas sur moi pour les énumérer !). D’ailleurs le scénariste reconnaît qu’en créant cette histoire, il ne s’est pas demandé comment tout le monde s’était volatilisé…
Au final, ce pemier cycle forme quand même une œuvre cohérente et d’une rare densité pour une BD destinée à la jeunesse. Et puis graphiquement, Gazzotti assure. Du très classique franco-belge plein de rondeur et en même temps des aspects réalistes qui rendent l’intrigue crédible. Un découpage où la caméra est toujours parfaitement placée pour offrir le meilleur rendu possible et des scènes actions d’un dynamisme incroyable.
Seuls est à l’évidence devenue en l’espace de cinq albums une série majeure. Mais la tournure prise par l’intrigue à la fin de ce cycle laisse présager une suite qui risque d’être un ton en dessous. A moins que la talentueux Vehlmann ne parvienne à sortir de son chapeau un inattendu coup de théâtre dont il a le secret.
Seuls, l’intégrale du cycle 1, de Gazzotti et Vehlmann, Dupuis, 2010. 265 pages. 30 euros.
L’info en plus : Seuls est une série qui a connu un succès critique et commercial exceptionnel (Prix Jeunesse à Angoulême, Prix des lecteurs du Journal de Mickey, plus de 100 000 exemplaires du tome 1 vendus). D’ailleurs, cette intégrale sortie il y a 15 jours est déjà épuisée chez l’éditeur. Il y en a peut-être des piles entières dans les grandes librairies mais si votre librairie n’en n’a plus en stock, il ne pourra pas vous le procurer avant les fêtes.
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